mercredi 21 décembre 2022

Tempête de Christian Duguay


Chez Pathé, on a des idées pour contrer les plateformes et essayer de faire revenir les spectateurs dans les salles. Le produit, ...heu le film doit être familial, rythmé comme une série Netflix, pas prise de tête, des bons sentiments et un univers porteur qui peut se révéler spectaculaire à l'écran. "Tempête" en est le prototype... S'il fonctionne, on risque d'en voir une déferlante bientôt sur nos écrans surtout que, cerise sur le gâteau, c'est idéal aussi pour la télévision. 
Pour un coquet budget de 12 millions d'euros on n'a pas fait les choses au hasard. On a dû initier une étude de marché sur ce qui plaît à un public familial ... Les animaux sont arrivés en tête. Problème : quel animal ? Les chatons ? Pas facile d'être spectaculaire, bluffer le public avec un mini félin intrépide. Les dauphins ? Mouais, beaucoup vus... Les chevaux ? Oui, ça plaît beaucoup le cheval, et puis pas besoin d'aller loin pour tourner, la Normandie nous accueillera sans problème! Bon trouvons un roman simple et bien feelgood ... Que dis-tu ? Un livre pour enfant ?! Génial, on ne fait pas plus simple ( Ici "Tempête aux haras" de Christophe Donner paru dans la collection Neuf à l'Ecole des Loisirs). On fait un casting de scénaristes pour l'adapter à un public plus large ( oui, ça existe et en particulier pour ce film là). On choisit celui ou celle qui sait tenir le spectateur en haleine avec un rebondissement, ou ce qui lui ressemble, toutes les 5 minutes, on caste des enfants et l'on engage deux comédiens sympathiques ( Mélanie Laurent et Pio Marmaï)  et l'on a plus qu'à lancer la production. 
La recette ressemble étrangement à ce qui marche dans la littérature ( de gare) , alors pourquoi cela ne fonctionnerait-il  pas sur écran ? Quand on voit le résultat, on se dit qu'il vaut mieux attendre que ça passe à la télé ou chez Netflix, alors pourquoi aller au cinéma ? Certes les courses de chevaux sont filmées avec efficacité et sur grand écran font leur effet. Mais le reste ? Une histoire cousue de fils blancs très voyants, qui avance à toute allure sans que jamais les personnages ne soient creusés. La  scène d'introduction, au bord du grotesque, donne tout de suite le ton, avec Mélanie Laurent qui accouche en 3 minutes chrono !  On comprend tout de suite que l'on n'est pas dans une fabrique de dentelle mais du bon tshirt sans forme réelle et qui pense aller à tout le monde. Alors, on regarde sans conviction les acteurs défendre quelques vagues dialogues avec conviction ( mention à Kacey Mottet-Klein qui dans ce marasme arrive à faire exister un personnage souvent au deuxième plan). Tout est prévisible, rien n'étonne ( mais le plus improbable), donc rien n'émeut. Pas certain que ce soit la bonne recette pour faire revenir les spectateurs en salle en les prenant pour de grands enfants... niais!

 



mardi 20 décembre 2022

Le parfum vert de Nicolas Pariser


 Ca démarre très bien, à cent à l'heure (là,  vous sentez déjà venir le "mais", le bémol, alors que face à l'écran on pense vite fait : "Pourvu que ça dure"). Un premier plan d'un femme marchant  filmée de dos n'est pas original mais l'oeil se focalise sur son chignon très hitchcockien, très bon signe. Puis l'aventure commence, à toute allure, ne laissant guère le temps de souffler, ni de s'arrêter sur les ficelles du scénario, tout juste note-t-on que Vincent Lacoste est un peu habillé comme Tintin. La référence BD sera confirmée par la suite avec une évocation de Raymond Macherot le génial créateur de Sibylline ( hélas trop méconnu) et par le personnage de Sandrine Kiberlain, autrice de romans graphiques. Disons que toute le première moitié du film nous fait retomber en enfance comme lorsque l'on se passionnait pour ( par exemple ) "Le lotus bleu" ( "Le parfum vert"...vous voyez le clin d'oeil ? ). C'est vif, sans chichi, bien mené, bien joué. 

Hélas, ça ne dure pas. Arrivé à la moitié, le film se met à être bavard, ( comme si Nicolas Pariser voulait donner du fond comme dans ses films précédents), repoussant artificiellement  le moment de la grande scène finale, largement inspirée de "L'homme qui en savait trop" voire de "To be or not to be". La référence est imposante et, force est de constater que Nicolas Pariser n'arrive pas à rivaliser. Sortant d'un film très porté sur les dialogues ( "Alice et le maire" ), nous avons droit à une pâle scène de peu d'intensité. 

On reconnaîtra à Nicolas Pariser de vouloir sortir de sa zone habituelle de confort mais son essai n'est qu'à moitié convaincant. Cependant, on note dans ce film une petite touche assez originale pour le cinéma français toujours très conservateur,  quelque chose de rare, signe que les choses changent. Pour une fois, les deux héros vont finir dans les bras l'un de l'autre à la fin. Vous voyez l'originalité ?  Kiberlain/Lacoste,... un quart de siècle d'écart d'âge... Les actrices bankables peuvent donc désormais, à l'écran, prétendre rendre fou d'amour un jeunot. Bravo !



lundi 19 décembre 2022

Le tiercé de la mort ( Les nouvelles enquêtes de Ric Hochet, T6) de Simon Van Liemt et Zidrou


La reprise des vieux héros de BD d'antan ( je parle de périodes que les moins de cinquante ans ne peuvent connaître) reste pour les éditeurs un excellent filon. Astérix, Lucky Lucke, pour ne citer que les plus célèbres caracolent en tête des ventes ( seul Tintin ( Hergé ne voulait aucune reprise) et encore Gaston Lagaffe ( en procès à l'heure actuelle) échappent à ce que dans le métier on appelle un reboot. Moins connu que les précédemment cités, jamais adapté en film ou téléfilm ( comme Blake et Mortimer ) , Ric Hochet, journaliste/détective, a enchanté durant presque un demi-siècle les grands enfants ou ados ( peut être plus en Belgique). Les premières aventures parurent dans le journal Tintin au début des années 60 signées André-Paul Duchâteau au scénario et Tibet au dessin. Cela dura jusqu'en 2010 avec un total de 78 albums et 10 millions d'exemplaires vendus... de quoi donner des idées à son éditeur de continuer sur cette bonne lancée. En 2015, Le Lombard trouve un dessinateur et demande à Zidrou de prêter son talent pour des scénarios qui rajeunissent un peu la série. Cela doit fonctionner puisque voici que paraît le sixième tome ....
Dès l'ouverture de l'album, on voit tout de suite que niveau dessin, on a modernisé à l'extrême...ou au plus simple. Simon Van Liemt ne démérite pas mais nous sommes loin de la patte de Tibet ( et des décors soignés et précis de ses assistants qui faisaient beaucoup au charme de la série). Le trait nerveux, un peu épuré, peut être encore un peu maladroit surprend voire déçoit les fans. Ce qui change par contre, et en bien, c'est effectivement le scénario de Zidrou, beaucoup plus porté sur l'humour et nettement plus moderne ( exit le côté policier soft pour jeunesse sage éprise d'aventures ainsi qu'une vision très monolithique des personnages, bonjour les femmes délurées, les faits de société et des intrigues plus polars que les anciens mélanges de fantastique et de James Bond de seconde zone) et sortant d'une époque très imprécise pour se dérouler dans la France d'après 1968.
Dans ce tome 6, se déroulant en 1970, les femmes sont plus délurées ( même les concierges dont l'esprit semblait coincé au sortir de la dernière guerre...), portent des mini-jupes ( mais pas les concierges) et les français continuent de jouer au tiercé. On suit l'intrigue sans mal, tarabiscotée à souhait ( comme dans la série originale), bourrée de grosses ficelles( idem). Zidrou y met toujours en scène un Ric Hochet courageux, se relevant de tous les coups de poings, pieds ou explosions, roulant toujours en Porsche jaune ( inévitablement détruite à un moment ....mais que son salaire, sans doute mirobolant de journaliste à "La rafale", lui permet de renouveler illico) mais y rajoute force clins d'oeil au passé BD du journaliste ou à d'autres héros ( ici Cubitus mais aussi, plus surprenant Scoobidoo) et des personnages hauts en couleur et aux dialogues à l'humour simple mais réjouissant. 
Ces nouvelles aventures permettent de retrouver, un héros plus sympathique que dans la première version car plus proche de la réalité ( il a au moins une fiancée avec qui il couche). Ce genre d'album s'adresse surtout aux nostalgiques où la BD comme ses lecteurs se prenait moins au sérieux, ne visant qu'à faire passer un bon moment sans prétention. Dans ce cadre là, c'es





