lundi 28 juin 2021

Ibrahim de Samir Guesmi


  Grand triomphateur du dernier festival du film francophone d'Angoulême ( grand prix, prix de la mise en scène, de la meilleure musique et du scénario(!)) ainsi que du festival Premiers Plans d'Angers ( c'est un premier film), autant dire que Samir Guesmi, excellent acteur, déchaîne un indéniable courant de sympathie dans le métier. "Ibrahim" sort sur les écrans avec une excellente rumeur. 

Le film nous plonge dans le quotidien âpre d'un père écailler dans une brasserie qui rêve de passer serveur quand il pourra enfin se payer le dentier adéquat pour pouvoir sourire à la clientèle. Il vit seul avec son fils un adolescent en lycée professionnel qui n'est pas à l'abri de quelques mauvaises rencontres.... Dans sa première partie, le film décrit bien les rapports distants entre ces deux taiseux, deux générations qui se confrontent. Le père veut se fondre dans la masse, le fils lui se cherche et tel un insecte attiré par la lumière ( l'argent et tout ce qui brille) va se cogner à la vie en accumulant les coups foireux que le père devra réparer. Peu de dialogues dans le film, juste une caméra qui capte parfaitement un Paris proche du périph et le parcours initiatique de cet adolescent buté, pas très malin et qui a se démène comme il peut avec son envie de grandir et de prouver quelque chose à son père. Nous sommes pas loin du cinéma de Philippe Faucon, un réalisme social d'où émerge une certaine douceur envers ses personnages. 

"Ibrahim" vise juste, filme calmement et sobrement mais, patatras, dans le dernier tiers, se dilue dans une amourette et un rebondissement des plus improbables, cassant la belle dynamique du début. On sent bien la difficulté à finir cette histoire et l'option choisie laisse de marbre voire pantois. Dommage pour ce dernier tiers raté qui éclipse un peu trop l'intérêt ressenti au début. On retiendra un joli regard de cinéaste, une attention douce portée à des personnages pas du tout caricaturaux. C'est déjà pas mal....mais tous ces prix? Est-ce bien raisonnable ? 



dimanche 27 juin 2021

Indes Galantes de Philippe Béziat


 Après son fameux court-métrage 'Indes galantes" sur le tube de Jean-Philippe Rameau "Les sauvages" tiré de l'opéra du même nom, Clément Cogitore se voit proposer par l'Opéra Bastille de mettre en scène la totalité de l'oeuvre ( 3h50). 


Indes galantes de Clément Cogitore ( 2017)

Le documentaire autour de cette création unique qu'en a tiré Philippe Béziat est bien plus qu'un making off, mais bien un film à part entière, formidable concentré politique autour d'une prise de la Bastille culturelle qui a pu échapper aux néophytes de l'art lyrique ou du grand public en général. 
Petit rappel des faits : 
En 2017, suite à son court-métrage, Clément Cogitore, artiste contemporain et cinéaste, commence son travail d'adaptation des "Indes Galantes", la replaçant à notre époque et en intégrant dans sa mise en scène 30 danseurs de hip hop, de Krump, bref de danses dites urbaines ( en gros, pour le bourgeois, de banlieue...). Deux ans de travail pour arriver en septembre/octobre 2019 à 15 représentations qui vont enthousiasmer le public,  diviser la critique et donner une vraie gifle de modernité à l'opéra, genre où il y règne plus de puristes traditionnels que dans n'importe quel milieu conservateur.  
Le film de Philippe Béziat nous raconte cette aventure autant humaine qu'artistique par le biais du regard des danseurs. Et ce regard est celui d'hommes et de femmes qui pénètrent dans un univers qui leur était fermé à double tour. A-t-on déjà vu des danseurs de rue ( de banlieue, de couleurs ) fouler la scène d'une institution telle que l'Opéra Bastille et de se mêler  aux chanteurs lyriques et au choeur? Ils l'investissent avec rigueur, confiance envers le metteur en scène et la chorégraphe Bintou Dembélé qui met en évidence leur immense talent. Et la greffe prend, le choeur se mélange aux danseurs, aux musiciens  et aux chanteurs pour aboutir au final à un spectacle totalement moderne, nouveau, fascinant. Les danseurs ne sont pas dupes. Ils savent bien que les puristes ne laisseront pas l'opéra se laisser envahir . "On a mis le pied dans la porte de l'ascenseur, pas certain qu'elle s'ouvrira " dit très justement un danseur. Le film est monté comme un opéra avec différents mouvements, des plus lents, des plus forts et se termine en une tempête enthousiasmante, très émouvante et symbolique, poings levés. Une sorte de prise de la Bastille contemporaine, dont on espère que l'aura révolutionnaire, qui n'est pas immédiat, infusera profondément. 
"Indes Galantes", véritable plaidoyer pour la modernité et surtout la beauté de la diversité et de tous les mélanges, emporte le spectateur par de multiples entrées autant documentaires (sur le montage d'un opéra et de toute l'énorme machinerie tant humaine que technique qu'elle met en branle) qu'artistiques ( on y danse, chante et joue beaucoup de musique) qu'émotionnelles (le propos infiniment humaniste et progressiste touche au plus profond). Un grand film !





samedi 26 juin 2021

La Bourse du commerce / Pinault Collection/ouverture


 La Bourse du Commerce, nouveau lieu d'exposition du mécène et collectionneur François Pinault, est l'endroit à Paris qu'il faut avoir vu ! Quelques minutes avant l'ouverture du lieu ( 11h cela permet de bruncher et de s'apprêter sans se presser), la file s'allonge autour du bâtiment circulaire du 1er arrondissement de Paris, mélange hétéroclite de dames des beaux quartiers, teintées, lustrées avec juste ce qu'il faut de décontraction et de sophistication et de touristes harnachés de sacs à dos et chaussés de grosses pompes sportives colorées. 

