mardi 31 mai 2016

La douleur porte costume de plumes de Max Porter


Il est des livres qui sont attirants de par leur titre ou leur couverture ou les deux. Celui-ci allie les deux et c'est tout naturellement qu'il s'est trouvé dans mes mains en janvier dernier dans une librairie. Les adjectifs " Bouleversante, hilarante, audacieuse et unique" de la quatrième de couverture m'ont tout de suite fait prendre la direction de la caisse sans même l'ouvrir...alors que d'habitude, je lis quelques lignes pour me donner une idée.
Et puis, le roman s'est posé sur ma PAL (pile à lire) pour ne plus quitter la première position malgré l'ajout d'autres ouvrages. Le corbeau de la couverture m'a ainsi nargué pendant des semaines, jusqu'à ce que je le fasse disparaître en tournant enfin les pages. Disparaître n'est pas le mot car, dans le roman, il est sacrément présent le corvidé ! Un soir, vite après les obsèques de son épouse, on sonne à la porte et derrière ce trouve un corbeau qui ne quittera plus la maison durant tout le temps que l'homme fasse son deuil. Ce sera long, l'épouse était aimée et aimante et les deux garçons orphelins ne vont pas faire avancer les choses à grand pas, s'enfonçant eux dans une sorte de violence sadique peu rassurante.
Le texte est court et choral. Le père, les enfants (ensemble) et le corbeau s'expriment tour à tour. Le père se débat, s'exprime, avance, essaie de tourner la page tout en la conservant. Les enfants torturent tout ce qui passe à porter et jugent leur père. Le corbeau parle comme on imaginerait qu'un tel volatile puisse s'exprimer, sautillant, répétant des mots, des énumérations de mots...
Dire que j'ai été emballé serait faux. ému aussi. La métaphore du corbeau peut passer pour lourdingue,ici, elle prend un tour surréaliste. L'écriture est à l'avenant, tordue, étrange, sans doute imprégné d'une émotion que je n'ai hélas pas ressenti.
Il y a des textes qui doivent être lus à certains moments. Pour "La douleur porte costume de plumes " cela ne devait pas être le bon. Entre poésie ( qui n'est pas ma came du tout) et inventivité folle et tordue, le texte m'est sans doute passé au-dessus. Loin d'avoir déployé ses ailes de passion, je n'ai jamais décollé, pas vraiment perçu l'humour dans cette famille en deuil qui l'a quitté aussi rapidement que cela lui été tombé dessus. Audacieux sans conteste, ce texte ne devait pas être pour moi. Je comprends dès lors pourquoi je l'ai laissé si longtemps traîné au-dessus de ma pile... le doute portait costume de plumes. 

samedi 28 mai 2016

Mourir et puis sauter sur son cheval de David Bosc


C'est un texte assez court mais d'une densité folle. Partant d'un fait divers survenu à Londres vers la fin du Blitz, Davis Bosc invente le carnet intime d'une jeune artiste peintre d'origine espagnole qui s'est jetée, nue de l'appartement de son père.
Le roman commence de façon haletante sur ce drame inexpliqué, embraye un peu comme un polar ( Pourquoi s'est-elle suicidée ? ) puis continue surtout par une plongée dans les pensées de la jeune femme, Sonia, via ses écrits retrouvés dans son atelier par son père. Le texte proposé nous immerge dans la tête de cette fille rebelle, éprise de liberté et la vivant au mépris des autres dans un Londres en ruine mais fleurant la possibilité d'un monde nouveau. Mais tout ne tourne pas bien dans sa tête, la folie la guette, puis la gagne complètement. Les idées fusent, se mélangent, se télescopent. Les sangsues la fascinent, la mythologie et ses métamorphoses l'obsèdent, la liberté dont elle rêve n'a pas la saveur qu'elle voudrait dans cette Angleterre encore très corsetée. Elle pose son désarroi sur ses toiles, sa fureur aussi. La réalité se trouble peu à peu, la déraison la gagne jusqu'à ce geste ultime de se dévêtir complètement et de se jeter du ...heu ...quatre-vingts pieds, ça fait quel étage ?
Le journal recréé par Davis Bosc, très écrit, est un peu touffu, usant de références et sautant d'un avis sur Sigmond Freud à un autre sur la littérature, de  son expérience à Summerhill à comment arriver à tuer une poule. On y rencontre Lucian Freud et Zarathoustra est souvent cité. Ce montage insensé ne manque pas de grâce, ni de poésie, cherchant à nous faire pénétrer et appréhender cette folie grandissante. Sur ce plan là, c'est très réussi mais lorsque à la fin nous découvrons ce portrait en noir en blanc, petit médaillon perdu sur une page, l'émotion est réelle mais arrive sans doute un peu tard, comme si cette profusion de phrases bien écrites, bien pensées, cette lente progression vers le brouillard opaque d'une folie peut être trop intellectualisée, avait fait écran à une possible empathie.
"Mourir et puis sauter sur son cheval" ( quel beau titre original !) a l'avantage d'être court et peut donc se découvrir avec curiosité. De là à s'emballer, je ne le pense pas, je suis personnellement resté au trot. 

