lundi 13 avril 2020

Il est des hommes qui se perdront toujours de Rebecca Lighieri

2019 
Il est comment le nouveau Rebecca Lighieri ? Un peu décevant.
La critique s'enflamme pour ce nouveau roman de Rebecca Lighieri ( cf "Le masque et la plume" du 12/04/20) mais quelques questions viennent effleurer l'esprit du lecteur habituel ( voire inconditionnel) de l'auteure. 
Si ses précédents romans ont reçu un bon accueil critique, leurs chroniques étaient souvent reléguées dans des coins de page, oui, là, en bas à gauche, coincées contre une pub pour le nouveau Martin-Lugand ou Ruffin. 4 étoiles  mais pas de pleine page ! Mais Rebecca Lighieri publie également et surtout sous le nom d'Emmanuelle Bayamack-Tam, trustant elle aussi des critiques dithyrambiques en pleines pages des journaux qui comptent sans pour autant connaître la gloire, mais a, grâce au prix du livre Inter pour "Arcadie" en 2019, connu enfin l'éclairage qu'elle méritait depuis longtemps. Juste avant cela, "Les garçons de l'été", son deuxième roman publié sous le nom Lighieri, a connu un beau succès ( justifié) dans son édition de poche, suite a une belle promo des éditions Folio. Avec une telle conjoncture favorable, Rebecca/Emmanuelle se voit désormais rangée au rayon des auteur(e)s qui comptent, la publication de " Il est des hommes qui se perdront toujours"  fait un peu figure d'événement et permet donc à nos critiques tant aimés de pousser des hurlement de bonheur sur ce roman. 
Pourtant, pour un lecteur assidu de cette auteure, la lecture du Lighieri 2020 reste un peu décevante en regard de sa production passée. Bien sûr nous retrouvons les quelques points saillants qui font le charme et la force de ses ouvrages précédents, cette absence de clichés quand il s'agit de dépeindre une ville ( ici, chapeau... car c'est Marseille qui sert de décor !) ou des personnages souvent ados, ingrats ou mal dans leur peau ( ici des gitans et des habitants des quartiers Nord). Bien sûr, on retrouve aussi un peu de sa verve à aborder la sexualité de façon simple et sans fard tout comme de décrire les souffrances endurées à cause d'un milieu familial défaillant. 
Mais...car il y a un mais...on ne retrouve pas entièrement la causticité de l'auteur, cette façon décapante de nous mettre face à une réalité déroutante ou que l'on voudrait cacher. Des thèmes forts y sont abordés, comme l'enfance maltraitée, la misère sociale, le racisme ordinaire, mais sans ce regard à l'humour assez féroce qu'habituellement elle posait, préférant le sérieux d'une fresque familiale, par moment un peu cousue de fil blanc et surtout  une intrigue quasi systématiquement désamorcée par l'annonce de rebondissements qui se produiront quelques chapitres plus loin. 
Les pages se tournent agréablement car l'auteure a un réel talent, mais l'intérêt décroît petit à petit, un sentiment de lire une future adaptation télévisuelle vient brouiller cette histoire que quelques rebondissements un peu faciles rend de plus en plus improbable, comme si le méchant syndrome "Plus belle la vie" avait frappé Rebecca Lighieri.... 

🔆🔆🔆/5

vendredi 3 avril 2020

Bled de Charles-Baptiste

En cette période de confinement, où l'industrie culturelle est quasi à l'arrêt, il ne reste que les films en VOD ou la musique pour générer un peu de trafic, la digitalisation ayant parfois du bon. Malgré l'annonce de beaucoup de sorties d'albums reportées à des jours plus cléments, en surfant sur le web, au fons du fond du catalogue Deezer, on trouve nombre de chanteurs-ses qui ont lancé de nouveaux titres en cette période incertaine. Pas certain que l'on trouve ce printemps la Clara Luciani de 2020 mais quelques voix, quelques mélodies m'ont accroché l'oreille. Aujourd'hui, je m'arrêterai sur Charles-Baptiste ...
Alors, comment dire, ... ce n'est pas un vrai coup de foudre pour la production lyrique de ce trentenaire, mais indubitablement, il y a un bon mélodiste derrière ce nom et l'ensemble de son oeuvre, ne laisse pas indifférent. Revenons en arrière...
En 2012, Charles- Baptiste apparaît avec un premier EP et un premier clip sobre au titre accrocheur : "Piquez-moi avant".

