lundi 30 décembre 2013

Anders Petersen à Bibliothèque Nationale de France



Je ne suis pas du tout spécialiste de la photographie, tout en reconnaissant que certains clichés peuvent me provoquer autant d'émotion qu'un tableau, un film ou un livre. Si ce vénérable Télérama ne disait pas que cette exposition d'Anders Petersen était le clou de la saison expo/photo de l'année, je ne l'aurai peut être pas visitée... 
C'est en total amateur et en visiteur simple (simplet ?) que je vais vous raconter cette excursion dans ce sommet photographique, car, pour moi, elle est composée d'impressions fugaces et pas toujours artistiques. 
En ce samedi matin gris, il n'y a pas un chat dans la rue Vivienne où se tient cette exposition. L'imposant bâtiment de la Bibliothèque Nationale de France (en grande partie caché par des échafaudages) n'a une entrée, ni très solennelle, ni très engageante, composée d'une suite de cabanes de chantier et d'un petit labyrinthe de coursives métalliques. On pénètre dans le site Richelieu où se tient l'accrochage, par un austère hall d'entrée à la limite du poussiéreux. Aucune queue pour cet événement soi-disant majeur, nous ne sommes pas à la rétrospective d'un maître, petit ou grand, de l'art pictural. La photographie a encore du chemin à faire pour atteindre les sommets de la fréquentation.
La première chose que l'oeil accroche dès l'entrée dans l'exposition, c'est l'imposante composition de photographies en noir et blanc, très contrastées, collées les unes aux autres sans apparemment aucune thématique, sauf celle du regard du photographe sur un monde que l'on devine tout de suite pas des plus réjouissant.  Portraits, paysages mornes, scènes intimes, animaux, détails urbains se mélangent et semblent nous regarder, nous imposer leur présence déroutante car, de toute évidence, issus d'une marge que notre regard évite bien souvent. 
Un peu sonné par cette entrée en matière, je me tourne vers l'inévitable petit discours imprimé sur le mur, histoire de bien saisir la substantifique moëlle de tout cela. Je me demande pourquoi je perds mon temps à lire la prose des commissaires d'exposition, leurs propos obscurs et fumeux font plus penser à un exercice masturbatoire pour initiés qu'à un éclairage pédagogique pour visiteur néophyte. On veut bien exposer, comme ici, une certaine misère du monde, mais surtout entre soi, entre personnes de bon goût. Surtout ne partageons pas trop notre culture, on ne sait jamais....on pourrait se faire déborder par la gauche...Il ne me restait donc plus qu'à parcourir l'exposition en espérant que l'oeuvre se suffirait à elle même, après tout, pas besoin d'un vademecum pour éprouver de l'émotion.
Je ne sais pas si l'émotion ressentie est celle voulue par l'artiste mais tous ces clichés de marginaux, de prostitué(e)s, de camé(e)s, d'animaux affaiblis, de bouts de rues tristes, ont eu sur moi un effet un peu répulsif. Il ne m'a pas été  facile d'être en empathie avec ces moments de vie assez gris, ces visages aux regards perdus malgré le moment de quiétude ou de bonheur furtif saisis par le photographe. Cependant, je reconnais que tous ces clichés ne sont jamais voyeurs, jamais volés mais pas vraiment posés non plus, comme suspendus dans un temps que seul un oeil professionnel pouvait percevoir. Toute la série intitulée " Café Lehmitz", premier travail important de l'artiste, est empreinte d'une belle émotion assez nostalgique. La suite du travail d'Anders Petersen est troublante, dérangeante sûrement, renvoyant aussi des bouts de vie que l'on voudrait éviter. 
Très vite, j'ai aussi regardé les quelques visiteurs qui étaient autour de moi. Trois ou quatre dames sans âge mais bien mises, au brushing d'un blond parfait et aux accessoires griffés voisinaient avec quelques messieurs à lunettes Ray Ban et jean Armani. Silencieusement, leurs regards glissaient sur les photos de vieux édentés, d'un jeune couple aux corps décharnés. Quelquefois, l'un d'eux s'arrêtait devant un cliché, touchait du bout de son index manucuré une branche de ses lunettes, vraisemblablement en signe d'interrogation, peut être d'admiration, bien que le regard n'indiquât pas la moindre émotion. Tandis que sur les murs étaient exposées la noirceur du monde et la pauvreté assumée d'humains en marge, le sol était le théâtre gracieux des escarpins Prada et des Paraboots bien cirés, préférant se confronter au monde réel via les parquets bien entretenus d'une auguste bibliothèque que de se risquer à crotter son cuir pleine fleur dans le ruisseau du sous prolétariat. Ce décalage dérangeant a été amplifié par les nombreux regards que les personnes photographiées par Anders Petersen semblaient jeter sur nous, comme s'ils n'étaient nullement dupe de cette confrontation de deux mondes radicalement opposés. 
Au final, les photographies ont gagné par KO ou forfait aussi. Pour moi déstabilisantes, car pas de celles que j'aimerai revoir de temps en temps en feuilletant le catalogue de l'exposition, elles ont eu le pouvoir, il faut bien le reconnaître, de ne pas me laisser indifférent, sans pour cela m'avoir donné l'envie de m'attarder outre mesure. 
Emboîtant le pas à une jolie dame bien parfumée, je me suis retrouvé déambulant sur les coursives métalliques menant vers la sortie. Son Iphone 5 a soudain sonné. Après avoir murmuré à son interlocuteur qu'elle sortait d'une expo déprimante d'un photographe dont elle écorcha le nom, elle ajouta dans un rire joyeux : " Je file chez Gaultier, c'est juste en face ! J'ai besoin de me changer les idées !".
Quand l'art montré à son public donne des envies....







vendredi 27 décembre 2013

Comme un secret d'Emile Jadoul et Catherine Pineur


Si réaliser un album pour faire rire les enfants est relativement facile ( et quand je dis facile cela inclus ceux qui empruntent le chemin aisé autour du pipi, caca, prout), les émouvoir ou tout du moins faire appel à des sentiments plus personnels, sur lesquels ils ne sont pas forcément capables de mettre des mots est, à mon avis bien plus difficile. Et réussir un album qui intéresse les enfants sur le terrain délicat de l'émotion est presque une prouesse, tellement il est monnaie courante de trouver des histoires empesées de toute une miévrerie que les adultes se croient obligés d'insérer. 
Aucun mot de trop, aucune notation trop lourde ne vient gâcher le plaisir délicat que distille " Comme un secret" . Grand spécialiste des émotions chez le jeune enfant, Émile Jadoul ( ici accompagné dans les illustrations par Catherine Pineur) réussit à toucher du doigt la petite tristesse qui envahit chaque être humain vivant sous un climat tempéré lorsqu'arrive l'automne. Avec peu de texte et un dessin où le personnage qu'est l'enfant semble un peu perdu dans des espaces aux tons un peu froids, il réussit à faire ressentir ce malaise bien normal qui survient lorsque l'été et sa châleur nous quittent. Pas besoin de grands discours, quelques oiseaux dans le ciel, une minuscule feuille qu'on voudrait sauver de sa chute inéluctable, un arbre nu qu'on protège naïvement du froid avec son écharpe colorée et l'émotion est là.  Lorsque la tendresse et l'imagination toute enfantine se rejoignent au cœur de l'hiver, alors apparaît un sapin de Noël bienfaisant qui annonce le rallongement des jours et le printemps qui approche à petits pas. 
Encore une jolie réussite pour Émile Jadoul qui continue à être l'auteur phare des petites émotions indicibles des jeunes enfants. " Comme un secret" est une histoire à lire à deux, confortablement blotti dans un lieu douillet, en prenant le temps de l'observation pour qu'une jolie émotion complice s'installe. 
Ce petit bijou de tendresse est édité chez Pastel et s'adresse aux enfants à partir de trois ans. 

