mardi 29 novembre 2022

La fauve d'Yvan Robin


Plutôt roman très noir que réel polar ( mais allez savoir désormais ce qu'est un roman policier de nos jours...), "La fauve" se démarque de ses voisins de pile en librairie par une histoire chorale qui n'hésite pas à flirter avec un gore quasi jubilatoire mâtiné d'une toute petite ( mais toute petite) dose de fantastique. 
Le mot "gore" risque d'en refroidir certain(e)s mais sachez que cette histoire de mâles en goguette dans une campagne profonde est surtout le prétexte à une démolition en règle de la stupide domination masculine et des atours qui vont avec : la chasse, la boisson, le fric, les pulsions guerrières et racistes,  le petit et minable règne domestique et la bêtise qui accompagne tout ça. C'est, au fil des pages d'une intrigue bien construite, un véritable jeu de massacre qui va crescendo. On frôle l'immoralité mais le genre le permet surtout quand c'est couplé avec une  écriture pleine d'aisance au service d'une histoire dont on n'arrive pas toujours à prévoir où elle va aller. Un seul bémol pour ce court polar ( 176 pages) on regrettera une fin un peu rapide ( bâclée ?) qui en regard de tout ce qui précède manque soudainement d'ambition, d'originalité, préférant soudain s'éteindre sur une note facile et plus douce mais très très improbable.
Saluons toutefois ce roman diablement original dans un univers de plus en plus formaté. 


 

lundi 28 novembre 2022

44ème festival des trois continents, Nantes 2022


 Le festival des 3 continents de Nantes comme son nom l'évoque un peu, s'intéresse aux cinématographies d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud. Des rétrospectives ( cette année Hirokazu Kore-Eda, Mike de Leon, le cinéma indien, Raùl Perrone, ...) et une compétition de 10 longs- métrages venus du Brésil, d'Inde, du Bangladesh, d'Iran, du Japon, de Chine, du Vietnam et d'Indonésie composaient le menu de cette 44 ème édition. 
Cette riche programmation permet de glaner ici un vieux film restauré  de Shohei Imamura, là découvrir un documentaire centrafricain mais aussi de se plonger dans la compétition internationale avec la curiosité de faire de beaux voyages voire repérer une pépite, un futur grand réalisateur. 
Disons-le d'emblée, la sélection proposée se porte toujours sur des films exigeants, ayant tous un vrai regard, qu'il soit artistique, politique, humaniste mais lorgnant vers une cinématographie disons pas forcément grand public. Cette année, la règle est confirmée, nous avons eu droit à des oeuvres se développant sur une durée que l'on sentait passer fortement ( plus de la moitié de la sélection avec des projections dépassant  deux heures). Ainsi, "Adieu capitaine" ( quasi 3h), documentaire hommage de l'anthropologue franco brésilien Vincent Carelli autour du chef décédé de la tribu amazonienne Gaviao, nous a permis de sentir ce que la déforestation a pu impliquer pour une tribu, les combats menés ( qui continuent à l'heure actuelle). Intéressant bien sûr, mais avec des longueurs et un regard plus indigéniste que cinématographique. On pourra aussi faire un peu ce reproche à un autre documentaire, "Day after..."  du bangladais Kamar Ahmad Simon, qui essaie de faire un portrait du pays en s'embarquant sur un vieux bateau à aubes, voguant comme il peut sur le Gange, avec ses passagers de diverses classes sociales. Si ce voyage est aussi intéressant que dépaysant, il n'arrive toutefois pas à  capter complètement l'attention sur les 2 heures, certaines scènes s'étirant un peu trop sur des personnages dont on a vite fait le tour. Le troisième documentaire proposé à notre curiosité, "Jet lag" de Zeng Lu Xinyuan, venait de Chine  portrait en noir et blanc et à la tendance arty du confinement en Autriche de la réalisatrice mêlant vie intime, Chine, révolte au Myanmar ( Birmanie) et famille. Là aussi presque deux heures, mais les cadrages plutôt artistiques ne cachaient pas un propos un peu hermétique ou désordonné. 
Côté films de fiction, là aussi, il fallait parfois s'armer de patience, tant les réalisateurs ( ou les sélectionneurs) aiment les longs plans dont on se demande parfois l'intérêt exact. Cependant, sans doute par réaction à Netflix, ces films à rythmes autres, ont tous plus ou moins su imposer leur marque. " Shivamma'"  de l'indien Jaishankar Aryar et sa paysanne ( pas très sympathique) convertie à la vente en réunion de produits diététiques bidons, "Love life" du japonais Koji Fukada autour des séismes causés par la mort d'un enfant ou "Autobiography"  premier film très maîtrisé de l'indonésien Makbul Mubarak, mais 
 dont l'extrême mise en scène n'arrivait pas à cacher un scénario un peu conventionnel, ont tous su nous faire voyager, réfléchir. A contrario,  si l'on a eu une impression de voyage avec le film vietnamien de Bui Thac Chuyen "Cendres glorieuses" , son scénario peu lisible autour de passions dévorantes ( et inflammables) n'a pas trouvé que des défenseurs. On attendait beaucoup du film de la brésilienne Julia Murat et son  "Rule34", léopard d'or au dernier festival de Locarno. Le sujet, gonflé, d'une étudiante en droit assez bcbg le jour, arrondissant ses fins de mois, la nuit, en excitant du bonhomme sur le web et tombant petit à petit dans l'envie de relations sadomasochistes, avait tout pour exciter le public. Le film tient pas mal ses promesses, est bien pêchu, mais aurait sans doute lui aussi gagné à être un poil resserré niveau rythme pour complètement convaincre. A ce jeu de l'étirement, il y a pour moi un vrai gagnant, celui qui, si je devais voter emporterait haut la main ma voix, je veux parler du film iranien "Scent of wind" de Hadi Mohaghegh, qui avec une petite histoire toute simple d'entraide entre un ingénieur/réparateur en électricité et un handicapé veuf et s'occupant d'un enfant malade au fin fond du fond des montagnes iraniennes( ok, le sujet n'engendre pas la rigolade) m'a littéralement ébloui et bouleversé. Très grande beauté des plans, quasiment pas de dialogue, un regard d'une grande humanité font de ce film un petit chef d'oeuvre de poésie,  qui arrive également à nous donner, en douceur, un image de l'Iran aux profondes inégalités. Pour moi, c'est la Montgolfière d'or .... 
PS : Depuis l'écriture du billet, le verdict est tombé. "Scent of wind" a obtenu la Montgolfière d'argent, ce qui est amplement mérité mais celle d'or est allée au film Vietnamien  "Cendres glorieuses", belle réalisation mais au service d'un scénario un peu confus. La comédienne du film brésilien "Rule 34" Sol Miranda, a été honorée d'une mention spéciale justifiée tant elle investit avec force un rôle pas simple. Le documentaire "Jet lag" repart aussi avec une mention spéciale, sûrement pour son côté artistique. Le jury jeune a plébiscité  "Shivamma" , film indien qui était cinématographiquement le plus classique de la sélection ! Quant au public, les votes se sont portés vers un autre film indien "L'hiver intérieur" de Aamir Bashir, le seul que je n'ai pas pu voir... 