vendredi 27 mai 2016

Elle de Paul Verhoeven


Quand je suis ressorti de "Elle" , que les Inrocks auraient bien vu palme d'or, j'étais quelque peu dubitatif. Oui Isabelle Huppert est très bien  mais elle n'arrive pas à sauver ce kougloff épate bourgeois, un peu trop long, dialogué à la truelle et surtout noyé par une multitude de personnages aussi ridicules qu'inutiles.
Par où commencer pour expliquer ma déception face à ce film aux allures sulfureuses guère convaincantes ? Peut être dans la genèse du projet, qui devait au départ être tourné aux States pour finalement voir le jour en France, les acteurs américains ne voulant pas se commettre dans un film aussi licencieux. Là on pourrait être titillé et se dire qu'heureusement que la France, la patrie du cinéma d'auteur conformiste ou non, est là pour rattraper le manque d'audace ( surtout quand on parle de sexe). On peut en effet voir les choses de cette façon mais le scénario qui accumule les improbabilités peut aussi apparaître comme répulsif. La présence d'Isabelle Huppert et de toute une pléiade d'acteurs connus dans des seconds rôles semble confirmer peut être l'audace du star system français mais sans doute  la folle envie d'inscrire dans leur filmographie le nom du réalisateur de Basic Instinct et de Robocop et ce, quelque soit le projet. Qu'à Virginie Efira à gagner à jouer un second rôle de potiche catho intégrale et d'avoir à débiter des phrases du style : " Et si l'on commençait le repas par une action de grâce !?   " ou plus tard " Je peux mettre la messe de minuit ? " ? Elle est une des multiples personnages aussi inutiles que stéréotypés. En plus de la mèmère façon anti mariage pour tous, défilent le fils débile total, maqué avec une chieuse enceinte, un ex mari sans le sou, l'amant, mari de la meilleure copine , le tout évoluant dans le milieu du jeu vidéo et vivant dans de beaux pavillons. Du fric donc, de la branchitude et bien sûr du sexe. Ok, il s'agit d'un viol, pas de quoi faire naître des fantasmes sauf que la victime, Isabelle Huppert, prend cela avec une sorte de détachement étrange sensé mettre en éveil l'intérêt du spectateur. Après l'acte horrible, image forte et bien mise en scène, le scénario bâti pour nous mener dans de fausses pistes tout en installant l'ambiguïté, emprunte des chemins assez lourdingues, s'encombrant de situations inutiles, parfois peu plausibles, d'un passé plus que lourd, le tout enrobé de répliques risibles. Il faut dire qu'adapter le roman de Philippe Djian "Oh !" en film haut de gamme relève de l'exploit, tant l'histoire de départ ressemble à un scénar refusé de télénovela brésilienne. Et malgré le talent de sa comédienne principale ( et des autres aussi), Paul Verhoeven n'y arrive pas. Il a beau employer la star française dans une compil parfaite de tout ce qu'elle a donné ailleurs de sulfureux ( la force et la détermination glaciale comme chez Chabrol ou le sado masochisme chez Haneke) et revenir sur ses thèmes de prédilection ( le sexe déviant, la perversité, les lesbiennes ), l'ensemble est bien poussif et presque risible. Bien sûr on peut frémir devant la sexualité très particulière de certains de ses protagonistes mais l'enrobage totalement tarte et l'accumulation de scènes dont on ne sait si elles sont comiques ou simplement pathétiques font que le propos se trouve complètement vidé de sa puissance scandaleuse. Et l'on assiste, partagé entre ennui et moquerie à une pathétique histoire qui finalement ne défrisera que la ménagère amish du fin fond de l'Ohio ( et ça reste à prouver !).
On pourra trouver la mise en scène élégante ( les premières scènes sont très réussies), Huppert formidable ( c'est vrai) , seulement, à force de vouloir épater à n'importe quel prix, surtout en usant de cordes énormes ou déjà utilisées, on finit par laisser indifférent. Et épargnez-moi le discours du soit disant thriller féministe !  Les femmes du film sont soit des chieuses hystériques soit des copines un peu gourdes soit des vieilles cougars (qui ne peuvent que mourir). Quant au personnage d'Huppert, le seul intéressant et complexe, il peut tout même apparaître pour certain connards,  comme l'image idéale de la  femme qui quand elle dit non, veut dire oui !
Je redonne rendez-vous d'ici quelques mois. Une fois retombée l'hystérie cannoise, lorsque le film passera à la télé, on risque de se rendre compte que c'est un horrible nanar. Ce n'est pas parce qu'un réalisateur de blockbusters US tourne en français avec nos stars locales qu'il faut applaudir sans ouvrir les yeux.




jeudi 26 mai 2016

Bossa nova de Pauline Croze


Avec un printemps qui tarde à venir et à une atmosphère général un peu anxiogène, rien de tel qu'un bon disque pour se laisser aller à un doux moment de quiétude. En prélude à l'été qui finira bien par arriver et qui risque d'être un peu olympique , je viens de trouver l'album idéal qui me permet d'entrée d'ores et déjà dans une ambiance chaude et suave, surtout brésilienne : le tout nouvel album de Pauline Croze intitulé tout simplement "Bossa nova".
Avec sa guitare, sa voix si joliment éraillée, je l'avoue, je n'attendais pas du tout Pauline Croze revisitant de grands standards de la chanson brésilienne. Quoi ! Encore un album de reprises vous entends-je déjà dire ?! Remarque que j'écarte nonchalamment du bout des doigts alors que mon corps ondule doucement aux rythmes faits pour la détente et la sensualité. En compagnie de quelques artistes locaux, et en rajoutant ici une touche de reggae ( "Jardin d'hiver" ), là quelques échos électros ( "Essa moça ta differente" ), les mélodies ultra connues renaissent et prennent de légères couleurs actuelles sans perdre pour autant leur caractère doux, un peu nostalgique et subtilement sucré. La balade proposée par Pauline Croze est des plus agréables, et permet de redécouvrir certains titres, souvent connus pour leur reprise en français. Ainsi la version de "Voce abousou", popularisée dans les années 70 par Michel Fugain et le big bazar ( "Fais comme l'oiseau") prend, dans un très réussi duo franco/portugais épuré, une force nouvelle. Les paroles de Pierre Delanoé,  résonnent fortement, épousant plus de 40 ans après leur écriture, toute la misère et l'espoir contemporain... et la voix de Pauline se fait soudain plus franche, plus forte, accompagnée d'une rythmique joliment syncopée et de choeurs brésiliens à faire fondre de bonheur les plus coriaces.
Egrener les titres, tous plus réussis les uns que les autres, ne sert à rien. Ce disque est un bonheur, tout simplement ! La bande son d'un été qu'on espère heureux,dansant et chaloupé. Et quoi de mieux que la bossa nova quand elle est portée avec autant de talent et de fougue créatrice, surtout quand elle épouse autant l'air du temps avec cette touche de tristesse qui reste discrètement tapie au coeur des mélodies comme, hélas en ces temps troublés, dans nos têtes ?
Un petite remarque pour terminer, qui n'a pas grand chose de musical mais qui m'est venue en regardant le clip ci-dessous. Hormis, le play-back peu convaincant ( dommage car la reprise est formidable)  j'ai trouvé que Pauline Croze avait un faux air de Florence Foresti. Et si je ferme les yeux, j'ai l'impression que l'humoriste, si elle chantait, pourrait avoir cette voix....