 

vendredi 16 décembre 2022

Boum, boum, boum de Nicolàs Giacobone


Comme le titre l'indique, ce roman noir a vraiment quelque chose d'explosif, mais pas dans son montage assez banal qui fait parler à tour de rôles cinq personnages très éloignés les uns des autres et dont, inévitablement, le destin sera de se croiser.  
En partant de cette base conventionnelle, l'explosif se trouve ailleurs, notamment dans la personnalité de chacun des hommes et femmes dont nous suivons le parcours. L'un d'eux sera assez vite passé au rayon perte mais deviendra ainsi l'allumette qui enflammera la longue et fine traînée de poudre qu'est la destinée des quatre restants. Si les deux personnages féminins ont leur importance, ils ( donc...elles)  n'incarneront, comme souvent dans un polar, que les utilités pratiques à faire progresser l'action. L'auteur, qui aime manier la dynamite, soigne plus particulièrement les deux autres protagonistes : un comédienne naît dans un corps d'homme et le garagiste d'un bled paumé tiraillé par une obsession qui ne ferait aucune unanimité dans la tête de ses copains biberonnés au concept viriliste amerloque. 
Mais il ne suffit pas d'avoir des personnages qui jouent sur les codes du genre pour faire un bon roman, encore faut-il avoir une bonne trame. Si le roman traîne un petit peu au début, son montage en courtes interventions de chacun, va aller crescendo jusqu'à un final très western dégenré, dérangé. Avant nous aurons dans le déroulé inexorable de cette histoire, le sentiment très agréable que Nicolàs Giacobone s'amuse à jouer avec beaucoup de codes, les triturant pour mieux nous bousculer, les explosant parfois en questionnant ( en autre) l'identité profonde de chacun, autant sexuelle que physique et les désirs que cela suscite. 
Si un bon polar se doit de faire tourner les pages avec avidité, un bon roman se doit aussi de bousculer un peu son lecteur, le sortir des sentiers battus. Disons-le tout net : "Boum, boum, boum" remplit ces deux critères et doit donc se manier avec précaution quand on n'aime pas qu'un livre vous montre trop crûment la complexité des êtres qui l'habitent. ( En gros ...fans de cosy mystery ou de sucreries montées à base de clichés comme V... G... ou A... M.... L.... , ça risque de vous exploser à la figure!). 

 

lundi 12 décembre 2022

La littérature, une infographie de Alexandre Gefen et Guillemette Crozet


Sous la houlette de Alexandre Gefen, chercheur universitaire français aimant donner des coups de pieds dans la fourmilière très académique de son milieu et acoquiné avec la graphiste spécialisée dans le graphisme d'information Guillemette Crozet, voici un duo qui publie dans les très respectables éditions du CNRS, un ouvrage qui met en schémas la littérature ou plus prosaïquement les livres, les lecteurs, les mots ou comment faire parler de nombreux chiffres, sondages, en restant lisible et créatif. 
C'est une drôle d'idée de vouloir mettre la littérature en chiffre et en graphiques... et pourtant, ici, ça fonctionne très bien. Tous d'abord c'est une mine d'informations que l'on glane au fil des pages. Ainsi on apprend que ce sont les indiens qui lisent le plus ( 10h42 par semaine ! ), que les albums de Lucky Lucke se vendent plus que ceux de Tintin ( 300 millions d'exemplaires contre 200... ) mais beaucoup moins que le manga "One Piece" et ses 490 millions d'exemplaires ou que l'auteur ayant le plus de followers sur les réseaux sociaux est le brésilien Paulo Coelho.  
Des détails me direz-vous, mais le livre passe tout au radar tout et parfois des choses surprenantes comme la longueur des phrases chez Proust ou " Le voyage de Zuanzang" (grand classique chinois ) et les romans, films, dessins animés et jeux vidéos qu'il a inspiré. 
Les infographies sont sensées rendre tout cela plus ludique, plus compréhensible, plus attrayant. Parfois, c'est très beau visuellement comme la double page sur les couleur des romans mais parfois un peu confus ou pas franchement lisible comme par exemple les couples imaginaires dans les fanfictions de Harry Potter ( mais le sujet est-il vraiment passionnant?). 
Quoiqu'il en soit, cet objet littéraire reste unique, original, ludique et beau. C'est un hommage malicieux à la littérature quelque soit le genre, l'origine, la culture,  comme seuls peuvent les offrir les passionnés anticonformistes.  C'est un bel objet livre qui fera son effet sous un sapin de Noël et ne pourra qu'enrichir les conversations. Un livre idéal en somme ! 

 

jeudi 8 décembre 2022

Vivre en Macronie T5 de Allan Barte


Macroniens, membres assidus de la LREM, il n'est pas certain que ce recueil de dessins soit pour vous... quoique.... il est toujours temps de changer d'avis ( sauf si vous êtes riches ou très riches).
Cela fait maintenant 5 ans, depuis que nous avons élu Emmanuel Macron à la présidence de la République, qu'Allan Barte publie sur le net ses dessins réagissant à la gouvernance de celui qu'on appelât bien vite Jupiter. Au départ déjà critiques, mais toujours dans l'humour, ses dessins avec ce tome 5 ont une autre tonalité. Au fil du temps, en étant un bon observateur de la vie politique ( on n'a pas une maîtrise de sciences politiques pour rien), le dessinateur laisse poindre sa colère devant ce pouvoir au service des riches et ( je résume) cherchant surtout à casser notre service public. L'humour se fait plus acide, on rit un peu plus jaune mais on aime quand même ce regard à nul autre pareil qui nous permet de nous sentir un peu moins seul. 
Rien de tel que quelques exemples  de ses dessins pour vous mettre en appétit ( ou vous faire fuir, mais là, je ne peux rien pour vous!) . 





Ces trois dessins ne sont pas dans ce tome 5 ( mais seront dans le suivant) car plus récents. 
Il me faut préciser qu'Allan Barte ne publie dans aucun journal ( n'en n'a d'ailleurs pour le moment pas envie). On peut le retrouver sur les réseaux sociaux ( Instagram, Facebook et Tweeter) et ne vit que des subsides que veulent bien lui donner ses fans ( de plus en plus nombreux heureusement) et ainsi conserver sa liberté de ton. Il est publié chez un petit éditeur ( Ant éditions) et ses albums se trouvent dans les très bonnes librairies ... et ici ce n'est pas une formule puisque ces librairies sont au nombre 8 dans toute la France ! Si vous avez envie de découvrir cet album, un libraire lambda vous le commandera (  mais il ne faudra pas être pressé). Pour un service plus rapide, passez directement par la maison d'édition ( en plus vous recevrez avec l'album une planche de graines à semer et un bon pour faire planter un arbre .... au moins, eux essaient de faire quelque chose pour la planète ....puisque les riches pollueurs et les actionnaires passent avant pour notre président ). 
Ce billet fait presque de la promo avec connivence.... Je ne connais pourtant pas Allan Barte, j'aime ses dessins c'est tout. Et pour bien enfoncer le clou, voici le lien de son éditeur :
https://www.ant-editions.com/
Les 5 tomes de "Vivre en Macronie" feront un très beau cadeau de Noël pour votre cousin LREM tout comme pour n'importe quelle personne un peu dans l'opposition.... un large spectre donc.... Dommage que l'on ne puisse pas les trouver plus facilement ! 