Nous sommes accueillis par la fresque colorée de Martial Raysse dont la contemplation en profondeur nous permet de saisir que cette humanité à l'apparence festive cache bien tous les maux de notre époque. Le peintre s'est représenté dans un coin du tableau, grimaçant, donnant son sentiment sur ce monde qui danse devant le vide (ou sur ce qui peut attendre le visiteur sur la suite de l'exposition ? ). 

Martial Raysse , Ici Plage, comme ici-bas, ( détail) 2012

Nous nous dirigeons ensuite vers le coeur du bâtiment et pénétrons dans un couloir circulaire où d'anciennes vitrines à carcasse bois du lieu retrouvent vocation à présenter ... les oeuvres de Bertrand Lavier qui essaient d'interpeler le visiteur sur des objets communs  présentés ou accolés de façon hybride ou décalée. Comme la perplexité fait partie de la visite de toute exposition d'art contemporain, il semble évident que cette série de 24 propositions suscite un intérêt où se mélangent ricanement, étonnement, indifférence et parfois questionnement... 


Bertrand Lavier 

Soyons franc, on ne s'attarde pas tout de suite sur ces oeuvres mais on se dirige d'un pas pressé vers le coeur du musée, le grand espace circulaire qui permet d'admirer la coupole de verre ( blanc), l'ancienne fresque très figurative dédiée au commerce, la rénovation de Tadao  Ando toute de béton brut  ( gare à celui qui ne perçoit pas la poésie du béton brut et son aspect ludique dans un tel lieu) et... l'oeuvre monumentale sensée s'imposer ou tout du moins créer un premier choc aux visiteurs. L'artiste Suisse Urs Fischer nous propose une installation de différents éléments en cire, programmés à se consumer au fil des jours. Au centre, se dresse une reproduction de lL'enlèvement des Sabines de Giambologna , et autour on trouve 7 sièges et un portrait en pied d'un monsieur bien habillé ( en fait un ami de l'artiste, Rudolf Stingel). C'est curieux, pas spécialement spectaculaire. Seuls les différents concepts évoqués, impermanence, fuite du temps, désastre destructif ou création réduite à l'anéantissement inévitable attisent la réflexion. 


Urs Fischer( détail) Rudolf Stingel ...En fond les panneaux de béton avec petits trous de Tadao Ando

Mais le gros de l'exposition se trouve au premier étage ( et au sous-sol pour des installations plus...hermétiques mais qui font appel à nos sens ...Pierre Huyghe  et ses brumes lumineuses et un polyptique acoustique de Tarek Atoui). Que dire des oeuvres qui nous sont présentées? Outre le fait qu'elles soit pour la très grande majorité figuratives, il se dégage d'elles un écho de notre monde actuel et de tous les mouvements sociaux ou politiques qui le traverse. On sent un parfait équilibre entre artistes, quel que soit le genre mais aussi la couleur. D'ailleurs, et ce n'est pas anodin, de nombreux tableaux représentent des hommes ou des femmes de couleur, donnant enfin le sentiment d'une humanité multiple et vibrante. Selon sa propre sensibilité, on sera plus ou moins impressionné ou ému par ce qui nous est proposé, entre autre par :

Les grandes toiles vraiment spectaculaires de Rudolf Stingel ( celui croisé en cire à l'étage du dessous)

Rudolf Stingel Untitled( Paula) 2012 ( oui c'est une peinture!)

les portraits faussement attendrissant de Claire Tabouret, 

Claire Tabouret, Self-portrait at the Table, 2020

les toiles inquiétantes voire mystérieuses de Miriam Cahn,


Miriam Cahn, o.t. 2014

ou les adolescents d'Antonio Obà, véritable ode au naturel et à la nature, 

Antonio Obà, Sesta, 2019
Le parcours vous fera bien sûr croiser d'autres artistes connus ou pas,  des photographies de la célébrissime Cindy Sherman ou des oeuvres de Martin Kippenberger ou Marlène Dumas ainsi que de jeunes artistes ici mis en lumière. 
Le bâtiment mérite bien évidemment le coup d'oeil mais au final, ce sont bien les oeuvres exposées, qui par leur diversité mais aussi par cette envie politique de décrire le monde d'aujourd'hui, rendent cette visite particulièrement intéressante et vivifiante. François Pinault milliardaire militant ? Oui, quelque part c'est un peu vrai, en tous les cas il en donne l'image, même si c'est dans un univers où l'argent l'emporte toujours au final... 

samedi 19 juin 2021

Gabrielle Chanel , manifeste de la mode


 Une foule essentiellement féminine, gentiment rangée sur le trottoir devant le palais Galliera, patiente pour pénétrer dans l'exposition dédiée à Gabrielle Chanel. Les hommes sont rares contrairement aux sacs griffés de la fameuse marque que l'on a sortis du dressing afin d'être totalement raccord avec le lieu. On repère également des ballerines deux couleurs tout aussi en harmonie et quelques deux C entrecroisés ornant des oreilles. 

