mercredi 26 décembre 2018

L'homme fidèle de Louis Garrel



Film chic de la semaine qui émoustille les rédactions des journaux, de Gala aux Cahiers de Cinéma, "L'homme fidèle" joue sur tellement de tableaux qu'il est impossible que chaque spectateur n'y trouve pas son compte.
Première strate : Des peoples s'essaient au marivaudage amoureux. Le couple à la ville, Garrel/Casta, accompagné de Lily-Rose Depp ( la fille de...), aidés de Jean-Claude Carrière pour les dialogues, parviennent sans problème à faire passer leur improbable histoire. On accepte les ficelles de ce triangle amoureux car règne un joyeux esprit ludique accentué par le ton et l'allure de Louis Garrel, figure centrale du récit, épatant avec son air à la fois un peu perdu mais rieur. Comme cela ne dure qu'une heure quinze, on n'a pas le temps de se lasser, ni de trop remarquer les ficelles scénaristiques qui, s'y l'on veut s'y pencher un petit peu, ne brillent pas par leur finesse. Mais les habitués des gazettes prennent agréablement des nouvelles de Mlles Casta et Depp et les cinéphiles repèrent les clins d'oeil de Garrel fils ( et petit fils) au cinéma d'auteur. Tout le monde est content et sort de la salle pas déçu.
Deuxième strate du film : Que nous dit-il des couples de 2018 ? De la femme ? De l'homme ? De leurs rapports à l'ère Mee Too ? On peut être tenté de dire beaucoup de choses, tellement l'homme apparaît ici comme un objet dans les mains de femmes qui elles vont jusqu'au bout de leurs envies. Abel, joué par Louis Garrel, pas harceleur pour deux sous, n'a aucun domicile à lui et vit quasi au crochet des dames, tout du moins pour ce qui est de sa couche. Ballotté au gré de leurs désirs, il ira, sans aucune gêne ni amour propre, poser ses sacs chez l'une ou l'autre. L'amour y apparaît pour lui comme une sorte d'état simple répondant plus à un confort personnel qu'un fort sentiment. Du moment que j'ai un toit, j'aime. Pas compliqué donc. Une certaine douceur émane de lui comme de chez ces copines qui, elles, toutefois, s'avèrent un poil plus retorses voire dominatrices. On a l'impression que les femmes mènent enfin le jeu face à des hommes totalement à leur merci. Ce côté plaisant à regarder, s'inscrit dans un univers totalement décalé, irréel même, le film, à l'image de son ton sautillant , se résume surtout à une petite fantaisie que le public dégustera comme une friandise.
Pas prise de tête, gentiment mis en scène, " L'homme fidèle"  remplit bien sa fonction de produit surfant sur le glamour et la légèreté.



vendredi 21 décembre 2018

Yves Saint Laurent, le soleil et les ombres de Bertrand Meyer-Stabley et Lynda Maache


Tout, tout, tout, vous saurez tout sur Saint Laurent, le vrai, le beau, le laid, le maso et plus encore. Dix ans après sa mort, et surtout un an après celle de son mentor ex amant Pierre Bergé, on sent que les biographes peuvent raconter avec plus de liberté la vie de celui qui fut l'un des plus iconiques couturiers français. Sans tomber dans le ragot de bas étage, mais sans doute avec l'envie d'être au plus près de ce que fut la réalité du créateur, le duo d'auteurs retrace avec une ferveur d'admirateurs inconditionnels la vie de ce génie de l'élégance. De l'enfance en Algérie, d'où naîtra son amour pour les couleurs et les odeurs, jusqu'aux dernières années toujours créatives mais rendues lymphatiques par la dépression et les neuroleptiques, tout sera disséqué. Seront évoqués ses vêtements phares, ceux qui sauront accompagner une femme ( certes très riche) en voie de libération comme le caban, la tunique, la saharienne, le smoking ou le jumpsuit ( pour les néophytes, c'est une combinaison pantalon qui a d'ailleurs resurgi sur les portants il y a peu). Magie de la coupe, extrême qualité des tissus, grâce des accessoires, harmonie des couleurs, génie des proportions sont autant d'expressions que crieront les commentateurs de l'industrie de la mode et qui accompagneront toute la carrière d'Yves Saint Laurent. Chaque défilé sera évoqué, chaque source d'inspiration aussi, que ce soit les voyages, les personnes ou sa passion pour les artistes. Au milieu de ce déploiement de soieries et autres organza, s'intercaleront bien sûr des choses plus privées, son couple formé avec l'homme puissant que devient Pierre Bergé, ses amitiés avec des femmes très fidèles considérées comme des muses, son attirance pour les jeunes éphèbes marocains et les rapports masochistes.
Cette biographie possède une petite particularité. Elle s'achève au bout de 182 pages et passe ensuite, sur les 140 restantes à livrer une sorte d'encyclopédie Saint Laurent, en détaillant, le vestiaire immortel qu'il a créé, ses égéries, l'histoire de ses parfums, des nombreuses et luxueuses villas achetées pour s'achever sur un dictionnaire Saint Laurent. Cela confère à ce livre un côté très complet mais, qui, et ce sera le seul reproche qu'on puisse lui faire, n'évite hélas pas quelques redites comme si l'enfermement et l'immobilité du créateur ne permettait pas de multiplier les anecdotes.
Les passionnés de mode trouveront dans ce " Yves saint Laurent, le soleil et les ombres"  une véritable compilation de plus de quarante de créations par celui qui est considéré comme un génie. Les autres, en passant un doigt rapide sur les portants de ces nombreux vêtements pourtant mythiques, verront surtout défiler, non pas des atours divinement construits, toute une époque de progrès, de libération mais aussi de montée de la finance. Passionnant. 

mardi 18 décembre 2018

L'empereur de Paris de Jean-François Richet


On connaît bien la bûche de Noël, la dinde de Noël, mais on a plus de mal à discerner dans le flot de la promo, la daube de Noël , appelée aussi navet de Noël. "L'empereur de Paris"  attrape haut la main ce titre. Soyez attentifs aux commentaires que vous lirez ou entendrez ici ou là , il y a toujours un bémol quelque part, léger, mais il y est, subrepticement glissé car, il est difficile d'aller démolir la production française la plus dispendieuse de l'année ( 22 millions d'euros à ce que l'on dit) surtout quand on a vu le résultat. Il semblerait que la Gaumont qui distribue le film  commence à avoir des sueurs froides quant à la rentabilisation de cette catastrophe industrielle. Essayer d'y faire aller le plus de spectateurs possibles est devenu ces jours-ci l'action caritative de tous les médias.
Le titre est pompeux pour un film pompier. Vidocq, oui, c'est lui l'empereur de Paris, popularisé par une vieille série télé en est à sa deuxième version au cinéma ce siècle-ci. La précédente avait dérouté en plongeant dans un univers fantastique. Celle-ci ennuie mortellement.  Diable , mais où est donc passé l'argent ? A l'écran, sans conteste. Les décors sont magnifiques, imposants, parfaits. Les costumes sont au diapason, dans des tons bistres ou rouges que magnifient une lumière très travaillée. Techniquement, rien à redire. Par contre, et c'est bête, on a oublié qu'un grand, un bon film, c'était au départ un scénario intéressant. Visiblement, en voulant ratisser large ( public), on s'est fourvoyé dans un récit basique un/un. Un/Un ? Comme les colliers de perles que l'on fait faire en maternelle ! Une perle bleue, une perle rouge, une perle bleue, une rouge... Ici, c'est une scène de bagarre, une scène dialoguée, une baston, une déclaration d'amour, un meurtre, une parlote historico chiante.... L'histoire ? Le film s'ouvre sur Vidocq aux galères.  Il a plein d'ennemis et, grâce à une baston, va s'en faire encore plus. C'est bien pour la suite du film, car ils vont resurgir un par un ( acoquinés avec plein d'autres). Mais Vidocq veut être gracié. De quoi ?  Au bout d'un moment on ne sait plus, mais on s'en fout aussi car on a vite compris qu'il ne le sera qu'une fois exterminés tous les très très nombreux sales types qui veulent sa peau. Du coup ça cogne de partout, tout le temps...Mais attention, nous ne sommes pas chez Tarantino. Aucun humour, aucune dérision, juste de la cogne assez gratuite, certes joliment chorégraphiée, mais qui très vite lasse. On s'ennuie à périr, surtout que les enjeux politiques de l'époque nous sont assénés de façon brumeuses ( comme si le large public sortait d'un cours d'histoire). On remarque à peine les comédiens,  joliment costumés, quant à la mise en scène, elle est noyée par les coups de savates, de fusils et autres lames tranchantes.
Je sais bien qu'il faut consommer français, sauver notre patrimoine culturel cinématographique, mais là, c'est au-dessus de mes forces. Fuyez !





