samedi 26 juillet 2014

Nager sans se mouiller de Carlos Salem / Lectures de vacances 4



POURQUOI ?

Cela doit faire un an que ce polar a atterri dans ma PAL (Pile à Lire pour ceux qui n'utilisent pas encore le jargon lecteur). Autant que je me souvienne, je cherchais des polars originaux et une de mes "amies" sur un site de lecture (Babelio pour ne pas le nommer) m'avait appâté avec ce titre léger par sa couverture mais paraît-il profond et divertissant par son contenu. Et comme cet avis a été confirmé
 par ma libraire voisine, j'ai donc acquis l'ouvrage qui a attendu l'été pour être ouvert.... Normal, il se
déroule dans un camping naturiste.

OU ?

Ben non, je ne suis pas allé en Espagne dans un camping naturiste pour le lire (j'aurais aimé mais mes moyens financiers ne me le permettent pas). Alors, juste avant de partir pour le Sud de la France, je me suis contenté de mon jardin. Et, je vois venir mes lecteurs attentifs ... Va-t-il oser la photo osée que certains attendent ? .... Oui! Je serai raccord avec le livre, je publie une photo de votre blogueur, intégralement nu. Que ne faut-il pas faire pour maintenir l'audience d'un blog durant l'été ! En espérant que cela fonctionne...






Hé oui, j'ai ressuscité pour l'occasion le rectangle blanc de mon enfance ! 

ET ALORS ? 

Dire que c'est le polar du siècle serait faux, mais une chose est certaine, "Nager sans se mouiller" possède un ton assez original, un mélange réussi d'espionnage, de sexy, de suspens, de mystère et d'humour. Hormis le fait anecdotique que l'action se déroule dans un camping naturiste, l'intrigue bien touffue de tueurs agents secrets, de vengeance s'enrichit également d'une petite réflexion sur la paternité. Sans pour autant vouloir jouer dans une catégorie psychologique auquel il n'appartient pas, ce polar, se lit donc agréablement grâce à une écriture à la fois ironique, mordante mais empreinte d'une douceur qui transparaît entre les flingues, les téléphones portables se transformant en couteau et le venin d'araignée. Pour résumer, cela pourrait s'appeler " 007 ne cache rien " ou "James Bond, vacances au Cap d'Agde", mais en plus drôle. Après, on peut aussi penser que l'on a passé l'âge d'avaler des histoires bourrées de coïncidences et de rebondissements énormes. Ce qui pourrait se révéler comme une faiblesse dans un polar normal, devient ici, sous la plume d'un Carlos Salem déchaîné, particulièrement réjouissant. Et l'été (mais l'hiver aussi),  il est toujours bon de se laisser aller ....


mercredi 23 juillet 2014

Comment voulez-vous que j'oublie ? d'Annie Butor / Lectures de vacances 3



POURQUOI ?

Celui-ci, c'est mon épouse qui l'a d'abord lu parce qu'elle est fan de Léo Ferré (moi, nettement moins). Et c'est sur son invite que je m'y suis plongé sitôt qu'elle l'a eu terminé pour confronter nos impressions.

OU ?

A la maison, sans singe autour, dans le silence et donc sans Léo Ferré en fond sonore. Du coup, moi qui voulais faire le malin cet été, en publiant aussi une photo perso en rapport ou en scène avec le livre, j'étais bien embêté...quand je me suis rappelais que nous avions été un après-midi dans la maison que possédait le chanteur en Toscane et où habite encore ses enfants. Et, j'ai une photo qui va parfaitement bien illustrer ce billet... sans rien dévoiler de leur intimité.


Cette petite sculpture représentant sans équivoque un singe a été prise dans la propriété toscane de Léo Ferré, reconvertie par ses descendants en lieu très accueillant de vente d'huile d'olive et de vins. La guenon Pépée qui est au centre de ces souvenirs, a, je présume, poursuivi longtemps le poète pour qu'il l'évoque ainsi dans son ultime demeure.

ET ALORS ?

