dimanche 31 octobre 2021

Barbaque de Fabrice Eboué


 Dans la famille comédie française qui inonde les écrans chaque semaine, je demande le fils... qui a plutôt mal tourné ( aux yeux de la norme ) mais qui offre quand même un film sacrément impertinent et revigorant. 

Jusqu'à présent la filmographie de Fabrice Eboué réalisateur ne faisait pas vraiment grimper aux rideaux du 7ème art. Avec "Barbaque" il passe au cran au-dessus avec une comédie grinçante et un peu gore qui arrive, sur l'idée de bouchers endettés se procurant une viande à succès en abattant des véganes, à tenir le temps d'un long-métrage. Si le scénario, certes habile, emprunte les chemins habituels des comédies, il est sérieusement mis en valeur par des dialogues assez percutants, flirtant toujours avec un politiquement incorrect très réjouissant et un duo d'acteurs jouant avec délice sur ce fil du rasoir. Marine Foïs arbore une mine gourmande et coquine ( et aussi, moins original, celle plus habituelle de la femme délaissée)  qui fait mouche. Fabrice Eboué lui donne la réplique avec un petit air décalé qui permet de ne pas trop prendre au sérieux cette comédie assez saignante.

Si l'on peut regretter un final moral pas vraiment à l'image du reste du film, pour peu que le côté un peu grand-guignol de l'ensemble ne vous rebute pas, vous savourerez comme il se doit cette "Barbaque" qui se hisse sans problème trois niveaux au-dessus des comédies françaises habituelles ( et quand même coproduite par une chaîne de télévision !). 



samedi 30 octobre 2021

La Fracture de Catherine Corsini




 On sera reconnaissant à Catherine Corsini de vouloir témoigner de l'histoire récente et de s'intéresser aux nombreux malaises de notre pays. Les réalisateurs se coltinant cette réalité sont trop rares et méritent d'être encouragés. 

Dans "la fracture", se bousculent beaucoup de thèmes, d'idées principales et d'autres plus périphériques ou suggérées. En premier lieu, la réalisatrice dresse un portrait effrayant de l'état de notre hôpital public et plus principalement de ses urgences. A cela, elle greffe, le combat des gilets jaunes, les violences policières, le calvaire du personnel soignant mais aussi le manque de prise en charge des maladies psychiatriques tout en mettant en avant un couple lesbien et son quotidien presque ordinaire. C'est beaucoup, sans doute trop pour un même film. 

Si le couple vedette féminin ( Marina Foïs et Valeria Bruni-Tedeschi) est absolument formidable ( et hilarant ), parfait contrepoint à une réalité bien dure, on pourra regretter un traitement parfois approximatif et cliché de certains personnages ( celui notamment du gilet jaune incarné par Pio Marmaï) ainsi qu'une prise d'otage superflue, n'apportant rien de bien intéressant au film, le rendant soudain un peu too much. 

Car trop, c'est trop ! On a apprécié la réalisation toute en énergie, quasi documentaire de ce huis-clos, l'évidente douceur et compréhension de l'infirmière ( magnifiquement interprétée par Aïssatou Diallo-Sagna) , le ping-pong verbal décalé et très bobo de nos lesbiennes mais cette accumulation d'histoires et de faits divers et variés, ce décor trop délabré ( en fait une vieille unité d'hôpital désaffectée a servi pour le tournage et semble n'avoir guère était modifiée alors que même les urgences d'un petit hôpital en région est plus pimpant)   finit par donner l'impression que Catherine Corsini en fait un peu trop et du coup est moins convaincante qu'annoncée. 
Cependant, malgré ces réserves, le film est plus réussi que les dernières réalisations de l'auteure, plus pêchu, bien interprété, c'est déjà ça... 



