jeudi 28 juillet 2016

Comme des bêtes de Chris Renaud



Le principal handicap de "Comme des bêtes" sont ses teasers et ses bandes annonces. Ils souffrent du syndrome dont devraient se méfier les distributeurs, celui qui donne à penser qu'ils contiennent le meilleur. Une fois cette petite lampe de doute allumée, s'installe alors dans le spectateur potentiel, une hésitation : J'y vais ou j'y vais pas ? ( La question se posera moins si l'on est accompagné dans la vie d'enfants entre 4 et 12 ans). J'attends (au choix selon la technologie employée) la sortie en DVD, en VOD, sur Canal ou je cherche à le télécharger dans une version gratuite et un peu pourrie ? Au final, l'envie de se distraire et voir la chatte Chloé pourvue de la voix de Florence Foresti  qui ont fait la différence ( et peut être aussi l'excellent souvenir " Zootopie", récente production animée ).
Chaussé de mes lunettes 3D , me voilà soudain transporté dans un New-York éclatant de couleurs, faisant connaissance avec tout un tas d'animaux domestiques tous plus drôles et craquants les uns que les autres. L'animation s'avère bien sûr au top, les chiens donnent envie de jouer à la baballe et les chats de se faire caresser. Tel un bon vieux matou, je me love confortablement dans mon fauteuil et me régale de ce début prometteur et craquant.
Le problème dans ce genre de production, c'est l'intrigue, jamais bien originale, qui se  résume la plupart du temps à une course poursuite entres des bons et des méchants, avec parfois la variante du héros perdu dont le chemin de retour est semé d'embûches.
Ici, on n'y coupe pas, ce sera un cocktail des deux ! Pas plus mal ficelé qu'ailleurs mais pas franchement neuf non plus, le film, taillé pour la 3D, enfile ses descentes vertigineuses, ses plans au bord des buildings, ses serpents qui viennent vous chatouiller le bout du nez avec une régularité de métronome. Heureusement pour le spectateur, les personnages parviennent à exister pleinement comme Pompon le lapin très très méchant ou Gidget l'adorable chienne amoureuse ( avec la formidable voix de Dorothée Pousséo), qui, entre gags et répliques bien senties, font oublier les faiblesses de la ligne générale de l'intrigue.
"Comme des bêtes " est un divertissement sympa, très très coloré et qui plaira à tous les amis des chiens et des chats, mais sans doute pas une réussite majeure.
Ah, avant de terminer, pour tous ceux qui savent que parfois, dans ce genre de film, de nouvelles scènes apparaissent durant le générique, vous pouvez commencer à rallumer votre portable après la scène du bal masqué qui intervient sitôt les producteurs et réalisateurs cités. Il n'y a plus rien après... Et si vous brûlez d'envie de  savoir qui chante le générique de début, c'est Taylor Swift, pas la peine de se coltiner les noms des 2524 formidables animateurs ( la plupart français)...




mercredi 27 juillet 2016

Marianne est déchaînée de Marlène Schiappa


Petite mise au point : 
Marlène Schiappa est adjointe au maire de la ville où j'habite et blogueuse ( en version nettement plus clinquante que moi). Deux points communs qui pourraient amener à penser qu'une certaine connivence me pousse à parler de son dernier livre ou même un certain parti-pris politique. Je mets les choses au clair tout de suite. Je n'ai jamais rencontré Mme Schiappa ni même croisé  ( contrairement à sa rivale de droite " la femme du garagiste" ). Aux dernières élections départementales, électeur de sa circonscription, j'ai voté pour elle sur la base de son programme sans réellement connaître son action d'élue municipale ( je ne lis que très peu  la presse locale). Son livre m'a été prêté par une amie et c'est avec un regard sans préjugé et sans connivence que je l'ai lu. 