Difficile de donner un avis sur des souvenirs. Je connaissais pas trop l'oeuvre et encore moins la vie de Léo Ferré mais je l'imaginais un peu comme celle décrite par Annie Butor. Pas totalement celle de "l'anarchiste roulant en Rolls", mais pas loin quand même, le chanteur eut, avec le succès, sa folie de créateur décuplée et a quand même pas mal perdu la tête... Mais que penser de ces souvenirs qui, remontant du passé ne gardent peut être que les images à charge pour une restitution brouillée par la rancoeur et la déception ? 
C'est facile à lire, bourré de petites anecdotes qui en disent long sur le Paris des cabarets rive gauche et de l'éclosion d'un des monstres sacrés de la chanson. Ecrit paraît-il pour réhabiliter sa mère, seconde épouse de Léo Ferré pendant dix-huit ans, le récit m'a semblé plutôt un portrait un peu à charge de Léo Ferré, Madeleine, la mère n'apparaissant qu'en creux comme si, malgré tout ce qu'elle a sans doute apporté au chanteur, celui-ci lui volait encore et toujours toute sa lumière. Il est difficile de vivre dans le sillage d'un génie, surtout s'il est aussi créatif que fin procédurier comme l'a été Léo Ferré. 
A conseiller aux fans du chanteur et, plus largement, aux curieux qui apprécient  la chanson française.

dimanche 20 juillet 2014

Complètement cramé de Gilles Legardinier / Lectures de vacances 2



POURQUOI ?

- Quoi tu n'as pas lu Legardinier  ?
- Ben non
- Mais toi qui lis plein de truc, tu n'as jamais lu Legardinier ? Moi j'adore !
Hé non, honte à moi, , je n'avais jamais ouvert ces livres aux chats photoshopés qui trônent auprès des caisses de toutes les maisons de la presse de France et de Navarre et même de certaines librairies entre les oeuvres de Grégoire Delacourt et "La femme parfaite est une connasse" (mais comptez pas sur moi pour perdre même une heure pour lire ce dernier !). Alors, je profite de l'été, de ce moment privilégié ou entre un verre de vin blanc frais et un marché artisanal made in China, on se laissa aller à un peu de légèreté pour découvrir ce qui plaît tant aux clients des librairies.

OU ?

Pas les moyens d'un relais et châteaux pour dévorer Legardinier et être ainsi raccord avec le lieu de l'intrigue de son "Complètement cramé". Pour lui, c'est tout bêtement dans mon jardin, mais avec mon chat tout de même, que j'ai passé quelques heures en compagnie de Blake, le héros et son étrange mission...



ET ALORS ?

Le créneau des romans dégoulinants de bons sentiments a trouvé son maître. Plus fort qu'Anna Gavalda  (pourtant plus mordante) et Grégoire Delacourt (pourtant plus inspiré) réunis, Gilles Legardinier n'y va pas de main morte. A partir d'une intrigue genre Club des cinq pour un côté vaguement mystérieux, mâtinée d'un décor et de personnages issus tout droit de la littérature romanesque pour dames mais d'avant Harlequin (Delly, Max du Veuzit que plus personne ne connaît) et de quelques répliques bien senties genre théâtre de boulevard, "Complètement cramé", malgré son titre aux relents actuels, m'a propulsé dans un genre romanesque oublié depuis longtemps : la bluette de gare. Tout y est ! Le château isolé, sa cuisinière ronchonne, sa soubrette délurée, son garde-chasse bougon, sa propriétaire belle et mystérieuse, sa méchante copine,  ses affreux banquiers et bien sur ses terribles secrets de famille. Et jeté au milieu de tout ça, Blake, le héros, qui atterrit là comme Terence Stamp dans "Théorème" mais, je vous rassure tout de suite, sans l'ombre d'un soupçon d'ambiguité. Il est là pour faire le bien et il y réussit. Un peu comme Joséphine ange gardien ( pour situer le niveau) , la magie en moins. 
Je n'ai rien contre les bons sentiments, c'est même plutôt rassurant, mais là, trop c'est trop. Malgré les pages de remerciements de la fin, à faite fondre en larmes un rugbyman bodybuildé reconverti dans le porno, cette avalanche de jolies choses font d'office apparaître Anna Gavalda comme la candidate la plus probable au prochain Nobel de littérature et Grégoire Delacourt grand favori du prochain Goncourt et premier auteur du 21 ème siècle à entrer dans le Lagarde et Michard (ça existe encore ça ? ). Militer (?!) pour une plus grande fraternité entre les hommes est une chose, la faire passer par l'écriture en est une autre. Gilles Legardinier écrit simple, simpliste parfois, mais la plume est alerte tout de même. Je ne doute pas une seconde de sa bonne foi mais, de grâce, pourquoi noyer tout cela dans une intrigue bourrée de clichés, enfilés les uns après les autres et moins originale qu'un téléfilm de M6 diffusé en pleine après-midi ? 
J'ai lu, je n'y reviendrai plus. 