samedi 15 décembre 2018

Ma dévotion de Julia Kerninon


La quatrième de couverture nous accueille avec ces deux phrases extraites du roman : " Lorsque quelqu'un est aussi discret que moi, personne n'imagine qu'il puisse avoir un tempérament passionné.Mais -je sais mieux que personne- il ne faut pas juger un livre à sa couverture." Cette entrée en matière fait sitôt retourner l'ouvrage par le futur lecteur. La photo, façon Sarah Moon, empreinte de douceur ( voire gnangnan) qui n'est pas sans rappeler l'atmosphère du précédent roman de Julia Kerninon ( Le dernier amour d'Attila Kiss), dont la belle écriture ne parvenait pas à cacher un montage un peu déroutant, laisse penser à un récit fait pour plaire à une lectrice au célibat forcé. Vous rajoutez un titre aux consonances vaguement religieuses, un énième récit d'une histoire d'amour et l'on peut reposer, agacé, le livre sur la pile et se diriger vers autre chose... Hé bien , vous aurez tort !!! Grandement tort ! Derrière cette avalanche d'effets repoussoirs que l'on peut compléter avec une héroïne fille d'ambassadeur ( encore les tourments des nantis!), se cache en fait, un des meilleurs romans de cette rentrée!
Quelle force romanesque se dégage de ces courts chapitres ciselés par une désormais grande orfèvre du style! L'histoire de cette amitié amoureuse, de cette passion qui ne dit pas son nom, aurait pu sombrer dans la banalité. Mais, Julia Kerninon, parvient avec cette troisième livraison à concilier une écriture digne des plus grands  avec un récit formidablement agencé qui emporte son lecteur sans jamais faiblir. Tout est juste dans cette évocation d'une vie dont l'apparence ordinaire cache mille sentiments forts ( pas forcément les plus nobles). Tout est admirablement décrit, de la chaude Rome à la froide Amsterdam, de l'ascension d'un artiste-peintre à la ferveur contenue d'une femme amoureuse mais discrète. Le lecteur se trouve enlacé dans des mots, des phrases dont la pertinence rivalise avec l'évidente imagination d'une romancière qui soudain, se hisse au plus haut. On avait pressenti cet envol mais là, on est cueilli par autant de perfection.
"Ma dévotion" apparaît donc comme le roman à découvir cette fin d'année avant qu'il ne quitte les étals des libraires, chassé par la rentrée de janvier. Pour tous les amateurs de romanesque, de belle écriture et pour tout ceux qui aiment se laisser porter par une plume talentueuse uniquement mise au service d'une bonne histoire.





jeudi 13 décembre 2018

Têtes à Trap'2 par la compagnie des Gamettes


Attention spectacle pour enfants de 3 à 103 ans !
Vous avez bien lu, tout le monde peut prendre plaisir à ce "Têtes à Trap' 2", moins long qu'une pièce de Claudel ( 45 mn, c'est idéal) mais plus drôle et bien mieux fichu que n'importe quel spectacle pour enfants que l'on propose en ce moment voire que moultes pièces pour adultes.
Le spectateur, en entrant dans la salle, est saisi par le dispositif : un grand gazon en plan incliné constellé de trous lui fait face ... Mais qu'est-ce donc se demande déjà (au choix) le gamin curieux ( si ses parents ont eu la bonne idée de ne pas l'amener avec sa console portative ) ou les géniteurs qui s'attendent à voir deux marionnettes minables au bout d'un fil ? Les hypothèses sont vite closes quand surgissent soudain des trous deux fantômes ahuris et passablement en colère. Bêtement, ils ont creusé et se sont perdus dans ce jardin... Là où un humain se serait jeté sur la géolocalisation de son smartphone, eux, préfèrent en rire et décident de jouer dans cet espace. Le jeu fait partie intégrante de leur personnalité et ils vont s'en donner à coeur joie. Leur imagination se met en transe dès qu'ils aperçoivent une feuille morte et en route pour un voyage complètement loufoque comme peut l'être l'imaginaire des enfants. On rencontrera un prince panda, une poule Cendrillon, des méchantes soeurs chien et chat , une marraine cochonne, le tout dans un château proche d'une forêt très très sombre....
Les deux (excellentes)  comédiennes  (clowns ? ) Samantha Merly et Audrey Ainé, espiègles, drôles, totalement joueuses, entraînent leur public dans la féérie d'un conte sérieusement décalé, attirant l'attention des tout-petits en surgissant aléatoirement d'un trou au milieu d'un décor aussi barré que les costumes, tous vraiment inventifs qu'ingénieux. Les dialogues fusent, pétillent, différents degrés de lecture permettent à tout le monde de prendre un immense plaisir. On est bluffé par le rythme du spectacle autant que par son originalité. Le temps passe trop vite...
Vous l'aurez compris, si ce spectacle passe pas loin de chez vous, exhortez vos héritier(e)s à lâcher leur tablette et foncez voir " Tête à trap' 2", le spectacle pour enfants qui décape ...et qui leur fera sans doute comprendre que le plus beau jeu n'est pas en vidéo ...mais dans leur tête.
PS : La compagnie des Gamettes tourne en ce moment dans l'Ouest du pays....mais espérons qu'elle sillonnera toute la France.


mercredi 12 décembre 2018

Utoya, 22 juillet de Erik Poppe



Attention film à forte émotion ! Le 22 juillet 2011, sur l'île d'Utoya pas loin d'Oslo en Norvège, la ligue des jeunes travaillistes réunit ses jeunes troupes pour un camp d'été mêlant rencontres et réflexion politique. Un facho d'extrême droite de 32 ans sèmera la terreur en tirant sur ces adolescents avant d'être arrêté par la police. Le film a pour projet de marquer la mémoire et entretenir le souvenir de ce sordide attentat.
Basé sur des témoignages de survivants, le scénario nous accroche aux basques d'une jeune fille venant de se disputer avec sa soeur pour une broutille. Sa colère sera soudain balayée par l'arrivée du tueur et par la lutte pour sa survie. Mais durant sa fuite, l'inquiétude de n'avoir aucune nouvelle de cette soeur, grandira...
 En un seul plan séquence de 73 mn (le temps exact de l'attentat avant l'arrivée des premiers secours) la caméra collera à cette jeune fille. Cette performance de mise en scène mais aussi de la jeune comédienne, pourrait occulter le devoir de mémoire, camoufler une certaine réflexion politique de l'événement pour ne se focaliser que sur  son aspect terrifique. ( Certains pourront y voir un côté abrutissant, voire jouant avec l'événement que pour n'en tirer que  son côté horrifique plus vendeur ...). Réellement, face à l'écran, on oublie et technique et cynisme mercantile, pour se trouver réellement, viscéralement, plongé dans l'action, cloué sur son siège, attentif aux balles du tueur selon que la bande son nous les rend proches ou lointaines. Nous ne verrons jamais Anders Behring Breivik ( le sinistre coupable), seulement cette jeune fille éperdue, voulant sauver sa peau et retrouver sa soeur. Alors que quasi aucune violence n'est visible à l'écran, tout se jouant hors-champ, le spectateur vit un moment de terreur pure, sans jamais savoir quel dénouement l'attend. Et lorsque la fin arrivera,  l'heure de la délivrance ne sera que symbolique, le film aura fait son oeuvre ( au risque de réactions de certains spectateurs). Des cartons secs et froids nous rappelleront que cet attentat fut commis par un membre de l'extrême droite, la même que celle qui désormais commence à s'imposer partout en Europe.
La lumière se rallume sur des spectateurs groggy, qu'un film sans concession aura bousculé, terrifié, peut être choqué. Certains y voient un mauvais film exploitant l'horreur, d'autres un vrai témoignage déchirant et marquant. Je penche pour la deuxième version !


dimanche 9 décembre 2018

Fragile de Muriel Robin


Lire les souvenirs d'une personnalité bien vivante, se révèle pour un lecteur un peu ambiguë. Il faut déjà oublier le style, ce genre d'ouvrage, à quelques rares exceptions près, s'affirme rarement comme des oeuvres inoubliables ( même avec la collaboration de quelques auteurs connus, ici Lionel Duroy). Ensuite, on frise le voyeurisme, comme un lecteur de presse people, on a envie de connaître quelques petits secrets, sur la star qui écrit, mais aussi sur les autres stars que notre vedette a immanquablement croisé. Et puis, on se dit aussi : " Mais pourquoi diable, une célébrité éprouve-t-elle ainsi le besoin de s'épancher publiquement ? " ( Si voyeurs, y'a bien un exhibitionniste).  Au mieux, on peut penser qu'elle fait là une sorte de psychanalyse, coucher sur le papier sa vie lui permet peut-être de la mettre mieux en perspective ( même si ce genre de personne a les moyens de fréquenter les cabinets de psychanalystes). La partager avec le public lui donne une image de proximité qu'il ne faudrait pas négliger.  Au pire, on voit aussi un éditeur flairant le bon coup ( XO est un grand spécialiste) pour faire rentrer des pépétes dans sa trésorerie et du coup améliorer ( grâce peut être à un joli à valoir)  l'ordinaire de la vedette qui, le temps de la promotion de l'ouvrage, continue à occuper la scène médiatique.
Muriel Robin, personnalité populaire et très attachante, part toutefois avec un léger handicap : sa vie on la connait pas mal pour peu que l'on ait vu ses derniers spectacles, humoristiques mais tendres, assez autobiographiques ou que l'on ait lu ou écouté ses interviews lors de l'inévitable promo qui les accompagne. Donc son enfance à Saint Etienne, cadette d'une fratrie de trois filles, avec des parents marchands de chaussures, bien plus obnubilés par leur chiffre d'affaire que par regarder et écouter leurs enfants, on connaît bien. Le manque de tendresse qui en a résulté, le mal de vivre que Muriel a traîné toute sa vie, sa bisexualité, l'Alzheimer de sa mère, ses compagnonnages avec Pierre Palmade ou José Dayan aussi ( Paris Match et autres gazettes en ont régulièrement fait leurs choux gras). On ne découvre au final que peu de choses dans ce livre sauf peut être un twist final ( mais sans doute révélé lors de la promo...). Nous sommes également obligés de nous envoyer cette litanie de remerciements à tous les gens qu'elle aime, tous bons, généreux et fidèles qui l'ont ou soutenu ou aimé ou aidé ( mais c'est le genre qui veut ça). Les mauvais sentiments comme la rancoeur, la haine, la détestation n'ont pas de place dans ce genre d'ouvrage ( on ne fait pas de peine aux vivants, surtout lorsqu'ils peuvent demander des comptes) même si par-ci par-là on remarque un ou deux coups de griffes rapides.
Toutefois, le livre n'est absolument pas déplaisant à lire ( surtout la première moitié, celle de l'enfance et des débuts, la suite, entre Porsche et égrenage de la carrière, reste plus convenue). On sent une certaine sincérité dans le propos, qui parfois parvient à émouvoir réellement. On appréciera que Muriel Robin ait choisi de ne pas faire la maline en évitant toute drôlerie dans son texte, le rendant ainsi beaucoup plus sensible, plus près de sa personnalité ( que l'on devine bien complexe, et sans doute point facile). D'ailleurs, si l'artiste se dépeint comme fragile ( d'où le titre), à la lecture de son trajet, les adjectifs "Sensible" ou "Douée" viennent très vite en tête. Pas certain qu'en étant totalement fragile on fasse une carrière aussi belle....Douée, Muriel Robin l'ait assurément ( pour le théâtre, l'humour, l'écriture, la comédie mais aussi la musique, le bricolage, la générosité), mais étant aussi modeste, elle n'aurait jamais osé le mettre en avant.... Et pourtant...