Bande annonce bien silencieuse  de "Scent of wind"....

vendredi 25 novembre 2022

Sous l'eau de Catherine Steadman


La couverture appâte d'emblée avec ce million de lecteurs conquis .... Déjà ce sont des lecteurs pas des livres vendus... Si chaque livre vendu est lu deux fois ça ne fait plus que 500 000 ventes. Si l'on compte les lecteurs de bibliothèque, si chaque livre sort en moyenne 15 fois ( pour un polar c'est un bon score), cela fait 70 000 ventes.... Donc niveau succès commercial, cela est donc très relatif et surtout, on ne voit pas bien comment cela peut se calculer. Parler chiffres permet de reculer le moment de donner un avis sur ce polar qui ne restera pas dans les annales. 
"Sous l'eau" peut se vanter d'avoir un bon premier chapitre. Une femme est en train de creuser une tombe pour y ensevelir son mari. Bonne accroche, écrite avec une pointe d'humour noir plutôt agréable. On sent que l'on va se régaler... sauf que l'on déchante dès le chapitre suivant. Est-ce bien Catherine Steadman qui a écrit ces pages de démarrage ? Fini ce petit humour, place à un récit banal avec héros bling-bling ( même si le trader de mari se retrouve au chômage), en voyage de noces à Bora-Bora. A nous ( enfin...à eux plutôt) la belle vie dans les hôtels de luxe, l'amour au champagne et le soleil sur le lagon. A nous l'agacement aussi car Erin et Mark se révèlent têtes à claques tout en s'enfonçant dans une très improbable histoire de diamants et d'argent trouvés lors d'une plongée. A partir de là tout par en sucette pour le couple mais pour le lecteur aussi. Les rebondissements difficilement crédibles succèdent à d'autres chapitres sur la vie professionnelle d'Erin ayant pour seul but de lui donner une vague épaisseur mais qui globalement ne servent à rien. Plus on avance, plus on trouve cela ridicule et même puant tant ils sont cupides. Si l'on ne fourre pas le roman dans une boîte à livres avant la fin, on découvrira un dénouement encore plus raté et mal écrit que le reste ( oui c'est possible). 
C'est certain que je ne vais pas augmenter le compteur des lecteurs conquis, ni conseiller ce roman bien mal ficelé, superficiel et enfilant les clichés comme son héroïne les dollars dans une banque Suisse. 


 

jeudi 24 novembre 2022

Le menu de Mark Mylod


"Le menu" tente de rassembler les amateurs de "Top chef", ceux de "Game of Thrones" ( Mark Mylod le réalisateur vient de cette série), ceux qui aiment les films un poil horrifiques et, pourquoi pas, visons large, les romans d'Agatha Christie puisque le point de départ ressemble pas mal aux " Dix petits nègres" ...mais il faut dire désormais " Ils étaient dix". 
Nous avons donc 10 convives qui ont payé une somme folle pour un repas avec le plus grand chef du monde ( dixit les critiques gastronomiques ). Ils sont coincés toute une soirée sur une île et doivent déguster le meilleur repas de leur vie. 
Dès les premières scènes nous sommes intrigués... Le terrain connu quant à l'histoire mais on sent bien qu'il y a comme un os. Le grand chef a une tête à revisiter la purée pour en faire quelque chose de sublime mais aussi à la mixer avec des tessons de bouteilles finement pilés. Le film n'a pas le fumet pour activer les pupilles des cinéphiles, car, derrière la caméra,on ne trouve pas un grand réalisateur juste un bon faiseur. On se retrouve donc devant un  divertissement assez efficace, plein de rebondissements.  Si  Ralph Fiennes est parfaitement inquiétant en grand chef et la jeune héroïne vraiment battante et gonflée, les autres convives n'échappent pas à des rôles plus stéréotypés. Les âmes sensibles, dans cet univers où traînent autant du caviar qu'une panoplie complète de couteaux bien aiguisés, doivent savoir que l'on avance petit à petit vers des moments plus hards sans jamais verser dans le gore. 
Les amateurs de gastronomie peuvent s'attendre à ne pas être caressés dans le sens du poil, car le film épingle malicieusement tous ces amateurs de grands plats onéreux, ceux capables de trouver une trace de kumquat dans un gratin de truffes. D'ailleurs la morale au bout d'une heure quarante est simple : rien ne vaut un vrai et bon cheeseburger ! Autant dire qu'au pays de la bonne bouffe, cela risque de ne pas bien fonctionner .... sauf chez ceux qui ne dînent pas dans les étoilés, eux, et ils sont nombreux,  prendront un  plaisir certain à ce film malin et efficace. 
PS : Petite anecdote. J'ai vu "Le Menu", distribué par Disney, en avant-première dans un festival. C'est la première fois que j'ai assisté à une projection sous la surveillance de vigiles, qui nous ont obligés à éteindre nos smartphones, qui nous ont surveillés durant toute la projection, pointant de leur petit laser les malheureux qui osaient regarder l'heure sur leur portable, de peur que nous ne soyons d'affreux pirates!