mercredi 25 mai 2016

Un enfant parfait de Michaël Escoffier et Matthieu Maudet


Attention, album à triple détente ! Michaël Escoffier au texte et Matthieu Maudet à l'illustration ont encore frappé et bien fort ! Cette couverture mignonne et sage qui rappelle un moment de course au super-marché, cache en fait ce que j'appellerai un album d'anticipation pour enfant à partir de 5 ans (avant, ils écoutent la lecture dans un silence intrigué, percevant déjà que se joue là quelque chose d'étrange qui leur échappe ), une histoire bourrée d'humour ( grinçant) et une étude sociologique pointue.
Il fait beau, Mr et Mme Dupré, tendrement enlacés, vont faire des courses dans un super-marché nommé "l'enfant roi". Ils viennent comme tous les parents achetés un enfant. Finies les FIV, les mères-porteuses, les adoptions, la société libérale a réglé une bonne fois pour toute la question, on les vend déjà fait. Snobant la promo du moment ( "Promo sur les jumeaux, le deuxième à 1 euro"), dédaignant l'enfant musicien au volume réglable  ou le bébé avec tétine réduisant des équations du troisième degré, ils veulent un enfant parfait ! La demande est forte sur ce modèle, le vendeur n'est plus certain d'en avoir encore en stock. Bingo, il en reste un , un peu grand déjà mais gentil comme tout et prénommé Baptiste. Un petit tour à la caisse et l'affaire est faite, la famille s'agrandit. Le nouveau papa pour fêter ça propose de manger une barbe à papa...que décline la progéniture parfaite sous prétexte qu'il vaut mieux éviter les sucreries si on veut conserver des dents en bonne santé. Un enfant parfait, on vous l'avait dit et la suite vous le confirmera sauf que la perfection a ses limites que les parents et les fournisseurs n'imaginent pas.
"Un enfant parfait" surprend pour mieux interroger son lecteur. Les plus petits, à qui il est sensé s'adresser, ne manquent pas d'être interloqués, voire un peu mal à l'aise au fur et à mesure que l'histoire se déroule. L'imagerie proposée, autant celle de l'enfant parfait que des parents, déstabilise et décale le discours ambiant autour de la famille. Le retour en est d'autant plus intéressant quand l'album est lu par une personne neutre. La parole fuse, interrogative et pleine de petites anecdotes personnelles. Tout se bouscule un peu dans leur tête de l'abandon par papa et maman à la notion de perfection en passant par "les enfants ne s'achètent pas mais viennent dans les ventres des mamans".
Les parents qui tomberaient sur cette histoire si bien sentie, pourraient trouver l'histoire délicate à faire passer, le soir, dans le confort douillet de l'histoire lue avant de s'endormir.
Personnellement ayant passer le cap du moment de l'élevage des enfants ( le terme va faire bondir, je le sens), j'apprécie que cet album impertinent soit aussi pertinent dans son regard sur la société. La recherche de l'enfant parfait calme, raisonnable, qui mange bien , qui dort comme un loir, qui brille à l'école semble au final illusoire sans la touche indispensable : des parents parfaits. On n'a pas l'un sans l'autre nous disent les auteurs ...mais la perfection est-elle de ce monde ? L'album nous le rappelle gentiment. Pas de morale ici, juste un renvoi vers nous adultes qui, si l'on en croit la dernière phrase, ne sommes pas du tout prêt à se poser certaines questions...  

dimanche 22 mai 2016

Dispersez-vous, ralliez-vous ! de Philippe Djian


Il y avait des lustres que je ne m'étais plongé dans une oeuvre de Philippe Djian. Dans les années quatre-vingts, en adolescent attardé que j'étais, " 37.2 le matin" m'avait ébloui. Pour la suite de ses parutions, ma mémoire défaille, la probabilité à en avoir parcouru est grande mais le souvenir s'est évaporé. Je ne me rappelle que de la pénible lecture dans les années 2000 du premier tome de "Doggy bag" dont l'accumulation de clichés au milieu d'une intrigue au feuilletonesque improbable m'avait prodigieusement rasé. C'est donc avec curiosité que je me suis plongé dans son dernier roman au titre étrange ( un vers de Rimbaud) et à la couverture post Hopperienne. Après l'avoir refermé, un sentiment étrange m'envahissait, un mélange de perplexité et d'incompréhension.
Quitte à vous paraître dispersé, je vais vous livrer quelques réflexions qui m'ont assaillies durant la lecture... Je ne suis pas sûr que cela vous ralliera à l'ouvrage.
L'écriture est simple, composée de phrases souvent courtes mais émaillées d'ellipses qui soudain rendent ce récit, somme toute assez banal, apparemment plus complexe. Des événements importants se sont déroulés sans que l'on en soit averti, donnant l'impression d'avoir sauté une page ... La première fois, on écarquille les yeux, on revient en arrière, on ne voit rien,..  Elle a donc un enfant ? La maison a brûlé ?  ah oui ...l'auteur y revient quelques lignes plus tard. Ce petit jeu, intrigant au début, un peu plus rigolo par la suite, franchement ridicule à la fin, amène à penser que nous sommes plus dans une pose d'auteur que dans une vraie nécessité littéraire.
Ce montage est sensé enjoliver une histoire de bobos vaquant dans le cinéma. Yann qui plus il prend du ventre, perd des cheveux, épouse une encore adolescente dénommée Myriam, créature sans beaucoup de sentiment, frigide mais qui écarte les jambes à la demande. Cette héroïne évaporée permet des scènes de sexe de vieux libidineux avec de nombreuses plongées de mains dans sa culotte qu'elle retire prestement mais sans affect. Entremêlé à une sombre histoire de famille avec frère dealer et belle soeur dépressive, cet érotisme de pacotille connaît un climax  vers le milieu du livre, lorsque son héroïne connaît par hasard un orgasme. Soudain, on craint le pire, c'est à dire une soudaine frénésie sexuelle façon film porno bas de gamme...mais non, Myriam est une cruche, et donc le restera jusqu'au bout. Même si Mr Djian essaie de nous faire croire qu'elle est quand même un être plus complexe qu'il n'y paraît, le roman traîne en longueur malgré un apport de coke ou une montée d'instinct maternel. Oui, ces deux ingrédients peuvent détonner l'un avec l'autre mais sont pourtant les rares ressorts dramatiques d'une deuxième partie fort longuette.
J'avoue, que cet attelage assez brinquebalant d'écriture pseudo sophistiquée et de scénario de téléfilm bas de gamme questionne le lecteur. Où veut-il en venir ? Que cherche Philippe Djian ? J'avais pensé que peut être nous nous acheminerions vers un twist final, histoire de finir en beauté, de surprendre vraiment le lecteur... Ben non ! Raté ! Ca se termine platement et ce n'est pas Rimbaud, placé façon spéculoos accompagnant votre expresso ( expresso? ... non!  jus de chaussette si je repense au roman) qui y fait quelque chose.
"Dispersez-vous, ralliez-vous" place donc son auteur dans le créneau de l'auteur facile à succès mais qui en fout plein la vue, en ripolinant une écriture et une histoire banales avec des artifices inutiles. Dans notre époque de vitrine, Philippe Djian a tout compris : avec un peu d'épate, je suis le roi du roman carton pâte !