vendredi 29 octobre 2021

Choco-boys de Ralf König


C'est une sacrée bonne idée d'avoir demandé à Ralf König de faire son Lucky Luke. Certes l'auteur allemand, avec son oeuvre résolument gay derrière lui, s'est vu demandé de ne pas offrir à l'homme qui tire plus vite que son ombre une sexualité mais quand on lit le résultat, l'univers du héros a été sacrément dépoussiéré. 
Tout en gardant ses thèmes favoris ( et surtout sa lutte incessante contre l'intolérance), reprenant tous les codes de la série ( Dalton, Calamity Jane, cow-boy solitaire, arrivée de nouveautés dans un ouest américain plouc) et jouant magistralement de ceux de la culture gay,  Ralf König nous offre une histoire hilarante. Lucky Luke plus viril/macho car dessiné avec un gros paquet, érotisé au maximum ( nous verrons pour la première fois ses tétons) va rendre fou de peur mais aussi de désirs un ouest pas encore tout à fait prêt à accepter la différence. Il traîne sa nouvelle dégaine dans un ouest assez bousculé après l'affaire de "Bareback Montain". Il doit convoyer un cocasse troupeau de vaches suisses ( mauves bien sûr!), choisit un aide rejeté par la société du coin ( parce que roux mais suspecté d'être gay) et y croisera une Calamity Jane lesbienne ( ce qui semblait être le cas dans la réalité). 
Le scénario, habilement troussé dans un jeu de flash-back faisant oublier la nécessité de respecter absolument tous les codes de la série, démontre, s'il le fallait, combien Ralf König est un maître du vaudeville et de l'humour. Passé à sa moulinette, Lucky Luke prend un sérieux coup de jeune et de modernité. On s'amuse franchement dans cet hommage, qui n'est pas seulement une curiosité mais bel et bien un album très réussi. 



 

samedi 23 octobre 2021

L'amour par temps de crise de Daniela Krien


Le titre français de ce roman à succès allemand pourrait laisser penser que nous pénétrerons dans les amours de quelques uns durant cette période de crise économique. Le titre original ' "L'amour dans les cas graves" ( si j'en crois Google traduction) semble plus suggérer une plongée dans l'univers infernal de couples en crise. Le roman au final est un peu autre. S'il est effectivement question de rapports amoureux assez difficiles, le récit, en s'intéressant à un moment du parcours de vie de 5 femmes, balance gentiment entre la chronique, le féminisme soft et le constat sociétal. 
Cela pourrait être cinq nouvelles, si les 5 femmes ne vivaient pas dans la même ville ( Leipzich) et donc avaient des liens plus ou moins proches. Toutes ont un point en commun : elles ont obligatoirement des choix à faire ce qui entrave leur vie. Affleurent donc des questions existentielles assez classiques : Vivre seule ou pas ? Avoir un enfant ou pas ? Famille ou travail ? Mari ou amant ou les deux ? 
Rien de bien original donc, ni dans la juxtaposition de ces 5 vies ni dans les interrogations de chacune, surtout que tout cela est relaté de façon assez factuelle, histoire d'être dans la réalité mais qui laisse parfois les personnages à distance. Un certain exotisme toutefois transparaît pour le lecteur français avec en filigrane les stigmates de la réunification et le regard social bien noir sur les mères ne restant pas au foyer pour garder leurs enfants. Par contre, on peut être étonné du côté assez fleur bleue de ces femmes qui (à part une) ne peuvent aimer qu'un seul homme malgré les aléas de la vie ainsi que du côté un peu cliché des mâles qui apparaissent ( souvent en second plan), beaux ( évidemment ....à moins que ce ne soit qu'aux yeux des héroïnes), travailleurs, volages et, petite dimension allemande, écolos. 
L'ensemble n'est pas désagréable à lire, écrit simplement mais sans nous emporter dans des torrents de réflexion. On peut regretter que certaines situations ne soient pas plus exploitées et ( surtout dans les deux dernières) qu'elles s'arrêtent parfois un peu abruptement, laissant le lecteur en plan....sans doute à l'image de ces femmes toutes abandonnées à un moment ou un autre. 

 