 

mercredi 7 décembre 2022

Alice Neel

 


Dans cette mouvance de mettre enfin en avant des artistes féminines, les américains sont très forts pour faire remonter à la surface des noms occultées durant leur vie ou oubliées. Ce sont souvent les descendants qui flairent la bonne affaire et qui organisent des expositions qui tournent ensuite de par le monde. Dans cette catégorie là nous avons déjà pu découvrir l'an passé Georgia O'Keeffe à Beaubourg, Lee Miller aux rencontres photographiques d''Arles. Si l'on pouvait avoir eu une légère déception en parcourant les allées de ces rétrospectives, l'exposition que Beaubourg consacre à Alice Neel, s'avère autrement plus intéressante. 
Le sous-titre "Un regard engagé" résume très bien la vie et l'oeuvre d'Alice Neel. Elle regardait la vie autour d'elle, les habitants de New-York, qu'ils soient pauvres, déclassés, noirs, latinos ou plus ou moins célèbres. Elle les a peints inlassablement et ces nombreux portraits qui nous regardent tous intensément, aimantent aussi notre regard tant, malgré le style particulier de l'artiste, ils crient la vérité de leur vie, tant ils nous paraissent proches. Regardez ces visages, on y lit tant de choses ! Ils se livrent comme rarement et les mains, les vêtements, le décor ( souvent les mêmes fauteuils de l'atelier de l'artiste) ajoutent imperceptiblement d'autres informations. 



On peut aujourd'hui admirer la remarquable coloriste qu'elle était ...



... mais aussi être interpeller par ses nombreux nus, féminins ...

... masculins...


... ou les deux ! 


Alice Neel ne connut la consécration que dans les dernières années de sa vie. Proche de la Factory et d'Andy Wahrol ( magnifique portrait à voir dans l'expo, le seul qui ferme les yeux sans pour autant perdre en intensité), elle fut victime, en plus d'être une femme engagée et féministe, de n'avoir jamais caché ses amitiés communistes. Ce relatif anonymat lui a sans doute permis une peinture au plus près des gens, des pauvres, des minorités tant ethniques que sexuelles, de peindre qui lui plaisait...et toujours en cherchant ( et trouvant ) une grande vérité. 
L'exposition proposée à Beaubourg n'est pas immense ( hélas, quand on sait le nombre énorme de tableaux peints par cette artiste) mais très habilement mise en espace, avec documents vidéos, remarques de l'artiste elle-même sous quelques oeuvres. Si l'on peut être plus sceptique sur certains tableaux de ses débuts, force est de constater que l'on ne peut rester indifférent face à la plupart de ses toiles dont certaines touchent au sublime. 
Assurément une très grande artiste à découvrir très vite !










lundi 5 décembre 2022

L'emprise de Mylène Farmer


A cause d'un cadeau offert à Noël dernier ( 2 places au stade de France pour un concert de Mylène Farmer) , me voilà donc à quasi écouter en boucle ( heu ...non...j'exagère... de temps en temps) le nouvel album de notre diva. Il faut qu'en juin je puisse me mettre dans l'ambiance et chanter avec les milliers de spectateurs, ses nouvelles chansons, les anciennes étant plus ou moins intégrées. 
Disons-le tout net, la promo de ce nouvel opus m'avait alléché grâce à l'annonce de la présence de Woodkid dans l'élaboration de 7 titres, pensant qu'il allait donner au répertoire de la chanteuse une allure au mieux  plus punchy, au pire différente. Las, à l'écoute, on se dit que ce cher Woodkid ne s'est pas foulé, se contentant de vaguement  creuser le sillon des (7!) chansons lentes et hauts perchées ( bon ok "A tout jamais" est vaguement plus rythmée) que notre star aime tant interpréter devant un public au bord des larmes, seules quelques nappes de cordes et quelques vagues percus ( souvent en fin de morceau) viennent rappeler sa collaboration. On se dit que notre désormais soixantenaire ( Mylène pas Woodkid!) va peut être offrir un spectacle plus calme, moins dansant, une sorte de récital plus en harmonie avec son âge, céleste, mystique et cristallin. 
Pour un côté plus .... festif ? non, le terme ne va pas...plus joyeux ? non plus.... plus rythmé, plus pop... il est heureux que Moby lui ait concocté 2 titres, principalement  "Bouteille à la mer", sur le naufrage du temps qui passe, qui reste, dont la mélodie entêtante semble vouée à être un tube, voire à sérieusement  ambiancer son futur show. 
L'autre petite pépite de cet album, reste le seul titre ni écrit ni composé par Mylène, mais par AaRON :  "Rayon vert", très judicieusement mis en avant par un clip mettant en scène la chanteuse ...ou son avatar  (autre création de Woodkid ), dont le refrain entre dans votre tête sans problème, mix  éclairé entre chanson lente et rythmée, convenant désormais parfaitement à notre nouvelle détentrice de carte SNCF senior+. 
J'ai l'air de faire la fine bouche, mais, pour être honnête, "L'emprise" demeure un album agréable à écouter, totalement farmérien et dont quelques titres risquent la sublimation lors de la prochaine tournée des stades de la chanteuse. Que demander de plus ? "Rien, rien ne nous retient " d'aimer encore et toujours Mylène. 




 

samedi 3 décembre 2022

Fumer fait tousser de Quentin Dupieux


 Ce qui pouvait manquer dans les derniers longs de Quentin Dupieux, c'était un sentiment de bonnes idées, un peu étirées pour parvenir à un long-métrage. Cette fois-ci, le prolifique Dupieux ne rend pas une copie plus longue qu'à l'habitude mais prouve qu'il a beaucoup d'idées pour des courts-métrages et qu'il réunit ici dans ce qui ressemble beaucoup à un film à sketches. Le thème principal arboré sur l'affiche est une sorte de pastiche de super héros, ici mis au vert pour recohésion du groupe, qui, pour passer le temps, se raconte des histoires horrifiques. L'histoire des 5 personnages moulés dans des combinaisons ringardes n'impressionne guère si ce n'est par quelques répliques ici ou là bien senties. Heureusement, elle est entrecoupée de deux histoires assez gores à l'humour absurde réjouissant. Ce sont surtout ces deux moments là qui font le sel de l'ensemble. Le reste, malgré un casting impressionnant, n'arrive pas à offrir le sentiment d'avoir vu un film cohérent et inoubliable. Toutefois, il est plaisant d'avoir un réalisateur à l'univers décalé, décapant. ce n'est pas toujours entièrement réussi mais cela finira bien un jour par payer. 