jeudi 19 mai 2016

Julieta de Pedro Almodovar


Le nouveau film de Mr Almodovar possède toutes les qualités du beau film bien ripoliné, bien scénarisé et bien réalisé. Les couleurs claquent toujours, même si les tons pastels viennent atténuer une palette autrefois plus pimpante. L'adaptation de nouvelles de la romancière canadienne Alice Munro à la sauce mélo espagnole fonctionne parfaitement. La réalisation souple, soignée, épouse avec grâce les émois de ses héroïnes, utilisant le flash-back avec brio.  Les comédiens composent avec ferveur des personnages au bord de la crise psychologique. Les thèmes récurrents du réalisateur sont abordés d'une façon plus sobre qu'à l'habitude ( le rapport avec la mère, la jalousie, ...), donnant à Julieta un souffle romanesque imparable.
Et malgré tout cela, je suis quand même reste de marbre devant la vie compliquée de Julieta,... comme extérieur. La composition magnifique de l'image, ses éclairages subtils, ses doux mouvements de caméras qui caressent des actrices magnifiques de la tête au pied, sans l'ombre d'un pli sur les vêtements, sans une mèche de travers, m'ont tenu en retrait, rendant le film très glacial à force de joliesse. Je laisse de côté les scènes de train ou celles dans la cuisine du pêcheur, visiblement tournées en studio façon mélo hollywoodien, dont l'improbabilité concourt à ancrer le film dans le mélodrame flamboyant. Mais tout le reste, à l'éclairage trop subtil, avec une esthétique de papier glacé, m'a éloigné des personnages, comme si cette lumière qui les enveloppait, empêchait l'émotion de jaillir. Une impression de retenue mêlée à un style bien plus épuré qu'auparavant donnent au film un cachet sans doute chiquissime mais au final aussi glaçant qu'un magasin de mode minimaliste ( vous savez ceux où dans un grand espace subtilement éclairé, règne une longue table en béton avec trois tee-shirts artistiquement posés, gardés froidement par une tige qui, si l'on observe bien, se révèle être une vendeuse). Peut être suis-je un peu nostalgique de l'Almodovar qui jouait des situations de roman-photos avec roublardise, instillant dans son cinéma un peu de provocation et autres ingrédients vaguement incorrects. Dans "Julieta, pas de travelo, de gay, d'amours autrefois marginales, pas l'ombre d'une petite hardiesse. La maître espagnol est rentré complètement dans le rang, assagi. Il continue sa veine mélo, celle qui a donné ses plus beaux films mais en l'épurant et en enlevant ce qui donnait un vrai relief un poil décalé. On ne s'ennuie pas, on est content de voir de jolis acteurs dans un joli film bien écrit mais l'ensemble, pour moi manque de sel et voire de profondeur.



dimanche 15 mai 2016

Obia de Colin Niel


Ce polar qui vient d'obtenir le très convoité prix des lecteurs " Quais du polar" à Lyon, possède tous les atouts pour vous faire passer un bon moment. Bien que ce soit le troisième tome de ce que l'on peut appeler maintenant une série dont tous les personnages traînent un passé bien rempli, "Obia" peut se lire de façon indépendante. 
Continuant cette tradition assez française du polar un poil politique, Colin Niel nous embarque en  Guyane, lointain territoire dont on ignore beaucoup de choses ( moi tout du moins...). Loin de Cayenne, l'intrigue se situe à Saint Laurent du Maroni, au bord du fleuve Maroni qui fait office de frontière naturelle avec le Suriname, ancien colonie néerlandaise. Dépaysement garanti donc avec son climat tropical, sa population mélangée aux nombreuses ethnies vivant dans une partie de France où le taux de chômage atteint 23 %. Et dans cet univers où la précarité rime avec délinquance, nous suivrons les pas de trois policiers ( en fait deux, le troisième ayant été viré lors d'un épisode précédent, il n'a plus que l'espoir de pouvoir gagner un peu sa vie avec son activité de détective). Ils ont fort à faire ses trois hommes. on a retrouvé un jeune gars assassiné dans un fossé. L'autopsie montrera que c'est une mule, bourrée de cocaïne ingurgitée sous forme de gélules, venant du pays voisin et en partance pour la métropole. Un réseau de drogue, un politicien sans doute véreux, un passé pas si lointain qui va soudain refaire surface sont les principaux ingrédients de ce polar de presque 500 pages. 
L'intrigue démarre doucement, l'auteur prenant le temps d'installer ses personnages en adoptant un récit choral simple et bien mené. Les personnages, relativement nombreux, permettent de tresser un décor assez circonstancié de la Guyane française, avec ses us et ses coutumes et sa position idéale de rampe d'expédition, non pas de fusées, mais de coke. C'est aussi pour lui l'occasion de glisser un rappel historique sur la région avec le génocide survenu au Suriname en 1986 qui a fait traverser le fleuve à toute une population traumatisée qu'il a fallu héberger puis intégrer celle qui n'a pas voulu retourner au pays une fois la paix signée. ( heu, personnellement, ce n'était pas un rappel mais une information, il y a ainsi des guerres civiles qui ont du mal à se frayer un chemin dans nos médias ...ou alors je l'avais occulté...). 
Si la première partie se consacre surtout à tisser les bases d'une enquête aux apparences assez banales, la suite du roman va nous prouver que le lecteur a été enfumé, car, en accélérant le rythme, en enchaînant les rebondissements, "Obia" va prendre le virage du bon suspens haletant qui va faire tourner les pages avec ferveur. 
Ecrit simplement mais efficacement, "Obia" allie thriller et informations sur une région française sans doute méconnue. Loin d'être une publicité sponsorisée par l'office de tourisme guyanais, le roman sera le plaisant compagnon d'un agréable moment de lecture. 