 


 

mardi 22 novembre 2022

Saint Omer d'Alice Diop


Représentant la France aux Oscars, doublement primé à la dernière Mostra, couronné du prix Jean Vigo, "Saint Omer" ne peut que, voire doit, susciter l'unanimité. Pourtant, en sortant de la projection, quelques interrogations peuvent  s'emparer du spectateur autour de son propos mais aussi de sa narration.  
Rien à redire sur les thèmes abordé, des questionnements sur la maternité à la justice qui depuis la nuit des  temps ne traite pas les femmes à égalité, ils sont universels et toujours d'une brûlante actualité. L'affiche n'est pas trompeuse, c'est bien un film de prétoire auquel on assiste. Nous suivrons une jeune femme qui assiste à un jugement. Figure assez silencieuse, elle semble n'être là que pour permettre à la caméra de sortir du tribunal et nous aérer un peu. Ses interrogations sur son futur de mère ( "Et si j'étais comme elle ( l'accusée) ?", légitimes, ne sont guère convaincantes tant elles semblent platement plaquées en regard de la partie essentielle du film, le jugement de cette mère infanticide. 
Alice Diop ne cherche pas à révolutionner le genre du cinéma judiciaire. Elle semble vouloir rester  réaliste tant les premières scènes, quasi documentaires, nous plongent dans le réel d'une audience de la cour d'assises. Mais ce qui l'intéresse la réalisatrice, c'est de faire passer des messages et a la ferme intention d'être entendue.
Le premier, liquidé dans une première scène impeccable, impose une femme noire que nous découvrons prof de fac, faisant un cours sur l'épuration en France à la fin de la seconde guerre mondiale et notamment sur les femmes tondues. S'amorce ensuite un deuxième message, celui que la justice réserve aux femmes en général mais qui ne sera qu'en filigrane durant tout le film lequel va plutôt  s'intéresser essentiellement  à une mère infanticide et à essayer de comprendre comment une femme peut en arriver à cette extrémité ( quelle soit noire n'a quasi aucune importance). 
Sous le regard de la prof de fac de la première scène présente dans le tribunal ( avec comme fil introducteur la peur que, parce qu'enceinte, elle pourrait devenir mauvaise mère, voire infanticide), nous suivrons le procès de Laurence, jeune femme noire qui a tué son enfant de 15 mois. C'est apparemment le thème central du film, une recherche introspective sur ce crime atroce. Et c'est sans doute ici que le film ne tient pas tout à fait ses promesses. Alors que le début du procès se rapprochait du documentaire tant la mise en place s'avérait précise, bien vite, la réalisatrice prend un chemin beaucoup plus cinématographique, place des effets, opère des raccourcis ou permet des échanges assez éloignés de la vraie procédure judiciaire. Le film devient un poil manichéen, voire mélo dans le final larmoyant. Etrangement, nous n'entendrons que peu les témoins de cette sordide affaire, quasiment pas l'avocat général, nous resterons sur les interrogations très empathiques de la présidente et sur les ( très belles) envolées de l'avocate de la défense mais aux conclusions un peu simplistes. Pour une réflexion forte sur l'infanticide, on devra repasser et pour le verdict aussi car on n'en saura rien. Par contre pour imposer un chemin  lacrymal, Alice Diop n'hésite pas à en rajouter, filmant des visages inconnus en larmes après les paroles de défense,  indiquant bien au spectateur, que c'est là qu'il faut pleurer sinon, il va passer pour un coeur sec... 
Si le fond du film laisse un peu perplexe ( tout ça pour juste ça?!) , force est de reconnaître que le film a de la gueule ( du moins dans la partie prétoire, parce que les interrogations prétextes de la prof de fac sont quand même sans grand intérêt). Avec de longs plans fixes, formidablement cadrés et surtout trois comédiennes exceptionnelles, Guslagie Malanda, Valérie Dréville et Aurélia Petit, l'intensité est bien là et justifie sans doute tous ces honneurs et arrivent à occulter un propos finalement bien conventionnel. 








 

lundi 21 novembre 2022

Hyperréalisme, ceci n'est pas un corps


 

La représentation du corps humain sculpté a connu des évolutions, des modes, des périodes productives et d'autres moins. Depuis la fin des années 80 ( en gros), des artistes ont pensé cette forme de sculpture de façon totalement réaliste. Aidés par l'arrivée de nouveaux matériaux, jouant sur un effet miroir, de double, ces oeuvres interrogent le public par leur approche pouvant tromper le regard... Mais les sculptures hyperréalistes ne se bornent pas seulement à représenter de la façon le plus exacte possible un corps humain, les artistes détournent évidemment cette technique pour être impertinents, porteurs de messages ou d'interrogations sur nos sociétés et notre regard. L'exposition " Ceci n'est pas un corps" au musée Maillol, offre un magnifique panorama de cette tendance artistique. 