jeudi 26 décembre 2013

Le petit livre noir des grands travaux inutiles de Camille



Non, Camille la chanteuse ne s'est pas mise à l'écriture ! Derrière ce joli prénom se cache un collectif humain qui défend les générations futures en s'opposant à certains travaux coûteux, inutiles et loin d'être écologiques de notre temps. Ces jours nous allons entendre parler de lui (d'eux ?)puisque le chantier de l'aéroport de Notre Dame des Landes devrait peut être démarrer suite aux dernières décisions de justice.
Ce livre m'est presque tombé par hasard dans les mains, enfin non, pas tout à fait. J'ai écouté un matin une émission sur France Culture où un Camille racontait simplement et calmement ses combats...qui m'ont semblé frappés de bon sens. J'ai donc foncé chez mon libraire pour me procurer le livre qui, bien que récent n'était pas en rayon et, comme l'éditeur n'est pas distribué par un grand groupe, j'ai attendu 10 jours avant de l'avoir entre les mains.(Donc, si vous voulez vous le procurer, il faudra être patient).
Le livre, après une introduction politico/économique autour des grands travaux, démontrant le leurre qu'ils incarnent. Il liste ensuite tous ceux qui sont en cours ou en projetet  qui sont, bien sûr, inutiles. Enfin pas inutiles pour tout le monde.... Prenons au hasard n'importe quel tronçon d'autoroute, par exemple, l'A65 Langon/Pau, projet lui, finalisé. Les élus locaux se sont félicités de cette infrastructure qui a redoré leur image de marque en se prévalant "grand constructeur" à l'instar d'un Louis XIV et son château de Versailles, alors que les services d'étude de l'Etat la jugeait non rentable. Ils ont également vanté les emplois créés pour la construction de cette route à grande vitesse. Et puis, grâce à un montage financier ingénieux, les contribuables n'auraient rien à donner car c'est un groupe privé (Eiffage) qui en a assuré l'intégralité du coût. Alors, me direz-vous, pourquoi râler ? Oh pour rien, pour le principe. Tout d'abord, on oublie un peu vite l'impact écologique sur les centaines de champs et de forêts détruits pour permettre à des voitures de passer à 130 km/h, polluant donc un peu plus l'atmosphère. Ensuite, comme les études préliminaires ont été faussées par des chiffres optimistes vantant l'augmentation du trafic routier (faux, en recul depuis plusieurs années), cette autoroute s'avère tellement  peu fréquentée que c'est devenu un gouffre financier pour l'opérateur privé malgré un péage assez prohibitif (enfin pas pour les conducteurs aisés, mais sont-ils si nombreux ? ) au prix de 21 euros pour une centaine de km. Et savez-vous ce qu'il se passe dans ce cas là ? Le montage financier, le fameux partenariat public/privé, prévoit que si ce n'est pas rentable, l'Etat reprend la concession de 60 ans accordée  au départ, ainsi que les dettes contractées sur le projet par l'entreprise privée, comble les déficit et assure les suivants... Au bout du compte, tout cela coûte encore plus cher à l'état, l'entreprise privée elle, ayant empochée par ailleurs tout un tas d'aide diverses variées non remboursables. En gros, ce projet était inutile et au final c'est nous qui comblons la manoeuvre.... Et le rôle des grandes entreprises privées n'a qu'un but : se mettre de l'argent dans les poches, sinon, rien!
Des projets  comme celui là, il y en a des dizaines : des lignes LGV qui en plus de détruire des hectares de terres agricoles, vont augmenter les prix des voyages en train pour gagner quelques minutes et au final enclaver un peu plus les petites villes non desservies, des tunnels faramineux, un aéroport inutile (qui profitera à 15 % de la population, les autres n'ayant pas les moyens de voyager en avion), un insensé projet 1000 vaches dans la Somme (celui là, c'est presque un gag !), des centrales nucléaires pour un futur Fukushima, ... Et toujours, les mêmes études biaisées et le même discours autour de la création d'emploi. En fait, en regardant bien ces grands projets, ils ne sont pas inutiles pour tout le monde : profit pour les grandes entreprises, et intérêt pour une population aisée, souvent la seule à pouvoir profiter de ces infrastructures coûteuses. (les investissements prévus pour les lignes LGV représentant 30 ans de financement à la recherche médicale et pharmaceutique !).
Ce livre est bien sûr militant. La liste de ces projets, à défaut d'être vraiment passionnante par la répétition des mêmes maux, est au final assez révoltante. J'ai été convaincu par la démonstration. Peut être que mon âme écolo qui sommeille en moi a été titillée. Je suis d'accord pour une France moderne, qui va de l'avant, qui multiplie les projets pour une amélioration de la vie de toute sa population, mais pas de cette course à la vitesse (encore plus polluante), au nucléaire (qui va se raréfier comme le pétrole sans parler des déchets et des risques) et aux égos de coqs de nos élus. De grâce, ouvrez les yeux, regardez l'état de la planète et essayez de nous inventer un avenir qui nous fasse rêver TOUS.

Ce petit livre indispensable est édité aux éditions "Le passager clandestin" et coûte 7 euros !




mercredi 25 décembre 2013

Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-eda


Un couple aisé japonais, lui cadre haut placé, elle au foyer, suit leur fils de 6 ans lors du passage de tests pour l'entrée dans une de ces écoles privées aussi onéreuses qu'impitoyables devant la moindre erreurs de leurs élèves. Mais tout va pour le mieux pour eux. Tandis que le père se donne à fond dans la réalisation d'un projet immobilier d'envergure et que la mère veille sur la santé de sa famille en traquant les mauvais aliments et en aseptisant au mieux leur appartement, le fils sera accepté dans l'établissement désiré. Cette belle harmonie se verra mise à mal quand l'hôpital où est né l'enfant, leur annoncera l'inexplicable échange d'enfants lors de l'accouchement. Leur vrai fils habite en fait dans une famille modeste de petit commerçants...
Bien sûr cela rappelle " La vie est un long fleuve tranquille " d'Etienne Chatilliez, seulement ici le 
traitement est tout autre. Ce n'est pas une comédie grinçante mais une fine étude psychologique des comportements qui attend le spectateur.
Hirozaku Kore-eda est un réalisateur sensible et qui filme sans grands effets. C'est calme, posé, sa caméra s'attarde un peu sur les visages, guettant les réactions, comme un témoin parfaitement partial et sans jugement. Cependant son cinéma est de ceux qui ne laisse personne indifférent. Très vite le spectateur est pris dans un questionnement intense. La situation délicate devient le creuset d'une réflexion sur la maternité, la paternité, les liens du sang. Au bout de six ans de vie commune avec un enfant, qui est finalement son père, sa mère ? Les deux familles étant de milieux différents avec des valeurs vraiment opposées, viennent se greffer aussi toutes les questions autour de l'éducation. Et comme l'éducation est le reflet d'une société, le film prend une densité énorme, devenant aussi, en creux, une réflexion sur le monde occidental d'aujourd'hui. Quelle vie choisir ? Travailler plus pour vivre mieux mais en oubliant les valeurs de partage et les besoins d'attentions quotidiennes de sa famille ? Vivre plus simplement  mais avec les autres ? Les adultes du film de débattent comme ils peuvent, avec leurs certitudes, leurs obligations. Les enfants, eux, calmement mais fermement, viendront poser leurs petits doigts là où ça fait mal et réfléchir. 
On dit souvent que Kore-eda est le cinéaste de l'enfance. C'est vrai, mais je crois que c'est avant tout l'observateur attentif d'un monde finissant, celui où le libéralisme a attaqué tout ce qui faisait le ciment d'une société, celui où les adultes oublient très tôt leur âme d'enfant, celui où la technologie prend de plus en plus le pas sur la simplicité ( on préfére faire du sport avec une WII ), celui où l'enfant est un investissement narcissique au mépris de sa personnalité. Il n'a pas son pareil pour laisser sa caméra flâner dans les familles, les intérieurs, offrant ainsi un véritable reportage quasi ethnologique au milieu d'une intrigue captivante. Témoin objectif de son temps, le nouveau maître du cinéma japonais a failli rafler la palme d'or lors du dernier festival de Cannes. On lui a préfèré un film plus voyant ( et voyeur), possédant des thématiques parfois similaires ( la différence des classes) mais  au traitement radicalement différent. Tout aussi porteur de réflexion que " La vie d'Adèle", " tel père, tel fils" a pâti d'une réalisation trop sage et trop classique. Mais méfiez-vous des apparences, sous son air calme et tranquille, se cache un film qui bouillonne de l'intérieur, un de ceux qui restent longtemps en mémoire !





mardi 24 décembre 2013

Montage de Jun Watanabe


En 1968, 300 millions de yens ont disparu en trois minutes lors d'un casse qui a fait sensation au Japon. On n'a jamais retrouvé ni l'argent ni le coupable. A partir de ce fait divers réel, Jun Watanabé invente un thriller policier mettant en scène le fils de l'auteur de ce casse qui apprend par hasard le forfait de son père lors de la découverte du corps ensanglanté et mourant d'un inspecteur de police... Dans un ultime râle, il lui crie : "Ne fais confiance à personne !". Le ton est donné, car devenu adolescent il va retrouver la trace du magot .... que beaucoup de monde aimerait bien récupérer...
Si j'ai commencé la lecture de ce manga, c'est sur le conseil de ma libraire (merci Coralie de chez Bulle!) qui me sait toujours en recherche d'histoires intéressantes et bien menées comme l'efficace "Monster" ou plus près de nous "Death Note" (qui m'a finalement lassé au bout de 6 volumes).
Le premier tome de "Montage" démarre sur les chapeaux de roue et donne très vite le ton de l'histoire : ce sera seul contre tous même ceux qui semblent vos amis. Beaucoup de méchants apparaissent, du vraiment horrible à celui qui a des chances de le devenir. Le héros principal, peu caractérisé à part sa débrouillardise, manque peut être de charisme. C'est cependant bien mené, le dessin classique évite les yeux de biches surdimensionnés et brosse une séquence impressionnante, dans une île désertée des plus angoissantes. J'ai donc enchaîné avec le tome deux qui continue bien sur la lancer du premier et reste un tourne-page évident, puisque le héros, qui a retrouvé les yens, est obligé de fuir,  police et malfrats étant à ses trousses. Le troisième tome est donc prévu dans mon programme de lecture malgré quelques doutes quand même quant à la logique de l'histoire. Je sais bien que rien n'est élucidé (20 tomes sont surement prévus!11 pour le moment au Japon et ce n'est pas fini !) mais j'avoue que certains détails me chiffonnent un peu. Peut être n'ai-je pas bien lu ou compris, mais à force d'accumuler les personnages retors et méchants et les rebondissements, la crédibilité du récit semble en avoir pris un coup. On a l'impression que ce magot était facile à trouver (un jeu d'enfant puisque l'ado le déniche en trois coups de crayon !), que s'en emparer lorsqu'il est transporté dans une glacière (!) encore plus facile. Et pourquoi ce billet caché dans la ceinture du héros ne doit-il pas tomber entre les mains de personne ? On pourra me rétorquer que c'est justement ça le mystère ....mais mon esprit carré s'est mis en mode recherche de ce qui ne va pas  et gâche un peu le plaisir feuilletonesque de ce manga. Peut être que certain(e)s pourront éclairer ma lanterne de lecteur.... Qui a dit qu'à mon âge je devais retourner aux albums de Tintin ou à Gaston Lagaffe ? !!!!
Malgré tout, je vais continuer la lecture de cette série car, sans être vraiment originale, elle a le mérite de susciter un intérêt réel. Encore faudra-t-il qu'elle tienne la longueur, ce qui n'est pas que rarement  le cas, le délayage du scénario et des directions scénaristiques alambiquées cassant souvent le pitch prometteur du départ.