L'exposition du musée de la mode se consacre uniquement au travail désormais légendaire de Gabrielle Chanel dite Coco, pas de celui de son successeur Karl et encore moins de la vie privée de la redoutable papesse de la mode. Divisée en deux parties bien distinctes, une à chaque étage, correspondant aux deux époques de la maison de couture, nous sommes accueillis dans un couloir sombre où sont exposés les premiers modèles de la créatrice. Nous avançons à petit pas car il y a foule dans un espace étroit... Il faut dire que les modèles présentés, datant pour les premiers des années 1910, attirent l'oeil par leur modernité et, si l'on scrute bien, par l'étonnante complexité de découpes cherchant à gommer au maximum poitrine et ventre de la cliente. Apparaît ainsi un vrai travail de réflexion autour du vêtement, de son usage et de la ligne qu'il doit donner. Comme il y une foule avançant à la queue leu leu, on a grandement le temps et de regarder correctement robes et manteaux ainsi que d'entendre les souvenirs persos des visiteurs rappelant  une tante qui s'habillait en Chanel ou un grenier dans lequel on a retrouvé des tailleurs ayant appartenu à la grand-mère. On déplorera toutefois un éclairage, sans doute conçu pour mettre en valeur ce qu'il expose, qui projette systématiquement l'ombre du visiteur sur les cartels, obligeant  ceux qui les lisent à une étrange contorsion pas toujours gracieuse. Les modèles présentés, nombreux, variés, faussement simples ou simplement luxueux de par les tissus, broderies ou découpes, sont autant une plongée dans le temps que la représentation parfaite de celle qui a contribué à libérer le corps des femmes ( riches). On y rencontre la fameuse petite robe noire (1926) mais aussi le fameux numéro 5 créé en 1921. La guerre arrive, la maison Chanel ferme ses portes et nous, public de l'exposition, descendons d'un étage pour admirer la deuxième partie de la vie de cette déjà prestigieuse marque qui, à cause de quelques fréquentations hasardeuses de sa créatrice durant la guerre, ne rouvrira qu'en 1953. 

C'est la période où va naître le fameux tailleur Chanel en tweed. C'est d'ailleurs l'élément le plus important du sous-sol dans lequel on se trouve, le modèle nous est présenté sous toutes les variations possibles, jusqu'à plus soif. D'ailleurs, le public s'attarde moins, lassé par cette répétition d'un vêtement qui finit par être daté, vieillot et dadame. On commence à sentir que Mlle Chanel se faisait vieille, n'était plus tout à fait de son temps... Il n'y a qu'à voir les quelques modèles de la collection de 1968, robes sages de débutantes  qui montrent combien la désormais assez acariâtre Gabrielle Chanel, ne sentait plus rien de son époque et restait accrochée à de vieilles valeurs. Si le tailleur reste iconique, cette deuxième vie de la maison Chanel reste moins (im)pertinente que la précédente, seules peut être les robes portées par Delphine Seyrig dans le film d'Alain Resnais " L'année dernière à Marienbad" procurent un moment d'émotion sans doute dû plus à la magie du cinéma et de la comédienne que par la création de la couturière. 

Les passionnés de la maison, les fans de couture trouveront sans doute du plaisir à visiter quelques décennies de la création de cette maison célèbre ( remagnifiée depuis par Karl Lagerfeld et Virginie Viard). On pourra aussi y voir l'éclat d'une jeunesse créatrice et la lente retombée dans un conformisme vieillot. Ainsi va la mode et ses créateurs, même chez Chanel... 




vendredi 18 juin 2021

Seize printemps de Suzanne Lindon


 Prenons deux adolescentes de 15 ans ( presque ) au hasard : Suzanne Lindon ( Paris) et Suzanne Londin ( Saubusse ...dans les Landes). Toutes les deux éprouvent le même mal de vivre, l'impression de ne pas être bien dans leur époque ou avec les gens de leur âge. La première, fille de comédiens célèbres et adulés, va coucher son spleen dans l'écriture d'un scénario. La deuxième, fille d'infirmiers, va découvrir une petite passion dans la lecture et chasser l'ennui en dévorant tout ce qui lui tombe sous la main. Une fois leur bac réussi brillamment, l'une, via le lycée Henri-IV ( Paris) et l'autre via le lycée de Borda ( Dax),  vont mettre à profit cette adolescence pour monter un projet qui lui tient à coeur, histoire de se sentir exister. Suzanne Lindon va trouver une productrice pour tourner son premier film à 20 ans, obtenir 200 000 euros, engager des comédiens Dominique Besnehard, deux de la Comédie Française), obtenu un soutien de la maison Chanel et vogue la galère. De son côté Suzanne Londin décide de mettre sa passion de la lecture en vidéo en donnant son avis sur ces lectures via Youtube et en intégrant une classe prépa littéraire à Bordeaux. 

Une pandémie plus tard, le film de Suzanne Lindon obtient un label Cannes, finit par sortir sur les écrans avec la promo inhérente dans les médias qui comptent ( beau passage chez "Quotidien" émission produite par Laurent Bon également coproducteur du film) et sa réalisatrice devient célèbre en une semaine.  La petite chaîne Youtube de Suzanne Londin, trop éloignée du traitement de la production littéraire mainstream, réunit autour de 450 vues par vidéo, pas assez pour être une influenceuse. Cependant, son travail en classe prépa lui a permis de réussir le concours d'entrée à l'Ecole Normale Supérieure. Question : qui est, sera, la plus heureuse? 