vendredi 18 juillet 2014

Villa avec piscine d'Herman Koch / Les lectures de vacances 1

C'est l'été, le blogueur est en vacances mais il continue de lire, surtout qu'il a plus de temps, il ne travaille pas durant quelques semaines ! Mais que lit-il ? Tout d'abord, il découvre quelques romans de la rentrée que certains généreux éditeurs (ou auteurs) ont bien voulu lui envoyés. Comme il se doit de rester discret jusqu'à la date de parution, il écrit ses billets qui seront en ligne à partir du 20 août, date de sortie de la plupart des ouvrages. Ensuite, il lit aussi tout ce qu'il a raté, pas eu le temps de lire mais acheté depuis longtemps, les auteurs dont on parle ou va parler mais qu'il n'a jamais lu et les livres que les amis lui ont prêtés, donnés ou offerts... la pile est haute et devrait un peu descendre, cet été. 
Pour donner un peu de lustre à ses petites chroniques d'été , je (tiens j'abandonne le troisième personne ...) répondrai pour chaque livre chroniqué à 3 questions : Pourquoi ? Où ? Et alors ? (cette dernière m'évitera de résumer l'histoire et de juste donner un avis rapide )


POURQUOI ?
"Le dîner", le précédent roman de cet auteur néerlandais avait bien fonctionné et malgré un joli homard rouge en couverture, j'avais résisté à sa lecture. Mais ma copine Pascale (merci à elle) m'a prêté celui-ci, sorti l'an dernier, en me soutenant que j'allais aimer. J'ai donc fait une pierre deux coups, j'ai suivi les conseils de ma copine et découvert cet auteur qui semble voué à un succès grandissant si j'en juge les publicités grand format vues dans le métro à Paris cet été.

OU ?
Comme j'allais à Amsterdam, je me suis dit que lire un auteur du coin ne pouvait qu'être apprécié et peut être attirer des échanges impromptus avec les autochtones. Double erreur, je ne parle pas le néerlandais et malgré une heure de lecture au bord d'un canal et d'une rue passagère, aucun coup d'oeil, aucune remarque.... De plus, le roman est peut être écrit par un néerlandais mais il se passe en grande partie dans le sud de la France, alors, on repassera pour la couleur locale ! Et je ne suis pas sûr du coup que lire dans le pays d'origine apporte un plus ...



ET ALORS ?

Noir et dérangeant annonçait la quatrième de couverture, cela ne pouvait que me plaire... Pourtant je reste circonspect. On sent qu'Herman Koch a des idées à faire passer... En prenant un personnage principal médecin misanthrope, misogyne, vaguement homophobe, fourbe, et j'en passe, le roman au départ humoristique cynique finit par devenir effectivement dérangeant. En déversant sa bile à longueur de pages sur tout ce qui bouge, de Facebook à l'examen de la prostate en passant par la création théâtrale, il peut parfois amuser, car l'écriture est alerte malgré tout, mais j'ai fini par trouver tout cela un peu rance quand même. Quand l'intrigue prend soudainement un tour plus dramatique, abordant de plein fouet un problème psychologique grave (je ne dis rien pour ménager le suspens ), le roman s'enfonce un peu plus dans le glauque. Quand la loi du Talion voisine avec des idées un peu limites, le style peine à garder le rythme et le lecteur que j'ai été, en plus de commencer à être en colère, décroche un petit peu. La conclusion de l'histoire, un peu plus nuancée que prévu, ne sauve pourtant pas cet habile livre, du sentiment étrange que ce monsieur Koch joue un peu trop avec les mauvais sentiments qui parfois nous effleurent. Réactionnaire ? Grinçant ? Amoral ? J'en sais trop rien mais pour ma part, un peu déplaisant.