jeudi 21 octobre 2021

La jeune fille et l'araignée de Ramon et Silvan Zürcher


Attention vrai film d'auteur(s) ! Et quand je dis auteurs, c'est bien tout ce que cela peut comporter dans le terme : originalité, univers personnel, vraie écriture tant dans les dialogues que dans la mise en scène, mais aussi son corollaire pour le spectateur, questionnement, interrogation, ennui possible, rejet. 
L'histoire se déroule durant un aménagement d'appartement par une jeune fille dont la précédente colocataire a décidé de prendre le large. C'est banal, sauf que dans ce moment particulier où amis et voisins viennent donner un coup de main, rien ne l'est vraiment, tant les frères réalisateurs brouillent les pistes. Mais que fait Mara ( celle qui part, est partie, ancienne maîtresse ? ancienne juste amie ? ) à traîner sans en glander une au milieu de ces gens qui s'agitent ? Elle regarde, refile son herpès, envoi des piques, rudoie un peu, drague, se coupe le doigt, ... Mais que se passe-t-il dans ces têtes qui cherchent on ne sait quoi...à changer l'espace d'une nuit de partenaire, caresser l'espoir d'une aventure ou simplement vaincre une mélancolie qui semble les envelopper ? On ne le sait pas trop, on le devinera parfois, le constatera à d'autres...ou pas, mais tout en douceur et en plans chorégraphiés minutieusement sans que cela soit trop visible. Et puis, il y a, revenants à intervalles réguliers comme pour scinder le film en parties bien précises, ces gros plans  ( verres, café qui coule, une cigarette qui se consume, ...) comme si ces objets vivaient leur propre vie en parallèle, le tout accompagné de multiples versions du tube de Desireless "Voyage, voyage". C'est un peu Rohmer pour les jeunes filles, un peu Mouret pour les amours et c'est surtout Zürcher car, la chose est rare, cela ne ressemble à rien de connu. 
"La Jeune Fille et l'Araignée" surprendra par rythme, son esprit très décalé et refusant une narration simple, jouant sur l'empathie du spectateur et surtout sur son envie de jouer à décrypter les enjeux de tout ce petit monde. Cela peut irriter, laisser sur le bord de la route. Cependant, découvrir un univers original est rare à une époque où tout se formate de plus en plus. Oui nous sommes vraiment devant un film Art et essai, ça fait du bien même si on ne comprend pas tout. Il est bon parfois de continuer à se poser des questions une fois les lumières rallumées... Une chose est certaine, ces frères Zürcher sont vraiment des auteurs! 




 

mercredi 20 octobre 2021

Les illusions perdues de Xavier Giannoli

 


Adapter ce long roman de Balzac reste une gageure que Xavier Giannoli réussit parfaitement. 
En se concentrant sur la partie narrant la montée à Paris de Lucien de Rubempré ... heu Chardon, le réalisateur s'intéresse à ce portrait au vitriol des moeurs journalistiques sous la Restauration, lui donnant ainsi une résonance très contemporaine même si le contexte et l'art des fake news étaient bien différents ( avec une réplique qui fait tilt dans la salle autour d'un président banquier...). 
Rendre toute la saveur à ce chef d'oeuvre d'Honoré de Balzac, n'est pas chose aisée. Quand débute le film avec une voix off comme guide, le doute est permis car, c'est souvent le recours de certains cinéastes qui ne savent pas ou ont peur que leur mise en scène et leur scénario ne permettent pas aux spectateurs de bien comprendre ce qui se passe à l'écran. Mais très vite, l'ampleur de la mise en scène, la reconstitution de l'époque avec des décors, des costumes ultra soignés et surtout une pléiade de comédiens tous parfaits et ayant la chance d'avoir des dialogues plein de saveurs à jouer, font que les 2h30 passent en un clin d'oeil. Si le jeune couple vedette, a par moment les épaules un poil trop fragiles pour porter ce spectacle de haute volée sur la longueur, il est considérablement aidé par des grands seconds rôles de Gérad Depardieu à Jeanne Balibar, de Cécile de France ( aux regards absolument époustouflants) à Xavier Dolan ( totalement bluffant ). 
De facture classique ces "Illusions perdues" réussissent le triple pari de nous passionner autour d'une oeuvre classique, de se permettre, mine de rien, parfaitement raccord avec notre époque et d'être un bel objet de cinéma. Donc, allez-y, vous ne serez pas déçus ! 