Il y a quelques années ( en 2013) la fondation Cartier avait proposé une exposition du maître australien de l'hyperréalisme, Ron Mueck dont la particularité est de représenter des humains en changeant d'échelle. Effet et succès garantis à l'époque, occultant un peu le travail d'autres artistes. L'exposition en cours jusqu'au 5 mars prochain permet de réunir de multiples artistes et donc une foultitude de points de vue ou de démarches. Il y a ceux qui vont nous interpeller en présentant des morceaux de corps comme Maurizio Cattelan avec son Ave Maria composé de trois bras collés au mur et saluant comme le ferait un Mussolini ou une Méloni ou les bouts de baigneuses ruisselantes de Carole A.Feuerman. D'autres vont nous proposer des corps entiers, nus,  véritables répliques humaines mais dont l'hyperréalité de leur représentation dans des situations souvent dramatiques ou décalées vont nous interroger et nous bousculer ( John Dandrea, Dying Gaul). Et quand les artistes les habillent, le trouble n'est pas absent loin de là  car ces quasi humains sont placés dans des positions, des situations particulières qui accrochent le regard et amènent des questionnements de la part des spectateurs. D'autres, à l'instar de Ron Mueck vont jouer sur les proportions, avec la distorsion comme Evan Penny ou le franchement étrange voire fantastique comme Patricia Piccinini. Et puis, il y a ceux qui vont pousser cette tendance de la sculpture plus loin, usant du trompe l'oeil comme l'italien Fabio Viale à l'oeuvre classique en marbre blanc mais avec effet polystyrène, créant la sculpture cinématographique comme le couple Glaser/Kunz ou mélangeant nature et corps à l'instar du génialissime Fabien Mérelle dont les sculptures ici présentées sont un prolongement fascinant de ses oeuvres picturales. 

L'exposition ne laisse personne insensible tant les oeuvres ici accrochent l'esprit, autant par ce réalisme inhabituel que par les messages qu'elles tentent de délivrer. De plus,le musée Maillol avait prévu des visites naturistes de cette exposition ( toutes prises d'assaut et pour le moment pas encore reconduites). J'ai eu la chance de découvrir cet ensemble de sculptures dans ce cadre là, expérience singulière mais qui accentue le ressenti et a eu un effet incroyable sur les visiteurs. Jamais de ma vie de curieux de l'art, je n'ai autant échangé ressentis et avis, avec des inconnus, comme si le fait d'être nus désinhibait ces personnes qui, croisées dans une visite habillée, n'auraient au grand jamais oser le moindre dialogue... 



vendredi 18 novembre 2022

Coma de Bertrand Bonello


Attention, film expérimental, libre, élan créatif débridé dont la réception dépendra du spectateur. Si l'on est un fan du grand maître Godard, l'entrée en matière, gros plans de détails de trucs divers et variés avec lecture de sous-titres adressés à la fille de Bertrand Bonello semblant lorgner du côté du dernier long du maître Suisse ( "Le livre d'image" ), ne peut que séduire. On y retrouve l'opacité de plans apparemment sans liens et une prose amphigourique et sentencieuse. La suite continue à surprendre. On comprend que l'on retrace la période du confinement, avec une ado seule dans sa chambre à la merci d'une influenceuse un peu gourou qui ( entre autre) vante les vertus du Crudimix, robot ménager qui fera des soupes chaudes de légumes crus ou discutant sérial-killer avec ses copines. On y verra aussi les poupées d'enfance de l'adolescente jouer une sorte de sitcom débile mais avec les voix de Louis Garrel, Gaspard Ulliel, Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste et Laëtitia Casta ( Attention aux fans inconditionnels, on ne fait que les entendre). Par moment, la vie de l'adolescente apparaîtra sous forme de dessin animé. On y entendra des phrases profondes du genre " Les aigles ne volent pas avec les pigeons", on y parlera de limbes et d'écologie, de réchauffement climatique... Selon son humeur, sa sensibilité à un cinéma de recherche, soit on plongera dans l'ennui, soit on prendra un pied formidable parce que ...bon, c'est Bonello tout de même ! Entre deux, on peut aussi s'ennuyer et parfois sourire à quelques répliques de Barbies animées, trouver Julia Faure bonne comédienne et ricaner à certaines remarques qui rappellent des remarques à l'emporte-pièce façon comptoir ( mais du Café de Flore sans doute...). Mais l'ensemble reste quand même un poil hermétique. Intéressant sans doute, mais pour qui ? 






 