Marianne, prénom très républicain de l'héroïne, fraîchement débarquée dans la préfecture de la Sarthe avec mari, enfants en bas âge et une certaine notoriété ( créatrice de MQT, Mères Qui Travaillent, fondation agréée par l'ONU), se retrouve en bonne place sur la liste du maire sortant aux dernières élections municipales. Encartée nulle part, représentante flamboyante de la société civile, son physique avenant la fait tout de suite détester par la quasi totalité de ses colistiers. Une fois élue, petite protégée du maire très satisfait d'avoir dans son conseil municipal une personnalité un peu médiatique, elle deviendra adjointe déléguée à l'égalité. Le récit dévoile les rouages d'une mairie d'une ville importante, ses crispations, ses jalousies mais aussi ses combats, ses valeurs, le travail acharné fourni. 
En femme pressée qui travaille dur, Marlène Schiappa doit être une pro du maquillage rapide, technique qu'elle applique à son livre, mélange hybride d'anecdotes de ses premières années de mandat, de conseils pratiques et d'ouvrage politique. Alors, je te change quelques noms ici, je te malaxe quelques situations là et hop, ça fera bien un roman ( à clés bien sûr). Hélas, ce relooking de souvenirs à chaud, trop souvent proposés sous forme de listes ou de conseils, sa grande spécialité...littéraire, ne fait nullement une oeuvre romanesque. Un travail éditorial hasardeux essaie d'y glisser une vague intrigue : Tout le monde déteste Marianne au début, mais son courage, son travail, ses valeurs vont, petit à petit, la faire aimer de tous à la fin. Un peu Harlequin donc. et bien que rehaussé par une petite louchée d'humour chick-lit, le livre s'essaie à la légèreté sans y parvenir vraiment. Marlène Schiappa n'a sans doute pas le recul nécessaire pour bien  digérer l'expérience et les anecdotes acquises et les transformer en réel matériel romanesque. 
Cependant, tous les efforts de l'auteur ne sont pas vains. Hormis le fait qu'il est totalement évident que Marianne est Marlène, que tout le reste est loin d'être de la fiction, donnant ainsi un côté roman à clé à l'ensemble et qui contribue localement à lui donner un côté sulfureux, le récit est tout de même une immersion  convaincante dans les coulisses d'une municipalité.  Que vous habitiez Saugnac et Cambran ou Boulet les Ifs, vous apprendrez beaucoup sur le fonctionnement d'une mairie importante, ses commissions, ses délibérations, sans lourdeur pédagogique  descriptive.  
Et quand on habite comme moi la ville où se déroule l'action, on apprend que nous avons des élus formidables et bosseurs, qui gèrent efficacement une ville dont le maire est un énarque bonhomme, courtois et dont l'expérience et l'amour pour la vraie démocratie participative en fait un vieux sage comme on en fait plus. Bien sûr, une pensée mauvaise m'a effleuré. Et si tout cela n'avait été écrit que pour raffermir un peu plus l'image de son auteur ? Car elle est formidable Marianne/Marlène! Bosseuse, dynamique, souriante, totalement investie dans les affaires de la cité, défendant la femme battue, l'IVG, les minorités, la cause LGBT, ses défauts apparaissent comme anodins. Oui, elle arrive parfois en retard à la crèche mais qui l'en blâmera vu le travail abattu ? Elle regarde des films érotiques sur internet ? Qui ne le fait pas surtout quand la politique prend énormément de place dans son couple ? Ce livre est certes un témoignage mais également une autobiographie  politique comme il en existe beaucoup, une présentation glorieuse et publicitaire pour parfaire une image. Est-ce mal dans un monde de vitrine, d'image et d'ambition ? Peut être... Peut être pas. Mais en tant qu'électeur, savoir que mon vote peut aller à une personne qui défend vaillamment et courageusement la solidarité, la fraternité, l'égalité, pour qui la laïcité n'est pas un vain mot, qui ose affronter avec brio le Front National, reste quelque chose d'éminemment rassurant. Car voyez-vous, au-delà du petit côté rigolo et léger de "Marianne est déchaînée", et même s'il l'on perçoit la personne ambitieuse, on ressent aussi fortement que de grandes, belles et vraies valeurs lui sont chevillées au corps et ça, dans un monde devenu déboussolé, c'est quand même une excellente nouvelle.  