La réponse peut apparaître évidente. Face à une fille de stars, sacrée star elle même ( ça va très vite de nos jours)  et devenue depuis égérie de la marque Céline,  une normalienne qui planche quotidiennement sur les écrits de tous les grands écrivains, il n'y a sans doute pas photo... ou plutôt si, car en y regardant de plus près, un mot peut les réunir et faire la différence : exposé. Suzanne Londin fait des exposés ( des mémoires) et est notée par son prof  ne s'exposant qu'à quelques commentaires que l'on peut prendre pour formateurs. Suzanne Lindon, son exposé est un film.... donné au jugement des pros mais aussi des spectateurs. Si les pros peuvent se montrer bienveillants pour cette première oeuvre, dont le qualificatif de " fragile" cache pudiquement un film pas terrible, beaucoup ont quand même souligné l'inanité de l'ensemble, les spectateurs, eux, risquent de se montrer plus impitoyables devant le spectacle proposé ( on aime à notre époque casser du fils/fille de). Le baptême du feu a commencé pour Suzanne Lindon avec un haro des féministes suite à des déclarations sur France Inter, mais je pense que le pire reste à venir.... quand son "Seize printemps" aura été vu. Franchement, on peut se poser des questions en voyant la chose : histoire au bord de l'insignifiance, situations improbables, dialogues même pas niais juste d'une platitude extrême. Le film reprend des codes de "Diabolo menthe" ici, diabolo grenadine et une jolie chanson, Vincent Delerm remplaçant Yves Simon à la composition.  Suzanne Lindon joue aussi avec son image, rappelle celle de Charlotte Gainsbourg dans L'effrontée" mais évite le côté narcissique avec un gracieux mélange d'apparente timidité et de fragilité ainsi que toute ambigüité quant au côté relation trouble entre une adolescente et un homme presque quarantenaire. On reste quand même pantois devant cette chose plus qu'anodine, même si on peut sauver la scène de danse à la terrasse du bar, joli moment gracieux ( repris en intégralité sur Youtube) mais qui ne justifie pas le label Cannes 2020 trop généreusement attribué  (Thierry Frémaux est remercié dans le générique). 

Franchement, une fois que le film aura été vu, je ne pense pas que le sort de Suzanne Lindon soit enviable, star peut être, des euros par milliers aussi mais au prix de moqueries, de méchancetés, de critiques pas aimables sur son film raté et pas prometteur pour deux sous. Il vaut mieux alors mille fois l'anonymat de Suzanne Londin ou alors, ces personnes de part leur milieu d'origine sont blindées et d'une nature quasi inhumaine. 



mercredi 16 juin 2021

Au coeur des abstractions, Marie Raymond et ses amis de Victor Vanoosten / Musée de Tessé Le Mans


 Désormais Paris et ses grandes expositions ( souvent hors de prix) peuvent trembler sur leurs cimaises, la province...heu les régions... jouent désormais dans la cour des grands et proposent en plus des sujets bien moins conventionnels ou attendus. C'est le cas en ce moment, dans beaucoup de musées comme  à Lyon avec la rétrospective Flandrin ou depuis quelques jours au musée de Tessé du Mans avec une exposition de haute volée autour de l'abstraction. 

Le sujet peut apparaître ardu, voire réducteur ou un peu clivant, surtout qu'il s'adosse à un nom pas vraiment connu de la peinture : Marie Raymond. Pourtant, quand on parcourt les 7 salles de cette exposition, on ne peut en ressortir qu'avec un sentiment d'avoir appris, (re)découvert des artistes et surtout plongé dans un univers pictural vibrant et désormais plus proche ( même pour ceux qui sont allergiques à l'art abstrait) parce que nous avons rencontré les plus grands talents de l'art abstrait ( Soulages, Schneider, Hartung, De Staël, Poliakoff, Klein, Arman, Tinguely, ....).


Nicolas de Staël  ( 1952) ( première fois exposé en France !)


D'autres moins connus qui sont ici remis judicieusement en avant ( van Velde, Sophie Warburg, dite Nicolaas Warb, ...) et donc Marie Raymond. 

Nicolaas Warb ( Sophie Warburg, dite ) Voyage imprévu ( 1954) 

Mais qui est Marie Raymond ? En plus d'être une artiste tombée très, trop vite dans l'oubli, peut être parce que femme, elle fut aussi la mère d'Yves Klein, celle qui, au sortir de la guerre, tenait un salon autour de l'art pictural (à la mode Verdurin? )  très couru des peintres de l'avant-garde de l'époque ( dont on retrouve les tableaux de pas mal de participants dans l'exposition) mais également une critique d'art reconnue surtout dans l'abstraction. Ce qui est mis en avant ici, en plus de son caractère de défricheuse de talents, c'est donc sa peinture, abstraite bien évidemment, mais joyeuse, libre, colorée ou utilisant une palette de couleurs pastels et d'où se dégage une certaine douceur. Un très bel accrochage auprès de ses amis artistes supporte parfaitement le voisinage et démontre que cet oubli dans lequel elle est tombée, demeure particulièrement injuste. 

Marie Raymond Composition ( 1949) 



Marie Raymond Sans titre ( 1948) côtoyant Gérard Schneider Opus 488 ( 1951)

Si durant votre été, quand vous verrez sur l'autoroute la bretelle de sortie "LE MANS", prenez-la et foncez voir, outre sa vieille ville, cette superbe exposition offerte ( oui, offerte car gratuite!) par le musée de Tessé et sa formidable équipe ( je suis sans connivence, je ne les connais pas, je ne fais qu'admirer leur travail. ) Hélas, la ville, qui pourtant rêve d'être ville culturelle, ne fait qu'une communication minable autour de cet événement qui est pourtant l'une des plus intéressantes expositions de l'été en France. Et même si l'art abstrait ne vous parle pas, un conseil, entrez, et laissez-vous porter par l'ambiance créée par tous ces tableaux soigneusement choisis, faites comme si vous écoutez un morceau de musique, promenez votre regard dans ces lignes, ces couleurs, ces toiles superbes, lisez les cartels qui vous guideront sans vous assommer et c'est certain, vous en ressortirez grandis ! 