Les cheveux de Michel Berger, quelques pincées de Delerm ou de Sheller, Charles-Baptiste, auteur, compositeur interprète, la voix bien timbrée, semble quand même sortir de quelques lycée catho de Neuilly et entre deux cours de droit à Assas, s'essaie à la chanson de variété avec un côté décalé propre à cette pop française des années 2010. On notera les lunettes aux montures peu banales, mais plus proches de celles de Patrick Topaloff que d'Elton John... Curieux... mais il y a quelque chose ...
Après une reprise de "Get lucky" des Daft Punk , voici un deuxième clip tout aussi décalé, où ce natif d'Oloron Sainte Marie ( comme quoi...) continue de jouer sa petite provoc sur une mélodie jouant avec tous les codes de la variété ... Il annonce la sortie de son premier album en 2013. 




Et puis, malgré un certain succès critique ( les Inrocks aiment !), Charles-Baptiste échappe quelques années au radar et on va le retrouver en 2017. Au placard  le foulard et le costume, le voici plus sexy, jean et chemise largement ouverte sur un torse offert aux caresses d'une jeune femme pour le clip " Selfie".  Le titre fait référence à un vieux tube de Magali Noël ( écrit par Boris Vian) et peut être aussi à Jeanne Mas. Mais juste avant le déferlement Meetoo, les paroles un peu brutes ( même fredonnées sur des nappes douces de synthé) ne sont plus trop dans l'air du temps, et ce n'est pas encore cette année ( référence à un de ces premiers promettant un succès prochain du chanteur) qu'aura lieu le décollage vers la gloire.


Après quelques duos ( assez réussis) avec divers artistes un peu undergrounds, le revoici cette année avec un deuxième album ( sortie annoncée le 17 avril) et surtout un nouveau clip " Bled". La maturité semble là, la barbe apparaît, il a changé de lunettes mais toujours avec monture XXL. Le titre, à la belle mélodie planante accroche par sa singularité , ... Alors, en route vers la reconnaissance ? Allez savoir...mais on peut quand le lui souhaiter !




jeudi 2 avril 2020

Richesse oblige de Hannelore Cayre



L'auteure de "La Daronne" est de retour, avec son franc-parler, son humour grinçant, son regard acéré sur la bourgeoisie mais aussi sur les moyens de tirer profit de notre système judiciaire. Sur ce dernier point, qui était au coeur de son précédent roman et qui occupe également une partie de celui-ci, on sent un peu le filon. Mais comment reprocher à quelqu'un, grouillot ou presque de cette lourde machine qui recèle en son sein moult secrets, de ne pas s'en servir, certes en se jouant de l'illégalité, pour essayer de rendre la justice à sa façon ? On retrouve donc ce côté immoral qui faisait la saveur de son précédent ouvrage, mais avec un angle vraiment différent et sans doute beaucoup plus anti bourgeois.
Le thème principal de "Richesse Oblige" est une enquête généalogique qui va nous faire remonter jusqu'en 1870, le roman alternant entre cette époque, moment trouble qui verra l'enrichissement d'une famille sans l'ombre d'un scrupule, et aujourd'hui avec une descendante de cette famille, qui a hérité toutefois d'un même manque de scrupules et qui s'interroge sur ses origines. On y retrouve donc, en alternance un roman historique qui s'essaie au parallèle avec aujourd'hui et la chronique d'une vengeance qui enquille tous les problèmes de notre société actuelle avec plus ou moins de bonheur. Et c'est peut être dans ce trop plein, cette volonté de tout englober dans une histoire, où le roman perd un peu de punch. Il reste toutefois un regard mordant, narquois et drôle sur cette bourgeoisie décomplexée quelque soit l'époque et une héroïne principale très attachante, au franc parler. Et à un moment où un confinement nous oblige à supporter des discours et des commentaires lénifiants, la verve et la prose d'Hannelore Cayre nous réconcilie avec l'humain ! C'est toujours ça de pris !

🌞🌞🌞/5