samedi 14 mai 2016

Ma loute de Bruno Dumont


Quand vous irez voir " Ma loute", parce que, oui, il faut avoir vu ce film, histoire de se faire une idée de ce que peut être la création dans le cinéma français au 21 ème siècle et ainsi savoir vers quel genre de spectateur vous tendez, le curieux épris de création et aimant être surpris ou le consommateur de pellicules ou banales ou tape à l'oeil, il vous faudra cependant faire table rase de certains éléments qui pollueraient la projection. 
Tout d'abord, remisez l'image que vous pouvez avoir de Bruno Dumont le réalisateur ( si vous en avez une), cette figure assez radicale du 7ème art francophone, qui a pu vous agacer par son hyper réalisme glaçant, par ses interprètes amateurs exhibés parfois comme des phénomènes de foire ou par la suffisance de certaines de ses déclarations fleurant l'intello arrogant. 
Il vous faudra peut être, comme moi, oublier "Le petit quinquin", cette série qui a brillé sur Arte il y a deux ans, certes annonciatrice de cette loute mais qui, à mes yeux, manquait de rythme et m'avait laissé comme un mauvais goût de malveillance à l'égard de ses interprètes traités comme de pauvres pantins débiles. 
Chassez aussi de votre mémoire la bande annonce qui donne l'impression que nos stars bien aimées surjouent jusqu'à l'insupportable. Sorties de leur contexte, les quelques bouts de scènes présentées abondent dans ce sens alors que dans la réalité du film, cette interprétation touche au sublime. 
On essaiera enfin d'occulter la promotion faite autour du dernier Dumont qui pourrait pâtir du syndrome " rentabilisons une production difficile d'accès mais plus gonflée et coûteuse qu'à l'habitude  en propulsant tous azimuts articles dithyrambiques, interviews énamourées" . Il serait temps que les lanceurs de films s'aperçoivent que tout cela n'est pas toujours productif, surtout au moment de Cannes, les spectateurs commençant à connaître le cirque. Quand on a été échaudé plusieurs fois par des oeuvrettes dont la splendeur se résumait uniquement à l'extraordinaire faculté à squatter les médias, on regarde passer les bulldozers de la promo avec un oeil goguenard et l'on reste à la maison pour jouer à Candy Crush ou cultiver son jardin. Je me demande si, vieux réflexe de classe, le spectateur prolo n'a pas envie de se venger ce monde maquillé par l'Oréal, coiffé par Dessange et bijouté par Chopard qui ondule sur nos écrans de télé .... ce qui nous ramène d'ailleurs à "Ma loute ", la lutte des classes étant une des entrées possibles pour ce film qui en possède tellement.
Vous l'aurez sans doute compris, lavé de toute cette pollution sonore, visuelle et intellectuelle, vous devriez vivre une moment de cinéma rare et intense, car oui, vous laisserez de côté votre télé, votre play station ou le dernier Foenkinos et vous irez faire votre petit festival de Cannes personnel et participerez ainsi à un des événements du mois. 
"Ma loute"  est bien ce qu'on en dit : une oeuvre comique ET burlesque, avec un zest de  polar. Mais c'est aussi la quintessence du cinéma de Bruno Dumont, une réflexion sur la partition riche/pauvre, sur l'universalité et le mystère de l'amour, sur le cinéma d'aujourd'hui ( et d'hier), sur le regard, sur la lumière, sur la folie, sur la vie, sur la mort, sur la terre, sur... Bon, vous l'aurez compris on trouve tout chez Dumont et surtout dans son dernier film, mille feuilles gourmands et splendide, intrigant et poétique, violent et intello, simple et drôle. Il suffit de se laisser porter par ces images inspirées aussi bien par la peinture de Courbet, de Magritte ( et d'autres) que par la lumière des plages du Nord ( ah pardon, Hauts de France dorénavant ! ) et par la démesure d'un scénario qui ne s'interdit rien pour mieux atteindre l'universel. Le mélange de tronches du Nord et de stars fonctionne admirablement bien. L'ambiguïté ressentie dans " Le petit quinquin "  quant à l'utilisation d'amateurs au physique atypique est ainsi gommée. Vedettes ou non, tout le monde est filmé avec le même regard, n'occultant aucun défaut ou s'en servant pour les sublimer. Le choc des cultures, des castes a lieu. Tous deux assez dégénérés ( consanguins pour les bourgeois/stars, cannibales pour les pauvres/amateurs), leur représentation va jusqu'au grotesque. Les non professionnels déploient une fraîcheur et un naturel ahurissants, les pros se défoncent dans un numéro affolant (mention pour Juliette Binoche qui lâche tout et nous emporte dans un sommet délirant rarement atteint par une comédienne de cette envergure). Et le film avance, parfois un peu lentement, mais allant crescendo dans cette folie bien plus organisée qu'il n'y paraît. Rien n'a été laissé au hasard. En plus de l'image hyper travaillée, le son prend une part importante dans la réussite de l'ensemble. De l'emploi très circonscrit de la musique aux bruitages des personnages ( oui Luchini se déplace tout le temps avec des bruits de vêtements trop amidonnés qui craquent et l'inspecteur Machin grince à qui mieux mieux ), tout concourt à nous étonner, nous faire rire, voire nous émouvoir ou nous faire frémir. Et dans toute cette débauche folle furieuse, les métaphores sont nombreuses pour qui veut les saisir mais pas indispensables pour celui qui veut seulement se laisser aller à un moment ludique et merveilleux. 
Et puis, il y a Billie. Billie, c'est sans doute la figure centrale du film, celle qui essaie d'établir un pont entre les deux mondes. C'est la fille ou le garçon (on ne saura jamais) consanguin(e) des bourgeois qui tombe amoureuse de ma loute, le fils des prolos du coin. Leur passion  symbolise l'attirance et la violence de ces deux univers opposés, contraires. Pour moi métaphore du cinéma de Mr Dumont, Billie, par son côté double,  symbolise ce balancement entre tragique et comique, cette interrogation ( entre autre) sur le beau et le laid que le réalisateur nous propose depuis longtemps et qui nous trouble tant. Pour incarner cette figure singulière, le réalisateur révèle à l'écran Raph, véritable déflagration cinématographique, une apparition comme il en arrive peu dans une année. Aussi beau en fille que belle en garçon, son regard bleu et magnétique, sa voix grave et sensuelle, son physique de rêve quelque soit son genre, il, elle, offre une interprétation parfaite qui donne à penser que nous le, la, reverrons très vite. ( Oui, même sur le net, Raph garde son ambiguïté).
Sans être exempt de petites longueurs, "Ma loute" mérite amplement sa sélection à Cannes en portant haut la créativité d'un cinéma français qui n'a décidément pas peur de sortir des sentiers battus. Jubilatoire car aussi drôlatique que mordant, ce dernier Dumont surprend, étonne et passionne tout spectateur un peu curieux et joueur; Avis aux amateurs ! 