lundi 23 décembre 2013

La fabrique du monde de Sophie Van der Linden


Mei a dix-sept ans et travaille depuis plus de deux ans à fabriquer des vêtements pour les occidentaux. Sa vie se résumant à être devant une machine à coudre et dormir dans un dortoir, son esprit va commencer à lui jouer des tours. D'abord des rêves vont lui faire perdre le contrôle de la machine qu'elle est devenue. D'ouvrière aux doigts agiles et aux pensées annihilées par les slogans de son employeur, elle va passer à un être pensant à la révolte refoulée, rangée bien serrée au fond de son ventre. Puis, obligée de passer les fêtes de fin d'année seule dans l'entreprise, elle va connaître l'amour et la passion amoureuse avec son contremaître...
Ce portrait sec et terrible de cette jeune fille du bout du monde qui travaille pour que nous, occidentaux, puissions acquérir tout un tas d'objets souvent inutiles, est  impitoyable mais irrigué par une écriture sensible et tendre. C'est à la fois un reportage à l'intérieur d'une fabrique comme il en existe des milliers en Chine mais aussi les effets insoupçonnés que l'éveil aux sens peut engendrer. C'est d'une force terrible et d'une tendresse infinie, sans jamais verser dans le cliché ni dans le larmoyant. En lisant ce très beau récit, partagé entre la colère que l'on peut avoir pour cette jeunesse sacrifiée sur l'autel du libéralisme et la beauté de cette découverte des sentiments amoureux, j'ai ressenti  une ambivalence semblable à celle qui nous taraude entre notre désir de consommer et celui de dire non à ce système pourri. Sophie Van der Linden, avec son écriture imagée, très cinématographique et sensible, nous emporte dans un tourbillon de sensations qui donnent à son roman la force d'un conte noir que l'on n'est pas prêt d'oublier.


vendredi 20 décembre 2013

Mauvais genre de Chloé Cruchaudet


1914. Avant de partir au service militaire puis très vite à la guerre, Paul épouse Louise. Petit couple ordinaire que le conflit va transformer d'une manière inattendu. Supportant très mal les camarades disparaissant les uns après les autres dans d'atroces souffrances, Paul, se coupe l'index, doigt qui sert à appuyer sur la gâchette et se débrouillera pour l'infecter un maximum afin d'avoir le privilège de passer quelques semaines dans un hôpital. En apprenant son retour au front, Paul décide  de déserter et de se cacher dans un hôtel pas loin de son épouse. Ne pouvant sortir de peur d'être arrêté, puis fusillé pour désertion, il tourne comme lion en cage, lorsqu'à la suite d'une dispute, lui vient l'idée de se déguiser en femme pour avoir la possibilité de prendre l'air et de pouvoir ainsi aller acheter sa bouteille de vin rouge. A partir de ce jour là, son quotidien  va se trouver transformée. Evoluant en femme, il découvrira une vie que ses rêves les plus fous n'auraient pu soupçonner.
Entre quête de soi, témoignage sur le traumatisme de la guerre et aussi interrogations sur la sexualité, le couple, l'amour, la masculinité, la féminité,  "Mauvais genre" est une totale réussite. Ca se lit comme un roman passionnant,avec  en plus le regard porté par un dessin délicat et inspiré, où un peu de rouge éclaire toutes les nuances de gris (non, rien à voir avec le best seller états uniens, parce qu'ici il y a une vrai sensualité, de vrais détails érotiques). J'ai refermé cet album à la fois bouleversé par cette histoire mais estomaqué par la maîtrise de l'auteur qui signe là un album que je pourrai qualifier de parfait. Chloé Cruchaudet allie efficacité narrative, beauté plastique  et réflexion. Cet album possède toutes les qualités pour prouver à ceux qui pensent encore que la bande dessinée est un genre mineur (oui, il en existe encore !!!!), qu'il va falloir qu'ils révisent sérieusement leur jugement et que bien souvent, elle est du même niveau (voire plus parfois) qu'un roman de littérature générale.  Les magasins Leclerc ont eu, pour une fois, bon goût (ou trouver un jury compétent) puisqu'ils lui ont accordé leur prix Landerneau de la BD, amplement mérité ! Il suffit de regarder quelques planches de l'album pour apprécier du premier coup d'oeil le travail très soigné de l'auteur dont le dessin exprime parfaitement les sentiments des personnages ou arrive à créer une ambiance.


L'horreur de la guerre...

Première sortie de Paul en femme, enfin la liberté !


Puis, on perfectionne l'allure...




jeudi 19 décembre 2013

Suzanne de Katell Quillevéré


Suzanne, petite fille un peu boulotte et habillée d'un costume pailleté danse sous le  regard admiratif de son papa et de sa grande sœur. Un autre jour, les trois mêmes vont pique-niquer  devant une tombe au cimetière. C'est celle de l'épouse et de la mère décédée. Quelques années plus tard, devenue collégienne, toujours en compagnie de sa sœur, elle regarde passer une bande de garçons de son âge en les allumant un petit peu. Puis le père est convoqué par la principale pour discuter d'un problème grave concernant Suzanne...
Ce résumé des premières minutes du film peut sembler décousu mais le scénario est ainsi conçu. Il avance par petites scènes de la vie aux apparences simples de cette jeune fille puis jeune femme et cela sur vingt- cinq ans.  Au début, le procédé peut surprendre, voire même quelques minutes devenir lassant par cette sensation de survol trop rapide mais soudain, l'émotion nous cueille et ne nous lâchera plus jusqu'à la fin du film. Tout ce qui manquait, tout ce que la réalisatrice a éludé et que le spectateur  a deviné, imaginé avec son propre vécu, nourrit l'histoire et rend soudain le film émouvant et passionnant. Émouvant, parce que Suzanne, en plus d'une trajectoire faite de cahots, de chutes, d'emballements et de silence est interprétée  magnifiquement par Sara Forestier qui prouve encore une fois qu'elle est l'une des deux ou trois actrices phare de sa génération. Passionnant parce que dans notre fauteuil, nous sommes partie prenante de ce destin en comblant les silences du scénario. Et je suis sûr que personne ne sortira de la salle avec le même ressenti. Katel  Quillevéré nous montre les moments forts, signifiants d'un destin bien triste, sans jamais prendre partie. Pourtant sa caméra traque le moindre regard, le moindre frémissement mais elle n'est jamais dans le jugement, seulement dans l'objectivité, dans un réel brut mais jamais voyeur. Cela ne ressemble jamais à un documentaire, on ne sent pas non plus la reconstitution malgré le côté cinématographique de l'ensemble. C'est juste, peut être, le style personnel de cette jeune réalisatrice dont le talent éclate ici. On peut lui rajouter aussi une parfaite direction d'acteurs. François Damiens est fort émouvant en père dépassé par le comportement de sa fille et Adèle Haenel joue finement une grande sœur aimante.
Je ne suis pas certain par contre que sortir un film aussi fort et aussi sombre, très loin des histoires douceâtres ou spectaculaires que la saison de Noël essaie de nous faire ingurgiter, soit un bon choix. Espérons tout de même que jouer la contre programmation  permette à ce joli film de trouver son public. Il le mérite amplement et prouve encore une fois que la vitalité et l'originalité du cinéma français, peut parfois rimer avec qualité. Cela n'a pas toujours été le cas cette saison ( suivez mon regard ou relisez quelques billets), mais quand cela arrive, il serait dommage de s'en priver.


mercredi 18 décembre 2013

Un parfum d'herbe coupée de Nicolas Delesalle


Le livre numérique a son prix littéraire ! Si, si, ça existe et c'est important, ou cela doit l'être car c'est notre ministre déléguée au numérique, Mme Fleur Pellerin qui l'a remis il y a quelques jours à un grand reporter de Télérama ( excusez du peu !)Nicolas Delesalle pour " Un parfum d'herbe coupée " édité chez Storylab (et vendu 3.99 euros). Pas de version papier pour ce prix, il vous faudra donc une liseuse pour le découvrir...ou pas. Je dis "pas" parce qu'à mon avis, ce n'est pas indispensable.
Ce joli titre fleurant bon la campagne ou tout du moins la tonte des gazons de quelque pavillon, cache sur une petite centaine de pages des souvenirs d'enfance. Le problème avec les souvenirs d'enfance, c'est qu'ils sont personnels et arriver à les transcender pour qu'ils parlent à d'éventuels lecteurs est un art difficile. Un chien nommé Raspoutine qui vous a accompagné pendant 14 ans et que l'on euthanasie, les petites copines avec qui on découvre les amourettes, les baisers, des parents, des soeurs, des voitures, des jouets, le banal d'un enfance qui n'a rien de sensationnel de prime abord, rien qui puisse accrocher le lecteur. Il faut un sacré style pour emballer et emporter l'adhésion avec si peu. Nicolas Delesalle a une plume alerte, des phrases accrocheuses mais au final, on n'est guère passionné par tout ça. Les enfances heureuses ne font, hélas, que rarement les bons livres. L'enfance de l'auteur est heureuse, tant mieux pour lui, mais pas bien originale. Bien sûr, et c'est l'effet générationnel qui jouera auprès de certain, se remémorer, par exemple,  la découverte du porno, le samedi vers minuit, en catimini, en s'écorchant les yeux sur l'écran crypté jouera son effet madeleine de Proust, mais avouez que ce n'est pas follement nouveau...
Je ne sais pas si la concurrence était rude pour obtenir le prix, mais ce "parfum d'herbe coupée", sans être vraiment formidable, reste une petite chose agréable, vite lue et vite oubliée...( sauf peut être si vous avez dans les 40 ans, ces souvenirs générationnels peuvent se révéler rassembleurs).