jeudi 17 novembre 2022

Les femmes du square de Julien Rambaldi


Sans doute aidé par son sujet social et peu traité au cinéma, "Les femmes du square" bénéficie cette semaine d'une sorte de petit moment de grâce auprès de nos critiques patentés. Il est certain que cette comédie romantique avec pour toile de fond le sort de femmes immigrées, souvent sans papiers et gardant ( sans être déclarées) les enfants de la bourgeoisie parisienne possède des atouts pour faire parler en bien d'elle, la presse ayant pignon sur rue aime à se donner bonne conscience. Mais qu'en est-il réellement ? Niveau cinématographique, rien de neuf à se mettre sous l'oeil. C'est juste un agréable film feel good, pas mieux réalisé que d'autres, au scénario pas trop mal construit, arrivant à retenir l'attention jusqu'au bout. Le casting est excellent, d'Ahmed Sylla à Léa Drucker, du jeune Vidal Arzoni à la pétillante Jisca Kalvanda, tous sont parfaits dans leurs rôles. Mais s'il y avait une seule bonne raison d'aller voir ce film, c'est vraiment pour la prestation formidable d'Eye Haïdara, qui crève littéralement l'écran, à la fois hyper drôle, émouvante, tout aussi crédible en séductrice qu'en walkyrie des squares. Il est certain qu'avec une telle présence, un tel abattage, on a hâte de la revoir très vite ( Vivement les 4 films prévus sur les écrans en 2023). 
 Cependant, une petite remarque sur ce  film, qui se rapproche plus de  "Coup de foudre à Notting Hill" que de Ken Loach... Vers la fin, dans une scène se déroulant dans un bar, après une victoire aux prudhommes ( je ne spoile rien, car on se doute que ça va bien finir ) on aperçoit une télévision. Sur cet écran, on voit des reporters s'intéresser de très près à cette affaire de nourrices étrangères sans papier, puis le  personnage principal lançant une diatribe humaniste sur le sort de ces femmes venues du monde entier et n'ayant trouvé que ces boulots pour subsister. Mais le spectateur voit avec un certain effarement que la chaîne diffusant tout cela n'est autre que...Cnews... la chaîne française la plus ...la moins portée à pleurer sur le sort des migrants. Placement de produit pour adoucir son image ? Ironie du réalisateur ? Dans le contexte actuel, je pencherai plus pour la première idée, et dans ce cas, vu le contexte du film, cela apparaîtrait comme une petite faute de goût non ? 
Quoiqu'il en soit, si vous avez envie de vous détendre un peu et pas trop bêtement,  de découvrir une future star du cinéma français, "Les femmes du square " comblera cette envie. 




 

mardi 15 novembre 2022

Les Amandiers de Valéria Bruni Tedeschi


Valeria Bruni Tedeschi nous a habitués à un cinéma le plus souvent autobiographique, cultivant un goût immodéré de l'entre-soi et pas vraiment emballant, même si apparaissaient ici ou là quelques scènes réussies, pouvant donner un peu d'intérêt à ses oeuvres de riche comédienne/réalisatrice. 
Avec " Les amandiers ", elle ne change pas d'optique mais, il faut le reconnaître, cette fois-ci, elle tient son projet jusqu'au bout et nous offre son film le plus abouti.
Exploiter les souvenirs de son passage à cette fameuse école que fut le théâtre des Amandiers, c'est continuer de rester dans cet entre-soi bourgeois, car Patrice Chéreau brille certes par son talent mais pas par son côté populaire, mais évoquer cette période, reste un thème original.  
Au-delà de l'intérêt que pourront y dénicher les aficionados du théâtre contemporain, on ne peut qu'être convaincu par l'énergie ( plus contrôlée qu'à l'habitude) qui se dégage sur l'écran et par la jolie reconstitution des années 80 et d'une jeunesse pleine de fougue mais également angoissée par l'époque ( nous sommes en pleine épidémie du SIDA). De l'image volontairement sombre, aux jeunes comédiens vraiment investis et crédibles, de l'effervescence de cette jeunesse qui bouffe la vie par tous les bouts au mépris du danger, par leur formidable appétit de jouer, d'apprendre leur métier, de vivre tout simplement, le film est un véritable tourbillon. Il arrive à faire passer que drogue et sexualité libre n'est pas un cliché dans le milieu du cinéma et du théâtre tout autant qu'il ne statufie pas le maître Chéreau ( Louis Garrel qui est surtout Louis Garrel)  ni son acolyte Pierre Romans (  Micha Lescot agréablement calme ). "Les amandiers" parle formidablement du travail d'acteurs, de ses doutes, de ses espoirs comme de ses désespoirs ( avec le personnage un peu plaqué mais plausible de Suzanne Lindon ). Petit bémol pour le personnage de Stella ( en fait Valeria ), narcissisme habituel oblige, qui occupe peut être un peu trop d'espace, hystérisée  par la réalisatrice qui pense toujours que le grand cinéma ne passe que par des scènes pétage de plomb.







 

lundi 14 novembre 2022

Pacifiction, tourment sur les îles de Albert Serra


Pour ceux qui s'étaient copieusement rasés lors de la projection des précédentes oeuvres d'Albert Serra ("Liberté" et "La mort de Louis XIV") et qui ne voudraient en aucune façon renouveler l'expérience avec un film du réalisateur catalan, peut être que cette fois-ci le charme étrange et lancinant du réalisateur opérera quelques magies sur vous, comme peuvent le faire les îles polynésiennes. 
 Les costumes historiques remisés au placard, place aux tenues en lin blanc, aux chemises fleuries voire même aux éclats métalliques ( Sergi Lopez...qui n'a strictement rien à faire ni à dire, sauf apparaître dans un coin de plan.... vacances sans doute aux frais de la production), "Pacifiction" passe du côté de la contemporanéité. Par contre, l'élément nocturne déjà tant exploré par Albert Serra continue à hanter le film. 
Pourtant "Pacifiction" débute de façon solaire, avec des images quasi touristiques, évoquant le plaisir de vivre dans des îles ensoleillées. Au fil des balades d'un haut commissaire ( Benoit Magimel)  sur ses terres polynésiennes, nous avons droit, à la fois à un portrait très nuancé de cet homme représentant la France avec discours très politiques allant du verbiage idiot à celui plus inspiré d'un homme maniant avec bonhomie clientélisme et chaleur humaine et à une sorte de résumé touristique de Tahiti, ses plages au soleil couchant, ses grandes vagues pour surfers, sa douceur de vivre sous une végétation luxuriante, sa fluidité du genre et du sexe. Le film prend évidemment le temps de planter ce décor tout en instillant au fur et à mesure une légère ironie qui va se transformer en inquiétude car tout n'est pas rose sous les palmiers. 
Nous sommes très très loin des fictions habituelles, prémâchées pour spectateurs habitués aux séries. Le réalisateur fait appel à l'intelligence ( sans doute aussi à la patience ) de son public, car c'est petit à petit que l'intrigue s'installe, tout en finesse, sans effets appuyés. Pour donner une idée du film, imaginez que vous embarquez sur une lente spirale descendante qui, partant de la surface ensoleillée, va progressivement s'enfoncer vers les ténèbres. Nous découvrons au final un film politique, un thriller glaçant, aux personnages tous au bord de l'abîme. 
C'est long ( 2h43) , c'est lent mais si l'on se laisse gagner par l'atmosphère unique de ce film, vous sortirez de la salle en vous disant que vous avez vu une des meilleures propositions cinématographiques du moment, exigeante certes mais ô combien passionnante. 