mardi 19 octobre 2021

First Cow de Kelly Reichardt


La première vache du titre est celle arrivée en Orégon au tout début du 19ème siècle et qui sera traite clandestinement par deux jeunes migrants au sens commercial assez développé.
L'histoire est simple, le film l'est aussi mais faussement. De prime abord on peut être surpris par la mise en scène, très terrienne et au rythme des pas des deux protagonistes. On pourrait y trouver un vague ennui, tellement habitués que nous sommes aux plans de quatre secondes. Mais au fur et à mesure que l'histoire avance, le spectateur se prend d'empathie pour ces deux voleurs ( c'est en partie ce qu'ils sont mais pas que...) et commence à ressentir que cette histoire vieille de deux siècles nous parle d'aujourd'hui. Il y est question des fondements d'une nation, construite sur la migration, le mélange des ethnies et déjà l'esprit d'entreprise qui servira donc d'espoir mais aussi de désillusion pour beaucoup de ceux qui entreprennent qu'un préambule contemporain évoque et un final hautement émouvant porte soudain à des sommets que l'on ne voit pas vraiment venir. 
Kelly Reichardt est considérée à juste raison comme une immense réalisatrice et "First Cow" le prouve bel et bien par la finesse de sa mise en scène ( parfait contrepoint à l'imagerie hollywoodienne du western), sa radicalité à vouloir restituer cette histoire dans un format carré qui focalise sur les personnages ( même si l'on ressent énormément leur environnement). On peut être un peu refroidi par un départ assez lent, mais très vite vous sentirez toute la profondeur de ce film magnifique, qui s'adresse à ce que nous avons de plus précieux : notre possibilité de réfléchir loin des propos simplistes ou haineux. C'est cela la magie du grand cinéma. ( Et dire que présenté au festival de Deauville en 2020, le film, pour le grand prix,  a dû laisser sa place à une daube prétentieuse !). 



 

Wonder Landes d'Alexandre Labruffe

 


Pour son troisième roman, Alexandre Labruffe se dévoile nettement plus en narrant les épisodes familiaux qui ont fait suite à la disparition ( comprendre : il s'est envolé, volatilisé, sans donner l'ombre d'une nouvelle) de son frère. 

Ca démarre au quart de tour, plantant un décor mi fantaisiste mi psychologique ( un mélange assez détonnant) sur les traces d'un frère qualifié tour à tour de bipolaire, autiste, frappadingue, charmeur, baratineur ( donc menteur), mythomane et j'en pense. Beaucoup pour un seul homme mais  pourtant bien réel, tant les multiples faits et méfaits qui ont jalonné une vie ahurissante nous sont révélés sans ambage. Nous sommes embarqués dans une sorte de thriller baroque familial qui nous change franchement des  jérémiades habituelles autour de ce genre de récits prompts au verbiage larmoyant et noir. Ici, la situation n'est guère brillante, presque angoissante mais heureusement, Alexandre Labruffe sait y mettre de la légèreté, un poil de dérision grâce à son écriture précise et pleine de verve. En plus, en contre point au récit, il place des personnages secondaires hilarants comme sa copine coréenne et sa chamane feng shui ou un ami prêtre désabusé, le tout dans un décor de ferme landaise perdue au milieu des pins et bourrée d'objets anachroniques ( le merveilleux du titre ). 

Mais la vie, même dans un roman, devient chienne. Pendant que le frère, retrouvé, croupit dans la plus vieille prison de France ( à Angoulême), le père tombe malade et avance surement vers une mort inéluctable. Ce sera la deuxième partie du roman, moins souriante, lestée par un deuil à venir, et comme souvent dans ces moments là, propice à une certaine introspection un peu moins baroque, quasi écrite en vers libres, portée par une émotion certaine mais toujours teintée d'une pointe d'humour salvatrice. 

C'est donc un réel plaisir de retrouver les récits d'Alexandre Labruffe, toujours différent mais cependant toujours aussi talentueux, sachant nous faire pénétrer dans des univers rendus originaux par son regard assez unique et une plume habile. 

jeudi 14 octobre 2021

FIF85, Festival International du Film de La Roche sur Yon ( une journée au)