dimanche 13 juillet 2014

Les vacances du petit Nicolas de Laurent Tirard


Non, " Les vacances du Petit Nicolas" n'est pas une daube ! Si je regarde attentivement mon livre de cuisine préféré, "une daube bien cuisinée révélera en bouche une explosion de saveurs différentes..."
Alors, c'est certain, ce deuxième volet des aventures du héros créé par Goscinny ne peut pas s'apparenter à la préparation culinaire de ce plat bien traditionnel, car sur l'écran, aucune explosion de quoi que ce soit n'arrive à éveiller le spectateur.
Laurent Tirard et ses scénaristes ont pourtant fait les courses en grand. Ils ont amassé dans leur panier tout ce qu'il faut pour proposer le meilleur film de vacances possible. Le problème est qu'ils ont mal choisi leurs commerçants. Pourtant pourvus d'une carte platinum leur permettant un shopping à la grande épicerie du Bon Marché, ils ont préféré le clinquant de revendeurs mettant en avant leurs plus beaux produits, mais vous fourguant dans votre sac tous les fruits mâchés ou trop avancés. Et pour les épices, celles sensées donner un peu plus de saveur au plat, ils ont choisi une marque de distributeur, pensant que pour un public familial cela suffirait bien. Avec les économies ainsi réalisées, ils ont pu s'offrir à nouveau la participation de Valérie Lemercier et Kad Merad. Je vous rassure le précédent Petit Nicolas étant devenu une grande asperge acnéique et pourvu d'un sourire façon centrale nucléaire a été écarté au profit d'un petit nouveau dont la dentition subira bien vite le même traitement que son prédécesseur.
Hé oui, je me suis intéressé énormément aux dents des jeunes acteurs, tous de la chair potentielle à orthodontiste obsédé d'alignement, car voyez-vous, il n'y a rien d'autre à faire en regardant cette oeuvre. Mais rassurez-vous, même si vous avez oublié votre dentier, la daube de l'été n'est pas dure à avaler car tout y est prémâché. C'est un catalogue de tous les clichés, les poncifs du film de vacances. Rien ne manque du château de sable inlassablement détruit, aux anglais qui prennent des coups de soleil, en passant par le maillot de bain unique porté également par la voisine. Et il y a même un hommage au gendarme de Saint Tropez avec une scène de naturisme et l'arrivée inattendue de connaissances,  inévitable quiproquo qui ne fait plus rire personne depuis cinquante ans. Par contre, et surement pour contenter tous les cinéphiles qui devraient se rendre en masse à la projection, il n'y a  pas que des références au film de Jean Girault. On y trouve aussi cités, Tati, Demy, Kubrick et la famille Adams, ce sont là les épices dont je vous parlais plus haut, mais ici bien éventées.
Cette daube est une véritable nourriture industrielle, jolie sur l'emballage, à l'instar de l'hôtel et de la plage peinturlurés en couleurs pétantes, mais se révélant totalement insipide dans l'assiette. On peut renvoyer le plat en cuisine car il n'y a rien à sauver, ni la prestation dansée de Valérie Lemercier qui rappelle une show des adhérents du club de pétanque de Rouperroux le Coquet pour le départ à la retraite de Jean Mi, ni la chanson de générique de fin, pourtant "La madrague", pourtant chantée par Camélia Jordana mais elle aussi rendue totalement fadasse.
Je pense que la sortie de ce film en juillet est calculée pour truster un public estival et nombreux. C'est futé. Hélas ça fonctionnera, car la date de péremption  va jusqu'à fin août. Le produit sera vraisemblablement congelé un peu avant pour nous le refourguer en dvd d'ici deux mois. Et, je vous assure, bien que d'habitude, en cuisine, une daube réchauffée est encore meilleure, celle-ci, c'est certain, ne pourra en aucun cas gagner la moindre saveur.