 

jeudi 10 novembre 2022

Real Life de Brandon Taylor



Ce premier roman venant des USA, s'inscrit dans la longue liste des "campus novels" mais en faisant quelques pas de côté dans la narration et le contenu. Habituellement dans ce type de romans nous avons un étudiant ( ou un prof), blanc, porté sur la littérature voire la poésie et vivant quelques aventures amoureuses et intellectuelles. Brandon Taylor en s'emparant de ce genre assez codifié lui donne un côté plus décalé et soudain plus intéressant. 
Tout d'abord, il s'astreint à une unité de lieu ( le campus et un lac avoisinant) et de temps ( un week-end). Ensuite, il met en avant un personnage principal noir, gay, plutôt rondouillard et étudiant en biochimie (loin du blond américain riche et bien bâti lisant T.S. Eliot) . Dernier point et cela renvoie au titre du roman ( "Vraie vie") , le récit avance sous des apparences de banalités, de dialogues entre amis qui peuvent apparaître assez plats tellement ils sont quotidiens. Cependant, ne nous y trompons pas, l'intérêt du roman se situe ( tout du moins dans sa première partie) dans les couches souterraines d'une narration qui va au fur et mesure complexifier l'image de Wallace, le personnage principal et de Miller, son ami le plus proche. Nous allons pénétrer au plus profond des pensées de Wallace, sans bien toujours les comprendre car, en plus d'un rude passé familial, il sombre quand même dans une sorte de dépression qui lui fait ressentir les événements sous un jour pas toujours objectif. 
"Real Life" aborde une multitude de thèmes actuels, certains extrêmement bien rendus comme la place des noirs dans une université américaine, le regard qu'on leur porte ainsi que cette sensation que quoique l'on fasse, quoique l'on soit ( même un brillant étudiant ) on ne se sente jamais à sa place. L'homosexualité, les origines pauvres et les kilos en trop ne font qu'aggraver la perception du monde de Wallace, même si ces derniers éléments sont moins déterminants. Mais d'autres musiques viennent amplifier le récit, en sourdine certes, mais réellement présentes, comme celles de la honte qui pointe son nez par moment ou la peur d'un avenir, communes à tous les personnages qui, enfermés dans leurs hautes études sentent bien que la vraie vie se situe ailleurs et que cet ailleurs, même si jamais exprimé par convention sociale, reste aussi nébuleux qu'effrayant. 
L'autre grand thème de ce roman est la violence, terme générique mais qui, dans le roman, sera celle que l'on ressent par les regards, les rejets racistes, les paroles parfois anodines  ou l'interprétation pas toujours objective que l'on s'en fait lorsque l'on est dans un état dépressif. La violence physique sera abordée par le prisme du passé des deux jeunes hommes dont nous suivons le parcours. Chacun d'eux l'a rencontrée de façon très différente mais resurgit inexorablement dans leurs rapports sexuels. C'est sans doute le climax du livre, dérangeant, ambiguë de deux personnes qui, bien que toujours dans la douceur des sentiments et des relations, sombrent lors de leurs rapports sexuels dans la violence . 
Sans réellement parvenir à comprendre avec empathie les personnages de Wallace et de Miller, ce premier roman, jamais dans la facilité narrative pas plus que dans le romanesque,  ni même cherchant à plaire, parvient à laisser sourdre chez le lecteur un réel sentiment de malaise. La multiplicité des thèmes évoqués, la description clinique ( scientifique?) des rapports amicaux et humains font de "Real Life" un roman sacrément original et gonflé. 


 

 

mardi 8 novembre 2022

Armageddon Time de James Gray


Universal a demandé à quelques cinéastes d'écrire un film inspiré de leur jeunesse. Cette collection est composé de 4 longs-métrages dont deux sont déjà sortis cette année, "Licorice Pizza" de Paul Thomas Anderson, "Belfast" de Kenneth Branagh, un sortira en janvier 2023 ( celui de Steven Spielberg) et donc "Armageddon Time" de James Gray. 
Très loin de l'Amazonie ou de l'espace dans lequel nous avait conduit précédemment le réalisateur, nous atterrissons dans le  New-York des années 80, dans le Queens pour être précis. Nous suivrons la difficile intégration du jeune Paul Graff, 11 ans, qui passe d'un collège public où son meilleur ami est noir, à un collège privé ( ultra cher) qui a, entre autre,  la particularité d'avoir instruit (?!!!) toute la famille Trump ( oui, Donald compris). Si l'on rajoute que le jeune garçon vit dans une famille juive pas des plus fortunées, vous aurez le tableau complet du film dont le maître mot sera : intégration. Le réalisateur y mettrait un pluriel sans doute, tant la vie du jeune garçon permet de multiplier les entrées sur ce thème. 
De facture classique, autant nostalgique qu'émouvant, "Armageddon Time" s'avère également très  politique. Dans des USA de plus en plus en proie à une montée des extrémismes, James Gray n'hésite pas à donner un grand coup de pied au mythe américain du "si tu bosses, si tu es courageux, tu deviendras riche". Sans parler de la famille du jeune garçon qui s'est débattue comme elle a pu pour obtenir une petite place au soleil ( et sans grande illusion), la morale du film est simple : on réussit aux USA si l'on est blanc et déjà riche. Pour les autres, peu ou point de salut sauf peut être avec quelques petites combines. Les séquences très explicites des discours de fête du collège font, ici, de l'autre côté de l'Atlantique, froid dans le dos mais doivent passer pour banales sur place. 
Encore une fois, en revenant à des thèmes  (auto)biographiques, James Gray fait mouche et nous offre sans doute son film le plus grand public sans rien gommer de son sens du cinéma, de la mise en scène, avec un magnifique et expressif plan final qui montre toute la portée du film et offre quand même une belle note d'espoir. 