Heureusement la Vendée, dans le domaine culturel, ne se résume pas qu'au Puy du Fou. Ainsi, en octobre depuis 12 ans, se déroule un festival du film, qui se propose de présenter un instantané de la production actuelle mondiale. La programmation, éclectique, permet de découvrir des longs-métrages très souvent en avant-première française et ayant déjà été programmés dans certains grands festivals comme Locarno, Venise, Berlin ou Sundance. Le public, surtout local mais fervent et curieux, remplit avec allégresse les quatre salles du festival. On retrouve bien sûr des cohortes de lycéens ( ici, bien sages) mais aussi son contingent de retraités ( qui peut aller au ciné en semaine à 9h30 ou 14h ?) finalement plus mal élevés que la jeune génération ( portables qui s'allument en cours de film pour répondre à un sms, petits commentaires durant la projection voire ronflements). 
Ceci dit, on peut le dire , c'est vraiment une semaine de fête du cinéma à La Roche sur Yon ( qui s'embellit d'année en année) et pour tous les publics. Prenons la journée du mercredi 13. Pas moins de 21 films sont proposés à notre curiosité. Jour de congé scolaire oblige, on y trouve évidemment quelques films pour enfants ( qui pourront aussi aller admirer la jolie petite expo consacrée au réalisateur italien Lorenzo Mattotti) mais aussi, parmi toutes les avants-premières quelques reprises de classique ( ce jour là "John Mccabe" de Robert Altman ou "Harold et Maud" de Hal Hashby ( qui a fait exploser le nombre de téléchargements d'application de rencontre sur les portables de nos seniors ....Attention aux séances suivantes, ils risquent de s'allumer à tout bout de champ de peur de rater un possible contact). 
Le gros de la programmation fait la part belle à des films inconnus venus de toute la planète. Ce jour là, entre autre ( car on ne peut pas tout voir, on sélectionne un peu au pif suivant une brochure volontairement synthétique) on a pu pénétrer dans une sinistre prison italienne ( "Ariaferma" de Léonardo di Costanzo) au bord de la fermeture pour une sorte d'allégorie sur l'humanisme et l'amitié un peu mollassonne et improbable ou arpenter un forêt danoise à la suite d'un homme voulant éprouver sa condition d'humain ( "Wild Men " de Thomas Daneskov) dont la présentation parlait de masculinité, de virilité, et qui s'est avéré surtout être une sorte d'hommage pas désagréable au "Fargo" des frères Coen. Nous avons.... subi....non le mot est trop fort... admiré en se rasant un peu "Users" de Natalia Almada ( USA/Mexique) , sorte d'essai cinématographique aux longs plans magnifiques, mais au propos finalement très convenu autour des technologies et du monde de demain ( le tout accompagné par une sorte de musique atonale ...). On a pu aussi suivre les avatars d'un couple de publicitaires allemands dans leur maison de campagne Belge ( "Human Factors"  de Ronny Trocker), demi-thriller psychologique autour de l'incommunicabilité entre les êtres, pas d'une grande originalité mais pas déplaisant. 
Il y a une partie de la programmation qui est sûre de faire salle comble, ce sont les avant-premières de films français ( et comme souvent accompagnés de ou d'une partie de l'équipe, l'occasion de voir de la star attire le public !). Ce jour, Régis Roinsard présentait son adaptation ( on peut dire ratée malgré le couple de stars Efira/Duris) du roman à succès "En attendant Bojangles" et l'on pouvait voir par ailleurs, ce qui est une des pépites de ce festival, le formidable "Rien à foutre" du duo Julie Lecoustre et Emmanuel Marre où Adèle Exarchopoulos campe magnifiquement une jeune femme d'aujourd'hui en butte avec les apparences. 
Voilà, un festival c'est ça, mais aussi une foule d'autres films et, vraiment, même s'il n'a pas la renommée d'un Deauville ou d'un Dinard ( pour parler de ceux qui s'adressent aussi à madame ou monsieur Toutlemonde), le FIF85 est un moment formidable, vraiment sympathique, de bonne tenue et surtout pensé et destiné au public. Bravo ! 