samedi 8 décembre 2018

Marche ou crève de Margaux Bonhomme


Cette semaine, certains films partent avec un handicap certain. Prenez "Marche ou crève"  le premier long métrage sensible et diablement convaincant de Margaux Bonhomme, inspiré par sa soeur.  Pas de joli bébé craquant, pas de chanteur à jeune fille, pas de héros populaire ni même la possibilité de revoir pour la énième fois l'anatomie de Gaspard Ulliel. Son atout : évoquer la place d'une jeune adulte handicapée au sein d'une famille, des rapports aussi tendres que parfois éreintants qui l'animent, source de conflits intérieurs pas toujours avoués. On fait plus fun comme sujet et pourtant, vous trouverez là un film français qui fait honneur au cinéma et que l'on aurait tort de bouder.
Le film se concentre sur deux jeunes filles : l'une Elisa, 17 ans, aux portes de la vie,  sacrifie sa scolarité pour sa soeur. Avec une succession de scènes proches du documentaire, nous assistons au quotidien d'une famille devenue monoparentale ( la mère a fui ce climat trop lourd), monopolisé par Manon qui requiert constamment attention et soins. Handicapée mentale à la motricité entravée, son autonomie est inexistante. Toutefois, par amour autant que par devoir ( ces deux sentiments sont étroitement mêlés), père et fille refusent de la placer dans un centre. Par touches subtiles, avec une bande son qui ne nous épargne rien et surtout pas les cris incessants de Manon, le film nous place au coeur du récit et surtout dans la tête d'Elisa, dont les sentiments deviennent au fil du temps de plus en plus ambiguës. On sent le vécu de la réalisatrice et la sincérité du propos qui n'évacue jamais les bons sentiments pas plus que les mauvais.
Placé au pied ou dans l'escalade ardue et donc métaphorique d'une paroi montagneuse, le récit reste cohérent et émeut avec justesse. Mais ce film possède trois éléments supplémentaires qui doivent vous pousser à le découvrir : ses trois interprètes principaux. Cédric Kahn est parfait dans le rôle de cet homme au devoir paternel chevillé au corps. Mais celles qui brillent de mille feux sont les deux jeunes comédiennes. Diane Rouxel ( après l'excellent "Les garçons sauvages" et le moins convaincant "Volontaire"  que toutefois elle sauvait de sa présence) continue à gravir les marches qui ne tarderont pas à la voir devenir la comédienne indispensable du cinéma français et démontre qu'elle possède une multitude de facettes. Mais, dans un rôle ingrat, sans dialogue, tout en cris, bavements, corps torturé, Jeanne Cohendy ( Manon) livre une interprétation qui confine à l'extraordinaire ( c'est tellement bluffant que j'ai cru pendant tout le film que l'on avait fait tourner une vraie handicapée). Kiberlain, Huppert, Adjani et consoeurs peuvent se rhabiller, aucune ne sera jamais aussi crédible dans un rôle aussi peu gratifiant. S'il y avait une justice sur terre, le César ne peut pas lui échapper ! ( Mais, niveau justice, on le sait...)
Avec son titre d'actualité, "Marche ou crève" est du beau cinéma, avec propos et but vrais et au bout une réelle émotion. Très beau premier film !

vendredi 7 décembre 2018

Ca raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard


Parmi les premiers romans de la rentrée, " Ca raconte Sarah"  fut l'un des plus remarqués et concourut longtemps dans la course aux grand prix sans rafler un gros pompon.
Le roman, divisé en deux parties que l'on peut résumer par : l'amour et après la séparation, ne s'aventure pourtant pas dans l'originalité. Un coup de foudre de la narratrice devient le prétexte pour nous disséquer la passion dévorante qu'elle éprouve pour une autre femme. Est-ce original ? Nullement. La passion, homo ou hétéro, c'est la même ! Mille fois décrites  en mieux ailleurs, PDA ( Pauline Delabroy-Allard) aligne les poncifs du genre : la dépendance affective, sexuelle ( étrange d'ailleurs pour des amours lesbiennes que le clitoris ne soit jamais évoqué  alors que les fesses, les seins, les pénétrations des doigts copieusement mentionnés), la folie des amoureuses, l'addiction totale de la narratrice sans que l'on soit transporté. Certes, il y a un certain dynamisme, ça virevolte même parfois, mais le point de vue reste très égocentré et ne tient finalement que par un possible autobiographique. Ce n'est pas désagréable à lire mais reste dans le genre bien français des amours bourgeoises.
La deuxième partie, située dans un vieil appartement de Trieste, possède un petit côté " Mort à Venise" sans jamais l'utiliser vraiment. A la place, nous avons surtout droit à un faux petit suspens à base d'amnésie ( je le dis et ne le répéterai jamais assez amis écrivains, il faut désormais être un génie de l'écriture pour manier cet improbable et trop facile ingrédient) et surtout à des redites qui finissent par devenir vraiment lassantes.
L'avantage de " Ca raconte Sarah" provient de sa longueur, pas trop de pages et pour quelques lecteurs encore un peu snobs, de sa publication  aux éditions de Minuit , ce qui pour lire dans les transports donne une belle image. Le propos, quant à lui, ne s'extraie jamais d'une certaine banalité et ce n'est pas parce qu'il s'agit d'amour entre deux femmes que cela le rend meilleur ou original, à notre époque, on a dépassé cela. Reste un premier pas complètement déplaisant mais loin des dithyrambes lues ici et là. 

jeudi 6 décembre 2018

Pupille de Jeanne Héry


Quoi de plus vendeur qu'un bébé ? On craque pour les bébés et le cinéma n'y pense pas assez souvent. Avec "Pupille", les spectateurs pourront aller s'attendrir tout leur saoul, surtout qu'en bonus on voit des stars du moment ( Sandrine Kiberlain), de retour ( Elodie Bouchez) ou, encore plus craquant,  mâlissimes  ( Gilles Lellouche) faire gouzi-gouzi avec un nourrisson tout en fossettes et jolies rondeurs. Bien vu ! Mais, hormis ses images tendres, que vaut réellement le deuxième long-métrage de Jeanne Héry ?
L'histoire de ce bébé né sous X et de la chaîne humaine qui se met en place pour l'amener le plus calmement possible vers une adoption plénière, nous est contée un peu comme un joli conte moderne et administratif. Si les deux derniers mots paraissent incompatibles, ils sont pourtant bien présents durant tout le récit. Tout se déroule merveilleusement bien pour ce bébé, de l'accouchement par une jeune femme posément déterminée jusqu'au moment de la rencontre avec celle qui sera sa maman. Les différents protagonistes, de l'assistante sociale à l'éducateur qui prendra en charge le nourrisson restent autant bienveillants que professionnels. Tout coule avec bonheur .... On sent que tout ça pourrait basculer dans la mièvrerie la plus totale ... mais, surprise, le film l'évite finement.
Les acteurs, les stars mais aussi les seconds rôles, sont tous parfaits et surtout le scénario leur a prévu une certaine profondeur, voire quelques petites notes plus acidulées. Du coup, si pour le bébé tout roule, les adultes autour de lui peuvent se débattre avec quelques aléas de la vie, rendant le récit beaucoup moins linéaire et permettant de jolies scènes de comédie ou plus émotionnelles. La construction alternée entre le placement du bébé et le long chemin pour une jeune femme pour voir arriver un enfant chez elle, aide aussi à rendre le film plus subtil. Le spectateur se laisse porter dans cette histoire qui, de par l'actualité ( souligné par les déclarations de Gilles Lellouche dans le dossier de presse ou lors de sa tournée promo), s'avère aussi un remarquable plaidoyer pour les services publics et de leurs personnels, mal payés, mais avant tout attachés à honorer au mieux leur mission. En pleine réflexion autour de l'impôt et de son utilisation, " Pupille" devient presque incontournable et dans la cohorte de productions françaises dans grandes ambitions, prendre la menotte de "Pupille", vous fera passer un agréable moment !



mercredi 5 décembre 2018

Les confins du monde de Guillaume Nicloux


1945. Indochine. Gaspard Ulliel. Assis. Des mains cadavériques. Une allure de jeune homme perdu. En fait, c'est Robert. Soldat. Mayennais donc bouseux. Taiseux aussi. Perdu dans une guerre coloniale. Rescapé d'un charnier dont on le voit s'extraire. Visage buté. Derrière ce regard mi-vide, mi-halluciné, la soif de la vengeance. Venger son frère. Tuer ce chef guerrier adverse. Et la routine de la guerre. Marcher. Guetter. Etre aux aguets dans une jungle poisseuse, humide, moite. Des copains de chambrées. Rudes. Gueulards. Sur les nerfs. La routine de la guerre. Des morts. Des cadavres découpés. Une bite bouffée par des sangsues. Castration, réelle. Symbolique aussi. La pluie, dense. Des bars à putes. Jouir pour oublier la peur. Opium. Fumer pour oublier la guerre. Des prisonniers, dans des cages. Un civil français bavard revenu de tout. La jungle humide. Un collier d'oreilles et de langues humaines. Le danger. L'amitié. La peur. La trahison. Un peu d'amour ? Non, c'est la guerre. Pas d'espoir. Gaspard Ulliel totalement nu. Guillaume Gouix aussi. Des morts encore. Blancs. Jaunes. Des coeurs aussi. Et toujours la jungle. Touffue. Idéale pour cacher un ennemi. Et Depardieu. Et l'esprit de Coppola. Et de Shoendoerffer. Et de Cimino. La guerre. Toujours la guerre. Toujours de la pluie. Du silence oppressant. Des envies de métro parisien. On marche dans la jungle. Coups de fusils. Serpent. La peur. L'amitié. L'abandon. La solitude. Putain, quand ça va finir ?
On sort de la salle. Un peu secoué. Un peu endormi. Un peu groggy. Un peu poisseux. Ai-je aimé ? Oui. Non. Sans doute. Déroutant. Artistique. Barré. Sensible. Beau. Fort. Pas aimable. Cruel. Unique.