 

lundi 7 novembre 2022

L'ange rouge de Yasuzo Masumura


Arrive-t-il encore de nos jours, au cinéma, de sortir d'une salle étonné par un film ? Emu, oui. Ayant passé un bon moment, aussi. Mais surpris, même après une Palme, un Lion d'or, très rarement. "L'ange rouge" film du très prolifique réalisateur japonais Yasuzo Masumura, passé assez inaperçu lors de sa sortie en France en 1969 ( mais avait été tourné en 1966) a tout de la belle surprise. 
Dans un beau noir et blanc, le récit se déroule en Chine durant la guerre Sino-japonaise. Les japonais, alors très guerriers et expansionnistes, pensaient conquérir en trois mois une partie de la Chine orientale ... ( ça rappelle quelque chose en ce moment non ? ). Le conflit s'est enlisé et fut très meurtrier. Le réalisateur a planté sa caméra dans un hôpital militaire qu'une jeune et jolie infirmière rejoint. Sans rien révéler du film ( pour garder la surprise), on va juste dire que la jeune Sakura lors d'une ronde de nuit va se faire violer par un groupe de malades. De ce traumatisme, pourrait naître un sentiment de haine, de vengeance, mais ce sera tout le contraire, elle déclenchera une immense pitié envers tous ces hommes, ces soldats blessés, mutilés, qui souffrent des horreurs de la guerre. 
Avec un discours anti-militariste, discours qui se fait rare dans le cinéma depuis des années, le film n'occulte vraiment rien ( mais vraiment rien) des horreurs de la guerre, de la perversité du commandement qui laisse croupir ses hommes mutilés plutôt que de les renvoyer chez eux où ils feraient une contre publicité. Et au milieu de cet amas de corps déchirés et souffrants, le cinéaste bâtit une histoire où se mêlera romance et érotisme sans jamais tomber dans la niaiserie, la facilité. Eros et thanathos, souffrance et volupté font ici bon ménage, de façon plus abordable et plus passionnante que chez Cronenberg par exemple. 
Bien sûr, les âmes sensibles devront peut être s'abstenir de voir "L'ange rouge" car rien ne nous est épargné des opérations, des amputations, on voit sans réellement voir mais une bande son très naturaliste aide beaucoup à visualiser. Pour les autres, à mille lieux des nouveautés "formidables" que l'on nous vend toutes les semaines, il est certain que ce film ne pourra que surprendre par son scénario franchement audacieux et par sa belle réalisation classique mais ultra efficace. C'est avec les vieux films que l'on s'offre les belles séances. 
( Ressort également "Tatouage",  un autre film provocant du réalisateur comme le montre la bande annonce ci-dessous. 





 

vendredi 4 novembre 2022

Close de Lukas Dhont


Après avoir beaucoup apprécié "Girl", le premier film Lukas Dhont, le difficile passage au second long-métrage s'avère plus problématique. Sans avoir détesté, loin de là, "Close" laisse un goût de tentative pas vraiment aboutie. Au départ, nous avons le thème du passage de l'âge doré de l'enfance, ici sublimé en version plus plus ( soleil, été, beaux enfants, des fleurs partout et parfaite amitié), à l'entrée dans l'adolescence, première confrontation au monde adulte en devenir avec déjà ses regards stéréotypés. Cette première partie, tout en finesse, en dialogues à peine suggérés, touche juste et montre avec sensibilité une belle amitié. Une certaine lenteur et un peu trop de joliesses lui donnent cependant un côté roman-photo romantique qui aura du mal à vraiment s'articuler avec la suite du récit lorsqu'il basculera vers quelque chose de plus âpre. 
La deuxième partie, immédiatement plus intéressante, plus introspective, mais toujours avec délicatesse et finesse, marque de fabrique du réalisateur, va hélas, petit à petit, basculer vers une sorte de tire-larmes pas toujours réussi. A force de vouloir jouer la corde sensible, le film plonge dans le mélo, en résumant un peu trop les causes du basculement à la culpabilité, passant du coup à la trappe d'autres raisons, justes esquissées dans la première partie mais tout aussi importantes. 
Bien sûr il restera les jeunes comédiens, très photogéniques, Léa Drucker et Emilie Dequenne parfaites et des fleurs, une jolie campagne qu'accompagne la caméra gracieuse de Lukas Dhont. C'est loin d'être déshonorable, juste un peu trop léger surtout quand on sent que les enjeux de cette histoire sont ailleurs et pas vraiment traités. 