lundi 16 décembre 2013

Les mouettes de Sandor Marai



Sandor Marai est un auteur hongrois vénéré dans son pays. Décédé en 1989, son œuvre était tombée dans l'oubli depuis la fin de la guerre, jusqu'à ce que des prix à titre posthume lui soient décernés, voyant ainsi la plupart de ses ouvrages réédités. En France, c'est Albin Michel qui a entrepris la remise en avant de ses romans. Personnellement, c'est le premier que je lis....
Sous cette couverture tendre au titre un peu tchekhovien, se cache un face en face étrange entre un haut fonctionnaire dans la quarantaine et une jeune femme venue chercher un visa. Elle est mystérieuse, énigmatique, vaguement aventurière peut être et lui est subjugué par son apparition car elle ressemble à s'y méprendre à une jeune fille qu'il a aimé follement mais aujourd'hui disparue. Ne pouvant résister à rester auprès d'elle et désireux de savoir qui elle est vraiment, il l'invitera à l'opéra puis à prendre un dernier verre chez lui.
Ce roman en trois actes très théâtraux, est assurément bien écrit ( et donc bien traduit) mais est loin de m'avoir emporté. Très bavard, voire verbeux par moment, l'intrigue n'avance guère, noyée par de nombreuses digressions du personnage principal masculin, inquiet de la guerre imminente, tourmenté par la vieillesse qui approche, obsédé par ses souvenirs. Parfois les notations sont intéressantes et finalement parfaitement applicables au monde d'aujourd'hui mais souvent inlassablement ressassées jusqu'à l'ennui. Du coup on ne s'attache pas à cet homme que j'ai trouvé bien trop ratiocineur ni au personnage féminin qui n'est qu'un faire-valoir trop froid et lointain.
Il semblerait que ce roman ait de l'intérêt pour les aficionados de l'auteur, ceux qui connaissent sa vie sur le bout des doigts et peuvent ainsi replacer cette histoire dans son contexte. N'ayant pas ces clefs, le roman m'a passablement ennuyé. Toutefois, la lecture de son best seller  " Les braises" , œuvre incontournable paraît-il, est fortement recommandée par les critiques avisés.

dimanche 15 décembre 2013

A Touch of Sin de Jia Zhang -Ke



Cette semaine les critiques avaient raison. Ils nous sommaient de nous rendre séance tenante admirer "A Touch of Sin" film chinois dont la sortie semble de plus en plus compromise dans son pays. Le résumé du scénario qui court dans les gazettes laissait entrevoir un film violent et un peu primaire : je suis en colère et je tue les méchants. Réduction tout à fait simpliste au regard de ce qui est sur l'écran. 
La violence est tout à fait présente, omniprésente même, durant les deux heures et quart de projection. Violence physique mais surtout psychologique tant les différents personnages de ces quatre destins dans la Chine libérale d'aujourd'hui sont englués dans un quotidien fait de corruption, de mépris, de misère sociale et d'intolérance. En racontant le parcours de quatre citoyens chinois qui ont été les héros/victimes de faits divers sordides, Jia Zhang-Ke dresse un portrait impitoyable de la Chine actuelle gangrenée par la corruption, le fric roi et les illusions fatales d'un progrès économique qui ne profite qu'à quelques uns. Il nous montre une société prête à exploser. Pour le moment ce ne sont que quelques éclats sporadiques. Mais cet ouvrier minier, ce jeune père obligé de s'exiler pour travailler, cette réceptionniste de sauna ou cet adolescent privé de la moindre attention sont les figures symboliques d'un état de violence latente qui risque de se transformer en guerre civile. 
On pourrait reprocher aux personnages de se livrer gratuitement à leurs instincts meurtriers, mais c'est sans compter le talent du réalisateur qui, ici, fait vraiment oeuvre de cinéaste. La violence qui apparaît un peu gratuite lors du premier récit, se trouve au fur et à mesure, grâce à une narration tout en nuances, non pas justifiée mais expliquée par la pression palpable que subissent les personnages, se trouvant acculés devant un mur infranchissable. La seule solution qu'il leur reste c'est de périr ou de se battre... 
Ce film a obtenu au dernier festival de Cannes le prix du scénario, alors qu'à mon avis le prix de la mise en scène lui aurait mieux sied. Ce que l'on voit à l'écran est tout simplement magnifique. Une succession de plans admirables, tantôt graphiques, utilisant les contrastes de couleur avec art, tantôt intimistes, traquant le moindre frémissement, la plus infime expression, bien plus signifiants qu'un long dialogue. Et comme nous sommes dans l'oeuvre d'un vrai cinéaste, les références sont multiples et posées avec finesse. Le côté western de la première partie précède un discret hommage aux films de sabres chinois (ou le Tarantino de Kill Bill) un peu plus loin. Et comme nous sommes dans un film pour cinéphile, il y a parsemé, ici ou là, des plans fugaces avec des apparitions étranges, comme deux bonnes soeurs papotant ou un tableau chrétien sur un camion d'ouvriers chinois. Ca attire l'oeil, interroge mais n'est jamais pesant, donnant à ce film un aspect encore plus abouti et assurément la stature d'oeuvre importante et passionnante. 
"A Touch of Sin" est une oeuvre singulière et aboutie qui mérite d'être vue. Son propos va au-delà des frontières chinoises, tant la misère actuelle des peuples va grandissant. Son propos est bien sûr universel et quand c'est doublé par une maîtrise artistique exceptionnelle, on prend son courage à deux mains et l'on va assister à ce spectacle impitoyable d'une humanité au bord du gouffre. Ce n'est pas réjouissant, mais le cinéma, heureusement, n'est pas qu'un art du divertissement...





samedi 14 décembre 2013

Mon voisin de Marie Dorléans (version numérique)


Quand un nouveau voisin aménage, l'oeil est aux aguets et les oreilles sont à l'affût du moindre bruit. C'est ce qui arrive au héros de "Mon voisin " de Marie Dorléans, dont l'imagination va être mise à l'épreuve par les bruits incongrus qui surgissent régulièrement derrière les cloisons.
Tout dans cet album a un côté vieillot, hors d'âge, des héros en passant au dessin délicat et sage, du propos à la chute gentillette. Cela a un parfum très années 60, époque où rien ne dépassait et où tout devait rester bien sagement à sa place. Cet album fait figure d'ovni dans la production actuelle. Aucun animal, pas un gamin, pas l'ombre d'un héros musclé pour appâter le client, rien qui puisse attirer le jeune lecteur avide de sensation ou d'originalité, juste la voix de Guillaume Gallienne pour nous narrer cette histoire....
Je ne vous l'avez pas dit, mais j'ai "lu" "Mon voisin" dans sa version numérique (Il existe une version livre/cd). Et c'est en traînant sur l'ibooks store que j'ai cédé à cet achat impulsif (5.99 euros contre 18.30 pour la version classique!). J'ai pu noter en passant, que le choix d'album jeunesse n'était guère affriolant dans la boutique virtuelle, les éditeurs n'ayant quasiment pas numérisé leur production, le format jeunesse, se prêtant assez mal à cette nouvelle technologie.
Quand je dis "lu", je ne suis pas certain que le terme soit bon. Ce livre numérique pour enfants de 5 à 7 ans (selon l'éditeur) ressemble plus à un court métrage d'animation doublé d'un vague jeu. C'est très joliment fait. Ca débute par un joli travelling, accompagné par la voix de la star actuelle de la Comédie Française et ça continue comme un jeu où finalement la lecture est quasiment absente (quoiqu'en dise l'éditeur). On sent que cette histoire a vraiment été créée pour le support tablette et dans cet objectif c'est très réussi, ludique et créatif. Cependant, le jeune public lira-t-il pour autant le texte qui apparaît (incomplet ou même différent) ? J'en suis moins sûr et c'est là où le terme "livre numérique" semble ambiguë. Ce n'est pas de la lecture car rien ne nous y incite : la voix parfaite de l'acteur talentueux, les stimuli visuels ou sonores, le côté ludique, tout est en place pour une expérience rigolote et intéressante mais pas une expérience de lecteur au sens usuel du terme.
Le monde avance, les temps changent, l'ére numérique fait voler en éclat nos habitudes et il va falloir s'adapter. Avec les millions de tablettes  qui vont soi-disant être apportées par le Père-Noël cette année, les " livres numériques pour enfants" devraient connaître un regain de succès et nul doute que "Mon voisin" devrait se tailler la part du lion vu le peu de choix existant. Ce ne sera que mérité car, c'est rudement bien fait, mais il va falloir que je me mette à la page et que j'opte pour une nouvelle catégorie dans mon blog....à moins que, sur ce coup là, je ne laisse la place aux amateurs de jeux de vidéo....