mercredi 11 mai 2016

Café Society de Woody Allen



La question de rigueur lorsque sort un nouveau Woody Allen est de savoir où le placer dans sa filmographie. Parmi les grands crus ? Plutôt dans le genre mineur ? Après la vision de "Café Society", cela ne vient pas à l'esprit. La légèreté teintée de mélancolie qui nimbe ce film élégant fait oublier tout ce questionnement mesquin. Pendant une heure et demie nous avons été emportés dans le Hollywood et le New York des années 30, au gré d'une histoire d'amour contrariée, marivaudage conté par le maître lui-même. Léger comme les bulles de champagne qui coule à flot dans les réceptions clinquantes ou les clubs de jazz, le film semble revisiter une nouvelle fois l'univers du réalisateur ( la séduction, la famille juive, les années d'avant guerre, ...). On pourrait craindre une répétition, alors que c'est juste pétillant, avec ici une touche acidulée, là une pointe d'humour et partout un nuage de tristesse, plaçant ses héros au bord d'un gouffre que l'on sent venir, la guerre bien sûr, mais la fin d'une époque ( même pas bénie).
La lumière magnifique, les mouvements de caméra virtuoses mais jamais voyants rendent le spectacle aussi gracieux que possible. Jesse Eisenberg, un peu malingre et voûté, apparaît comme le clone parfait et jeune du maître. Et cerise sur le gâteau, même Kristen Stewart est arrivée à me faire oublier que jusqu'à présent je la considérais comme une actrice un poil tête à claques !
Je me suis laissé porter par cet exceptionnel sentiment de fraîcheur qui court durant tout le film. Cette vraie leçon de jeunesse que nous donne cet octogénaire décidément toujours aussi vert, possède cette touche si personnelle et toujours revigorante qui fait que l'on ressort de la salle joyeux et léger. Si la fin très réussie de "Café Society " nous serre un peu le coeur, le plaisir éprouvé est tel, que l'on comprend que ce film fasse l'ouverture de Cannes même si l'évocation du Hollywood du passé est un peu acide, le film est un hymne au beau, au bon cinéma qui sait allier élégance et humour, dérision et profondeur .


lundi 9 mai 2016

Les amants de Caracas de Lorenzo Vigas

 

Avec ce film vénézuélien qui a obtenu le lion d'or à Venise en septembre dernier, nous avons confirmation que l'année 2015 du cinéma d'auteur ne laissera pas une grande empreinte dans les annales. "Les amants de Caracas" possède tous les clichés du film auteuriste fabriqué pour hanter tous les festivals du monde. On trouve le sujet un peu glauque, ici un cinquantenaire lambda qui paye de jeunes hommes pour venir chez lui et lui permettre de les regarder nus.  La caméra suit le comédien principal, qui ne quitte quasi pas l'écran, un peu mutique ( donc sensé avoir de l'épaisseur), avec un regard intense donc cadré serré avec beaucoup de seconds plans flous pour le côté mystérieux. C'est filmé avec lenteur pour bien se démarquer des productions standards et faire réfléchir le spectateur ( ou l'endormir, cet effet est à double tranchant quand la réalisation et le scénario jouent trop la corde du " je filme contemplatif, j'étire l'histoire, tu vas trouver de la profondeur coco !" ). Une touche de psychanalyse ( l'omniprésence du Père), un peu de social et une fin étonnante qui est sensée éclairer le tout parachèvent l'oeuvre.
Sans que ce soit d'un ennui mortel, "Les amants de Caracas" ne sont guère emballants. Alfredo Castro, l'interprète principal,  possède une présence évidente, promène un regard très particulier, mis en valeur avec justesse par l'affiche, qui ausculte ce qui l'entoure comme un Droopy dopé à la perversion. Mais hélas cela ne suffit pas à emporter l'adhésion. La préciosité de la mise en scène, sa lenteur un peu trop étudiée cassent la dynamique du film basée sur une certaine ambiguïté de son personnage principal aux réactions assez paradoxales. Et lorsque la fin arrive, avec un retournement de situation qui aurait dû nous glacer dans notre fauteuil, nous sommes trop en retrait pour l'apprécier réellement.
Quand a défilé le générique de fin, j'avais en tête un goût de déjà vu sur lequel je n'arrivais pas mettre une image. Et soudain apparaît le nom d'un des producteurs du film : Michel Franco ! Bingo ! J'avais trouvé ! " Chronic de Michel Franco", prix du scénario à Cannes et dont la projection cet hiver m'avait secoué. Même lenteur, même malaise face à un personnage principal assez mystérieux et taiseux et fin surprenante. Seulement, cette fois-ci, peut être le thème moins fort, peut être cette marque de fabrique un peu trop voyante ont fait que l'adhésion fut moindre. Mr Franco semble diriger une petite entreprise cinématographique placée sur les rails de fictions indolentes aux matières peu aimables. C'est sans doute louable, voire courageux mais aux résultat inégaux et peut être moins surprenants quand les recettes appliquées apparaissent comme des tics de producteur.
"Les amants de Caracas" malgré une interprétation impeccable et une toile de fond vénézuélienne originale, n'arrive pas à décoller, la faute sans doute à ce moule narratif qui se révèle à mes yeux contre productif. Le jury du festival de Venise ne devait pas avoir de longs métrages intéressants à ce mettre sous les yeux  pour le récompenser de sa plus haute distinction....