Un magnifique catalogue accompagne cette exposition, véritable petit précis de l'art abstrait ( pour les non-initiés). 

lundi 14 juin 2021

Mortelle dédicace de Elly Griffiths


 "Mortelle dédicace" s'adresse en premier lieu à tous les amateurs de polars anglais à l'ancienne, façon Agatha Christie bien sûr, mais également ceux qui aiment se mettre dans les pas de vieilles dames curieuses jouant aux détectives, le tout dans quelque charmante province du Royaume-Uni comme, ici,  la région de Brighton  ( mais également pour un autre exotisme l'Ecosse).  
Comme nous sommes en 2021, le polar ici proposé s'est quand même modernisé par rapport aux classiques du temps de Miss Marple. D'ailleurs cette dernière est désormais un homme, huitantenaire encore très vert et ouvertement homosexuel. Il n'est pas seul car il compose un trio assez croquignolet avec une ardente trentenaire  ukrainienne bisexuelle et un jeune bistrotier ancien moine défroqué. Ces trois là sont intrigués par le décès de leur amie, certes quatre-vingt-dix ans au compteur mais dont la mort subite leur laisse des doutes. Ils vont être aidés par une lieutenante de police, d'origine Sikh mais aussi lesbienne. D'ors et déjà, on s'aperçoit que le polar à l'anglaise classique est dépoussiérée un maximum, tout du moins au niveau des personnages.... parce que l'intrigue, c'est quand même une autre histoire. 
Il faudra passer outre un point de départ un tiré par les cheveux : Une aide ménagère, la belle ukrainienne donc, va trouver la police sur de possibles soupçons, très vagues et se retrouve quand même écoutée par la police. Heureusement, par la suite, de multiples rebondissements vont resserrer l'intrigue et nous embarquer dans une enquête où tout est soft et bien gentil où les morts s'accumulent sans violence.  Parfois l'intrigue semble se relâcher un peu, prenant le chemin de la comédie comme le trio improbable y invite, l'auteure essayant de lui donner un peu de peps sans toutefois arriver à quelque chose de franchement drôle ou d'inénarrable. Les pages se tournent gentiment, les situations se complexifient et obligent à un dénouement quelque peu tordu. 
"Mortelle dédicace", en plus d'être un petit polar soft très agréable, est aussi un joli petit hommage aux auteurs "vintages" du polar anglais et ravira sans nul doute tous les amateurs nostalgiques du genre. 

dimanche 13 juin 2021

Nomadland de Chloé Zhao


 Ne faisons pas la fine bouche, "Nomadland" avec 3 oscars majeurs, est, cette année, un bon film. On y trouve tout ce qui plaît aux membres de l'académie, c'est à dire une performance d'acteur-trice ( ici Frances McDormand effectivement parfaite dans son rôle et, pour une fois pour un film ou acteur-trice oscarisé-e sans en rajouter dans la composition) et un sujet fort, prêt à émouvoir le spectateur. 

Produit par la filiale "films d'auteurs" de l'ex Fox rachetée depuis par Disney, nous sommes quand même face à un produit bien hollywoodien. Nous avons aux commandes, la très douée et sensible Chloé Zhao  filmant avec une vraie chaleur ce road movie à bord d'un van ( assez miteux) d'une femme qui traverse les USA et se pose là où il y a de l'emploi ( toujours saisonnier ). A l'écran naît, au fil des séquences,  une vraie empathie, autant avec Fern, l'héroïne principale déterminée mais toujours un peu secrète qu'avec les autres "nomades" rencontrés au fil des mois. Mêlés à une nature très présente, au milieu de paysages à l'âpreté évidente et renvoyant aux vies décrites par le film, les compagnons de fortune ( d'infortune?) croisés, sont portraitisés avec tact et douceur. Le spectateur, malgré l'inconfort de la situation, se sent emporté par une vague de sympathie pour tous ces gens à la recherche d'une possible liberté dans un monde pourtant bien rude. Chloé Zhao a intégré parfaitement la texture des films d'auteurs marquants, sachant filmer les petits détails signifiants avec le talent de couper  la scène juste au moment où l'on pourrait penser que ça commence à faire long. Du coup, même si le temps file doucement à l'écran, sans grandes péripéties, on ne s'ennuie jamais. 

Cependant, malgré la belle mise en scène inspirée et la douce bienveillance qui se dégage du film, on se prend à penser que tout cela est bien joli mais que le film reste seulement en surface des choses et n'est jamais critique ( ou alors à peine suggéré aux détours de quelques scènes) quant au système qui met ces précaires sur la route. Certes, ils peuvent avoir froid, se sentir seuls, mais pas de violence dans les rapports, pas de rejet ( ou si peu), bosser chez Amazon c'est quasi cool... Malgré le sujet, nous ne sommes pas chez Ken Loach, loin s'en faut. 

"Nomadland" restera comme le joli film d'une cinéaste inspirée, qui a l'oeil, le savoir-faire, la compassion chevillée à sa caméra, mettant en avant des rejetés du système mais sans presque aucune dimension. politique. Du cinéma agréable mais manquant un peu d'épices...

mercredi 9 juin 2021

Le discours de Laurent Tirard


 Maintenant que la jauge des cinémas est à 65 %, commencent à sortir les comédies françaises à potentiel, c'est à dire celles qui ont des visées un peu plus importantes tant au niveau du nombre de spectateurs à faire venir que du contenu, sensément plus qualitatif que celui des comédies lambdas qui fleurissent habituellement toutes les semaines. Avant "L'origine du monde", " OSS 117" ou "Aline", voici donc, tiré du roman à succès de Fabcaro ( Fabcaro ! Quoi?!!? tu n'as pas lu Fabcaro ?!? ) " Le discours". 