jeudi 1 décembre 2022

Alfie de Christopher Bouix




 On le sait bien, ce qui fonctionne le mieux en librairie niveau romanesque, ce sont deux genres bien identifiés : le roman  "feel good" ( avec sa tête de file Virginie Grimaldi) qui fait du bien et surtout conçu pour être lu sans difficulté avec petits chapitres, sans style, sans grande originalité dans les thèmes, des clichés par dizaines, un peu d'humour et le polar, genre très prisé allant du thriller avec serial-killer gore jusqu'à la bien soft Agatha Christie,  s'avère, en général,  mieux écrit et plus original que le feel good même si dans ce créneau le " cosy mistery" s'en rapproche énormément. Avouons-le, ces deux genres, pour un bon lecteur, sont souvent regardés d'un oeil un peu condescendant même si le polar, grâce à de vrai(e)s talentueuses( eux) aut-rices-teurs, a acquis ses lettres de noblesse. 
Soyons honnêtes, même si fan de Pierre Bergounioux ou de James Joyce, il arrive à un moment donné d'avoir envie d'un roman de détente, facile à lire, qui ne prend pas son lecteur pour un demeuré ou pour une simple machine à cash pour éditeur plus soucieux de son chiffre d'affaire que de littérature. Dans cette catégorie, "Alfie" le premier roman adulte de Christopher Bouix devrait  être cette rentrée, le récit incontournable à dévorer ( sous plaid ou avec doudoune pour cause de chauffage réduit). Composé de chapitres courts, à l'écriture ( faussement) simple, il va petit à petit devenir un polar original tout en gardant une toute, mais alors toute petite touche, d'anticipation. 
Sans trop révéler l'intrigue, nous assistons à l'arrivée dans une famille lambda ( mari, femme, 2 filles, un chat) d'un robot domestique prénommé Alfie,  doué d'une intelligence forcément artificielle et relié à un entité numérique genre Google. L'intelligence programmée de l'engin va évoluer au fur et à mesure qu'il observe les maîtres qu'il doit assister. Cette évolution, nous la suivrons pas à pas, car le narrateur est le robot lui-même. Au départ, c'est franchement hilarant, piquant même, avant de devenir de plus en plus inquiétant pour nous proposer un suspens digne d'un bon polar. 
Véritable tourne-page, "Alfie" est un vrai roman de détente très bien mené qui n'oublie pas de nous questionner sur le monde numérique d'aujourd'hui et de demain sans jamais tomber dans le cliché ou le jugement facile, tout en proposant un joli regard un poil ironique sur la vie familiale actuelle. En plus, il offre aux aficionados du genre policier, un clin d'oeil/hommage au "Meurtre de Roger Ackroyd" .... ultime raison pour découvrir ce roman qui pourrait bien faire un très joli cadeau de Noël pour un large spectre de lecteurs. 


mardi 29 novembre 2022

La fauve d'Yvan Robin


Plutôt roman très noir que réel polar ( mais allez savoir désormais ce qu'est un roman policier de nos jours...), "La fauve" se démarque de ses voisins de pile en librairie par une histoire chorale qui n'hésite pas à flirter avec un gore quasi jubilatoire mâtiné d'une toute petite ( mais toute petite) dose de fantastique. 
Le mot "gore" risque d'en refroidir certain(e)s mais sachez que cette histoire de mâles en goguette dans une campagne profonde est surtout le prétexte à une démolition en règle de la stupide domination masculine et des atours qui vont avec : la chasse, la boisson, le fric, les pulsions guerrières et racistes,  le petit et minable règne domestique et la bêtise qui accompagne tout ça. C'est, au fil des pages d'une intrigue bien construite, un véritable jeu de massacre qui va crescendo. On frôle l'immoralité mais le genre le permet surtout quand c'est couplé avec une  écriture pleine d'aisance au service d'une histoire dont on n'arrive pas toujours à prévoir où elle va aller. Un seul bémol pour ce court polar ( 176 pages) on regrettera une fin un peu rapide ( bâclée ?) qui en regard de tout ce qui précède manque soudainement d'ambition, d'originalité, préférant soudain s'éteindre sur une note facile et plus douce mais très très improbable.
Saluons toutefois ce roman diablement original dans un univers de plus en plus formaté. 


 

lundi 28 novembre 2022

44ème festival des trois continents, Nantes 2022


 Le festival des 3 continents de Nantes comme son nom l'évoque un peu, s'intéresse aux cinématographies d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud. Des rétrospectives ( cette année Hirokazu Kore-Eda, Mike de Leon, le cinéma indien, Raùl Perrone, ...) et une compétition de 10 longs- métrages venus du Brésil, d'Inde, du Bangladesh, d'Iran, du Japon, de Chine, du Vietnam et d'Indonésie composaient le menu de cette 44 ème édition. 
Cette riche programmation permet de glaner ici un vieux film restauré  de Shohei Imamura, là découvrir un documentaire centrafricain mais aussi de se plonger dans la compétition internationale avec la curiosité de faire de beaux voyages voire repérer une pépite, un futur grand réalisateur. 
Disons-le d'emblée, la sélection proposée se porte toujours sur des films exigeants, ayant tous un vrai regard, qu'il soit artistique, politique, humaniste mais lorgnant vers une cinématographie disons pas forcément grand public. Cette année, la règle est confirmée, nous avons eu droit à des oeuvres se développant sur une durée que l'on sentait passer fortement ( plus de la moitié de la sélection avec des projections dépassant  deux heures). Ainsi, "Adieu capitaine" ( quasi 3h), documentaire hommage de l'anthropologue franco brésilien Vincent Carelli autour du chef décédé de la tribu amazonienne Gaviao, nous a permis de sentir ce que la déforestation a pu impliquer pour une tribu, les combats menés ( qui continuent à l'heure actuelle). Intéressant bien sûr, mais avec des longueurs et un regard plus indigéniste que cinématographique. On pourra aussi faire un peu ce reproche à un autre documentaire, "Day after..."  du bangladais Kamar Ahmad Simon, qui essaie de faire un portrait du pays en s'embarquant sur un vieux bateau à aubes, voguant comme il peut sur le Gange, avec ses passagers de diverses classes sociales. Si ce voyage est aussi intéressant que dépaysant, il n'arrive toutefois pas à  capter complètement l'attention sur les 2 heures, certaines scènes s'étirant un peu trop sur des personnages dont on a vite fait le tour. Le troisième documentaire proposé à notre curiosité, "Jet lag" de Zeng Lu Xinyuan, venait de Chine  portrait en noir et blanc et à la tendance arty du confinement en Autriche de la réalisatrice mêlant vie intime, Chine, révolte au Myanmar ( Birmanie) et famille. Là aussi presque deux heures, mais les cadrages plutôt artistiques ne cachaient pas un propos un peu hermétique ou désordonné. 
Côté films de fiction, là aussi, il fallait parfois s'armer de patience, tant les réalisateurs ( ou les sélectionneurs) aiment les longs plans dont on se demande parfois l'intérêt exact. Cependant, sans doute par réaction à Netflix, ces films à rythmes autres, ont tous plus ou moins su imposer leur marque. " Shivamma'"  de l'indien Jaishankar Aryar et sa paysanne ( pas très sympathique) convertie à la vente en réunion de produits diététiques bidons, "Love life" du japonais Koji Fukada autour des séismes causés par la mort d'un enfant ou "Autobiography"  premier film très maîtrisé de l'indonésien Makbul Mubarak, mais 
 dont l'extrême mise en scène n'arrivait pas à cacher un scénario un peu conventionnel, ont tous su nous faire voyager, réfléchir. A contrario,  si l'on a eu une impression de voyage avec le film vietnamien de Bui Thac Chuyen "Cendres glorieuses" , son scénario peu lisible autour de passions dévorantes ( et inflammables) n'a pas trouvé que des défenseurs. On attendait beaucoup du film de la brésilienne Julia Murat et son  "Rule34", léopard d'or au dernier festival de Locarno. Le sujet, gonflé, d'une étudiante en droit assez bcbg le jour, arrondissant ses fins de mois, la nuit, en excitant du bonhomme sur le web et tombant petit à petit dans l'envie de relations sadomasochistes, avait tout pour exciter le public. Le film tient pas mal ses promesses, est bien pêchu, mais aurait sans doute lui aussi gagné à être un poil resserré niveau rythme pour complètement convaincre. A ce jeu de l'étirement, il y a pour moi un vrai gagnant, celui qui, si je devais voter emporterait haut la main ma voix, je veux parler du film iranien "Scent of wind" de Hadi Mohaghegh, qui avec une petite histoire toute simple d'entraide entre un ingénieur/réparateur en électricité et un handicapé veuf et s'occupant d'un enfant malade au fin fond du fond des montagnes iraniennes( ok, le sujet n'engendre pas la rigolade) m'a littéralement ébloui et bouleversé. Très grande beauté des plans, quasiment pas de dialogue, un regard d'une grande humanité font de ce film un petit chef d'oeuvre de poésie,  qui arrive également à nous donner, en douceur, un image de l'Iran aux profondes inégalités. Pour moi, c'est la Montgolfière d'or .... 
PS : Depuis l'écriture du billet, le verdict est tombé. "Scent of wind" a obtenu la Montgolfière d'argent, ce qui est amplement mérité mais celle d'or est allée au film Vietnamien  "Cendres glorieuses", belle réalisation mais au service d'un scénario un peu confus. La comédienne du film brésilien "Rule 34" Sol Miranda, a été honorée d'une mention spéciale justifiée tant elle investit avec force un rôle pas simple. Le documentaire "Jet lag" repart aussi avec une mention spéciale, sûrement pour son côté artistique. Le jury jeune a plébiscité  "Shivamma" , film indien qui était cinématographiquement le plus classique de la sélection ! Quant au public, les votes se sont portés vers un autre film indien "L'hiver intérieur" de Aamir Bashir, le seul que je n'ai pas pu voir... 