lundi 11 octobre 2021

Feu de Maria Pourchet



Si l'on se plonge dans "Feu" avec l'espoir d'y trouver une jolie histoire romanesque qui fera battre son  coeur à la suite d'une héroïne, d'un héros, avec lequel on va s'identifier et s'attendrir, on risque de rester en rade. L'enjeu de ce nouveau roman de Maria Pourchet, après le formidable "Les impatients", est évidemment ailleurs, sans doute revisiter un thème rebattu de la littérature : l'adultère. En gros une femme,Laure, quarantenaire, mariée, avec 2 enfants pas du même père, fait une fixette sur Clément, un cinquantenaire célibataire, aux revenus s'énonçant en Keuros car bossant dans la finance. Il n'est pas un tombeur loin de là mais se laisse faire et se lance sans réel entrain dans une relation sans passion nourrie de chambres d'hôtel louées à la va-vite et quelques sms laconiques. Elle par contre, fantasme complètement cette relation et s'investit corps et âme. Depuis "Madame Bovary", rien n'a donc changé...
Heu si, quelque chose a changé depuis Flaubert, en plus de la facilité de la rencontre, c'est la façon de raconter. Dans un style totalement personnel, qui, de prime abord peut surprendre, désorienter, faire relire une phrase ou deux pour bien saisir le sens ( mais dans lequel, au bout de trente pages, on se glisse sans difficulté), Maria Pourchet explose le thème par cette façon inimitable de mêler sans complexe le trivial avec les sentiments profonds, la réalité rude des pensées discordantes des deux protagonistes avec la vie domestique voire sociale de l'époque. C'est un feu d'artifice qui va crescendo contrairement à beaucoup de romans qui ont une bonne idée de départ et se délitent ensuite dans la banalité. Avec ses deux personnages pas vraiment sympathiques ( plus un chien) et bourrés de contradictions, le roman se révèle un révélateur ironique de nos comportements d'humains occidentaux à la recherche de sensations préformatées par tout ce qui nous inonde sur écran comme sur papier, donnant ainsi une image de l'amour bien plus franche que d'habitude.
Brillamment écrit dans un style qui peut surprendre, narrant comme rarement la rencontre de deux personnes, se moquant de faire plaisir au lecteur en lui offrant ce qu'il aime lire mais en le titillant de façon plus originale, "Feu" est un des bons romans de cette rentrée qui confirme le talent particulier de Maria Pourchet. 

 

jeudi 7 octobre 2021

Tralala de Jean-Marie et Arnaud Larrieu

 


L'affiche est belle ( Amalric, Balasko, Lavant, Mélanie Thierry, ...) pour cette comédie musicale ( chic !) sur laquelle de grands noms de la chanson française ( Daho, Cherhal, Dominique A, Katherine, ...) se sont penchés. Tout pour plaire aux amateurs de films musicaux. Le petit bémol pourrait être que c'est un film des frères Larrieu, à l'univers original mais surtout capables du pire ("Le voyage aux Pyrénées" ) comme du meilleur ( "Peindre ou faire l'amour"). Hélas, malgré ce casting en or, cette nouvelle production du tandem tendrait plutôt vers le pire. 
Le scénario a de faux airs des "Demoiselles de Rochefort" où les protagonistes ont des liens passés forcément romanesques. La ville de Lourdes, vidée pour cause de Covid, donne au film une identité plutôt originale avec quelques envolées de bonnes soeurs et jouant sur les décors blanc et bleu de tous les marchands du temple qui attendent le pèlerin. C'est un peu foutraque, mais cela a au moins le mérite de sortir des sentiers battus. 
Ce qui est moins original, c'est sans doute le héros, Mathieu Amalric, pour la énième fois en tombeur de ses dames ( même si ici il est un sdf,  malgré tout irrésistible, avec un très improbable pantalon en panne de velours bordeaux). Le reste de la distribution joue les utilités sans jamais tirer son épingle du jeu. Ils ne sont d'ailleurs pas aidés par les chansons qu'on leur a mis dans la bouche ( sans doute des fonds de tiroir ), toutes plus insignifiantes les unes que les autres. A ce petit jeu, Bertrand Belin ( évidemment) s'en tire le mieux et fait presque figure de révélation, sans toutefois que l'on ait une seconde envie de réécouter plus tard un de ses titres. Si Mélanie Thierry montre une certaine aisance dans le chant, que dire de la prestation vocale de Josiane Balasko qui finit aussi par déteindre sur son jeu de comédienne ? 
Cette inintéressante histoire dure 2 heures et on les sent passer ! Entre une mise en scène parfois proche d'un certain ( faux ? ) amateurisme, des dialogues lourdingues et peut être une vague ( mais très vague )  envie de dézinguer un genre très formaté, le spectacle n'est guère convaincant. Pas certain que ce "Tralala" réconcilie le grand public avec la comédie musicale toujours un peu mal aimée. 