Disons-le tout net, c'est une adaptation, et comme très souvent, le livre reste gagnant. Cependant, force est de reconnaître, que malgré tout, à l'écran, cela peut faire son effet parce que sortant du chemin totalement habituel des comédies peu inspirées proposées. Si le procédé n'a rien d'original ( l'illustration à l'écran des pensées du héros), l'effet ne fonctionne pas si mal ici durant une heure et demie, surtout grâce au véritable one man show de Benjamin Lavernhe tout à tour drôle, irritant, touchant, sarcastique, pleutre, fragile, ... A lui tout seul, il rend le film rythmé et supportable. Par contre, si ses partenaires ne déméritent pas, force est de constater que leurs personnages sont assez monolithiques et manquent un peu de nuances, ce que l'écran ( ou la mise en scène) amplifie, contrairement au roman qui arrivait à gommer le côté clicheton de cette famille. 

Mais ne boudons pas notre plaisir, si l'on veut passer un moment agréable, " Le discours " fera parfaitement l'affaire. Ni chef d'oeuvre, ni film honteux, cette comédie atteindra son objectif de divertir sans prise de tête... mais sans laisser non plus de grands souvenirs. 




mardi 8 juin 2021

Malamute de Jean-Paul Didierlaurent


 Dans la famille des romans populaires boudés par les critiques mais adorés du public, "Malamute" , si on le compare à quelque datcha ou autres possibles, passe sans problème pour un pur chef d'oeuvre de la littérature (attention, seulement si on le compare avec les oeuvrettes, et encore le mot est trop fort,  de Mmes Martin-Lugand ou Grimaldi). Jean-Paul Didierlaurent a pour lui plus d'atouts que ses consoeurs pour arriver à créer un roman qui se tient, non pas parce qu'il est un mâle, mais parce que tout simplement il écrit des phrases un peu plus complexes, donnant ainsi plus d'épaisseur à ses histoires et de la profondeur à ses personnages. Dans son dernier ouvrage, il plante joliment le décor dans des Vosges où vont se croiser quelques personnages simples, assez sympathiques mais ayant quelques revanches à prendre sur la vie ou des secrets à cacher. Sur ce dernier thème, nous ne sommes pas dans l'originalité, les secrets de famille ou autres choses tues étant quand même un des ressorts principaux du roman en général. Mais comme le récit est bien mené, on se laisse facilement embarquer, faisant fi de quelques ficelles ou d'une recette qui pourrait être un tant soit peu pudding car beaucoup de thèmes sont abordés ( je n'ai pas dit développés) comme le féminisme, l'écologie, le réchauffement climatique, les foules crédules, la peur du loup, les migrants, le racisme qui va avec et j'en passe. 

Mais Jean-Paul Didierlaurent demeure un habile conteur qui sait accrocher les lecteurs. Il fait donc feu de tout bois, passant avec aisance du drame au romantisme, flirtant aussi avec le fantastique et arrive à éviter quelques clichés inhérents à ce genre de textes ( sauf étrangement, quelques remarques assez dépassées sur la façon de s'exprimer du prêtre africain du village). Alors pour un moment de lecture facile, confortable et sans prétention, "Malamute" est un bon choix, bien meilleur que ces quelques titres cités plus haut, désolants de nullité,  qui caracolent hélas en tête des ventes. 

lundi 7 juin 2021

Les Séminaristes d'Ivan Ostrochovsky


 Malgré un titre fleurant le film hagiographique pour la promotion du catholicisme, "Les séminaristes" vise autre chose, sans doute une rappel historique sur ce que furent les rapports entre l'église catholique et le parti communiste en Tchécoslovaquie, mais pas que...

Le film se déroule dans le début des années 80. Chaque chose est bien à sa place, mais le joug communiste tardant à plier, les résistances augmentent et une église clandestine visant une spiritualité dite plus authentique naît. L'affrontement entre les deux idéologies obligera beaucoup à se positionner. 

Malgré ce contexte sous haute tension, le film ne noiera pas le spectateur d'informations sur l'époque, préférant s'intéresser, d'abord, au conflit intérieur des personnages qui se trouvent confrontés à un choix qui les verra choisir peut être le mauvais côté de l'histoire. Quelque soit ce vers quoi on penche, les actes ne sont pas anodins, brouillant les esprits mais aussi les corps. Cependant, cet aspect là n'est pas, dans le film, ce qui est le plus passionnant car traité, il faut bien le reconnaître, de façon assez symbolique peut être un peu trop abstraite. Le réalisateur avec son choix d'une image ultra travaillée, magnifiquement éclairée, hommage à un certain expressionnisme, espère donner du sens, de la profondeur et même faire naître du suspens ou de la peur vers la fin. Pas certain qu'il y arrive totalement, trop emporté par les hauteurs de plafonds de l'école de théologie qui sert de cadre à l'intrigue et les envolées de soutane de tous ces futurs prêtres, filmées souvent en plongée ( comme si un quelconque dieu observait tout cela? ). 

Le film reste un bel essai magnifique à l'oeil ( qui osera faire un film en noir et blanc dont on trouvera l'image quelconque? ), un peu trop théorique sans doute pour susciter de l'émotion autre que visuelle. 





vendredi 4 juin 2021

Suzanna Andler de Benoît Jacquot


 Benoît Jacquot filmant une pièce de Marguerite Duras que cette dernière n'aimait pas beaucoup, avouez qu'il y a mieux pour avoir des envies de prendre un ticket de cinéma. "Suzanna Andler" ne fait que confirmer que durant cette période de remplissage à seulement 35% de la capacité des salles, les distributeurs nous refourguent vraiment tous leurs rossignols, films bancals, impossibles à vendre à Netflix ou simplement ratés. 