mardi 4 décembre 2018

Ma mère est folle de Diane Kurys


Chère Pauline,
Si j'étais un tonton moderne, j'aurai pris mon portable et t'aurai envoyé un sms :" Ma mère est folle ? N'y va pas !" . Comme je ne le suis pas, j'use de ce vieux moyen de communication qu'est la lettre, sans doute parce qu'elle permet de développer un peu plus.
Je te connais, tu aimes trop Vianney, ce chanteur si gentil, si mignon, aux apparences tellement sage que l'on se demande si tout cela n'est pas trop fabriqué pour être vrai. ( D'ailleurs à ton âge, j'écoutais T Rex ou Alice Cooper ... une autre dégaine...mais qui les connait encore ? ) Bref tu risques d'être attirée comme une jolie petite mouche sur une bouse par ce qui t'est présenté comme un film super marrant et follement drôle. Alors, pense d'abord à ton argent de poche de lycéenne... Est-ce vraiment raisonnable de claquer dix euros pour aller voir un film que même les membres du club ciné de l'EHPAD Madeleine Barbulée ( private joke pour les fans de la comédienne) snoberont car eux ont le flair pour repérer ce qui n'a même pas le rythme d'un épisode de "Plus belle la vie". Et puis, ma petite Pauline, pense à l'image que tu récupéreras auprès de tes copains que tu auras aussi traîné voir cette chose car tu apparaîtras comme une has been absolue.
Je t'entends déjà me contredire en bêlant : " Mais y'a Vianney ! Il est si mignon, si gentil, si beau, si... " .  Stop, ma belle ! Je te rétorquerai , car je suis perfide, qu'il y a aussi Fanny Ardant et Arielle Dombasle, stars vieillissantes que tu ne connais pas ...et pour cause....puisque l'une n'a même pas un compte Instagram et que " Les grosses têtes" où se produit l'autre ne risque pas d'intégrer ta chaîne Youtube.  Bien que ton chanteur fasse un tout petit baisser la moyenne d'âge du générique, balance ses répliques pas plus mal que le reste de la troupe, sache qu'il ne chante pas une note. Il faut que tu saches aussi, que tout est au rabais dans le film, du scénario d'une affligeante indigence jusqu'aux costumes, puisque Vianney arbore encore et toujours son pull ras de cou sur petite chemise à carreaux. Alors est-ce bien raisonnable de perdre plus d'une heure trente pour un film minable, qui passera très vite à la télé, dont les deux seules répliques vaguement drôles sont dans la bande annonce et que de toute façon tu finiras bien vite par télécharger pour pas un rond ? Franchement non ! Tu as mieux à faire.... Je ne pense pas que tu ailles voir " Leto"  qui sort le même jour, ce serait alors sans doute un petit miracle, mais amuse-toi avec tes amis, fais l'amour ou envisage un combat social. Déjà, si tu ne vas pas voir le film, tu feras oeuvre de salubrité intellectuelle en ne donnant pas un centime à une énième comédie formatée .... dont on peut se demander qui elle pourra intéresser...( à part les chaînes télés, histoire de boucher un trou de programmation)
Ma petit Pauline, je t'embrasse.... et, si tu y vas, surtout ne me le dis pas  je serai trop vénère... ( C'est d'ailleurs, peut être un terme de vieux maintenant...)
Tonton Pierre



lundi 3 décembre 2018

Origines par le cirque Alexis Gruss


En 2018 le cirque est devenu un spectacle aux formes variées. Il est loin le temps des numéros avec fauves, magiciens, clowns ou trapézistes en habits pailletés kitschs, le cirque du soleil,  le cirque Plume ou Johann Le Guillerm entre autres ont sérieusement dépoussiéré les choses, aidés par la création de nombreuses écoles du cirque et l'apport de la danse contemporaine. Il reste cependant quelques grands noms qui continuent vaille que vaille à perpétuer la tradition tout en cherchant à renouveler un tant soit peu le genre.
Alexis Gruss est l'un de ceux là et son cirque, créé il y a plus de quarante ans avec la collaboration de Sylvia Montfort, continue à nous proposer ses spectacles à Paris porte de Passy ou en France avec sa tournée des Zénith. Le dernier spectacle, "Origines", rompt effectivement avec la tradition en se faisant historien et évoquant les débuts du cirque en Angleterre sous la houlette de Philip Astley. Au 18ème siècle, les seuls numéros de dressage un peu spectaculaires que l'on proposait au public ( il devait bien y avoir quelques chiens savants mais un toutou jonglant avec une balle sur le museau ne suscitait sans doute pas l'émerveillement du public), c'était les chevaux ! Et ça tombe rudement bien pour la famille Gruss, en pleine période d'opposition à l'utilisation des animaux sauvages dans les spectacles, les chevaux sont leur spécialité !


Dresseurs, écuyers, voltigeurs ( mais aussi musiciens, acrobates, clowns, jongleurs, businessmans), les trois générations de la famille Gruss nous offrent un spectacle haut en couleurs et en émotions. Leur savoir-faire auprès des chevaux tient de l'évidence quand on les voit virevolter, assis, debout, sur de magnifiques chevaux, purs-sangs espagnols pour la plupart mais aussi Cob normand ( un genre de percheron en plus fin), dans les nombreux tableaux ( on ne parle plus de numéros désormais !) mettant autant en avant l'histoire du cirque que leur propre histoire familiale faite de transmission. Alors que dans la société les enfants de médecins deviennent de moins en moins médecins, chez les Gruss, on perpétue toujours la tradition. Trois générations se côtoient sur scène, apportant chacune son lot de sensations et de performances, pour certaines à couper le souffle.


On restera longtemps émerveillé par le tableau final de la première partie où, Charles Gruss, debout sur deux chevaux, en fait passer 15 autres l'un après l'autre entre ses jambes pour créer un carrousel magnifique, faisant oublier la difficulté de la chose mais surtout sentir autant la maîtrise d'un savoir-faire unique que le souffle intense de l'amour pour les chevaux et le spectacle !


Plus tard aussi, un tableau d'acrobatie au bout d'une sangle fera frissonner le public aussi bien par la grâce de l'ensemble que par la dangerosité de l'exercice ( Encore un Gruss, Firmin,  accompagné de Svetlana).  Nous sommes en live, pas à la télévision et, ces deux êtres vivants évoluant  au dessus de nous, se tenant parfois juste avec une main ou un pied coincé dans une jambe repliée, susciteront une émotion que bien des effets numériques ici ou là seront bien incapables d'obtenir. 


 "Origines", en plus de son petit aspect historico/pédagogique, c'est du vrai cirque mais avec quelques petites nouveautés, qui, si elles n'apportent pas vraiment un plus à la magie toujours réelle d'artistes ou d'animaux évoluant sur cette piste, lui donnent un côté plus contemporain. On pourra apprécier selon son goût pour la chanson, cette récitante/chanteuse qui accompagne le spectacle mais moins que le formidable orchestre de 10 musiciens. On pensera aussi que si les costumes ont éliminé les paillettes, leur modernisation n'évite pas le kitsch avec l'emploi de leds ou d'imprimés improbables. Mais tout cela n'est que broutilles face aux 2h30 de vrai spectacle que nous offre la très talentueuse famille Gruss. Elle parvient à nous faire oublier les années de travail qui permettent d'obtenir ces performances insensées réalisées tous les soirs. 
Entre magie et émotion, on retrouve, l'espace d'une soirée, l'émerveillement de l'enfance.







dimanche 2 décembre 2018

Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt


"Diamantino" , dans le flot ininterrompu de films markétés, sans consistance ou surnumérisés fait figure d'OFNI ( Objet Filmique Non Identifié). Avec un scénario de série B, brassant un cocktail avec tout ce qui passe à portée, du football aux migrants, du clonage à la montée de l'extrême droite, de l'esthétique queer aux paradis fiscaux, du genre à la surveillance généralisée, le film arrive à surprendre et à retomber sur ses pieds. Tout est improbable, du kitsch assumé de ces pékinois géants apparaissant sur des nuages roses dans le cerveau de ce champion de foot au moment où son génie se met en route jusqu'aux innombrables citations qui raviront les cinéphiles ( d'où peut être le très bon accueil critique réservé à ce film). Tout est surjoué voire mal joué, des soeurs jumelles méchantes de Diamantino ( version revisitée 21 ème siècle des soeurs de Cendrillon) aux comploteuses du gouvernement portugais. Et pourtant, on prend un grand plaisir à regarder ce film totalement déjanté qui ne perd jamais son âme enfantine malgré les lourds sujets abordés montrant un monde qui perd la boule. C'est sûrement  ce regard de sales gosses ne se prenant pas trop au sérieux qui donne au film tout son pouvoir de séduction. On se prend à penser que le cinéma mondial ne va pas sombrer dans un formalisme inquiétant, qu'il existe donc des poches de résistances créatives, drôles et pas si innocentes que ça. Ca fait un bien fou et nous ressortons de la salle un peu plus légers !
Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt, duo américano/portugais, deviennent désormais des réalisateurs dont on guettera avec intérêt la carrière en espérant qu'ils sauront résister aux sirènes commerciales. Si "Diamantino" n'est évidemment pas un grand film, mais une bulle fantasque et délurée, faite de bric et de broc, un pied de nez au cinéma planplan et donc un possible film culte qu'on se repassera pour le plaisir les soirs de disette cinématographique.