mercredi 6 octobre 2021

Le kiosque d'Alexandra Pianelli


Et si en cette semaine de sortie tonitruante du dernier James Bond, vous choisissiez comme sortie ciné, l'exact contraire de la luxueuse franchise, c'est à dire, le film le moins coûteux qui puisse exister. "Le kiosque", qui joue donc la parfaite contre programmation, vous divertira et vous ravira très certainement mais d'une façon bien moins clinquante ( pas de millions de dollars à l'écran, juste de la menue monnaie en piécettes). La réalisatrice Alexandra Pianelli a tourné dans un espace de 6 m2 avec juste un Iphone et quelques bouts de cartons un documentaire vraiment épatant. Les prises de vue se sont déroulées dans  le 16ème arrondissement ( mais sans Léa Seydoux qui pourrait bien habiter le secteur ou le 8ème, le 5ème à la rigueur), seul détail qui fait luxe, si tant est qu'un kiosque à journaux entre dans cette catégorie. 
Malgré le manque d'explosions, d'agents secrets sexys, "Le kiosque" parvient toutefois à nous scotcher sur notre siège, nous intéresser et nous émouvoir. Pas besoin de faire son courageux aux quatre coins du monde pour maintenir un spectateur éveillé, de la débrouille façon bricolo/bricolette, un oeil bienveillant filmant toute cette humanité passant devant ou dans un kiosque parisien suffisent pour offrir un film qui marque et dont on se souviendra. 
Ce remarquable portrait d'un lieu et d'objets de consommation qui disparaissent petit à petit est autant un témoignage sensible, drôle et émouvant ( il y a une scène absolument incroyable d'humanité dans ce film, sûrement une des plus émouvantes vu depuis longtemps....mais je n'en dis pas plus ) qu'une petite prouesse  fabriquée avec deux/trois bouts de ficelles, un oeil d'artiste et du talent. 
James Bond peut attendre ( il restera très longtemps à l'affiche) mais "Le Kiosque" non. Pour être surpris et ému, c'est bien le film qu'il faut voir cette semaine !



dimanche 3 octobre 2021

Les enfants de Cadillac de François Noudelmann



Il y a des romans ( mais ici est-ce vraiment un roman ? ) qui vous transportent par l'évidence et la clarté du récit. Pour ce premier roman ( puisque c'est noté ainsi sous le titre), François Noudelmann divise son ouvrage en trois parties distinctes. La première sera consacrée à son grand-père Chaïm, juif ayant fui la Lituanie à la veille de la première guerre mondiale et qui, pour s'intégrer à jamais dans le pays qui l'accueille, devient un de ses soldats, un poilu puisque c'est la France sa terre d'asile. La deuxième sera le récit de son père qui aura fait le même voyage dans l'autre sens ( et retour) ballotté par les aléas de l'histoire et plus précisément par la deuxième guerre mondiale. La troisième tournera autour du narrateur fils et petit-fils des précédents, qui s'interrogera autant sur ses racines, son identité de français, de juif dans un monde où l'histoire a la fâcheuse tendance à se répéter. 

On pourrait penser à lire ce résumé que nous sommes dans un livre de souvenirs plus que dans un roman, même si, comme c'est le cas dans ces "enfants de Cadillac", la vie apparaît bien plus romanesque que tout ce qui pourrait sortir de la tête d'un auteur inspiré. Par la grâce d'une écriture limpide, la force de ces destins particuliers mais surtout par l'évident recul autant philosophique, sociologique qu'historique dont est capable l'auteur, le texte nous emporte autant dans le vent de l'Histoire et d'histoires singulières que dans un cheminement intellectuel des plus stimulants.  Tout en nous passionnant pour le sort de son grand-père mort de faim dans un asile psychiatrique en 1941 ( comme plus de 45 000 autres patients dits fous de cette époque) ou de la rencontre de son père avec l'inhumanité en général mais aussi en particulier ( celle que des hommes plus que persécutés mettent en place à l'intérieur de camps pour assouvir leur pouvoir sur encore plus persécutés qu'eux) , c'est une profonde et très accessible réflexion qui nous attend au détour de pages percutantes, pertinentes, s'interrogeant, entre autre,  avec un réel recul, sur ce qui compose notre identité, nos possibilités de nous intégrer dans des groupes sociaux comme religieux. 