jeudi 12 décembre 2013

100 % cachemire de Valérie Lemercier


De l'affiche à la dernière scène, c'est 100 % raté ! Il y avait des lustres que je n'avais pas vu une comédie aussi poussive et peu inspirée. Sur le papier cette histoire de couple de branchés parisiens, qui adopte un enfant comme un élément de leur décoration avait un potentiel comique grinçant évident. Mené par Valérie Lemercier, le scénario promettait d'être décapant et corrosif, surtout que l'on avait donné à l'héroïne le métier de rédactrice en chef du magazine ELLE, permettant de faire une pierre deux coups : un regard décalé sur l'enfant objet de mode et une satire du milieu journalistique féminin. Et cerise sur le gâteau, Marina Foïs en guest star, raison supplémentaire pour foncer illico presto dans la salle de ciné la plus proche...
Pour être honnête, j'avais lu un peu partout que c'était raté, une catastrophe industrielle même. Malgré tout, pensant que la presse voulait peut être déboulonner ou se payer Valérie Lemercier, j'y suis allé plein d'entrain. Ben j'étais le seul à avoir de l'entrain dans la salle étant l'unique spectateur de la séance de 22 heures mercredi soir, jour de sortie du chef d'oeuvre. Que dire ? Dès les premières scènes ça ne fonctionne pas, on ne croit en rien. Les personnages sont improbables, les caractères à peine esquissés, la situation amenée lourdement. Il n'y a aucun point de vue sur l'adoption, on ne sait pas vraiment pourquoi ils veulent un enfant, même pas pour être à la mode comme les stars qui s'affichent dans les magazines peoples, un bébé sous le bras comme le dernier it bag à la mode. Et très vite on assiste à une succession de scènes sans rythmes où apparaissent une foultitude de personnages grotesques ( des parents adoptifs hystériques, une nounou déjantée, une mère juive outrancière, une ado très ingrate, ...) évoluant dans des décors fleurant bon le studio, la reconstitution mal faite et sensés donner tout son caractère subversif à un film qui n'est qu'une succession de clichés éculés. Puis brutalement le film prend une direction plus rose, s'acheminant vers un happy end avec violons, rires, ralentis et soufflerie dans les cheveux. C'est consternant de niaiserie. Devant un poste de télévision, j'aurai zappé depuis longtemps. Au cinéma, j'ai choisi de rester. J'ai ainsi vu Marina Foïs ramer à essayer de faire exister un rôle qui n'a aucun intérêt. J'ai pu vérifier que Valérie Lemercier est toujours aussi belle femme, mince et bien faite. Mais j'ai hélas constaté aussi qu'elle avait perdu la main pour la satire sociale, se contentant seulement de sortir son fond de commerce, pas loin d'être usé, de la bourgeoise grossière. Je me suis demandé quel producteur avait pu être séduit par ce scénario qui n'a aucune direction, aucun point de vue, sauf celui d'être au final bien pensant et moralisateur (pour plaire aux chaînes de télé ? ).
Ce quatrième long-métrage de Valérie Lemercier est à fuir. Indigne de celle qui nous avait pas mal amusés avec ses films précédents (même si ce n'était pas des chefs-d'oeuvre) et surtout avec ses spectacles, "100% cachemire" est bien le navet annoncé et est peut être pire que ce que l'on dit !( Ce sont les paroles d'un fan extrêmement déçu que vous lisez là...)


mardi 10 décembre 2013

Petit poilu, en piste les andouilles ! de Pierre Bailly et Céline Fraipont


En piste pour le quatorzième album de la série "Petit Poilu", adorable petit personnage de type indéterminé mais diablement sympathique. Comme d'habitude, il se réveille, petit déjeune et part (seul) à l'école.

 Et comme d'habitude, il n'y arrivera pas. Cette fois-ci, il trouvera sur son chemin un chapeau claque qui l'aspirera et le conduira dans un cirque. Il rencontrera un clown qui essaiera de lui apprendre les rudiments du cirque mais Petit Poilu se montrera un bien piètre élève. 
En tant qu'adulte, je ne me shoote pas à cette BD, c'est évident. Elle est conçue pour les enfants pas encore lecteurs, disons à partir de 4 ans, car elle est sans texte. Cela ne m'empêche pas de la trouver incontournable, voire indispensable. Dessin rond, toujours avec 6 cases par page (ou presque), simple et coloré, histoire farfelue, un peu irrévérencieuse et toujours drôle, chaque album se permet  d'aborder des thèmes essentiels pour les enfants (ici, un message sur la persévérance et le courage). Chaque titre est un pur délice, une friandise qui fait du bien à la tête mais surtout une série qui devrait être mise entre les mains de tous les enfants! Qu'attend l'Education Nationale pour l'imposer dans toutes les maternelles de France et de Navarre ?  En tant que professionnel auprès de jeunes enfants, dans mon école maternelle, mes collègues et moi, lors des séances de soutien scolaire ou d'APC (Ateliers Pédagogiques Complémentaires pour les béotiens) qui se font par groupes de 3 ou 4 enfants, nous utilisons très souvent ces albums qui font merveilles et surtout auprès de ceux plus fragiles scolairement. C'est un moment de lecture plaisir formidable. On rigole, on commente les aventures du petit héros, on s'égare parfois dans des délires. C'est un excellent support pour faire passer de façon très agréable tout un tas de petites notions essentielles pour aborder la lecture. La compréhension d'une histoire, son déroulement logique, le repérage sur une page, son sens de lecture sont ici abordés en douceur, mine de rien, loin, très loin des exercices rasoirs et des leçons péremptoires et lourdaudes. Et cerise sur le gâteau, ça fait parler les enfants, même ceux qui d'habitude se taisent ! 
Bien sûr, Petit poilu ne va pas réduire l'illettrisme (quoique ...) mais il contribue grandement à faire aimer la lecture aux jeunes enfants (surtout parce qu'il n'y a pas de texte ) et leur fait aborder cette notion indispensable pour devenir un vrai lecteur : la compréhension. Petit Poilu démontre aussi que l'on peut faire une BD pour les plus jeunes sans les prendre pour des imbéciles, en sachant rester à leur portée, tout en étant inventif, drôle et sans le savoir peut être, totalement pédagogique. On dit quoi ? MERCI à Pierre Bailly et Céline Fraipont, les auteurs de cette formidable série !


lundi 9 décembre 2013

Le loup qui mangeait n'importe quoi de Manu Larcenet et Christophe Donner



Rien de plus alléchant qu'un album avec un loup en couverture ! Les enfants adorent ! Et quand les parents, forcément connaisseurs mais aussi détenteurs de la carte bancaire voient que les auteurs ne sont que les excellentissimes Manu Larcenet et Christophe Donner, les yeux fermés, ils passent à la caisse. Grossière erreur ! Ils auraient peur être dû y jeter un oeil avant achat, foi d'acheteur...
Malgré un emballement unanime sur la blogosphère, j'avoue, au risque de passer pour bégueule, faire la fine bouche.
Soit un loup qui a faim. Cela va se soi, nous sommes en hiver et il n'y aurait pas d'histoire s'il était repu. Il rencontre une pauvre brebis qui, en plus d'être seule, est victime de remontées gastriques malodorantes. Bref elle rote et quand on a faim, on ne fait pas le difficile, quitte ensuite à roter soi-même. Un peu plus tard, il rencontre un cochon solitaire dont les nombreuses flatulences pourraient le rendre impropre à la consommation. Mais non, quand on est gourmand, on dévore et voilà notre loup continuant son chemin tout en rotant et pétant. Vous êtes dotés de finesse et donc vous devinez qu'ensuite il dévorera un mangeur de crottes de nez, un rongeur d'ongles et des tortilleuses de cheveux. Ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler la chute (pas fameuse) de ce conte tout en délicatesse.
Délicatesse ? Mais oui, car le texte est en vers ! C'est rigolo, c'est décalé, ça pourrait faire oublier cette histoire surement créée à l'issue d'un banquet bien arrosé après avoir fait tourner des serviettes. Mais, je l'avoue, ma première lecture avec mes yeux d'adulte, m'a fait sourire. Et donc, j'ai voulu partager ma découverte avec un groupe d'enfants de 5/6 ans, certain d'obtenir un succès facile, car dès que ça pète ou que ça rote.... ça marche. Et le verdict fut à la hauteur de l'album : au ras des pâquerettes ! Car si dès qu'on dit "pète" ou " rote" ou "crotte de nez", les enfants rient, pour ce qui est du reste de l'histoire on repassera. Bien qu'habitués aux histoires en randonnées, sans être nullement surpris par les vers (beaucoup d'albums jeunesse aiment jouer avec les sonorités de la langue), ils ont très vite été noyés par les tournures vieillottes et alambiquées d'un texte qui, en plus, est encombré d'un vocabulaire pompeux et difficile. Et à l'oral, les lourdeurs de ce poème  apparaissent très vite. Comme les défauts les plus drôles sont au début, plus on avance, plus les enfants décrochent, seulement en attente des mots "pète" et "rote" qui, à force de répétition, ont bien évidemment  moins d'impact. Comme la fin est assez abstraite, j'ai achevé l'histoire (terme malheureux? ) dans une quasi indifférence générale et, pourtant, croyez-moi, j'y ai mis du coeur...
Peut être que ai-je ciblé trop jeune ? Cet album doit-il être réservé à des enfants plus grands (7/8 ans) ?
J'en doute un peu.
Si l'on ne peut rien reprocher aux sympathiques illustrations de Manu Larcenet, drôles, simples et parlantes, on ne peut pas en dire autant du texte lourd de toutes parts. En flattant le côté "pipi caca" des enfants et en leur assénant des rimes lourdaudes et ampoulées, dont les clins d'oeil ne s'adressent qu'aux adultes, cet album fleure un peu trop le produit marketing. C'est dommage car chacun des auteurs,dans son domaine, reste très talentueux. Pour le conte jeunesse, les preuves restent à faire. 