 

jeudi 3 novembre 2022

Mascarade de Nicolas Bedos



La presse n'est pas tendre envers le quatrième film de Nicolas Bedos.  Ce n'est pas sympa pour Pathé et ses 15 millions d'euros investis, car même si le film n'a aucun intérêt, il n'est pas pire que de multiples autres productions encensées ces dernières semaines mais il offre durant ses 2h14  tellement de points de détails irritants qu'il n'est pas difficile de s'en saisir pour le démolir. Oui, le film est misogyne, vulgaire, bêtement méchant, pompiers, vaniteux, clinquant, mal fichu et tellement too much qu'il noie son spectateur dans l'indifférence. 
Nicolas Bedos, malgré plein de nominations aux César, n'a jamais brillé comme metteur en scène ou  scénariste. Sa dernière prestation avec la reprise d'OSS 117 a laissé un piètre souvenir et cette "Mascarade" ne fait que confirmer son talent de tâcheron. L'histoire d'arnaque qu'il a concocté n'a rien d'original ( ce genre a été beaucoup labouré au cinéma) et se prend les pieds dans le tapis du Négresco . Comme pour faire encore plus vitrine il a inventé tout un tas de personnages, tous interprétés par des têtes d'affiche, le film est obligé de courir d'une scène à l'autre, d'une star à une autre star, histoire de justifier leur présence et de donner une vague consistance à leur rôle. Ca avance cahin-caha, autour de personnages franchement antipathiques ou très caricaturaux.  On finit par s'ennuyer et trouver le temps long. Entre deux retenues de bâillements  on perçoit bien qu'il essaie d'être méchant avec les riches ( mais avec un énorme budget, qui sont les riches? ), leur collant tous les défauts ( sauf celui de prendre de la drogue) mais on n'y croit pas une seconde. Tout ce joli monde s'agite sous le soleil de Nice, éjacule sur les tableaux de bord de voitures luxueuses, se paie des gigolos ou des gigolettes, claque du fric avec force de plans plongeants depuis des balcons ou des terrasses avec vue sur mer( merci les drones, devenus indispensables pour donner de l'ampleur à des plans finalement vides de sens ). C'est kitchissime, pathétique parfois ( Adjani, plus jeune que jamais, joue une vieille star ), faussement féministe ( car si les femmes mènent  le jeu, le regard que leur porte le réalisateur laisse sceptique), jamais passionnant. De cette histoire, du niveau d'un téléfilm ( le fric et la distribution en plus), ne surnage que Marine Vacth, qui prouve qu'elle peut jouer avec assurance autant la comédie que le drame. Reste une question : Mais que diable Emmanuelle Devos est venue faire dans cette galère? 

 


mardi 1 novembre 2022

Le doute de Basile Panurgias


Le monde littéraire français a la tête près du bonnet. En plus de cultiver un très gros entre-soi, chaque petit ou grand problème de leur vie, qui un beau-père violeur, un mari violent, une mère folle, une soeur incestueuse, un collègue pédophile ( je vous laisse replacer les titres qui vont avec les énoncés ), fait l'objet d'une parution. Si le livre fonctionne, on panse le problème, le traumatisme, par une rentrée d'espèces sonnantes et trébuchantes en plus d'une vie médiatique intense promesse d'autres écrits peut être pourvoyeurs de fonds. Camouflés derrière les formules toutes faites " Je témoigne pour faire avancer la société", " Je dénonce pour aider les autres à parler", ... pas vraiment fausses non plus mais  légèrement teintées de cynisme, les au-trices-teurs, ne semblent avoir aucune interrogation sur ce procédé. Je publie donc je suis. 
C'est sur ce registre que surfe "Le doute" de Basile Panurgias, auteur pas vraiment connu ( au moins pour moi) qui, si l'on en croit Wikipédia, semble zoner dans le milieu culturel auprès de grands noms car ami avec  Bret Easton Ellis ou le cinéaste Whit Stillmann mais aussi Jean-Claude Arnault, sujet de ce livre. 
Peu connu lui aussi du grand public, Jean-Claude Arnault est une sorte de mythomane qui a réussi sans talent précis sauf celui de l'entregent ( on le dit vaguement photographe), à se faire une place dans le milieu culturel suédois. En épousant une poétesse locale mais très estimée puisque membre du jury du prix Nobel de littérature, il aura un certain pouvoir ainsi que de substantiels avantages. Comme quelques hommes en vue arborant une mentalité de bellâtre, en 2017 il sera au coeur d'un scandale qui empêchera le prix Nobel de l'année suivante d'être attribué. Accusé de viol par une bonne dizaine de femmes, condamné à 2 ans de prison ferme, son aura disparaît. "Le doute", s'inscrivant parfaitement dans l'ére #MeToo, est à la fois une enquête personnelle sur cette affaire, une lettre adressée à cet ami ( relation, copain ? ), un questionnement sur la masculinité et un reportage sur le prix Nobel et la société littéraire suédoise. 
Est-ce par un certain voyeurisme de lecteur, mais le livre se lit avec plaisir et intérêt, peut être plus si l'on est un mâle. Basile Panurgias, se penche sur tous les tenants, aboutissants, répercussions de cette affaire qui touche un de ses proches. Il s'interroge sur sa réaction de rejet vis à vis de cet homme, sur la portée du mouvement #MeToo sur un certain nombre d'oeuvres passées ( "Blow up" entre autre) mais aussi sur ses rapports antérieurs avec les femmes qui, avec notre nouveau regard contemporain auraient pu être déplacés, violents, ... On pénètre également  dans les coulisses du prix Nobel de littérature qui n'ont rien à envier à celles de nos prix locaux. Tous ces thèmes sont en plus éclairés par de petits rappels historiques ( tant sociétaux que politiques) qui donnent une vraie densité à ce livre. Et comme la plume de l'auteur est habile, tout cela se lit sans difficulté et avec plaisir. Restent deux questions : Comment Jean-Claude Arnault prend-il cet ouvrage puisque l'auteur n'a jamais pu lui dire ce qu'il pense ? Et ... ok, c'est mesquin de ma part, Basile Panurgias va-t-il en tirer quelques subsides, voire un peu de gloire de cet essai très germanopratin ?