samedi 12 juillet 2014

Le procès de Viviane Amsalem de Ronit Elkabetz et Shlomi Elkabetz


D'Israël, pays sous tension permanente, nous connaissons beaucoup de choses, de sa politique à ses plages branchées de Tel Aviv. Cependant, je l'avoue, j'ignorais totalement certains détails de la vie ordinaire et notamment sa procédure de divorce particulièrement archaïque. Pour résumer, le mariage civil n'existe pas en Israël, les religieux s'arrogeant ce droit surement divin, permettant ainsi, au passage,  d'accorder aux mâles une toute puissance sur la vie de l'épouse. La femme appartient à l'homme et si elle veut divorcer, il faut que le mari soit d'accord. Et dans des esprits bien ramollis par la religion, quitter un époux est tout simplement inconcevable.
Viviane Amsalem veut divorcer. Le film retrace ce parcours du combattant dans le huis clos d'une cour de justice rabbinique, seul endroit habilité à le prononcer. Viviane n'a pas de chance, son mari est un être borné qui refuse de lui accorder cette séparation. Fort de cette justice religieuse lui accordant les pleins pouvoirs, sûr de son bon droit de mâle, enfermé dans des schémas moyenâgeux, il s'obstinera à ne pas accéder à la demande de son épouse. Parents, voisins et amis viendront tour à tour apporter leurs témoignages. Tous semblent emprisonnés dans une imagerie toute faite de la vie...
Malgré un dispositif sobre, un pièce sans âme avec deux tables, quatre chaises et une tribune où siègent les trois rabbins, qui pouvait faire craindre une certaine théâtralité, les réalisateurs insufflent au film une force inouïe. Nous sommes bien au cinéma. Un scénario particulièrement bien écrit qui va crescendo durant deux heures, brosse des portraits touchants et parfois drôles des différentes personnes appelées à témoigner, pointant surtout du doigt l'absurdité de cette situation. J'ai été passionné tout du long et bien sûr révolté devant ce procès qui n'en finit pas de rebondir, contraignant l'héroïne d'abord assez stoïque à dénicher en elle une force insoupçonnée.
La caméra, qui a le bonheur de ne pas prendre partie, sait saisir les regards, les gestes,  les frémissements de chacun avec justesse et précision. Au milieu d'une distribution épatante, formidablement dirigée, Ronit Elkabetz, au profil de tragédienne, interprète Viviane avec une présence incroyable. Frôlant l'empathie avec le spectateur (l'occidental je pense, le mâle israélien lambda la clouera au pilori !) elle arrive à garder une distance toute empreinte de mystère, la rendant encore plus sublime. Le film nous accroche sans faille et nous conduit à un final ahurissant où l'on découvre alors toutes les absurdités d'une cour de justice gangrénée par la religion.
" Le procès de Viviane Amsalem" est cri, féministe, salutaire et courageux, une voix discordante qui s'élève dans un obscurantisme d'un autre âge, un regard qui ose s'attaquer à certains fondements d'une société qui doit se remettre en question, un film ambitieux et formidablement réalisé qu'il faut découvrir à tout prix. (Tout comme il m'a donné envie de découvrir les deux précédents longs métrages des réalisateurs, puisque celui-ci est le dernier volet d'une trilogie. )




lundi 7 juillet 2014

Jimmy's hall de Ken Loach


L'ultime Ken Loach ne dépaysera personne. Nous sommes en terre irlandaise dans les années 30, région toujours sous tension, se remettant mal d'une dernière guerre civile. On retrouve d'un côté les membres obtus et fermés du clergé alliés à la bourgeoisie et aux propriétaires terriens et de l'autre, un agitateur plutôt soft mais aux idées progressistes fermes et déterminées, qui crée dans un hangar une sorte de MJC avant l'heure, dans laquelle la population locale et travailleuse trouvera des moments de détente et de convivialité. Mais dès que le peuple se divertit et se cultive un brin, l'église catholique et la classe dominante voit cela d'un très mauvais oeil. L'instruction fait peur à ceux dont le souci de son prochain consiste uniquement à ce qu'il trime la tête basse et l'esprit embrumé de dogmes fumeux. Ce lieu deviendra à leurs yeux un nid de communistes et un suppôt de Satan. Le film raconte au travers du portrait du créateur de ce "Jimmy's hall" , Jimmy Gralton, la lutte qui éclatera sur ces terres grasses mais bien inhospitalières pour qui souhaite le bonheur de ses pairs.
Ken Loach a toujours été un cinéaste engagé, concerné et qui a creusé inlassablement le même sillon pour montrer qu'il est toujours possible de s'unir pour lutter contre un monde moins pourri. En retraçant cette histoire somme toute anecdotique dans l'histoire irlandaise, il démontre encore une fois son humanisme. Classique dans sa mise en scène, ne loupant aucune des scènes d'affrontement entre Jimmy Gralton et ses ennemis, Ken Loach peine toutefois un peu à rendre son film vraiment passionnant. Les idées généreuses sont là, les scènes presque comiques aussi (la mère servant le thé aux policiers). Cependant, je l'ai trouvé moins à l'aise à nous faire partager l'amour non consommé du héros avec la jolie Oonagh. Et malgré quelques scènes de danses enjouées, le film perd un peu en nervosité lorsqu'il s'aventure sur le terrain sentimental.
Au final, Ken Loach arrive tout de même à nous faire vibrer ou même nous émouvoir, car son espérance en l'humain est grande. Classique et sans surprise il parvient à donner un dernier message d'espoir à la jeunesse actuelle en qui il croit pour reprendre le flambeau d'une lutte contre l'injustice.... Un éternel optimiste ou un vrai utopiste ? En tous les cas, un cinéaste investi et généreux dont le dernier film résume bien les idées qu'il a voulu transmettre tout au long de sa carrière.



