lundi 9 novembre 2020

Le coeur synthétique de Chloé Delaume


S'il y a bien une auteure que l'on n'attendait pas le genre littérature facile, presque chicklit, c'est bien Chloé Delaume. Après des textes foisonnants et peu classiques ( Une femme avec personne dedans), toujours dans l'auto fiction avec parfois des visées originales ( "Dans ma maison sous terre", le roman visait à faire mourir sa grand-mère), " le coeur synthétique" surprendra ses lecteurs habituels. Pas de texte en vers, de narration éclatée, de mise en page particulière ( juste un dialogue façon texte théâtral et une fin à ( presque) choisir), juste le récit d'une quarantenaire féministe, nullipare ( à noter la mocheté du mot comme si ne pas avoir d'enfant ou enfanter était nul...ah ce français misogyne...) qui s'aperçoit qu'avoir 46 ans, c'était être transparente dans le regard des hommes. 

Ecrire de la même façon branchouille et sautillante qu'une blogueuse trentenaire passée au roman ressemble sans doute pour Chloé Delaume à une performance. Pour le lecteur, un peu moins, tellement elle semble s'être coulée avec facilité dans ce genre littéraire à succès. Du coup, on repassera pour l'originalité du style. Pour l'histoire, aussi, on se dit que c'est loin d'être nouveau. Le souvenir de l'excellentissime  "Celle que vous croyez" de Camille Laurens et de ses figures de style extraordinairement pertinentes, sur un sujet semblable, nous reviennent à l'esprit.  Disons qu'ici, la lecture est facile et agréable.  On retrouve évidemment une sorte d'auto fiction sans doute, avec ce qu'il faut de féminisme, d'un peu d'auto dérision et d'un joli final empreint de sororité, mais sans que cela surprenne. Parfois on est agacé par son côté bobo parisien speed ( on se cocaïne comme moi je bois un verre de vin rouge) voire son côté jamais satisfaite et un peu compliquée ( féministe sans enfant mais finalement très conservatrice : être  avec un homme = obligatoirement une vie de couple marié). Au sein de toutes ces tergiversations autour de l'amour, le roman décrit aussi le milieu de l'édition. Ce sont sans doute la partie les passages les plus réussis,  une véritable démystification en règle, savoureuse et cruelle ( on croit reconnaître en partie les éditions du Seuil...).  

Je pourrai conclure que le nouveau Chloé Delaume, nettement plus accessible qu'à l'accoutumée, peut être une jolie friandise légère à s'offrir pour une soirée d'hiver. Seulement, il vient d'obtenir le prix Médicis... Perplexité... "Le coeur synthétique" est juste un petit roman habile mais loin d'être un chef d'oeuvre. Alors ? Pourquoi ce prix ? La réponse est en partie dans le roman, l'entre soi joue à plein avec les membres du jury qui couronnent une de leurs copines. Tant mieux pour Chloé Delaume. Dommage pour d'autres titres qui le méritaient plus à mon avis et entraient bien mieux dans les critères de ce prix. Quant au lecteur, il lira nettement pire mais bien mieux aussi. 

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