Inutile de le cacher, ce trio de boulevard, la mari ( dont on parle mais que l'on ne voit jamais) , la femme et l'amant n'a rien d'original et cette version de la chère Marguerite n'arrange rien. Nous avons droit à un verbiage bourgeois assez insipide.... Il me trompe, je décide de le tromper... Je t'aime oui mais m'aimes-tu ? Oui je mens, tu mens toi ? Ment-il pour je mente ? Mens-je pour mieux t'aimer ? Tu m'aimes mais ne mens-tu pas ? Mentir est-ce tromper ? Tromper est-ce mentir ? Je le trompe, je mens, mais je me trompe en me mentant à moi même, donc à toi, donc à lui... Il est certain qu'à ce régime là, on peut être très vite lassé par cette logorrhée et ces problèmes d'oisifs dont on n'a rien à faire.  On s'aperçoit dès les premiers plans que le costumier fou à encore frappé ! Nous sommes censément dans les années 60 et Charlotte Gainsbourg ( jouant une bourgeoise dans la quarantaine) apparaît en robe mini, bottes à hauts talons ( à la découpe originale très 2020) et manteau de fourrure long en ocelot, le tout signé Anthony Vaccarello pour Saint Laurent, mais qui à l'écran fait plus penser à du Jennyfer en solde ( dernière démarque). On rit de la dégaine et on en profite car ce sera la seule occasion durant une heure trente. Après,  nous avons donc un face à face de Charlotte avec Niels Schneider... Ils sont amants ... et pourtant on n'envisage pas une seconde qu'ils aient envie de faire quelques galipettes ensemble, il sont tous les deux une pub vivante pour réduire la natalité ou faire la promotion de l'asexualité. 

Donc, force est de constater que ce film soporifique est à éviter sans l'ombre d'un doute ? Pas tout à fait... Il y a une sorte de miracle dans cette adaptation tournée en moins d'une semaine, c'est Charlotte Gainsbourg ! Bien qu'attifée de la pire manière, malgré des dialogues aussi surannés qu'abscons, elle arrive à ne pas être ridicule, mais surtout à s'emparer du texte de Duras sans jamais copier de précédentes actrices célèbres ( Seyrig ou Moreau, à la diction faussement emphatique). Et comme la caméra de Benoît Jacquot la filme avec un amour certain, aidé par un éclairage subtil, il se passe une chose assez rare à l'écran, la comédienne fait oublier et partenaire mollasson et théâtralité oiseuse, pour briller calmement et s'imposer avec un talent infini. On ne voit, n'entend qu'elle.... mais est-ce suffisant ? 

Le film sera à classer dans les curiosités qui peuvent être vues malgré leur caractère soporifique  grâce à la performance de son actrice principale. Avant on disait d'un bon acteur qu'il pourrait lire l'annuaire sans ennuyer, et si Charlotte Gainsbourg avait relevé le défi avec Duras ? 




jeudi 3 juin 2021

Petite maman de Céline Sciamma


 Je l'avoue, je suis fan du cinéma de Céline Sciamma. C'est donc avec envie que je me suis rué vers la première salle projetant son dernier film ( qui plus est accompagné par une critique aux anges, on n'est pas, selon l'Obs, la femme la plus puissante du cinéma pour rien ). Dès les premières trente secondes, j'ai compris que le film m'échappait, n'était pas pour moi.... Jamais par la suite, je n'ai réussi à entrer dans cette histoire et les 1h12 ont duré, au bas mot, 2h !

Le film débute par un plan sur le visage d'une vieille dame assez coquette. Elle semble réfléchir et soudain dit "Alexandrie". La caméra élargit le cadre et nous voyons que la dame fait des mots fléchés et qu'une petite fille écrit les lettres dans les cases. Sitôt le mot écrit, la petite fille se lève et dit sèchement "Au revoir". On comprendra par la suite qu'il sera questions d'adieux (ratés?) à une grand-mère décédée, et d'au revoir à une mère fuyant sa famille pour cause de chagrin. Mais la sécheresse, l'improbabilité de ce court moment, qui sonne faux, a sabré d'emblée l'envie de m'intéresser à cette histoire. Rien par la suite n'a pu regagner mon intérêt entre scènes vaguement étirées, mais sans doute hyper signifiantes, de petite fille jouant dans la forêt, maison quasi vide dans laquelle les personnages échangent des propos assez factuels et une mise en scène très froide malgré quelques percées de soleil ici ou là. Certes on voit bien que l'on a affaire à une histoire de deuil, d'enfance, de fraternité féminine où un imaginaire consolateur et éclairant contrecarre un univers ou l'on tait beaucoup de choses. Mais rien n'y a fait, il y a dans cet essai cinématographique une conceptualité un peu trop radicale qui peut empêcher d'être touché. 

Cinéma de sensation sans doute, personnel peut être, délicat mais à la mise en images frisant plutôt la platitude, "Petite maman" a sans doute des atouts que l'on peut avoir du mal à identifier. Un point positif : la déception permet beaucoup de discussions à la sortie de la salle....signe qu'il ne laisse pas indifférent. C'est déjà ça !




mercredi 2 juin 2021

Les Flandrin, artistes et frères.


 Le musée des Beaux Arts consacre jusqu'à début septembre une grande exposition consacrée aux oeuvres de natifs de la ville : les frères Flandrin... Qui ?!!...questionneront ceux pour qui l'art pictural se résume à Picasso et Renoir.

Auguste, Hippolyte et Paul Flandrin sont nés au commencement du 19 ème, époque où dominait une peinture néoclassique qu'un préromantisme gagnerait petit à petit. Pour votre gouverne, lâchons tout de suite, le tableau phare de cette exposition. Comme De Vinci a peint sa Joconde, Hippolyte Flandrin a donné à l'art "Jeune homme nu assis sur un rocher, au bord de la mer" (exposé en temps normal au Louvre) . Le titre est un peu long pour venir instantanément dans la bouche du grand public, mais il a beaucoup inspiré et servi depuis un demi-siècle à illustrer les couvertures de nombreux livres. 

Hippolyte Flandrin 1835/1836 Jeune homme nu assis sur un rocher, au bord de la mer.