Bande annonce bien silencieuse  de "Scent of wind"....

vendredi 25 novembre 2022

Sous l'eau de Catherine Steadman


La couverture appâte d'emblée avec ce million de lecteurs conquis .... Déjà ce sont des lecteurs pas des livres vendus... Si chaque livre vendu est lu deux fois ça ne fait plus que 500 000 ventes. Si l'on compte les lecteurs de bibliothèque, si chaque livre sort en moyenne 15 fois ( pour un polar c'est un bon score), cela fait 70 000 ventes.... Donc niveau succès commercial, cela est donc très relatif et surtout, on ne voit pas bien comment cela peut se calculer. Parler chiffres permet de reculer le moment de donner un avis sur ce polar qui ne restera pas dans les annales. 
"Sous l'eau" peut se vanter d'avoir un bon premier chapitre. Une femme est en train de creuser une tombe pour y ensevelir son mari. Bonne accroche, écrite avec une pointe d'humour noir plutôt agréable. On sent que l'on va se régaler... sauf que l'on déchante dès le chapitre suivant. Est-ce bien Catherine Steadman qui a écrit ces pages de démarrage ? Fini ce petit humour, place à un récit banal avec héros bling-bling ( même si le trader de mari se retrouve au chômage), en voyage de noces à Bora-Bora. A nous ( enfin...à eux plutôt) la belle vie dans les hôtels de luxe, l'amour au champagne et le soleil sur le lagon. A nous l'agacement aussi car Erin et Mark se révèlent têtes à claques tout en s'enfonçant dans une très improbable histoire de diamants et d'argent trouvés lors d'une plongée. A partir de là tout par en sucette pour le couple mais pour le lecteur aussi. Les rebondissements difficilement crédibles succèdent à d'autres chapitres sur la vie professionnelle d'Erin ayant pour seul but de lui donner une vague épaisseur mais qui globalement ne servent à rien. Plus on avance, plus on trouve cela ridicule et même puant tant ils sont cupides. Si l'on ne fourre pas le roman dans une boîte à livres avant la fin, on découvrira un dénouement encore plus raté et mal écrit que le reste ( oui c'est possible). 
C'est certain que je ne vais pas augmenter le compteur des lecteurs conquis, ni conseiller ce roman bien mal ficelé, superficiel et enfilant les clichés comme son héroïne les dollars dans une banque Suisse. 


 

jeudi 24 novembre 2022

Le menu de Mark Mylod


"Le menu" tente de rassembler les amateurs de "Top chef", ceux de "Game of Thrones" ( Mark Mylod le réalisateur vient de cette série), ceux qui aiment les films un poil horrifiques et, pourquoi pas, visons large, les romans d'Agatha Christie puisque le point de départ ressemble pas mal aux " Dix petits nègres" ...mais il faut dire désormais " Ils étaient dix". 
Nous avons donc 10 convives qui ont payé une somme folle pour un repas avec le plus grand chef du monde ( dixit les critiques gastronomiques ). Ils sont coincés toute une soirée sur une île et doivent déguster le meilleur repas de leur vie. 
Dès les premières scènes nous sommes intrigués... Le terrain connu quant à l'histoire mais on sent bien qu'il y a comme un os. Le grand chef a une tête à revisiter la purée pour en faire quelque chose de sublime mais aussi à la mixer avec des tessons de bouteilles finement pilés. Le film n'a pas le fumet pour activer les pupilles des cinéphiles, car, derrière la caméra,on ne trouve pas un grand réalisateur juste un bon faiseur. On se retrouve donc devant un  divertissement assez efficace, plein de rebondissements.  Si  Ralph Fiennes est parfaitement inquiétant en grand chef et la jeune héroïne vraiment battante et gonflée, les autres convives n'échappent pas à des rôles plus stéréotypés. Les âmes sensibles, dans cet univers où traînent autant du caviar qu'une panoplie complète de couteaux bien aiguisés, doivent savoir que l'on avance petit à petit vers des moments plus hards sans jamais verser dans le gore. 
Les amateurs de gastronomie peuvent s'attendre à ne pas être caressés dans le sens du poil, car le film épingle malicieusement tous ces amateurs de grands plats onéreux, ceux capables de trouver une trace de kumquat dans un gratin de truffes. D'ailleurs la morale au bout d'une heure quarante est simple : rien ne vaut un vrai et bon cheeseburger ! Autant dire qu'au pays de la bonne bouffe, cela risque de ne pas bien fonctionner .... sauf chez ceux qui ne dînent pas dans les étoilés, eux, et ils sont nombreux,  prendront un  plaisir certain à ce film malin et efficace. 
PS : Petite anecdote. J'ai vu "Le Menu", distribué par Disney, en avant-première dans un festival. C'est la première fois que j'ai assisté à une projection sous la surveillance de vigiles, qui nous ont obligés à éteindre nos smartphones, qui nous ont surveillés durant toute la projection, pointant de leur petit laser les malheureux qui osaient regarder l'heure sur leur portable, de peur que nous ne soyons d'affreux pirates!


 


 