vendredi 6 mai 2016

Un homme à la hauteur de Laurent Tirard


Aussi alléchant que soit le casting, la sortie d"Un homme à la hauteur " une semaine avant Cannes, laissait redouter que cette comédie aux prétentions populaires et sans doute conçue pour remplir le tiroir-caisse de ses producteurs, n'était pas aussi réussie que le prétendait l'inévitable promotion au char d'assaut. Cette époque de l'année, souvent une fin de saison pour le monde cinéma, s'avère le moment idéal pour écouler ses stocks et ses produits incertains. Après la vision de du film, force est de constater que les saisons passent, les habitudes restent.
"Un homme à la hauteur ", comédie romantique adaptée d'un obscur film argentin n'ayant pas eu la chance de parvenir sur nos écrans ( mauvais signe), ne possède que deux atouts : ses deux acteurs principaux. Hélas, la réduction numérique très improbable de Jean Dujardin à l'écran, doublée d'un manque certain de caractère de son personnage ( en gros, riche et vaguement séducteur) le réduit presque à être le faire-valoir de sa partenaire Virginie Efira, qui, perchée sur ses talons de 10 cm, arrive à éviter l'accident industriel que cette production mal fichue aurait pu faire à sa carrière.
Oui, tout est bancal là-dedans, des trucages imprécis du mâle, au scénario qui avance lentement et sans une once d'originalité, sans un second rôle bien écrit. Aucune surprise là-dedans, un doux ennui nous emporte assez vite. On en arrive même à espérer l'apparition de la secrétaire des deux avocats du film, jouée par Stéphanie Papanian, qui, sans doute parce qu'elle en fait des tonnes, donne un peu de peps à l'ensemble qui en manque sérieusement. Heureusement que Virginie Efira toujours aussi gracieuse et séduisante, arrive à illuminer l'écran sans avoir pourtant grand chose à défendre si ce n'est des situations convenues. Alors, l'oeil traîne à l'écran, aperçoit Geoffrey Couët ( vu dans le dernier Ducastel et Martineau) dire une réplique de trois mots en second plan, cherche qui peut être la comédienne qui joue la mère de Virginie Efira (Manoëlle Gaillard). Puis, quand le film s'essaie à parler de différence, on se dit que finalement cela aurait été autrement plus pertinent de confier le rôle à une vraie personne de petite taille, mais cette option n'a jamais dû effleurer l'esprit des producteurs. On en vient à détester cet univers clinquant de riches roulant en Mercédes et vivant dans des maisons designs. L'envie de claquer son fauteuil est toutefois arrêtée par un sourire de la belle Virginie, une larme de l'une des rares actrices françaises à pouvoir faire oublier l'inanité d'un scénario par sa seule présence. On ne peut que la remercier.




jeudi 5 mai 2016

Dough de John Goldschmidt


Dough est bourré de bons sentiments, tous plus nobles ou louables les uns que les autres. La fraternité entre des personnes qui n'ont rien pour s'entendre semble être l'élément fondateur du film . Un vieux boulanger anglais, veuf et juif va embaucher, un peu contre son gré, un jeune musulman noir originaire du Darfour. La boutique qui périclitait lentement à cause du supermarché voisin retrouve soudain une deuxième jeunesse. La clientèle afflue, de plus en plus jeune d'ailleurs, s'empiffrant de bagels ou de donuts ...à la marijuana. Cette recette qu'a trouvé le jeune apprenti pour dealer son herbe en toute quiétude est vraiment une idée de génie. Son patron, absolument pas au courant, regarde avec de plus en plus d'empathie ce jeune qui pourtant,à chaque lever du jour, sur son tapis de prière débite son Coran.
 Tout les oppose mais ils vont s'apprécier, jusqu'au coup du sort qui va dévoiler un détail que l'un voulait cacher et qui brisera le lien. Cette trame dont le sillon a été des milliers de fois labouré par le cinéma, n'est ici jamais déviée de son chemin sans surprise. On assiste dans un mélange de bienveillance et d'ennui à ces aventures anglaises dans l'univers de petites gens et d'immigrés qui n'ont de Ken Loach que le décor et absolument pas le rythme d'une comédie. Nous sommes dans l'univers formaté du téléfilm, le genre qui essaie de faire pleurer le téléspectateur avec une cascade de bons sentiments, mêlant les thèmes du moment comme la religion, les requins de l'immobilier et de la finance, l'immigration.
De cette comédie pas débridée surnagent toutefois les deux acteurs principaux. Jonathan Pryce est absolument impeccable en vieux boulanger juif retors et Jérôme Holder, face à lui, fait preuve d'une remarquable présence. Le reste, patine dans la farine.
Vous irez voir "Dough, les muffins magiques",
Si vous êtes fana de tout le cinéma britannique,
Car votre copine prend des barbituriques,
Parce que vous n'avez pas lu ma critique.




mardi 3 mai 2016

C'est juste Stanley de Jon Agee


Stanley est un chien banal au premier abord sauf qu'une nuit, il se met à aboyer à la lune comme cela arrive quelquefois à nos amis les canidés. Ses maîtres, Wilma et Walter Wimbledon sont bien entendu réveillés mais ne s'inquiètent pas outre mesure. Quand Wendy Wimbledon, une de leurs filles est sortie du sommeil par des cliquetis, on ne s'inquiète pas plus car Stanley est maintenant descendu à la cave pour réparer la chaudière à mazout. Un peu plus tard, à deux heures et demie du matin tout de même, c'est Willie Wimbledon qui vient se plaindre d'une drôle d'odeur qui le met au bord du vomissement. Mais quand le chef de la famille constate que ce n'est que Stanley qui concocte une soupe de poissons, tout le monde se couche rasséréné. Mais la nuit est loin d'être finie et les occupations nocturnes de Stanley vont devenir de plus en plus intrigantes. Mais chut ! je n'en dévoile pas plus, préférant vous laisser découvrir la chute finale de cet album aussi extraordinaire que poétique.
"C'est juste Stanley" est une vraie réussite qui passionne et surprend les enfants et pas seulement parce que l'album offre un final original. Avec un dessin doux, rendant le chien Stanley attachant alors qu'il ne joue pas d'un regard de cocker, restant même un peu lointain, Jon Agee parsème son récit d'une foule de petits détails humoristiques ou gentiment décalés : les nombreux membres de cette famille dont les noms commencent tous par W, cette accumulation sur le lit parental au fur et à mesure des événements de la nuit, le chat comme personnage plus que secondaire mais qui souligne l'histoire de façon drôle et tendre. Mais ce qui est ici notable et que les enfants prennent plaisir à redécouvrir après leur première lecture, c'est la finesse du début de l'album, qui, dès la couverture, lorsque l'on observe bien, et lors des deux ou trois pages suivantes, donne les clefs de cette histoire, comme dans beaucoup de grands romans. Quand on arrive à allier autant de qualités aussi bien narratives que picturales, on peut dire que cet album est une des petites pépites de ce début d'année qui ravira les enfants à partir de 4 ans.