C'est la pièce phare de cette exposition, celle devant laquelle les visiteurs s'attardent le plus ou font des selfies... 
Mais l'exposition, très finement organisée en neuf thématiques, permet de découvrir l'étendue des talents de ces frères, même si c'est Hippolyte la star, plus productif et pour cause puisque l'ainé Auguste est mort à 38 ans et que Paul a longtemps peint dans l'ombre de son frère. 
Très joliment scénographiée, cette rétrospective nous présentera d'abord les trois frères dans de touchants portraits peints, dessinés ou photographiques, puis s'attardera sur le remarquable travail autour du corps nu lors de la résidence d'Hippolyte à Rome, à la villa Médicis où l'on sent l'influence de leur maître avec qui ils resteront en relation toute leur vie : Jean-Auguste-Dominique Ingres. 

Hippolyte Flandrin 1833/1834  Polytès, fils de Priam, observant les mouvements des Grecs ( pour des titres qui flashent, Hippolyte n'était pas le meilleur)

Beaucoup de corps d'hommes,  peu de femmes chez les Flandrin et du coup ils resteront une référence dans la représentation du nu masculin autre que guerrier ou biblique. On trouve toutefois de belles choses comme ce portrait tout en sensualité retenue : 

Hippolyte Flandrin 1840 Etude Florentine ou Jeune fille en buste, les yeux baissés

Mais, et c'est le but de cette exposition, les oeuvres des frères ne se résument pas à quelques jeunes mâles dénudés. Les trois frères et Paul en particulier,  furent également de remarquables peintres de paysage ( souvent italiens), à l'huile bien sûr ...

Ou à l'aquarelle, technique qui connut un vrai engouement à partir du 19 ème. 



Paul Flandrin 

On peut admirer également ce paysage d'Hippolyte aux allures très modernes pour l'époque :



Pour nourrir son homme, un peintre au 19 ème portraitise toute la bourgeoisie locale. Les frères Flandrin eurent beaucoup de commandes de la part des notables lyonnais. Dans les nombreux portraits un peu austères généreusement exposés, on pourra retenir cette Jeune fille à la robe bleue (1861) de Paul Flandrin, joliment mais classiquement posée devant un paysage dont ils firent leur spécialité. 

Paul Flandrin ( 1861) Jeune fille à la robe bleue

Deux grandes salles sont consacrées à l'oeuvre monumentale d'Hippolyte qui conçut de grands décors pour des bâtiments publics. Mais son chantier le plus important fut sans conteste le décor  de l'église Saint-Germain-des-Prés à Paris ( dont la nef fut achevée par son frère Paul). Une immense salle vidéo nous plonge dans cette oeuvre unique par som ampleur et récemment restaurée. Dans un coin de l'une de ces deux salles, on pourra poser un oeil sur une petite originalité ( me semble-t-il) , le croquis d'un Jésus sur sa croix, nu, sans pagne... 
La visite se termine par la désormais classique petite exposition des artistes contemporains que les frères Flandrin ont inspiré : Puvis de Chavanne, Maurice Denis, la photographe Imogen Cunningham et évidemment Robert Mapplethorpe que le Jeune homme nu assis... ne qu'avoir titillé dans sa création. 

Robert Mapplethorpe Ajitto 1981

Si vous passez par Lyon d'ici le 5 septembre, foncez voir cette très intéressante exposition autour de ces frères Flandrin qui méritent une belle reconnaissance. Ne vous fiez pas à l'austère extérieur du musée des Beaux Arts de Lyon, car, en plus de recéler un fond permanent très important, il possède un jardin intérieur extrêmement  agréable et accueillant qui saura vous reposer et de la chaleur estivale et des rumeurs de la ville. 








mardi 1 juin 2021

Les sirènes du Pacifique de Cédric Morgan


 Les sirènes du pacifique du titre sont des ama ( littéralement femme de la mer ), japonaises de tous âges qui plongeaient en apnée quasi nues pour récupérer algues et mollusques marins, mais surtout les ormeaux, coquillages considérés comme la truffe de la mer. 

Le roman va surtout s'attacher à l'une d'entre elles, Yumi, qui perpétuera la tradition familiale en devenant l'une des dernières ama. Nous la suivrons durant toute sa vie, de sa plus tendre enfance passée à observer et envier ses ainées, nageuses aussi joyeuses que valeureuses, jusqu'au moment où la mort s'approche, lui faisant quitter cette terre japonaise passée dans une modernité sans doute suicidaire. A travers elle et son  destin presque banal, c'est en toile de fond une histoire du Japon du 20 ème siècle qui nous est proposée, de ses égarements conquérants et fascisants des années 30/40, le traumatisme d'Hiroshima et de Nagasaki sur la population, la marche forcée après-guerre vers la modernité et ses conséquences notamment écologiques. On assiste dans le sillage de cette femme douce mais déterminée, à la fin de certaines traditions, balayées par les avancées technologiques mais aussi par la surexploitation des fonds marins. 

Cedric Morgan nous conte tout cela avec une poésie infinie lorsqu'il s'agit de suivre le quotidien de ces femmes sirènes, y ajoutant une petite dose de romanesque et de féminisme ( sortir du carcan des traditions dans une île isolée du Japon n'est pas chose facile) et une bonne rasade de traditions locales, peut être un poil trop encyclopédique. Cependant, le récit nous plonge vraiment dans un vrai voyage aussi temporel que dépaysant. On affronte les éléments comme les traditions, les typhons comme la pollution, l'amour comme les aléas du destin. 

Délicat comme ses personnages, passionné comme le sont ces femmes courageuses qui affrontent l'océan, "Les sirènes du Pacifique", en ces temps immobiles, saura vous faire voyager de la plus agréable des façons.