mardi 22 novembre 2022

Saint Omer d'Alice Diop


Représentant la France aux Oscars, doublement primé à la dernière Mostra, couronné du prix Jean Vigo, "Saint Omer" ne peut que, voire doit, susciter l'unanimité. Pourtant, en sortant de la projection, quelques interrogations peuvent  s'emparer du spectateur autour de son propos mais aussi de sa narration.  
Rien à redire sur les thèmes abordé, des questionnements sur la maternité à la justice qui depuis la nuit des  temps ne traite pas les femmes à égalité, ils sont universels et toujours d'une brûlante actualité. L'affiche n'est pas trompeuse, c'est bien un film de prétoire auquel on assiste. Nous suivrons une jeune femme qui assiste à un jugement. Figure assez silencieuse, elle semble n'être là que pour permettre à la caméra de sortir du tribunal et nous aérer un peu. Ses interrogations sur son futur de mère ( "Et si j'étais comme elle ( l'accusée) ?", légitimes, ne sont guère convaincantes tant elles semblent platement plaquées en regard de la partie essentielle du film, le jugement de cette mère infanticide. 
Alice Diop ne cherche pas à révolutionner le genre du cinéma judiciaire. Elle semble vouloir rester  réaliste tant les premières scènes, quasi documentaires, nous plongent dans le réel d'une audience de la cour d'assises. Mais ce qui l'intéresse la réalisatrice, c'est de faire passer des messages et a la ferme intention d'être entendue.
Le premier, liquidé dans une première scène impeccable, impose une femme noire que nous découvrons prof de fac, faisant un cours sur l'épuration en France à la fin de la seconde guerre mondiale et notamment sur les femmes tondues. S'amorce ensuite un deuxième message, celui que la justice réserve aux femmes en général mais qui ne sera qu'en filigrane durant tout le film lequel va plutôt  s'intéresser essentiellement  à une mère infanticide et à essayer de comprendre comment une femme peut en arriver à cette extrémité ( quelle soit noire n'a quasi aucune importance). 
Sous le regard de la prof de fac de la première scène présente dans le tribunal ( avec comme fil introducteur la peur que, parce qu'enceinte, elle pourrait devenir mauvaise mère, voire infanticide), nous suivrons le procès de Laurence, jeune femme noire qui a tué son enfant de 15 mois. C'est apparemment le thème central du film, une recherche introspective sur ce crime atroce. Et c'est sans doute ici que le film ne tient pas tout à fait ses promesses. Alors que le début du procès se rapprochait du documentaire tant la mise en place s'avérait précise, bien vite, la réalisatrice prend un chemin beaucoup plus cinématographique, place des effets, opère des raccourcis ou permet des échanges assez éloignés de la vraie procédure judiciaire. Le film devient un poil manichéen, voire mélo dans le final larmoyant. Etrangement, nous n'entendrons que peu les témoins de cette sordide affaire, quasiment pas l'avocat général, nous resterons sur les interrogations très empathiques de la présidente et sur les ( très belles) envolées de l'avocate de la défense mais aux conclusions un peu simplistes. Pour une réflexion forte sur l'infanticide, on devra repasser et pour le verdict aussi car on n'en saura rien. Par contre pour imposer un chemin  lacrymal, Alice Diop n'hésite pas à en rajouter, filmant des visages inconnus en larmes après les paroles de défense,  indiquant bien au spectateur, que c'est là qu'il faut pleurer sinon, il va passer pour un coeur sec... 
Si le fond du film laisse un peu perplexe ( tout ça pour juste ça?!) , force est de reconnaître que le film a de la gueule ( du moins dans la partie prétoire, parce que les interrogations prétextes de la prof de fac sont quand même sans grand intérêt). Avec de longs plans fixes, formidablement cadrés et surtout trois comédiennes exceptionnelles, Guslagie Malanda, Valérie Dréville et Aurélia Petit, l'intensité est bien là et justifie sans doute tous ces honneurs et arrivent à occulter un propos finalement bien conventionnel. 








 

lundi 21 novembre 2022

Hyperréalisme, ceci n'est pas un corps


 

La représentation du corps humain sculpté a connu des évolutions, des modes, des périodes productives et d'autres moins. Depuis la fin des années 80 ( en gros), des artistes ont pensé cette forme de sculpture de façon totalement réaliste. Aidés par l'arrivée de nouveaux matériaux, jouant sur un effet miroir, de double, ces oeuvres interrogent le public par leur approche pouvant tromper le regard... Mais les sculptures hyperréalistes ne se bornent pas seulement à représenter de la façon le plus exacte possible un corps humain, les artistes détournent évidemment cette technique pour être impertinents, porteurs de messages ou d'interrogations sur nos sociétés et notre regard. L'exposition " Ceci n'est pas un corps" au musée Maillol, offre un magnifique panorama de cette tendance artistique. 

Il y a quelques années ( en 2013) la fondation Cartier avait proposé une exposition du maître australien de l'hyperréalisme, Ron Mueck dont la particularité est de représenter des humains en changeant d'échelle. Effet et succès garantis à l'époque, occultant un peu le travail d'autres artistes. L'exposition en cours jusqu'au 5 mars prochain permet de réunir de multiples artistes et donc une foultitude de points de vue ou de démarches. Il y a ceux qui vont nous interpeller en présentant des morceaux de corps comme Maurizio Cattelan avec son Ave Maria composé de trois bras collés au mur et saluant comme le ferait un Mussolini ou une Méloni ou les bouts de baigneuses ruisselantes de Carole A.Feuerman. D'autres vont nous proposer des corps entiers, nus,  véritables répliques humaines mais dont l'hyperréalité de leur représentation dans des situations souvent dramatiques ou décalées vont nous interroger et nous bousculer ( John Dandrea, Dying Gaul). Et quand les artistes les habillent, le trouble n'est pas absent loin de là  car ces quasi humains sont placés dans des positions, des situations particulières qui accrochent le regard et amènent des questionnements de la part des spectateurs. D'autres, à l'instar de Ron Mueck vont jouer sur les proportions, avec la distorsion comme Evan Penny ou le franchement étrange voire fantastique comme Patricia Piccinini. Et puis, il y a ceux qui vont pousser cette tendance de la sculpture plus loin, usant du trompe l'oeil comme l'italien Fabio Viale à l'oeuvre classique en marbre blanc mais avec effet polystyrène, créant la sculpture cinématographique comme le couple Glaser/Kunz ou mélangeant nature et corps à l'instar du génialissime Fabien Mérelle dont les sculptures ici présentées sont un prolongement fascinant de ses oeuvres picturales. 

L'exposition ne laisse personne insensible tant les oeuvres ici accrochent l'esprit, autant par ce réalisme inhabituel que par les messages qu'elles tentent de délivrer. De plus,le musée Maillol avait prévu des visites naturistes de cette exposition ( toutes prises d'assaut et pour le moment pas encore reconduites). J'ai eu la chance de découvrir cet ensemble de sculptures dans ce cadre là, expérience singulière mais qui accentue le ressenti et a eu un effet incroyable sur les visiteurs. Jamais de ma vie de curieux de l'art, je n'ai autant échangé ressentis et avis, avec des inconnus, comme si le fait d'être nus désinhibait ces personnes qui, croisées dans une visite habillée, n'auraient au grand jamais oser le moindre dialogue... 



vendredi 18 novembre 2022

Coma de Bertrand Bonello


Attention, film expérimental, libre, élan créatif débridé dont la réception dépendra du spectateur. Si l'on est un fan du grand maître Godard, l'entrée en matière, gros plans de détails de trucs divers et variés avec lecture de sous-titres adressés à la fille de Bertrand Bonello semblant lorgner du côté du dernier long du maître Suisse ( "Le livre d'image" ), ne peut que séduire. On y retrouve l'opacité de plans apparemment sans liens et une prose amphigourique et sentencieuse. La suite continue à surprendre. On comprend que l'on retrace la période du confinement, avec une ado seule dans sa chambre à la merci d'une influenceuse un peu gourou qui ( entre autre) vante les vertus du Crudimix, robot ménager qui fera des soupes chaudes de légumes crus ou discutant sérial-killer avec ses copines. On y verra aussi les poupées d'enfance de l'adolescente jouer une sorte de sitcom débile mais avec les voix de Louis Garrel, Gaspard Ulliel, Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste et Laëtitia Casta ( Attention aux fans inconditionnels, on ne fait que les entendre). Par moment, la vie de l'adolescente apparaîtra sous forme de dessin animé. On y entendra des phrases profondes du genre " Les aigles ne volent pas avec les pigeons", on y parlera de limbes et d'écologie, de réchauffement climatique... Selon son humeur, sa sensibilité à un cinéma de recherche, soit on plongera dans l'ennui, soit on prendra un pied formidable parce que ...bon, c'est Bonello tout de même ! Entre deux, on peut aussi s'ennuyer et parfois sourire à quelques répliques de Barbies animées, trouver Julia Faure bonne comédienne et ricaner à certaines remarques qui rappellent des remarques à l'emporte-pièce façon comptoir ( mais du Café de Flore sans doute...). Mais l'ensemble reste quand même un poil hermétique. Intéressant sans doute, mais pour qui ? 