dimanche 8 décembre 2013

Casse-tête chinois de Cédric Klapisch


J'ai vu "casse-tête chinois". Je faisais un peu la tête en sortant de la salle... Pourtant Cédric Klapisch a du se creuser les méninges (heu...pas trop en fait), se prendre un peu la tête pour arriver à écrire une suite à "L'auberge espagnole" et aux "poupées russes". Si ces deux films avaient laissé un agréable souvenir dans la tête des spectateurs, pas sûr que ce soit le cas pour celui-ci.
Les personnages des deux précédents sont là, on prend plaisir à les retrouver, même entourés de têtes blondes car maintenant, ils ont vieilli, ils sont parents. Le passage de la quarantaine n'est pas simple pour eux qui avaient la tête dans les nuages. Le boulot, les séparations, les mômes, tout vient s'emmêler dans leur vie mais au lieu de se cogner la tête contre les murs, nous sommes au ciné que diable, ils filent tous à New-York ! Bille en tête, Xavier (Romain Duris) va retrouver son ex (Kelly Reilly) devenue une femme à la tête près du bonnet et dont la garde partagée des enfants va se révéler problématique. Il y retrouve aussi sa copine Isabelle (Cécile de France) à qui il a donné un peu de son sperme pour lui permettre d'être à la tête d'une petite famille avec son amie. Et, bien sûr, Martine, sa première fiancée (Audrey Tautou), débarque elle aussi  avec plein d'idées en tête et pourquoi pas renouer avec Xavier.
C'est reparti pour de nouvelles aventures bien mollassonnes, malgré un montage sophistiqué, mélangeant allègrement le temps et les histoires sans pour autant noyer le spectateur qui garde facilement la tête hors de l'eau. C'est peut être finalement le seul intérêt de ce film, un montage artificiellement sophistiqué pour mieux cacher la misère du propos où la profondeur est aussi grande que la tête d'une épingle. Le reste n'est que banalités, clichés, une succession de scènes gentillettes filmées dans des appartements coûtant les yeux de la tête. Si l'on prend un peu de plaisir à retrouver tous ces comédiens devenus maintenant des têtes d'affiche, dans un New-York par contre joliment filmé, le film lui ne démarre jamais. Et quand un peu d'action arrive, avec un quiproquo mal exploité, nous sommes déjà à la fin, la tête ailleurs...
Sympathique sur le papier, "Casse-tête chinois" est sûrement la suite de trop, un tête à queue incontrôlé qui risque de faire devenir Cédric Klapisch la tête de turc du cinéma français. Gardez la tête froide, ne vous jetez pas tête baissée dans la première salle projetant ce film. Préférez un agréable tête à tête avec une personne aimée (ou vous même) et, j'en donnerai ma tête à couper, vous passerez un bien plus agréable moment.


jeudi 5 décembre 2013

La jalousie de Philippe Garrel


Louis quitte une dame qui pleure sous le regard de sa fille réveillée par la conversation. Il retrouve Claudia, comédienne comme lui, avec qui il vit dans un petit appartement sous les toits. Louis aime Claudia qui elle, rêve à des jours meilleurs surtout côté financier. Louis, beau mec, se fait pas mal draguer mais reste fidèle à Claudia qui elle, se démène pour sortir de sa vie de galère et croise un architecte qui lui offre un appartement...
Raconté comme ça (et même autrement), on voit bien qu'il ne se passe pas grand chose de bien passionnant dans le nouveau film de Philippe Garrel. Ce n'est pas un grand film romantique, ni un suspens psychologique et encore moins une belle histoire d'amour. L'intérêt du film est ailleurs et pour le spectateur il s'agit de trouver les points pour s'accrocher. J'en ai trouvé quelques uns, mais pas tous hélas. Si j'avais été plus fûté, plus cultivé, plus cinéphile, cela aurait été un jeu d'enfant et je me serai roulé de plaisir en hurlant " c'est géééééniaaaaaaal!!!!!". J'avais pourtant lu beaucoup de choses sur le film, le côté autobiographique de l'oeuvre, ce clin d'oeil intergénérationnel consistant à faire jouer le rôle du père du réalisateur à son fils ou la magnificence des plans dont le summum est résumé par les Inrocks qui nous expliquent doctement que chez Garrel quand quelqu'un part, il quitte le plan ! (Là, je suis abasourdi par tant d'acuité...et d'originalité.)
Reconnaissons quand même au film quelques qualités et notamment un noir et blanc splendide et aux cadrages précis et composés de main de maître. J'avoue aussi avoir été bluffé par l'interprétation on ne peut plus naturelle et réaliste des comédiens et troublé par la belle voix grave d'Anna Mouglalis. Toutes les situations sont d'une justesse étonnante et d'un réalisme troublant. Malgré tout cela, je me suis quand même un peu ennuyé. Je n'ai pas été sensible à tous ces sentiments paraît-il exprimés au détour d'un plan ou d'une réplique. En fait, je ne les ai pas sentis, par manque de clefs sans doute mais surtout à cause d'un scénario qui ne semble n'avoir que l'ambition du réalisme.
"La jalousie" ne va pas me faire ranger parmi les nouveaux fans de Philippe Garrel. Bien plus accessible que l'on peut penser mais pas vraiment  passionnant pour un  spectateur lambda, ce film, réalisé à l'économie, démontre toutefois le courage et la ténacité d'un réalisateur à l'écriture cinématographique personnelle à laquelle, pourtant, on n'est pas obligé d'adhérer.


Et, pour le clin d'oeil et parce que c''est totalement décalé par rapport à l'oeuvre ci-dessus, je ne résiste pas à l'envie de vous mettre un tube ringard des années 70 de Ringo intitulé "Ma jalousie" et que le film de Philippe Garrel a fait remonter dans mes souvenirs...



mercredi 4 décembre 2013

Punkt de Pierre Lapointe

4
Le Québec ne nous envoie pas, pour nous charmer les oreilles, que ses chanteuses à voix comme Mlles Dion ou Boulay. Ces dernières années nous avons pu apprécier les talents moins médiatisés d'Ariane Moffatt ou Jorane mais aussi celui très singulier de Pierre Lapointe.
Véritable phénomène au Canada, cet auteur compositeur collectionne les récompenses et attire les foules lors de ses concerts aux mise en scènes sophistiquées et originales. De notre côté de l'Atlantique, ses disques ont du mal à s'imposer. Je ne pense pas que son quatrième album, sorti voici deux semaines, parvienne à conquérir les foules, non pas par manque de qualités, loin de là, mais par les propositions assez radicales, décalées et toutes personnelles qu'il propose.
"Punkt" est son quatrième album studio et est sûrement le plus accessible, ayant abandonné un peu de cette poésie assez étrange qui encombrait les paroles de ses premières chansons et cherché à donner un côté pop déglinguée à sa musique jusqu'à présent assez touffue. Inspiré par les génériques TV (Sésame Street dit-il) et les années 50/60 et tous les chanteurs rive-gauche, il nous offre quelques moments rythmiquement très marqués ( L'étrange route des amoureux pseudo twist où se mélangent violons et sonorités mexicaines, Plus vite que ton corps ) et d'autres aux inspirations éclectiques ( Tu es seul et restera seul, mélange de Nino Rota et Léo Ferré), met en avant des instruments abandonnés des productions actuelles ( l'orgue sur La date, l'heure, le moment, la harpe sur Les enfants du diable) ou aux arrangements surprenants comme sur la superbe Barbara. Mais des plages plus classiques, en piano/voix (et souvent choeurs), viennent calmer ces moments de folies, donnant un ton et une ambiance à cet album assez étonnants, pas toujours évident à la première écoute mais à la richesse mélodique indéniable, très vite addictive. Les paroles ne sont pas en reste. Plus libres, plus fluides et moins fumeuses que dans ses productions précédentes, l'écriture en est plus précise mais aussi, plus sexuellement explicite. On y trouve évoqués des thèmes rares dans la chanson ( l'infanticide ou une sexualité tous azimuts), les mots peuvent être crus, cash. Ainsi on entend dans Les enfants du diable  : " les enfants du diable...gorgent leurs verges de sang / et s'enculent en chantant ", mais aussi, dans la même chanson : "Les enfants du diable / restent bien souvent perplexes /Face aux joies indésirables / Des grands sentiments complexes "  Sur que Céline D. ne chanterait pas cela... mais a-t-elle dans son répertoire des textes d'une telle poésie ? (Oui, au Canada, cet auteur, compositeur, interprète, metteur en scène est aussi considéré, avec raison, comme un poète.)
 "Punkt" réussit un sacré mélange de déjanté, de modernité et d'intimisme. En l'écoutant, l'univers personnel extrêmement riche de Pierre Lapointe m'a fait penser à celui d'un Charles Trenet qui n'aurait pas eu peur des mots ni des expérimentations sonores. C'est le plus abouti de tous ses albums, celui qui devrait agrandir le cercle de ses fans, mais déroutant toujours les amateurs de chansons formatées pour la bande FM. Pour moi, en tous les cas, la confirmation d'une grande pointure de la chanson francophone à découvrir toute affaire cessante.
Ci dessous trois clips de son nouvel album et vous verrez que là aussi, visuellement, c'est également un peu déjanté ou avec un parti-pris très arty.