samedi 1 décembre 2018

Lola et ses frères de Jean-Paul Rouve


Quel producteur a-t-il pu penser une seconde que "Lola et ses frères" possédait une quelconque attractivité commerciale ? Comédie mélodramatique aux ressorts usés, cette oeuvrette pourtant pas plus mal fichue qu'une autre ( et si l'on considère le flot de comédies ratées sortant ces derniers temps, celle-ci s'en tire un peu mieux) laisse tout de même pantois. Sur un scénario mille fois vu ( les relations forcément complexes au sein d'une même fratrie), Jean-Paul Rouve parvient juste à nous faire sourire de temps en temps mais installe le spectateur dans un confort pépère lénifiant. Pourtant le film possède un minimum de qualités. Les comédiens jouent avec talent la petite partition mise à leur disposition. On est content de retrouver Ludivine Sagnier, José Garcia dans un rôle sérieux convainc avec aisance, Ramzy Bédia en amoureux sympa épate et l'on découvre même Pauline Clément formidablement drôle dans le rôle pourtant casse-gueule de l'épouse un poil idiote. Mais pourtant on regarde cela avec l'oeil morne, pensant dès les premières minutes que cela aurait au mieux convenu à une vision dans son canapé, devant sa télé, un soir, après le boulot. Même esthétique téléfilm, même propos vaguement teinté d'humour mais surtout très convenu, même mise en scène platounette. Si l'on est de très bonne humeur, on peut penser que Jean-Paul Rouve tente de faire du Claude Sautet en plus drôle mais surtout en moins amidonné du caleçon. Si l'on n'arrive pas à se débarrasser d'un certain esprit critique, on se dit que c'est la dernière fois que l'on ira au cinéma voir une production française usant encore plus une corde mille fois utilisée ( et qui risque de rompre).
Parfois, on se dit que le cinéma français devient de plus en plus une machine à produire du contenu pour télévision qui vise surtout à n'épater personne, et surtout à endormir les spectateurs en lui montrant de bons acteurs s'agitant pour faire oublier le vide...


mardi 27 novembre 2018

Sauver ou périr de Frédéric Tellier


Franck, le Héros du film ( oui avec majuscule)  est pompier, vous savez ces personnes qui encore en France font preuve à la fois de courage, d'abnégation et d'empathie. Volontaire, sérieux, sa passion lui fera vite monter les échelons jusqu'au jour où, lors de l'incendie d'un entrepôt, voulant sauver une partie de son équipe coincée au milieu des flammes, il sera très gravement brûlé. Sa carrière prend fin et nous le retrouvons sur un lit d'hôpital, dans le coma. S'ensuivra une lente rééducation pour retrouver un semblant de vie... Mais Franck est fort, courageux, ...
Franck, c'est Pierre Niney, acteur phare de la nouvelle génération, totalement investi dans le rôle ( il a même reçu, suite à ce tournage,  une décoration honorifique remise par le général commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et la ministre des armées, ....bon....il est première classe). On le voit, fin et musclé, grimper à la corde, s'entraîner rudement, le regard fier et ardent. Puis, plus tard, bandé des pieds à la tête, le regard toujours incandescent, luttant contre la souffrance physique et morale d'un lent processus de remise sur pied. Rien à dire sur son interprétation, il est plus que parfait, autant dans l'action que dans la reconstruction. Il porte le film sur ces épaules, heureusement musclées pour l'occasion. Le film fonctionne grâce à lui, parce qu'autour, le moins que l'on puisse dire, c'est un peu le désert. Si la caserne de pompiers puis l'hôpital assurent un décor signifiant que dire de tous les seconds rôles tous assez inexistants. Anaïs Demoustier joue comme elle peut les utilités ( difficile de faire exister un rôle de sage petite instit mignonne et gentille) et les autres se contentent d'être là en décoration. Le scénario ne s'écarte pas d'un centimètre d'un parcours maintenant bien balisé au cinéma, celui du lent cheminement vers une guérison (  on pense pas mal à " Patients"  ) et reste très sage ( comme l'instit ).
"Sauver ou périr" grâce à la performance de Pierre Niney, se regarde sans trop d'ennui mais  emprunte sagement une voie rendue banale à force de trop vouloir lisser le propos. Reste toutefois un bel hommage à cette profession indispensable... Alors, en cette fin d'année, en plus du calendrier, pourquoi pas le film ?


dimanche 25 novembre 2018

Aga de Milko Lazarov


Marre des productions françaises plus formatées pour la télé que le cinéma ?  Epuisé par cette débauche d'effets numériques de production US grand public ? Et si vous vous laviez les yeux et l'esprit en choisissant d'aller voir un film bulgare se déroulant en Lakoutie ? Pour ceux que la géographie au-delà de nos frontières reste obscure, cette région ne se trouve nullement en Bulgarie mais au Nord-Est de la Sibérie, un Grand Nord avec seulement de la glace et de la neige comme paysage.
Dans ces étendues arctiques, vous passerez une heure trente en compagnie d'un vieux couple et de leur chien. Dans cette immensité uniformément blanche, la vie s'écoule lentement, entre pêche et pose de pièges, entre cuisine simple et tannage de peau. Un avion striant le ciel de sa traînée de fumée nous indique que nous sommes au 21 ème siècle. Dans leur habitat rudimentaire, Nanouk ( hommage évident au film de Flaherty) et Sedna, reproduisent des gestes ancestraux, immémoriaux. Entre ces deux-là, l'immense complicité qui les lie exprime l'amour dans sa plus belle simplicité. Malgré l'apparence documentaire d'"Aga", le scénario place des éléments d'histoire qui emportent le film dans l'essentiel de l'humanité : la vie, l'amour, la mort, éléments fortement imbriqués. Nous sommes loin des valeurs libérales actuelles : consommation, argent, technologie, valeurs qui ont attiré la fille de nos deux héros.
Avec un format 35 mm qui joue magnifiquement avec ces étendues uniformes sans jamais tomber dans une esthétique appelée de nos jours Instagram, "Aga"  nous invite à réfléchir sur nos vies modernes et sur la mort inéluctable qui nous attend comme sur celles de ces peuples premiers qui s'éteignent peu à peu. On ne peut qu'être ému par l'infinie humilité de Nanouk et Sedna, beaux et touchants face à un monde qui ne les regarde plus, ne les comprend plus.
Malgré un scénario ténu, le film parvient à dire beaucoup, sans pathos, sans effets numériques grâce au regard empathique d'un réalisateur un peu ethnologue et ayant un grand sens de l'humanité.


samedi 24 novembre 2018

Laurent le flamboyant de Julia Woignier


Ce roman, pour les enfants qui commencent à bien lire ( donc à partir de 7 ans ) se présente comme un joli objet coloré jusqu'à la tranche, parée d'une belle teinte rouge. Côté appétence à ouvrir le livre, c'est gagné. L'intérieur, amplifie la première impression, des illustrations qui fleurent bon la nostalgie des ouvrages des années 50/60 ( une spécialité des éditions MeMo), rythment joliment le texte pendant 76 pages.
L'histoire, le plus important quand même, se déroule dans la jungle de Sumatra où un brave ourang-outan se fait un drôle de cinéma dans sa tête. Il rêve, en déposant au pied de l'arbre où il vit de la tarte aux litchis de sa fabrication, d'attirer des petits enfants, parisiens si possible. Sauf enfants de hipster en vacances dans le coin, la probabilité qu'une Marie-Liesse ou un Jean-Octave apparaissent, reste de l'ordre du rêve. Une fourmi, voisine de Laurent, profite de l'aubaine pour s'empiffrer et surtout faire un peu marcher le grand singe en lui faisant espérer une venue possible de quelques blondinets ( habillés Bon Point ? ) s'il change d'appât. De déception en découragement, les rêves en prennent un coup. Mais si, on se secouait un peu et que l'on mettait toute son énergie pour essayer d'atteindre ce rêve?
Mignonne en apparence, l'histoire, avec une écriture voulant sortir des sentiers (re)battus du genre, surprend un poil. Dans un style qui se la joue sautillant, usant de jeux de mots, jouant avec les caractères ( d'imprimerie) comme avec l'anthropomorphisme, s'égarant un peu dans des détails étranges, des allusions vieillottes ayant trait à l'enfance, des citations sans doute datées pour les enfants ( citer l'oeuvre lyrique de Joséphine Baker donnera-t-elle un plus culturel à notre jeunesse ou lui passera-t-elle largement au-dessus? )  l'histoire avance cahin-caha. Parfois on se demande si l'auteure n'a pas utilisé les litchis en cigarettes... Un sentiment de trop plein envahit le texte au détriment de ses personnages, rendant la lecture moyennement emballante. Le dossier de presse ( très beau) accompagnant l'ouvrage, s'il essaie de bien resituer ce roman dans la production mainstream actuelle, n'évite pas de s'égarer lui aussi dans des considérations pas mal amphigouriques, vraisemblablement fort bien pensées et encore plus vraisemblablement destinées à un coeur de cible bien précis ( Kevin lâche ce livre et rend-le à Paul-Edouard !).
"Laurent le flamboyant", en met plein les yeux avec ses illustrations pimpantes. Pour l'histoire, je reste sceptique car il n'est pas certain que le lectorat auquel il s'adresse soit d'emblée réceptif à ce style débridé qui paraît surtout faire plaisir aux adultes.