jeudi 3 juillet 2014

Xenia de Panos H Koutras





Aller au cinéma, c'est aussi prendre des nouvelles du monde. Avec "Xenia" de Panos H Koutras, nous avons, au travers d'un périple de deux frères mal assortis, un instantané de la situation actuelle de la Grèce. Xénophobie, homophobie, crise et ses inévitables inégalités, fascisme rampant voire triomphant, font exploser les clichés touristiques des plages de sable fin et enfonce le clou d'une actualité qui semble un peu oublier ces derniers temps ces presque parias de l'Europe.
La vie est de moins en moins simple au pays de la moussaka et encore plus problématique quand on est d'origine albanaise comme les deux principaux personnages du film. Orphelins depuis peu, leur mère vient de décéder, Dany, 16 ans et Odysséas, 18 ans, vont rechercher leur géniteur disparu dans la nature depuis belle lurette, avec l'espoir de pouvoir obtenir une reconnaissance de paternité qui leur permettrait d'éviter l'expulsion en devenant grec . Leurs pérégrinations seront l'occasion l'occasion de sortir complètement de l'enfance, de régler les quelques meurtrissures qui y sont liées mais aussi, en filigrane, de dresser le portrait guère joyeux d'une population assez cosmopolite. Citoyens d'Europe un peu à la dérive, englués dans une crise dont une des rares portes de sortie est, avec l'immigration vers des contrées plus accueillantes, la machine à rêves nommée télévision et ses émissions de télé-réalité, cette jeunesse nous touche grâce au regard plein d'amour du réalisateur.
"Xenia" joue sur beaucoup de tableaux à la fois :  le récit initiatique, la critique sociale, l'analyse du passage délicat à l'âge adulte tout en y incorporant d'autres éléments comme le thriller, la comédie musicale, le fantastique symbolique, le militantisme gay pour le droit à l'indifférence. J'avoue que tout ce mélange passe finalement très bien, à part, pour moi, une certaine lourdeur dans les symboles. Le doudou vivant/peluche/géant est un peu trop surligné et la petite traque dans la forêt, avec ses plans rappelant "La nuit du chasseur" un soupçon too-much.
Cependant, ce film dégage une telle énergie, un tel amour du cinéma, qu'il serait dommage de s'en priver. On passe un très bon moment, drôle, émouvant et musical. ( "Rumore" de Rafaella Carra qui vole la vedette aux nombreux morceaux de la star italienne Patti Pravo, adulée par les deux frères et qui monopolise la bande son) m'a fait trémousser sur mon siège, je n'avais plus entendu ce titre depuis au moins trente ans !). On s'attache aux personnages principaux, interprétés par des acteurs non professionnels formidablement dirigés et qui arrivent à se jouer des clichés qu'ils semblent véhiculer au début de l'histoire. Et puis, et là c'est mon petit côté militant qui parle, il faut aller voir "Xenia" pour défendre un cinéma généreux, intelligent et créatif, sinon, d'ici peu de temps, au train où vont les choses, nous n'aurons plus sur les écrans que  des blockbusters US ou des comédies françaises ultra calibrées. Si on en arrive là, la France de demain ressemblera à la Grèce d'aujourd'hui !