lundi 2 décembre 2013

Masculin/masculin à Orsay


Le très solennel musée d'Orsay s'encanaille cet automne en proposant une exposition sur le nu au masculin dans l'art depuis 1800 jusqu'à nos jours, à l'image de celle qui fit vaguement scandale en Autriche voici quelques mois. Même si le musée a évité une affiche trop explicite et ne propose pas non plus une visite nudiste comme à Vienne. Le buzz a bien fonctionné puisque l'on se bousculait devant les tableaux de ces mâles dénudés le jour où j'ai réussi à y accéder. Entre curiosité et intérêt pour l'art, le public déambulait, jouait des coudes devant certaines oeuvres, mais semblait un peu perdu par la scénographie proposée.
Lorsque l'on pénètre dans l'exposition, on ne remarque pas tout de suite le cartel explicatif tellement le regard est happé par les premiers tableaux de ces hommes nus dans des postures souvent étranges, tarabiscotées pour certains. Et puis, très vite on se rend compte qu'un tableau début 18ème côtoie une photographie de Pierre et Gilles. Bêtement j'avais pensé que l'accrochage était chronologique, montrant l'évolution de la représentation du corps de l'homme au fil de ces deux siècles qui ont vu tant de changements et d'évolutions. Que nenni !
L'exposition propose cinq thématiques (L'idéal classique, Nus héroïques, Nuda Veritas, Im Natur, dans la douleur ) dont la lecture du descriptif apposé sur les murs laisse un peu perplexe mais finalement à l'image de beaucoup de ceux que l'on lit dans de multiples musées : fumeux et verbeux, pas vraiment informatifs. Une peinture classique d'un héros nu dans la nature en train de mourir pouvait entrer dans plusieurs catégories. Le caractère interchangeable de certaines toiles donnant l'étrange impression d'un fourre tout bordélique. Et comme souvent, tout n'est pas du même intérêt. Si certains tableaux sont vraiment magnifiques ( Le berger Pâris de Jean-Baptiste Frédéric Desmarais qui a l'honneur de figurer sur l'affiche ), des sculptures saisissantes ( Ron Mueck ) d'autres m'ont semblé plus anecdotiques et de ne  devoir leur présence que par une sous thématique qui se dégage de cette exposition : l'homosexualité.
Les toiles du 18 et 19ème siècles empreintes de cet académisme du à l'exercice obligatoire de représenter des nus aussi biens masculins que féminins et dont les corps sont ou adolescents ou asexués ou très féminisés, voisinent avec des tableaux ou des photos du 20ème qui sont pour la plus grande majorité produits par des artistes gays ( Bacon, Hockney, Mapplethorpe, Cocteau, ...) comme s'ils avaient été les seuls à s'intéresser au corps de l'homme. Cela donne la forte présence, un peu inexplicable (copinage ?),  des photographies kitchissimes de Pierre et Gilles (au détriment d'un Mapplethorpe qui a, à mon humble avis, était beaucoup plus percutant dans sa représentation du corps masculin). Même si les gays ont été un levier essentiel dans la mise en avant du corps de tous les mâles du monde occidental, pourquoi ne pas avoir accroché d'autres artistes qui ont représenté le nu masculin sans détour ou connotation, mais tout aussi pertinents dans leur vision ?
Finalement, après cette balade parmi ces éphèbes nus, agréable au demeurant, surtout en hiver, on en ressort avec le sentiment que le musée d'Orsay a voulu jouer les affranchis, peut être provoquer un petit scandale, mais a raté son coup. Ce n'est pas parce que l'on expose "L'origine de la guerre " d'Orlan, réplique masculine et en semi érection de "L'origine du monde " de Courbet ou une photo de David La Chapelle représentant 72 vierges voilées porteuses de dynamites entourant un mannequin nu que l'on va faire s'évanouir les ligues de vertus. Cela fait déjà un petit moment que l'homme se dénude pour la pub ou au cinéma (moins que les femmes c'est sûr, mais la parité gagne) et ce qui pourrait paraître pour certains un coup de modernité, n'est finalement qu'une petite exposition rigolote mais assez anecdotique. Une vraie exposition sur le corps de l'homme nu reste à faire.

dimanche 1 décembre 2013

Une illusion passagère de Dermot Bolger



Martin, porte-documents et secrétaire attaché à tout enregistrer pour un ministre irlandais en fin de parcours, se retrouve seul, un soir, dans sa chambre d'hôtel à Pékin. Cette solitude inhabituelle pour ce haut fonctionnaire zélé et peut être ennuyeux par sa volonté de servir au mieux son pays, va être l'occasion de faire le point sur sa vie. 55 ans, une vie de couple exemplaire auprès d'une épouse jamais trompée mais qui refuse maintenant tout rapport sexuel, il voit avancer à grand pas une retraite plus ou moins imposée par le contexte économique et qui risque d'être le début d'une longue descente vers la mort.
Son errance solitaire dans cet hôtel international de luxe va l'amener de manière un peu inconsidérée à faire monter une masseuse dans sa chambre. N'ayant jamais eu recours à ce genre de service, un peu anxieux,il ouvre sa porte à une dame chinoise beaucoup plus âgée que les charmantes hôtesses entraperçues dans les couloirs de l'hôtel. La séance de massage commence et, avec peu de mots et quelques regards, un étrange contact va se nouer entre ces deux êtres que tout sépare...
C'est un peu "Lost in the translation" pour l'ambiance mais c'est surtout un roman très abouti. Cette douce sensation de plaisir que va éprouver cet homme accédant soudain à des sensations inespérées voire oubliées, vivant un moment qu'il s'était interdit jusqu'à présent, est finalement une allégorie de cette Irlande puritaine que le libéralisme a soudainement réveillé et faut jouir très vite avec son enrichissement. La chute fut rude. La crise a envoyé le pays au bord du gouffre et notre quinquagénaire se retrouve post coïtum animal triste après le départ de la masseuse.
La séance de massage est un moment suspendu où se nouent des liens entre respect, connivence muette et domination, commerce. La solitude de ces deux personnes que tout sépare va les réunir dans une communion dont l'intensité les conduit au bord d'une intimité que d'habitude l'argent ne permet pas d'acheter. C'est aussi l'occasion de brosser le portrait trouble des sentiments et des échanges qui régissent le monde occidental riche et les pays émergents et leur main d'oeuvre low-cost.
Sous cette couverture faite de chair et de peau, se cache finalement un court roman de haute tenue dont le symbolisme très présent n'est jamais écrasant grâce à une très belle écriture qui passe avec élégance de l'analyse politique à l'étude des sentiments. Et si la photo de prime abord paraît sensuelle, la pression de cette main sur cette partie indéterminée du corps est bien à l'image du récit de Dermot Bolger, réaliste et dure. Cela n'exclue pas quelques joies mais qui très vite prennent le goût amer d'un monde complexe où l'homme avance, confronté à une solitude de plus en plus prégnante.