Merci au site BABELIO et aux éditions MeMo pour la découverte de ce roman.

jeudi 22 novembre 2018

Les bonnes intentions de Gilles Legrand


Le film démarre par le pompeux jingle de la Twenty Century Fox. Tout de suite remontent en mémoire "Sept ans de réflexion" ou " The full monty" ( pour ne parler que des comédies). On se cale dans son fauteuil, un peu curieux quand même de voir ce que donne ce parrainage insolite pour une comédie française aux allures banales. Après un générique un cran au-dessus de l'habitude ( celui de fin sera mieux fichu) et une ou deux répliques drôles ( celles de la bande annonce .... " J'ai une petite bonne malgache" ..." Pourquoi petite ? Elle est naine ? "), le désenchantement arrive vite. Ce portrait d'une bourgeoise de gauche, gauche, gauche, pleine d'empathie pour la misère du monde, dévouée jusqu'à l'écoeurement ( de sa famille mais très vite aussi des spectateurs, tellement son cabas pour le secours populaire est chargé), se prend très vite les pieds dans le tapis. Ce qui apparaissait au départ  pour un film luttant contre les préjugés, devient une comédie lourdingue qui accumule les clichés. Le scénario passe loin de son sujet initial pour s'achever dans un final qui essaie de faire larmoyer le public sans y parvenir, perdu depuis bien longtemps par une intrigue de passage de permis de conduire par des élèves étrangers du cours d'alphabétisation de l'héroïne particulièrement basse de plafond. Agnès Jaoui, cabotine un max ( normal, elle ne fait que reprendre un rôle qu'elle a beaucoup joué) au milieu d'une chinoise qui propose des massages intégraux, d'un roumain évidemment magouilleur, d'une bulgare pute ( Oh, GiedRé au cinéma !) ou d'un africain qui connaît mieux Fleury-Mérogis que les salles du centre social du coin. On reste de marbre ( ou presque, car on peut sourire parfois ici ou là) devant ce petit monde qui s'agite vainement.
Je ne suis donc pas certains que les bonnes intentions annoncées soient franchement à la hauteur. On voudrait être gentil avec un film qui essaie d'en afficher, mais quand on voit le résultat, avec la meilleure volonté du monde, on ne peut pas.


mercredi 21 novembre 2018

Amanda de Mikaël Hers


Convaincre d'aller voir toute affaire cessante ( tout du moins tant que le film est encore à l'affiche) "Amanda" , peut s'avérer compliqué. Le thème, pas des plus fantaisistes, autour d'un attentat parisien ( ici au bois de Vincennes en plein été) et du deuil qui s'ensuit pour de nombreux parisiens et surtout pour un grand adulescent et sa nièce qui ont perdu leur soeur ou mère, laisse présager une histoire mal aimable, larmoyante, dure, que l'on peut ne pas avoir envie de se faire conter alors que l'hiver est là. Mauvaise pensée, le film n'est rien de tout cela, simplement lumineux, sensible, ensoleillé, bruissant de l'empathie d'une caméra caressant ses interprètes sans jamais tomber ni dans le mièvre ni dans le mélodrame, cueillant au vol leurs émotions, tout en retenue.
- Mais, il y a pourtant Vincent Lacoste, notre grand dadais comique, qui doit bien arriver à nous faire sourire non ?  pensez-vous en scrutant la distribution.
Certes il occupe tout l'écran pendant 1h45, mais mauvaise nouvelle pour les amoureux de la poilade devant une comédie française, Vincent Lacoste aborde pour la première fois un vrai rôle dramatique ( même si cette année on l'a vu dépressif ou homo amoureux, les réalisateurs lui avaient quand même aménagé des saillies humoristiques). Et si l'on sourit devant son impeccable interprétation, c'est uniquement par sympathie pour son personnage qui fait face à l'adversité avec une fausse bonhommie, laissant juste transparaître avec pudeur sa peine, son désarroi. Son jeu sensible d'étonné et de désarmé fait merveille.
Mais "Amanda" ne se limite pas à son interprète principal. Isaure Multrier nous ravit aussi dans un rôle de vraie petite fille ( pas une sorte de chienne savante espiègle et un tantinet tête à claque que les directeurs-trices de casting nous fourguent habituellement) et le reste de la troupe est au diapason ( avec une très belle scène finale avec le retour de Greta Scacchi). Et puis, il y a la grâce de Mikaël Hers, qui possède un vrai regard de cinéaste, un vrai univers aussi, mêlant la nature, la ville ( Paris comme on le voit rarement à l'écran), la vie, pour nous donner un sentiment de douceur ( apparente car dans les têtes, c'est aussi le chaos).
Film sur la résilience, les liens affectifs , parentaux ou pas, sans esbroufe de scénario, avec une émotion à fleur d'écran,  "Amanda"  étincelle sur l'écran, nous bonifie et nous fait aimer la vie malgré l'adversité. Un coup de coeur !


mardi 20 novembre 2018

Anatomie de l'amant de ma femme de Raphaël Rupert



Ce premier roman a obtenu le prix de Flore. Est-ce donc avec Adeline Dieudonné et David Diop ( tous deux primés cette rentrée), mais aussi Nicolas Mathieu ( Goncourt pour un second roman)  l'arrivée d'une nouvelle vague de romanciers prêts à tailler des croupières aux anciens qui s'accrochent désespérément ? On peut le penser tellement chacun de ces écrivains arrivent à créer un univers bien particulier autour de sujets qu'ils osent triturer sans complexe.
"Anatomie de l'amant de ma femme" se pose déjà en roman original au milieu de ses confrères, il vise à faire rire ( sourire) son lecteur. Il est rare qu'une oeuvre humoristique soit couronnée ( même si le prix de Flore n'arrive pas encore à rivaliser avec Médicis et autre Renaudot ). Et si l'on rajoute qu'il est beaucoup question du sexe plutôt long et vigoureux d'un dénommé Léon, amant de l'épouse  soudain comblée du narrateur, peut être que l'intérêt grandira...  Quoiqu'il en dise, un(e) petit(e) cochon(ne) sommeille dans chaque lecteur-trice.
Ce qui peut toutefois calmer ces ardeurs de découverte,c'est sans doute que, hormis ce prétexte égrillard, le roman reste surtout centré sur la création littéraire. Le narrateur essaie d'écrire un improbable roman dont il ne maîtrise ni l'issue ni même l'exacte portée. Posé devant sa page blanche, il s'interroge beaucoup sur son travail d'écrivain, faisant appel à quelques maîtres du genre ( Proust, Kafka, Kundera, Melville, Tolstoï, Guyotat, ...), son esprit vagabondant. Mais, il est certain que la découverte via le journal intime de sa compagne, qu'un amant, Léon, la satisfait énormément plus que lui grâce à un long sexe vigoureux, va changer le cours de ses réflexions. Entre l'enquête pour savoir qui est ce Léon et ses réflexions sur les rapports littérature/sexe, notre narrateur explorera toutes les zones d'ombres de l'interrogation masculine quant à la virilité ou la pornographie.
Avec causticité, avec humour aussi, mais sans jamais rien lâcher d'une vraie culture littéraire, Raphaël Rupert joue avec les codes de l'autofiction autant qu'avec ceux du vaudeville ou des scénarios de films pornographiques. L'ensemble se lit agréablement sans toutefois convaincre complètement, comme si la sauce entre cette vraie culture universitaire et le prosaïque de la taille du membre de l'amant avait quand même du mal à se mélanger, à l'image du roman écrit par le narrateur qui essaie de lier Shoah et pétomanie.
"Anatomie de l'amant de ma femme", correspond tout à fait aux désirs de son éditeur, "L'arbre vengeur", de ne publier que des oeuvres insolentes et exigeantes, chacun de ces deux derniers termes pouvant servir de repoussoir pour certains. Original, pas complètement réussi à cause de quelques redites et d'une fin un peu vague, humant le hipster parisien, ce premier roman possède le culot de ceux que rien n'arrête et pour cela, on peut se laisser tenter ! 

dimanche 18 novembre 2018

Inexorable de Claire Favan



Le polar débute par une préface écrite par le fils de l'auteure nous précisant que ce qui va suivre est en partie inspiré de sa vie. Tout de suite on comprend que l'école et ses professeurs à la vue basse et à la psychologie moins que basique va en prendre un coup. Des mots sont lâchés, enfant handicapé, différence, harcèlement, ... Le sujet est largement entendable et honorable dans une société ( et une Education Nationale) qui se gargarise de "Bienveillance", de " Confiance",d' " Epanouissement" . On le sait, plus ces mots sont prononcés, moins ils auront d'effets, car servant uniquement de cache-misère.
Donc Milo, 4 ans au début du roman, vit avec sa mère Alexandra ( blonde et très jolie) dans un petit pavillon de banlieue. Le père, Victor, ex militaire ( beau, grand et musclé) est souvent et longtemps absent car travaillant à l'extérieur. Peu importe que ces missions lointaines ne rapportent que des clopinettes, elle l'aime sans trop se poser de questions ( belle mais un peu sotte quand même). Une nuit, la police fait irruption dans la maison et arrête violemment Victor. Dénoncé par une ex maîtresse d'avoir pillé de nombreuses bijouteries, il sera jugé ( aux frais d'un patron inconnu, ce qui arrange la belle Alexandra, tirant le diable par la queue) puis emprisonné. L'épouse tombe des nues... ( Y'a des naïves quand même) et Milo, traumatisé par l'arrestation musclée de son père, certes musclé lui aussi mais à l'image soudain altérée, devient un petit garçon violent à l'école et crachant la Chocapic à la figure de sa mère. S'ensuivront des années de galères en milieu scolaire pour le gamin et sa pauvre maman ( qui ne perd rien de sa beauté). Le père, une fois libéré, a du mal à renoncer à ses occupations dans la bijouterie. Le beau voyou, le meilleur dans sa branche, intéresse diablement une organisation de malfrats. Seul rayon de soleil dans cet univers sérieusement vermoulu, Franck, le voisin de la famille, policier et ... très beau.
Je n'en dis pas plus. Rassurez-vous, au cas où vous auriez envie de connaître la suite, ce résumé ne concerne que le premier quart du roman, mais le reste sera du même tonneau, peu passionnant et sans nuance. Les amateurs de polar seront tout d'abord décontenancés par le manque d'intrigue réellement policière pendant les deux tiers du récit. Ceux qui ne se lasseront pas de cette litanie de misérabilisme scolaire et  psychologique assénée à l'emporte-pièce façon scénario de sitcom ( tant au niveau de l'écriture... si on peut parler d'écriture ... que de l'enchaînement rapide des actions), découvriront une pseudo enquête autour de jeunes filles assassinées à base d'amnésie ( cliché  pour écrivain pas vraiment inspiré) qui fera vite long feu et laisse pantois.
On voit bien ce qu'à voulu faire l'auteure : un plaidoyer pour l'intégration des enfants dits "différents" ainsi qu'une analyse ( heu, ici c'est un bien grand mot pour le brouet qui nous est servi) de la relation mère/enfant, ( avec cette question essentielle : Jusqu'où peut-on aller par amour ?) emballé dans une sorte de spirale infernale. Jouant lourdement avec  la corde sensible du lecteur et tombant tout de suite dans une rhétorique de roman de gare couplée avec une psychologie de bazar, l'ensemble apparaît franchement décevant. N'est pas Ruth Rendell qui veut ! ( Ou pire, on a en 2018 les Ruth Rendell qu'on mérite). 