 

jeudi 17 novembre 2022

Les femmes du square de Julien Rambaldi


Sans doute aidé par son sujet social et peu traité au cinéma, "Les femmes du square" bénéficie cette semaine d'une sorte de petit moment de grâce auprès de nos critiques patentés. Il est certain que cette comédie romantique avec pour toile de fond le sort de femmes immigrées, souvent sans papiers et gardant ( sans être déclarées) les enfants de la bourgeoisie parisienne possède des atouts pour faire parler en bien d'elle, la presse ayant pignon sur rue aime à se donner bonne conscience. Mais qu'en est-il réellement ? Niveau cinématographique, rien de neuf à se mettre sous l'oeil. C'est juste un agréable film feel good, pas mieux réalisé que d'autres, au scénario pas trop mal construit, arrivant à retenir l'attention jusqu'au bout. Le casting est excellent, d'Ahmed Sylla à Léa Drucker, du jeune Vidal Arzoni à la pétillante Jisca Kalvanda, tous sont parfaits dans leurs rôles. Mais s'il y avait une seule bonne raison d'aller voir ce film, c'est vraiment pour la prestation formidable d'Eye Haïdara, qui crève littéralement l'écran, à la fois hyper drôle, émouvante, tout aussi crédible en séductrice qu'en walkyrie des squares. Il est certain qu'avec une telle présence, un tel abattage, on a hâte de la revoir très vite ( Vivement les 4 films prévus sur les écrans en 2023). 
 Cependant, une petite remarque sur ce  film, qui se rapproche plus de  "Coup de foudre à Notting Hill" que de Ken Loach... Vers la fin, dans une scène se déroulant dans un bar, après une victoire aux prudhommes ( je ne spoile rien, car on se doute que ça va bien finir ) on aperçoit une télévision. Sur cet écran, on voit des reporters s'intéresser de très près à cette affaire de nourrices étrangères sans papier, puis le  personnage principal lançant une diatribe humaniste sur le sort de ces femmes venues du monde entier et n'ayant trouvé que ces boulots pour subsister. Mais le spectateur voit avec un certain effarement que la chaîne diffusant tout cela n'est autre que...Cnews... la chaîne française la plus ...la moins portée à pleurer sur le sort des migrants. Placement de produit pour adoucir son image ? Ironie du réalisateur ? Dans le contexte actuel, je pencherai plus pour la première idée, et dans ce cas, vu le contexte du film, cela apparaîtrait comme une petite faute de goût non ? 
Quoiqu'il en soit, si vous avez envie de vous détendre un peu et pas trop bêtement,  de découvrir une future star du cinéma français, "Les femmes du square " comblera cette envie. 




 

mardi 15 novembre 2022

Les Amandiers de Valéria Bruni Tedeschi


Valeria Bruni Tedeschi nous a habitués à un cinéma le plus souvent autobiographique, cultivant un goût immodéré de l'entre-soi et pas vraiment emballant, même si apparaissaient ici ou là quelques scènes réussies, pouvant donner un peu d'intérêt à ses oeuvres de riche comédienne/réalisatrice. 
Avec " Les amandiers ", elle ne change pas d'optique mais, il faut le reconnaître, cette fois-ci, elle tient son projet jusqu'au bout et nous offre son film le plus abouti.
Exploiter les souvenirs de son passage à cette fameuse école que fut le théâtre des Amandiers, c'est continuer de rester dans cet entre-soi bourgeois, car Patrice Chéreau brille certes par son talent mais pas par son côté populaire, mais évoquer cette période, reste un thème original.  
Au-delà de l'intérêt que pourront y dénicher les aficionados du théâtre contemporain, on ne peut qu'être convaincu par l'énergie ( plus contrôlée qu'à l'habitude) qui se dégage sur l'écran et par la jolie reconstitution des années 80 et d'une jeunesse pleine de fougue mais également angoissée par l'époque ( nous sommes en pleine épidémie du SIDA). De l'image volontairement sombre, aux jeunes comédiens vraiment investis et crédibles, de l'effervescence de cette jeunesse qui bouffe la vie par tous les bouts au mépris du danger, par leur formidable appétit de jouer, d'apprendre leur métier, de vivre tout simplement, le film est un véritable tourbillon. Il arrive à faire passer que drogue et sexualité libre n'est pas un cliché dans le milieu du cinéma et du théâtre tout autant qu'il ne statufie pas le maître Chéreau ( Louis Garrel qui est surtout Louis Garrel)  ni son acolyte Pierre Romans (  Micha Lescot agréablement calme ). "Les amandiers" parle formidablement du travail d'acteurs, de ses doutes, de ses espoirs comme de ses désespoirs ( avec le personnage un peu plaqué mais plausible de Suzanne Lindon ). Petit bémol pour le personnage de Stella ( en fait Valeria ), narcissisme habituel oblige, qui occupe peut être un peu trop d'espace, hystérisée  par la réalisatrice qui pense toujours que le grand cinéma ne passe que par des scènes pétage de plomb.







 

lundi 14 novembre 2022

Pacifiction, tourment sur les îles de Albert Serra


Pour ceux qui s'étaient copieusement rasés lors de la projection des précédentes oeuvres d'Albert Serra ("Liberté" et "La mort de Louis XIV") et qui ne voudraient en aucune façon renouveler l'expérience avec un film du réalisateur catalan, peut être que cette fois-ci le charme étrange et lancinant du réalisateur opérera quelques magies sur vous, comme peuvent le faire les îles polynésiennes. 
 Les costumes historiques remisés au placard, place aux tenues en lin blanc, aux chemises fleuries voire même aux éclats métalliques ( Sergi Lopez...qui n'a strictement rien à faire ni à dire, sauf apparaître dans un coin de plan.... vacances sans doute aux frais de la production), "Pacifiction" passe du côté de la contemporanéité. Par contre, l'élément nocturne déjà tant exploré par Albert Serra continue à hanter le film. 
Pourtant "Pacifiction" débute de façon solaire, avec des images quasi touristiques, évoquant le plaisir de vivre dans des îles ensoleillées. Au fil des balades d'un haut commissaire ( Benoit Magimel)  sur ses terres polynésiennes, nous avons droit, à la fois à un portrait très nuancé de cet homme représentant la France avec discours très politiques allant du verbiage idiot à celui plus inspiré d'un homme maniant avec bonhomie clientélisme et chaleur humaine et à une sorte de résumé touristique de Tahiti, ses plages au soleil couchant, ses grandes vagues pour surfers, sa douceur de vivre sous une végétation luxuriante, sa fluidité du genre et du sexe. Le film prend évidemment le temps de planter ce décor tout en instillant au fur et à mesure une légère ironie qui va se transformer en inquiétude car tout n'est pas rose sous les palmiers. 
Nous sommes très très loin des fictions habituelles, prémâchées pour spectateurs habitués aux séries. Le réalisateur fait appel à l'intelligence ( sans doute aussi à la patience ) de son public, car c'est petit à petit que l'intrigue s'installe, tout en finesse, sans effets appuyés. Pour donner une idée du film, imaginez que vous embarquez sur une lente spirale descendante qui, partant de la surface ensoleillée, va progressivement s'enfoncer vers les ténèbres. Nous découvrons au final un film politique, un thriller glaçant, aux personnages tous au bord de l'abîme. 
C'est long ( 2h43) , c'est lent mais si l'on se laisse gagner par l'atmosphère unique de ce film, vous sortirez de la salle en vous disant que vous avez vu une des meilleures propositions cinématographiques du moment, exigeante certes mais ô combien passionnante. 