mercredi 27 novembre 2013

The immigrant de James Gray


James Gray semble avoir le ticket avec la presse française, moins avec les festivals ou son pays natal qui le boudent ostensiblement. Jusqu'à présent, je n'avais pas été non plus été très emballé par ses précédentes oeuvres... J'ai pensé qu'en se dirigeant vers le mélo, il allait transcender le genre et du coup, armé d'un paquet de mouchoirs en papier, j'ai pris mon ticket pour New-York années 20....
A l'arrivée du bateau, au milieu d'une cohorte d'immigrants, la caméra s'arrête sur deux pauvres polonaises, la mine grave, la tenue austère, avançant la mine angoissée vers un ailleurs prometteur. Hélas, l'une se fera mettre en quarantaine pour cause de tuberculose et l'autre dirigée vers la file "expulsion immédiate". Elle, c'est Ewa, aux airs de mater dolorosa, qui suinte l'ennui, la tristesse et la droiture. Ewa, c'est Marion Cotillard, les yeux cernés de marron par une maquilleuse sadique, qui pense qu'ainsi elle fera harassée et au bord du suicide. Raté ! Elle est remarquée par un maquereau de bas étage (Joaquin Phoenix, pour le moment très bien parce que sobre) qui, sûrement par son oeil exercé à repérer les filles qui feront de bonnes gagneuses, la prend sous son aîle et la ramène chez elle. Pour le remercier, Ewa/Marion lui gratifie de sa nouvelle expression étudiée spécialement pour le mélo : je baisse les yeux, je grimace légérement des lèvres et je pleure.
Le proxénète travaille dans un cabaret où les filles dansent un peu dénudées, histoire de faire saliver le client avant de leur proposer des services plus personnels. Bien que toujours la mine sombre, peu souriante, Ewa/Marion, accepte de danser puis de se prostituer afin de réunir un max de fric pour libérer sa soeur. La première fois qu'elle monte sur scène en statue de la liberté, elle baisse les yeux, grimace des lèvres et pleure un peu. Visiblement, malgré son allure rigide et ses airs revêches, Ewa/Marion fait exploser le compteur grâce, sans doute, à ses talents multiples, ce qui est étonnant car elle ne desserre pas les lèvres du film et a un air de bigotte sortant de la messe et n'ayant qu'une envie, celle d'y retourner. 
Mais l'amour la surprend. Au détour d'un cabaret, elle rencontre un magicien, Orlando, beau et gentil, cousin du maquereau, qu'elle séduit en baissant les yeux, frémissant des lèvres et en versant....Stop Marion, pas là, c'est du bonheur !!! De toutes les façons tu ne vas y arriver, on a pas prévu le menthol pour cette scène !
Comme les deux hommes se détestent, il va y avoir un peu d'action, la jalousie étant un super rebondissement dans les mélos et l'occasion pour la vingtième fois de faire souffrir Ewa/Marion , de lui faire baisser les lèvres , grimacer légèrement du nez  et...non, ça Marion Cotillard ne sait pas le faire !
Donc, on plonge dans la violence et du coup Joaquin Phoenix qui en avait surement marre de se faire éclipser par notre star nationale, sort son grand jeu outrancier et roule des yeux, met sa bouche de travers et gueule.  
Je ne dis pas comment ça se finit, mais Ewa/Marion baisse les yeux, grimace légèrement....bon, on a compris !
Vous avez compris également que je n'ai pas été vraiment emballé par tout ça. Pourtant la photographie est magnifique, il y a des plans de toute beauté mais le scénario doublé d'un casting ou d'une direction d'acteur un peu étrange, font qu'on n'y croit pas une seconde. En plus rien n'est fait non plus pour susciter l'émotion. Marion Cotillard est tout en jeu intérieur, glaciale et baisse les yeux, grimace..., bref n'a qu'une expression (Il lui arrive ailleurs, d'en avoir plus...). On ne l'imagine pas une seconde vendre son corps car elle n'est vraiment pas attirante...Jeremy Renner en Orlando porte mal la moustache et semble se demander ce qu'il fait là. Et puis, tout cela est assez lent sans que cela apporte une once de profondeur, juste peut être ce léger sentiment d'ennui qui différencie le mélo d'auteur du vulgaire téléfilm. Et ce n'est pas cette imagerie sulpicienne du péché et de la rédemption, cette symbolique religieuse  qui m'ont rendu le film sympathique. 
Injustement oublié à Cannes ? Non, jugé pour sa valeur plutôt que par l'aura de son producteur, Vincent Maraval, faiseur de pluie et de beau temps du cinéma français (et ceci explique peut être cela).



mardi 26 novembre 2013

Romain et Augustin, un mariage pour tous de Thomas Cadène, Didier Garguilo et Joseph Falzon


Réactif à l'actualité et observateur du monde d'aujourd'hui (voir "Les autres gens" sa série fétiche), Thomas Cadène (au scénario) associé à Didier Garguilo et joseph Falzon ( au dessin), nous proposent une histoire de mariage entre hommes.
Ma première réaction fut de douter du projet. Auraient-ils le recul nécessaire pour nous trousser une histoire digne d'intérêt ? Le temps de fignoler un album à la hauteur du sujet sans tomber dans le déjà vu ou lu ailleurs ? Le doute était permis puisqu'il a déjà eu droit à une publication estivale sur le site web du Nouvel obs. "Romain et Augustin" bénéficie toutefois d'un à priori favorable car publié dans l'excellente collection Mirages de chez Delcourt. Après lecture, je dirai que c'est globalement réussi avec toutefois quelques bémols...
Romain a une trentaine d'années, beau gosse, gay donc et, après une rupture douloureuse d'avec Kader, rencontre Augustin, beau mâle plus jeune t un peu à la dérive. Tous les deux issus de parents maintenant séparés, ils vont s'aimer et retrouver goût à la vie. Les deux amants vivent dans un appartement situé juste au-dessus de celui de la mère d'Augustin, catholique pratiquante, acceptant très mal l'homosexualité de son fils. Romain lui, n'a guère de rapports avec ses parents mais est proche de sa soeur Mathilde. La vie est simple. Chacun a un boulot. Augustin est vendeur dans une boutique de fringues. Romain gagne très bien sa vie en tant que financier et vote UMP. Et puis, un jour, loi nouvelle aidant, autant par défi que par envie, ils décident de se marier...
A partir de cette base, on voit bien tout ce qu'un scénariste va tirer de cette situation. Les protagonistes sont en place pour une histoire où tous les points de vue vont pouvoir s'affronter. C'est ce qu'il se passe. Ca démarre mollement, scolairement même, presque au bord du cliché. Mais Thomas Cadène complexifie la narration et la lecture en intégrant une histoire parallèle à l'intrigue principale, illustrée par un autre dessinateur mais avec les mêmes personnages (c'est un peu sa spécialité) : un cousin va filmer tous les membres des deux familles des futurs époux en les faisant réagir sur cette union.
Cette partie, nommée intermède, au graphisme radicalement différent et en noir et blanc, déroute tout d'abord. On a du mal à retrouver qui est qui et les nombreux dialogues, dont une voix off, rendent tout cela un peu touffu. Puis, petit à petit, elle prend toute son ampleur, car c'est là qu'a lieu le débat et que toutes les idées et les points de vue sont développés. Alors que l'histoire principale ronronne un peu trop gentiment, on admire la clarté et la teneur des échanges de ces intermèdes.
Au final, on obtient un album assez pédagogique et somme toute intéressant, ayant le mérite de prendre à bras le corps ce sujet de socièté, hélas toujours d'actualité. Véritable plaidoyer pour le mariage pour tous et le droit à l'indifférence, "Romain et Augustin" a l'intelligence d ene pas juger les adversaires conservateurs et de leur donner la parole. On pourra regretter un manque de folie dans une trame un tantinet prévisible. Mais dans l'univers très macho et fortement hétéro de la BD, cet album est une bonne surprise qui mérite vraiment le détour.




Le même personnage (Augustin) vu par les deux dessinateurs.


lundi 25 novembre 2013

Les amants parallèles de Vincent Delerm


Je suis la personne la plus mal placée pour vous dire tout le bien que je pense du nouvel album de Vincent Delerm. Je ne pourrai pas être objectif, je suis un fan absolu du chanteur. J'ai tous ses disques (même celui enregistré en ouzbek et acheté une fortune à un mafieux russe), vu tous ses spectacles dans un état proche de l'extase et usé tous ces CD et DVD à force de passages intenses les soirs de déprime, Delerm étant pour moi un substitut au Prozac. 
Depuis dimanche soir (oui, I tunes l'avait déjà mis en vente quelques heures avant sa sortie officielle, le fan que je suis ayant passé sa soirée le nez collé sur l'écran de l'ordinateur à guetter le moment où le curseur "précommander" allait passer à "acheter".),casque collé aux oreilles , je m'imprègne de ces "amants parallèles". 
Que dire qui n'a pas été dit ailleurs  ( Vous aurez remarqué qu"après la semaine Daho, c'est maintenant la semaine Delerm dans les médias ) ? Oui, c'est très cinématographique, très littéraire aussi. Les chansons, parfois parlées, jouées même, (Ah la belle voix de Rosemary Standley du groupe Moriarty!) racontent une histoire d"amour de la rencontre jusqu'à la séparation. C'est intime mais pudique. Un sentiment d'universalité enveloppent ces paroles remarquablement écrites. Les mélodies sont très "Delerm" et rappellent les compositions douces ou nostalgiques de ces précédents albums. Nous sommes en terrain connu mais avec du nouveau. La voix, toujours bien reconnaissable, est maintenant plus posée, plus professionnelle, plus douce aussi. Les textes sont toujours tournés vers ces petits moments de vie, délicats et simples, mais ont été quasi expurgés de ce name dropping qui a fait sa renommée ainsi que de cet humour gentiment moqueur. Mais ce qui donne à l'ensemble un charme fou, c'est l'emballage musical. Les percussions, les cordes, les basses sont issues uniquement de pianos, certains étant ce qu'on appelle "préparés". Cela donne des sonorités à la fois planantes et mécaniques, comme un mix de Yann Tiersen et du Chapelier fou. 
Je suis tellement emballé par le disque, que cet après-midi, j'ai tenté une expérience extrême : le faire écouter à un ami qui a horreur de Vincent Delerm (oui, Delerm agace pas mal de monde), vous savez ce genre de personne qui n'écoute que du rock pointu, issu des bas fonds de Liverpool ou de Toronto. Bon, évidemment, il a fallu que je négocie et que je lui procure, en remerciement, un inédit tiré en 8 exemplaires du groupe " White Denim" (Ah bon, vous connaissez ?!) pour qu'il daigne garder plus de vingt minutes les écouteurs sur les oreilles. 
Quand il a fini par jeter le casque à terre, j'ai demandé plein d'entrain :
-Alors ? 
- Ben dis donc, je vais pas avoir la pêche après ça ! 
- C'est bien non , allez, avoue, c'est bien fichu !?
- Ouais, c'est mignon... ça doit pas être mal, en fond, pendant un rendez-vous câlin.!!
 Ce n'est pas gagné mais j'ai noté un tout petit intérêt, donc la réussite de cet album concept semble à portée d'oreille. 
C'est sûr que ce disque ne va pas ramener des foules de fans à Vincent Delerm mais il va peut être gagner en considération auprès de quelques uns pour peu qu'ils aient la curiosité de tendre un peu l'oreille. Pour les déjà convaincus du talent de l'artiste, ce n'est que bonheur. Pour moi, le printemps est déjà là !