samedi 17 novembre 2018

Les chatouilles de Andréa Bescond et Eric Metayer


Le sujet des "Chatouilles", de par son côté autobiographique et l'évidente sincérité qui en découle, reste inattaquable. Traiter des agressions sexuelles subies par la petite Odette durant son enfance, les dégâts psychologiques qui fatalement en résultent, puis, à l'âge adulte, la lente reconstruction pour parvenir à vivre à peu près normalement, ne peuvent que révolter, émouvoir.
Andréa Bescond, auteure, réalisatrice et comédienne ( elle joue Odette adulte) choisit pour son témoignage, en plus de s'attaquer frontalement au problème sans jamais de voyeurisme, qu'il soit aussi empreint d'un certain optimisme ( la résilience est possible) et d'une bonne dose d'humour.
Pas facile de mélanger abus sexuel sur enfant, optimisme et drôlerie ! Accompagnée par Eric Métayer à la réalisation, le film peine un peu à trouver son unité. Disons que le scénario ressemble à un burger : Deux tranches de narration dérangeante, intense, autour des abus subis durant l'enfance et du procès, et au milieu la narration éclatée, un poil clinquante, dansante, rêveuse, de l'Odette devenue adulte et se débattant pour essayer de (sur)vivre.
C'est cette garniture, prise en sandwich par les deux moments de grande intensité que sont l'ouverture et le final du film, qui pêche un peu. La caméra a beau virevolter dans tous les sens, la mise en scène jouer l'esbroufe en mélangeant les temporalités, en rajoutant de la danse, des sketches énervés ( on sent l'adaptation théâtrale), l'ensemble, à force mélanger les saveurs, peine à convaincre.
Cependant, on appréciera les comédiens ( courageux) comme Pierre Deladonchamps ( de plus en plus indispensable au cinéma français) et Karin Viard qui endossent des rôles de méchants avec talent et surtout un propos courageux, propre je l'espère, à faire émerger des paroles, des secrets enfouis au plus profond d'êtres brisés. Rien que pour cela "Les chatouilles"  mérite d'être vu, montré, discuté, même si ce n'est pas de la grande cuisine cinématographique, le thème l'emporte sur la réalisation.


mercredi 14 novembre 2018

Le verdict de Nick Stone


Tout en impose dans ce polar ! L'épaisseur ...720 pages tout de même..., le titre sec et précis,  mais aussi la photo, ni sexy, ni fun, qui, avec cette perruque poudrée mise en avant, laisse augurer un roman d'un long classicisme vraisemblablement situé dans un prétoire, très loin des soubresauts trépidants d'un thriller haletant. Pourtant, si l'on scrute la quatrième de couverture, le terme " thriller" y est bien noté... et à juste raison, car les pages se tournent avec fébrilité jusqu'au bout.
Le départ de l'intrigue joue avec le classicisme. Une jeune femme est retrouvée nue, étranglée dans la suite d'un hôtel. Tout porte à croire que le coupable n'est autre que Vernon James, fraîchement élu "personnalité éthique de l'année" mais également occupant de cette suite. Ce beau, riche et séduisant quarantenaire mis sous les verrous va faire appel à un célébrissime cabinet d'avocats londoniens pour le sortir de là. Tout porte à croire qu'il est le coupable. Le roman ( et surtout le staff qui assure sa défense) s'ingéniera, au minima à contrer les preuves de l'accusation, au mieux à prouver son innocence.
Rien de bien neuf donc dans cette l'intrigue ? Si, quand même, car un deuxième personnage principal va attirer notre attention, le greffier du cabinet d'avocats, Terry, qui n'est autre que son grand ami d'adolescence. Entre les deux hommes, il y a un passé, trouble, de vieilles histoires autour d'un assassinat mais aussi d'une affaire de vol. De vieilles rancunes lient les deux hommes qui ne se sont pas vus depuis vingt ans... Nick Stone, l'auteur, laisse judicieusement quelques zones d'ombre sur ce passé, donnant ainsi un ressort supplémentaire à une intrigue qui n'évite pas l'emprunt des sentiers rebattus de l'enquête judiciaire composée de recherches minutieuses de détails incohérents au milieu d'un flot d'analyses d'experts et de dépositions de témoins.
Divisé en trois parties distinctes, la mise en place de l'intrigue, les recherches, le procès, le roman techniquement bien fait,  vous attrape dès les premières pages. On les tourne, on les dévore, on a envie de savoir, on s'étonne, on s'interroge. Même si quelques pistes semblent s'estomper sous les rebondissements ( nombreux), les morts soudaines ( l'enquête va se révéler dangereuse pour les protagonistes) , voire les poursuites dans un Londres en pleine effervescence sociale, vous emmènent jusqu'au bout de la nuit. Le lecteur prendra plaisir aux scènes de procès, classiques certes, mais ici empreintes d'incertitudes car l'auteur s'est ingénié à ne pas tout nous dévoiler sur les conclusions des diverses enquêtes. Seule peut être une fin inattendue et surtout ses conclusions rapides déçoivent un peu ... mais, les développer nous aurait conduit à un roman de 1000 pages. Qui de nos jours achèterait un polar aussi volumineux ?
Ne vous laissez pas impressionner par la grosseur du volume, "Le verdict" tient la route et saura vous passionner un bon moment, sans pour autant bousculer le genre. C'est tellement  plaisant de temps en temps de retrouver l'ambiance des prétoires et ses confrontations de témoins... Si vous aimez le genre, ne vous en privez pas !

Merci aux éditions Gallimard et au site BABELIO pour cette découverte.


mardi 13 novembre 2018

High Life de Claire Denis


Après avoir tâté de la comédie ( "Un beau soleil intérieur" de sinistre mémoire), louons l'éclectisme de Claire Denis de nous proposer un film apparemment de science-fiction. Des réalisateurs qui osent s'essayer ( ou parviennent à trouver des producteurs ) à des genres bien définis, se comptent en France sur les doigts d'une main. De plus entraîner à sa suite deux stars internationales comme Robert Pattinson et Juliette Binoche ne peut que créer une envie de foncer au cinéma.
Le résultat s'avère... étonnant. Avec un maigre budget, ( nous ne sommes pas dans "Gravity" loin de là), dans des décors que l'on devine faits de bric et de broc et  un récit éclaté pour suggérer un certain mystère, la science-fiction fait long feu et laisse la place à ce qui semble être une réflexion sur l'humanité, son animalité et son obsession à se lancer dans des dérives scientifiques improbables.
Dans des décors minimalistes, déambulent Bob Pattinson et sa fille, née d'expériences d'un certain Docteur Dibs, joué par une Juliette Binoche aux longs cheveux noirs, sorte de mix entre médecin fou et sorcière sexy. Dans ce vaisseau en forme de boîte,  des humains ( volontaires ?  Prisonniers envoyés explorer le système solaire ? ) se sont laissés allés à leurs instincts primaires, c'est à dire à la violence et au sexe ...mais sous forme de pulsions jamais assouvis avec un partenaire. Pour se libérer de ce trop plein d'excitation, un passage dans la chambre aux délices, sur un fauteuil de tous les fantasmes, seul(e) avec ( ou sans ) godemiché, peut toutefois s'envisager. De vol de sperme ( Binoche endort tous les passagers afin de voler de la semence masculine pour l'inséminer aux jeunes femmes présentes ) en bagarres haineuses, le film avance cahin caha dans un voile ésotérique qui obscurcit de plus en plus le propos ( dans tous les sens du terme ) et finit par lasser le spectateur. Ils errent dans l'espace, cherchant je ne sais quel trou noir et nous, pauvres spectateurs embarqués, sentons l'ennui nous envahir, à l'image de Bobby Pattinson, affichant un air de plus en plus dubitatif. Que fait-il là ? Que faisons nous là ? Il fait des guili guili, joue les chevaliers taciturnes et abstinents ( donc peu de dialogue et une tête inexpressive) pendant que Binoche joue de ses (faux) longs cheveux en essayant de garder un air à la fois inspiré mais inquiétant. La narration se dilue dans l'espace, la confusion règne. Le film s'achève abruptement, le rendant encore plus obscur.
Reste cependant une geste cinématographique quelque part audacieuse, destinée sans doute à quelque élite possédant un trousseau de codes divers et variés pour décrypter le tout. Claire Denis gagne déjà sur le chapitre de la curiosité filmée....