lundi 2 mai 2016

Le dernier amour d'Attila Kiss de Julia Kerninon



Il est ouvrier, trie des canards dans une usine hongroise de foie gras, a cinquante et un an, vit seul, n'a sans doute pas un physique des plus avenants et prend un pot à la terrasse d'un bar. Arrive une jeune femme qui lui est totalement inconnue, vingt-cinq ans, belle, immensément  riche qui fonce droit sur lui et s'assoit à sa table. Une heure après, ils sont dans un lit à faire l'amour et débutent une vie commune. " Le dernier amour amour d'Attila Kiss" démarre ainsi, un peu comme une publicité pour le parfum (si chic) Impulse, mais en version inversée. C'est la princesse qui s'éprend du berger et ce, sans même échanger un regard ! C'est beau l'amour dans les livres ! Et surtout très facile ! Attila Kiss, (le nom peut sembler un peu too much, mais en Hongrie c'est paraît-il très courant, un peu comme en France les Olivier Martin) , en plus de porter un patronyme vaguement martial, se traîne, une première partie de vie pas facile,  une xénophobie énorme, relent de toutes les épreuves historiques que son pays a traversé durant le siècle passé. Face à lui, Théodora Allegria Maria Babbenberg a plus d'allure et de panache. Aussi grande musicologue que fashion victime, la vie pour elle n'est qu'une suite de facilités, seuls peut être un père qui l'a délaissée ( mais lui a laissé sa fortune et son oeuvre à gérer) et la peur d'attraper des bactéries sur les barres du métro ( prenons mon automobile mon bon, c'est plus sûr !) lui gâchent un peu la vie. Mais que voulez-vous ma brave dame, ils s'aiment !
Sur cette trame on ne peut plus improbable, au romanesque si outrancier que la directrice littéraire des éditions Harlequin aurait jeté notre auteure comme une malpropre, Julia Kerninon plaque une écriture somptueuse, mélange brillant de considérations historiques et guerrières avec une interrogation érudite et subtile sur le sentiment amoureux, l'altérité. J'ai été impressionné par l'aisance de sa plume, par sa pertinente description de la relation amoureuse associée le plus souvent à un vocabulaire guerrier, métaphore de leurs origines aussi bien géographiques que sociales. Même si elle abuse un peu trop des énumérations, l'analyse des rapports de ces deux êtres, la confrontation de leurs différences possèdent une réelle force et arrive à impressionner le réticent que je suis, sans toutefois lui faire oublier le côté peu plausible de l'ensemble. On notera une description impitoyable de l'élevage des canards qui pourra servir à Paméla Anderson lors de sa prochaine venue au pays du foie gras ainsi qu'une remarquable toile de fond hongroise que l'écriture évoque de façon sans doute ténue mais qui imprègne ce texte de façon incroyable.
Même si je reste circonspect sur le montage de ce roman qui, à mon humble avis aurait gagné à se prendre moins au sérieux en empruntant par exemple le chemin du conte philosophique, je reste persuadé que Julia Kerninon est une auteure à suivre. Quand on possède une telle plume, on a l'avenir devant soi !

dimanche 1 mai 2016

Tu tueras le père de Sandrone Dazieri


J'ai un problème avec ce polar qui semble faire l'unanimité, je n'ai qu'un avis plat et sans intérêt :Ca se lit comme de multiples polars actuels ! Ni plus, ni moins. Je n'ai pas été passionné outre mesure, ni par les personnages qui depuis Millénium frisent le pastiche, ni par l'intrigue, bien ficelée mais maniant pour la millionième fois des ingrédients éventés : la théorie du complot, un méchant diabolique et un trafic d'enfants bien glauque. 
Certes je suis allé au bout des presque 700 pages de la chose. J'ai fait la connaissance de Colomba, jolie commissaire aussi dynamique que tourmentée, dont le  caractère bien trempé impressionne plutôt les hommes...comme beaucoup d'héroïnes depuis Lisbeth Salander. Contrairement à sa lointaine cousine suédoise, elle est moins douée en informatique et a mis sa sexualité en veilleuse... Tiens, c'est peut être la seule vraie originalité de ce polar, il n'y a pas une seule scène de sexe ! Bref pas de sexe mais quand même un acolyte masculin, Dante, assez singulier, genre surdoué mais au passé d'enfant séquestré, phobique et amateur de café. Ces deux là, vivent dans la même chambre d'hôtel, voire partagent le même lit, mais ne se touchent pas ( c'est un polar soft , je vous dis !). Ils ont été réunis de façon trouble par le chef de la brigade romaine qui a une idée derrière la tête. L'enquête avançant à coups de nombreux rebondissements, on s'apercevra que le passé de chacun a un rapport direct avec cette disparition. 
Oui, les chapitres sont courts et bien rythmés et se terminent comme dans les bons vieux feuilletons d'autrefois par un fait qui doit vous faire entamer avec avidité le suivant. Seulement, cette accumulation à la longue, un peu forcée, manque quelquefois de logique. Tout ne fonctionne pas comme dans une machine bien huilée, des incohérences viennent parfois gripper l'affaire. Et là de deux choses l'une, soit on passe sans ciller, emporté par l'intrigue, soit on bute et là, le roman perd de son intérêt. Manque de chance, c'est le deuxième cas qui m'est tombé dessus et du coup, mon esprit (mauvais diront certains) n'a pu s'empêcher de vagabonder un peu, de voir les ficelles d'une intrigue qui lance des appels du pied à une adaptation ciné ou télé ( qui semble se profiler à l'horizon). Cela se lit jusqu'au bout, mais encore une fois, pour moi, le trop de rebondissements devient un peu lourd à digérer, comme un panettone avec trop de fruits confits, comme un roman qui veut à tout prix prouver qu'il a une intrigue en béton.
Clinquant comme souvent les italiens, "Tu tueras le père" ressemble à son titre provocateur. On imagine une tragédie sordide, mal pensante, mais on se retrouve au final avec quelque chose de mieux pensant, de bien lisse, de bien moral, le père du titre n'en est pas un. Je vous laisse découvrir ce qu'il est réellement, car, après tout, ce gros polar saura faire passer un temps agréable à ceux qui s'y laisseront prendre.