 

jeudi 10 novembre 2022

Real Life de Brandon Taylor



Ce premier roman venant des USA, s'inscrit dans la longue liste des "campus novels" mais en faisant quelques pas de côté dans la narration et le contenu. Habituellement dans ce type de romans nous avons un étudiant ( ou un prof), blanc, porté sur la littérature voire la poésie et vivant quelques aventures amoureuses et intellectuelles. Brandon Taylor en s'emparant de ce genre assez codifié lui donne un côté plus décalé et soudain plus intéressant. 
Tout d'abord, il s'astreint à une unité de lieu ( le campus et un lac avoisinant) et de temps ( un week-end). Ensuite, il met en avant un personnage principal noir, gay, plutôt rondouillard et étudiant en biochimie (loin du blond américain riche et bien bâti lisant T.S. Eliot) . Dernier point et cela renvoie au titre du roman ( "Vraie vie") , le récit avance sous des apparences de banalités, de dialogues entre amis qui peuvent apparaître assez plats tellement ils sont quotidiens. Cependant, ne nous y trompons pas, l'intérêt du roman se situe ( tout du moins dans sa première partie) dans les couches souterraines d'une narration qui va au fur et mesure complexifier l'image de Wallace, le personnage principal et de Miller, son ami le plus proche. Nous allons pénétrer au plus profond des pensées de Wallace, sans bien toujours les comprendre car, en plus d'un rude passé familial, il sombre quand même dans une sorte de dépression qui lui fait ressentir les événements sous un jour pas toujours objectif. 
"Real Life" aborde une multitude de thèmes actuels, certains extrêmement bien rendus comme la place des noirs dans une université américaine, le regard qu'on leur porte ainsi que cette sensation que quoique l'on fasse, quoique l'on soit ( même un brillant étudiant ) on ne se sente jamais à sa place. L'homosexualité, les origines pauvres et les kilos en trop ne font qu'aggraver la perception du monde de Wallace, même si ces derniers éléments sont moins déterminants. Mais d'autres musiques viennent amplifier le récit, en sourdine certes, mais réellement présentes, comme celles de la honte qui pointe son nez par moment ou la peur d'un avenir, communes à tous les personnages qui, enfermés dans leurs hautes études sentent bien que la vraie vie se situe ailleurs et que cet ailleurs, même si jamais exprimé par convention sociale, reste aussi nébuleux qu'effrayant. 
L'autre grand thème de ce roman est la violence, terme générique mais qui, dans le roman, sera celle que l'on ressent par les regards, les rejets racistes, les paroles parfois anodines  ou l'interprétation pas toujours objective que l'on s'en fait lorsque l'on est dans un état dépressif. La violence physique sera abordée par le prisme du passé des deux jeunes hommes dont nous suivons le parcours. Chacun d'eux l'a rencontrée de façon très différente mais resurgit inexorablement dans leurs rapports sexuels. C'est sans doute le climax du livre, dérangeant, ambiguë de deux personnes qui, bien que toujours dans la douceur des sentiments et des relations, sombrent lors de leurs rapports sexuels dans la violence . 
Sans réellement parvenir à comprendre avec empathie les personnages de Wallace et de Miller, ce premier roman, jamais dans la facilité narrative pas plus que dans le romanesque,  ni même cherchant à plaire, parvient à laisser sourdre chez le lecteur un réel sentiment de malaise. La multiplicité des thèmes évoqués, la description clinique ( scientifique?) des rapports amicaux et humains font de "Real Life" un roman sacrément original et gonflé. 


 

 

mardi 8 novembre 2022

Armageddon Time de James Gray


Universal a demandé à quelques cinéastes d'écrire un film inspiré de leur jeunesse. Cette collection est composé de 4 longs-métrages dont deux sont déjà sortis cette année, "Licorice Pizza" de Paul Thomas Anderson, "Belfast" de Kenneth Branagh, un sortira en janvier 2023 ( celui de Steven Spielberg) et donc "Armageddon Time" de James Gray. 
Très loin de l'Amazonie ou de l'espace dans lequel nous avait conduit précédemment le réalisateur, nous atterrissons dans le  New-York des années 80, dans le Queens pour être précis. Nous suivrons la difficile intégration du jeune Paul Graff, 11 ans, qui passe d'un collège public où son meilleur ami est noir, à un collège privé ( ultra cher) qui a, entre autre,  la particularité d'avoir instruit (?!!!) toute la famille Trump ( oui, Donald compris). Si l'on rajoute que le jeune garçon vit dans une famille juive pas des plus fortunées, vous aurez le tableau complet du film dont le maître mot sera : intégration. Le réalisateur y mettrait un pluriel sans doute, tant la vie du jeune garçon permet de multiplier les entrées sur ce thème. 
De facture classique, autant nostalgique qu'émouvant, "Armageddon Time" s'avère également très  politique. Dans des USA de plus en plus en proie à une montée des extrémismes, James Gray n'hésite pas à donner un grand coup de pied au mythe américain du "si tu bosses, si tu es courageux, tu deviendras riche". Sans parler de la famille du jeune garçon qui s'est débattue comme elle a pu pour obtenir une petite place au soleil ( et sans grande illusion), la morale du film est simple : on réussit aux USA si l'on est blanc et déjà riche. Pour les autres, peu ou point de salut sauf peut être avec quelques petites combines. Les séquences très explicites des discours de fête du collège font, ici, de l'autre côté de l'Atlantique, froid dans le dos mais doivent passer pour banales sur place. 
Encore une fois, en revenant à des thèmes  (auto)biographiques, James Gray fait mouche et nous offre sans doute son film le plus grand public sans rien gommer de son sens du cinéma, de la mise en scène, avec un magnifique et expressif plan final qui montre toute la portée du film et offre quand même une belle note d'espoir. 




 

lundi 7 novembre 2022

L'ange rouge de Yasuzo Masumura


Arrive-t-il encore de nos jours, au cinéma, de sortir d'une salle étonné par un film ? Emu, oui. Ayant passé un bon moment, aussi. Mais surpris, même après une Palme, un Lion d'or, très rarement. "L'ange rouge" film du très prolifique réalisateur japonais Yasuzo Masumura, passé assez inaperçu lors de sa sortie en France en 1969 ( mais avait été tourné en 1966) a tout de la belle surprise. 
Dans un beau noir et blanc, le récit se déroule en Chine durant la guerre Sino-japonaise. Les japonais, alors très guerriers et expansionnistes, pensaient conquérir en trois mois une partie de la Chine orientale ... ( ça rappelle quelque chose en ce moment non ? ). Le conflit s'est enlisé et fut très meurtrier. Le réalisateur a planté sa caméra dans un hôpital militaire qu'une jeune et jolie infirmière rejoint. Sans rien révéler du film ( pour garder la surprise), on va juste dire que la jeune Sakura lors d'une ronde de nuit va se faire violer par un groupe de malades. De ce traumatisme, pourrait naître un sentiment de haine, de vengeance, mais ce sera tout le contraire, elle déclenchera une immense pitié envers tous ces hommes, ces soldats blessés, mutilés, qui souffrent des horreurs de la guerre. 
Avec un discours anti-militariste, discours qui se fait rare dans le cinéma depuis des années, le film n'occulte vraiment rien ( mais vraiment rien) des horreurs de la guerre, de la perversité du commandement qui laisse croupir ses hommes mutilés plutôt que de les renvoyer chez eux où ils feraient une contre publicité. Et au milieu de cet amas de corps déchirés et souffrants, le cinéaste bâtit une histoire où se mêlera romance et érotisme sans jamais tomber dans la niaiserie, la facilité. Eros et thanathos, souffrance et volupté font ici bon ménage, de façon plus abordable et plus passionnante que chez Cronenberg par exemple. 
Bien sûr, les âmes sensibles devront peut être s'abstenir de voir "L'ange rouge" car rien ne nous est épargné des opérations, des amputations, on voit sans réellement voir mais une bande son très naturaliste aide beaucoup à visualiser. Pour les autres, à mille lieux des nouveautés "formidables" que l'on nous vend toutes les semaines, il est certain que ce film ne pourra que surprendre par son scénario franchement audacieux et par sa belle réalisation classique mais ultra efficace. C'est avec les vieux films que l'on s'offre les belles séances. 
( Ressort également "Tatouage",  un autre film provocant du réalisateur comme le montre la bande annonce ci-dessous.