dimanche 11 novembre 2018

Mister Black de Miguel Pang et Catalina Gonzalez Vilar


S'il y a bien un secteur en littérature qui s'est emparé de la chasse aux clichés et aux stéréotypes, c'est, avec raison, le secteur jeunesse. Tout en gardant les personnages favoris des enfants ( dragon, sorcière, prince, princesse, loup, ...), cela fait maintenant quelques années que pas mal d'éditeurs offrent enfin une alternative aux loups méchants, aux princesses soumises et ...aux vampires noirs.
Quoi de plus noir et inquiétant qu'un vampire ? Mister Black, le héros de cet album, semble posséder tous les éléments de son genre : dents pointues, costume sombre et habitant dans un château lugubre d'une région sinistre. Ca, c'est pour les apparences. Si l'on pénètre dans son intérieur, on s'aperçoit, qu'en privé, loin des regards, Mister Black adore le rose, cette couleur soit disant pour les filles . Même si certaines marques pour hommes proches du milieu rugbystique proposent depuis des décennies cette couleur aux mâles dominants, il faut l'avouer, le rose reste collé au genre féminin. Interrogez des enfants de trois ans sur les couleurs, invariablement, ils vous diront que "le rose, c'est pour les filles!" même pour des garçons portant un polo de ce coloris ( les parents peuvent être audacieux parfois ou plus simplement fashions, ce qui, hélas, ne chasse pas toujours les clichés).
Mister Black, lui, tout vampire qu'il est, ose aller vers ses penchants profonds, pas ceux auxquels on pense, uniquement dans l'intimité car il sait ce que les regards autour de soi peuvent avoir de méchant pour les gens soi-disant différents comme lui qui aiment...le rose. Evidemment, un jour, son secret sera éventé. Mister Black deviendra la risée du voisinage, sera moqué, violenté dans son intérieur, ostracisé ... ( ça rappelle de vilaines choses non ? ) et, du coup, se réfugiera dans la vrai méchanceté...
L'histoire vire vraiment au noir, passant par un climat de violence un peu horrifique comme tout bon compte. C'est fort bien vu, surtout que la dernière partie verra un retournement de situation qui, s'il permet une amélioration de la situation, n'empêche pas l'enfant d'effleurer le constat d'une société assez malveillante qui pourrait se regarder soi-même avant de juger les autres.
Très bel album grand format, "Mister Black" raconte une vraie histoire et joue finement sur la différence et les stéréotypes, tout en permettant à l'enfant d'en prendre plein les yeux grâce à des illustrations un peu particulières, sombres et aux formes arrondies. Une vraie réussite pour ces deux auteurs que sont Miguel Pang et Catalina Gonzàlez Vilar.

samedi 10 novembre 2018

Lubin pourfendeur de dragons ( ou presque) de Laurent Souillé et d'Eléonore Thuillier


Princesse, prince et dragon, ce trio a beaucoup servi dans les contes pour enfant. En général, la princesse se trouve enfermée dans une tour ( mais pourquoi ? Aurait-elle commis quelque faute horrible ? Ou est-ce plutôt qu'on l'imagine uniquement belle, fragile, opprimée et sans doute un peu niaise ? ). Le prince lui, drapé de pseudos vertus viriles ( le courage, la force et la vanité) vient la délivrer pour la mettre dans sa couche ( une belle niaise fragile, c'est tout bon) ...heu non pour se marier ....pardon. Sur son chemin le prince aura trouvé un dragon, méchant à souhait, haut comme trois étages et crachant du feu à enflammer tout le Péloponnèse. En trois coups de sa petite épée, il trucidera l'animal, son gigantisme ne faisant pas le poids face à la virilité d'un jeune mâle en quête de princesse ( et pour peu que celle-ci ait observé le combat depuis une meurtrière, la vaillance la fait pâmer, évitant au damoiseau de compter longuement fleurette).
Tout ça, c'était avant... Avant le féminisme, Meetoo, la  prise de conscience que les stéréotypes s'installent dès l'enfance et Lubin. ... Mais qui est Lubin ? Ben, le héros de cet album, un prince, nourrit de ces contes et qui y croit. Sauf que la vie c'est autre chose. Norbert, le dragon qui vit dans la contrée voisine, est plutôt du genre lecteur de Télérama, pas guerrier pour deux sous, préférant lire des polars ou tricoter et utilisant ses crachats enflammés pour faire réchauffer son repas. Quand Lubin, se trouvera face à lui en armure, car faut pas exagérer, il veut bien trucider un dragon pour plaire à la princesse Fantine, mais il fait gaffe à sa peau quand même, l'histoire tournera en eau de boudin. Lubin est un gars qui ne sait pas se battre et se verra obligé de trouver d'autres moyens pour séduire la princesse ....qui apparaîtra au final, bien plus finaude et moins éprise de clichés que prévu.
Laurent Souillé et Eléonore Thuillier, les deux auteur(e)s de ce joli conte bien senti, font mouche. Le texte, tout en clins d'oeil légers, divertit par sa drôlerie et se trouve magnifié par de très classiques mais très colorées et franchement réussies illustrations.
Alors, jetez ces contes machistes qui ne peuvent rien donner de bon dans la construction de nos générations futures et devenez un pourfendeur des stéréotypes en adoptant séance tenante Lubin, qui , tout en reprenant les codes du genre, s'amuse pour le plus grand plaisir de tous à les détourner avec gaieté et humour.

vendredi 9 novembre 2018

Les grrr de Clémence Sabbagh et Agathe Moreau

Une petite tache d'encre rouge, quelques traits fins noirs et hop voici les Grrr. Les Grrr, comme leur nom l'indique, sont grognons, n'aiment rien , trouvent tout trop moche ou trop froid ou trop pénible... C'est bizarre ça me rappelle quelqu'un... Les Grrr ont beau faire de la cuisine, se promener, faire du sport, ça ne va jamais... Oui, ça me rappelle vraiment quelque chose... En gros, les Grrr grognent pour tout et pour rien... Ah ! j'y suis, je sais à qui ils me font penser ces Grrr, à mes (petits) enfants, un jour gris de pluie de novembre quand les parents n'ont envie de rien non plus sauf qu'on les laisse tranquilles... Laissons-les s'ennuyer un peu, c'est très productif pour leur cerveau trop exploité.
Tiens, chez les Grrr, des petits pois rouges apparaissent... Bizarre ! C'est quoi ?  Voilà soudain un sujet de questionnement qui les sort de leur mauvaise humeur...surtout que les pois rouges deviennent plus qu'envahissants.... Oh ça donne des idées aux Grrr, et si on donnait à ces pois rouges des copains de toutes les couleurs ? Oh ça devient rigolo... très rigolo... Et du côté des adultes ces rires commencent à éveiller des soupçons.... OOOH!!!! Ce n'est pas possible ! Vous ....
Non vous ne saurez rien de la chute de cette histoire.... qui ravira surtout les enfants ( moins les parents qui n'aiment que ce qui ne bouscule pas les jolies conventions du savoir-vivre dans sa chambre ) et...les enseignant(e)s de maternelle. Ces dernier(e)s adorent les histoires avec des points de couleur, ( un peu moins les taches pour certain(e)s mais je ne m'attarderai sur les maniaqueries ...) qui permettent de jolies créations artistiques à la portée de l'imaginaire de leurs élèves, surtout quand celles-ci, comme dans cet album, peuvent avoir une portée nuisible... mais qu'à la maison ( sous entendrai-je un soupçon de perfidie vengeresse de la part de la maîtresse de Enzo-Paul et du maître de Marie-Simone ? ).
Avec cet album que l'on dévorera à partir de 4 ans, les auteures Clémence Sabbagh et Agathe Moreau font preuve d'un vrai sens de l'observation et d'un redoutable pouvoir d'incitation à la débauche...picturale ( ouf, vous voilà rassurés). Alors, pour les parents audacieux, je dis : chiche que vous offrez ce petit bijou à vos enfants pour Noël !


jeudi 8 novembre 2018

Ouin-Ouin chagrin de Christophe Nicolas et Anouk Ricard



Pour nos petits bout de chou, si gentils, si mignons, il existe pléthore d'ouvrages tout aussi gentils, mignons qu'eux. Tout est câlin, doudous, couleurs tendres, imagiers ludiques, bons sentiments, jolis animaux ( ah si, le pipi caca, prout, fonctionne bien aussi... mais là, on tombe dans la facilité). Peu d'albums pour la tranche d'âge autour de trois/quatre ans se risquent au décalage, au mordant, à l'humour. Le créneau n'est pas large, ce lectorat égocentré débute dans la compréhension d'un second degré.
Christophe Nicolas ( et Anouk Ricard au dessin) peuvent être remerciés chaleureusement pour aider parents et enfants ( surtout eux, car si un parent propose cet album à son petit dernier, c'est presque gagné) à pénétrer l'univers drôle de Ouin-Ouin ( ou de Coco, Princesse et Mimi, les autres albums de cette série).
Ouin-Ouin, comme son nom ne l'indique pas est un lapin rose mais qui pleure tout le temps ( on l'aurait deviné !). Cette situation relevant du vécu, tant les pleurs sont quand même l'arme fatale des 3/4 ans, devient ici le prétexte à faire prendre conscience en douceur aux enfants que tous ces chouinements, en plus de mettre en danger l'équilibre nerveux des parents, sont souvent inutiles, voire risibles. Le texte prend le ton imperturbablement doucereux des parents empathiques, invitant même l'enfant à participer à nettoyer les conséquences de ces pleurs intempestifs. Ouin-Ouin apparaît franchement casse-pied, le narrateur en rajoute dans la bienveillance ...jusqu'à faire apparaître ce lapin insupportable. L'adulte pouffe intérieurement en lisant le texte ( mais peut également s'interroger sur son éducation), l'enfant s'y reconnaît comme dans un miroir ... et comme il commence à ne pas être aveugle.... commence à aussi réfléchir dans sa petite tête...
Entendons-nous. Si vous avez un Ouin-Ouin chez vous, l'album ne résoudra presque rien, mais désamorcera peut être quelques situations disons pleurnichardes et procurera de toutes les façons un joli moment de complicité humoristique. Et ça, de nos jours, c'est irremplaçable !
" Ouin-Ouin chagrin" de Christophe Nicolas et Anouk Ricard est édité chez les précieuses " Les fourmis rouges" au prix de 9.90 euros.