Oubliez la polémique vaine qui entoure ce roman ( et qui sans doute le fera disparaître à tort des listes des prix de l'automne) et partez à la rencontre de ces "enfants de Cadillac", lecture passionnante et vivifiante pour l'esprit, magnifiquement écrite et qui résonnera longtemps en vous. Sans conteste un des très bons livres de cette rentrée. 

samedi 2 octobre 2021

Alice Guy de Catel et Bocquet

 


Alice Guy fut la première réalisatrice de cinéma  au monde. Une fois que l'on a dit ça, avec un peu de fierté parce que française mais aussi beaucoup de remords car longtemps oubliée par les historiens de cinéma, on n'a pas dit grand chose sur la vie de cette pionnière du 7ème art. Heureusement, le duo Catel et Bocquet, avec leur talent habituel, remettent magnifiquement en lumière cette femme qui a su s'imposer dans un univers uniquement masculin. 

On le sait la femme, même encore de nos jours dans certains esprits arriérés, ne peut pas s'intéresser à la technique. Imaginez-vous à la fin du 19ème siècle, alors que des inventeurs comme Thomas Edison ou les frères Lumière tutoient l'Olympe de la célébrité, la hardiesse qu'il a fallu à une jeune femme pour parvenir  à s'insérer dans cet univers essentiellement masculin, y imposer, autant ses idées marketing pour attirer les foules dans les premières salles de projections publiques que cinématographiques pour tourner des courts-métrages ( le premier en 1896 !) ? Tout cela et bien plus ( car elle traversera l'Atlantique et connaîtra aussi une petite carrière d'abord à New-York puis à Los Angeles ) nous est raconté avec brio dans ce roman graphique impeccable. On y retrouve la rigueur d'un scénario bourré d'anecdotes et le dessin très ligne claire de Catel Muller dont la formidable lisibilité permet une lecture agréable y compris pour les lecteurs pas vraiment bédéphiles. Et comme ce roman graphique est complétée par un supplément de près de 70 pages de documents biographiques, on peut dire qu'il apparaît désormais comme un ouvrage de référence sur Alice Guy mais aussi de toute cette époque foisonnante des pionniers du cinéma. 

Encore une fois, après Joséphine Baker, Olympe de Gouges et Kiki de Montparnasse, Catel et Bocquet réussissent à nous emporter dans un récit aussi documenté que sympathiquement militant. 

vendredi 1 octobre 2021

La porte du voyage sans retour de David Diop

 


Après les prix et le succès de "Frère d'âme", on attendait avec impatience le nouveau roman de David Diop. Le défi est de taille, la tâche a dû se révéler ardue. 
Le titre est fort, faisant allusion à l'île de Gorée une des nombreuses place forte du commerce des esclaves et bien dans la lignée des thèmes de l'auteur. Il y sera question d'esclavage bien sûr, mais plutôt en second plan, le texte se concentrant sur le récit d'un naturaliste français, que le temps a effacé des mémoires, Michel Adanson. Nous sommes au mitan du 18ème siècle et c'est en presque aventurier qu'il débarque au Sénégal pour y étudier la flore dans le but de publier une grande encyclopédie. Il est jeune, à peine une petite vingtaine d'années, âge où l'on peut s'enflammer très vite. Ce sera le cas lorsqu'il entendra une histoire racontant l'évasion d'une jeune femme promise à l'esclavage et jamais retrouvée. Il part à sa recherche avec fougue et, sans réseaux sociaux ni échange virtuel, en tombe petit à petit amoureux...
C'est donc à une sorte de roman d'aventures que nous convie David Diop, mâtiné d'une once de passion et enveloppé dans une belle  écriture, discret hommage aux écrivains du 18ème. On y trouvera de très belles pages sur le racisme ainsi que la biographie romancée de ce naturaliste. C'est agréable à lire mais pas totalement emballant. Le texte est une sorte de récit gigogne.  La fille du naturaliste, lors d'un déménagement, tout en étant séduite par un jeune et fringant architecte, trouve le journal de son père qui lui est adressé ( c'est le récit principal d'aventures et de cet amour impossible d'un blanc avec une noire) et qui l'amènera ensuite à se confronter à quelques méfaits de la politique coloniale. Le roman est évidemment un beau plaidoyer antiraciste, éclairé par le recul de l'histoire mais peine un peu à décrire cette passion impossible et dont une construction pas vraiment convaincante amoindrit le côté romanesque. 
Roman plein de belles intentions et de belles pages, "La porte du voyage sans retour" reste cependant un peu en dessous de son précédent mais pour qui aime les récits d'aventures à la David Livingstone, le plaisir de lecture sera évident avec, en prime, une belle réflexion sur les ravages de l'esclavage et de la colonisation.