mardi 26 juillet 2016

Lorette de Laurence Nobécourt


Attention exercice périlleux. "Lorette" est le témoignage de la renaissance d'une femme, un cri littéraire rare, voire inédit, la description précise, viscérale, d'un passage de la noirceur à la lumière. "Lorette", court récit, dense, ardu, exhale de toute part une vérité non camouflée, réelle. "Lorette" m'a prodigieusement rasé. 
Difficile donc d'être négatif devant l'absolue sincérité de ce texte sans passer pour un (au choix) connard, idiot, inculte, insensible, péteux. Pourtant je vais assumer cette non-rencontre avec ce texte qui dès les premières pages m'a agacé par son côté " je me prends la tête avec pas grand-chose". 
Au départ, nous avions une auteure, Lorette Nobécourt ( que je ne connaissais que de nom). A 45 ans elle retrouve son vrai prénom donné à sa naissance, Laurence. Lorette lui a été donné par ses parents vers ses trois ans pour ne jamais la quitter (sauf à l'école). Beaucoup auraient vu dans cette nouvelle appellation, un joli diminutif, plus doux, plus sautillant. L'auteure, non ! Elle y voit le symbole de la putain et c'est par esprit bravache, qu'à l'adolescence elle l'adoptera complètement jusqu'à aujourd'hui, où, soudain, Laurence qui était " l'eau rance"  devient "l'or en soi". Vous suivez ? Pas trop ? Pourtant je vous fait grâce des étymologies diverses et lointaines, ainsi que ce discours autour des vibrations et des couleurs de chaque lettre du fameux prénom qui rendent ce changement encore plus obscur à mes yeux de mâle mauvais lecteur. Sont convoqués aussi pour justifier ce passage, Deleuze, Debord, Foucault, Delpech ( non pas lui, évidemment ! Ce que je suis bas de gamme, même si on pense très fort que ses parents se sont peut être connus sur ce tube... ) 
Tenez, les parents parlons-en, car ces derniers semblent au coeur du problème ( et avoir inspiré pas mal des romans précédents de Laurence Nobécourt). Non contente d'avoir eu de l'eczéma durant toute la durée de son appellation Lorette, elle s'est coltinée des parents pas aimants, surtout une affreuse mère, mais aussi, caché derrière l'alcôve, un tonton avec qui elle a eu des rapports sexuels à 18 ans. Ca n'aide pas, j'en conviens, même si elle est loin d'être la seule. S'en suit une émouvante lettre à sa génitrice pour tenter une ultime conversation pour remettre tout à plat. L'émotion affleure mais, coeur sec, sans doute, je me disais dans ma tête de mâle : " Mais bon sang, Laurence, coupe définitivement les ponts, surtout avec des personnes toxiques ! En général, leur fond mauvais les rend imperméables à toute remise en question." Je ne suis ni femme, ni Lorette/ Laurence, je ne comprends pas cet acharnement à vouloir qu'une Folcoche la regarde et qui du coup la maintient, c'est évident, dans une nuit personnelle intense. 
Heureusement pour Lorette, elle va attraper une pneumonie qui va solutionner tout cela ! Je ne plaisante pas, vous ne connaissez pas les pouvoirs bienfaisants de cette maladie ! D'ailleurs, elle résume cela très bien en écrivant : " Parce que l'on n'assimile réellement une connaissance qu'en l'intégrant avec son corps, j'intègre, par la pneunomie , la vibration lumineuse  des lettres de mon nom." Certes, elle a de la fièvre, elle est affaiblie, mais c'est à ce moment là que tout devient amour pour elle. Après la trituration psychologique, voici venir la guérison par le mysticisme. La lumière entre en elle; " Me voilà avec la sensation d'être comblée à un endroit de moi-même dont j'ignorais qu'il fut troué." écrit-elle,  et un peu plus loin : " La pneumonie c'est le chemin du "je" au "tu", ou comment passer au Toi manifesté en toute chose qui est Lui." Lumineux pour l'auteur, pour moi, nettement moins... 
Bon je l'ai dit, l'ouvrage m'est passé à côté. J'ai pensé que la dame manquait de simplicité et qu'elle se triturait un peu trop le cerveau pour solutionner son mal de vivre qui est évident. Reste, un texte halluciné, hallucinant de franchise embrumée, qui correspond évidemment à la réalité de l'auteure. Pour cela, je ne peux que m'incliner et m'excuser d'avoir été un peu mordant plus haut, résultat d'une grande incompréhension, d'un désarroi face à un récit trop complexe et sans doute, très éloigné de mon appréhension du monde. Cependant, et c'est pour cela que la littérature est importante, elle nous permet justement de pénétrer dans des lieux inconnus. Mais la lumière n'apparaît pas à tous les coups et pour "Lorette", je cherche toujours l'interrupteur !  




lundi 25 juillet 2016

Comics retournés de Gabriela Manzoni




Deux jours de suite un ouvrage des éditions Séguier ? Y aurait-il de la connivence dans l'air ? Un envoi aimable et groupé ? Un partenariat juteux ? Pas du tout, pas de mauvais esprit s'il vous plaît ! Ces deux livres, je les a achetés chez mon libraire ! Si c'est la curiosité qui a poussé l'achat du Bettina Ballard, chroniqué hier, c'est en me rendant sur le site de l'éditeur que mon oeil a été attiré par cette publication un peu décalée au milieu de leur catalogue. Ce matin, dès l'aube, c'est à dire 10 heures, il ne faut pas pousser, je suis en vacances ... j'ai réussi à trouver chez mon libraire ( qui lui non plus n'ouvre pas boutique au lever du soleil !) l'ouvrage que je me suis empressé de lire. Verdict : c'est un coup de coeur énorme !
Gabriela Manzoni ( dont une recherche sur le net, proche de l'idôlatrie,  m'a fait découvrir un compte Facebook où elle publie tous ses retournements ) n'est ni auteure, ni dessinatrice, simplement elle détourne des vignettes de comics gnangnans des années 50 par amusement. Au premier abord, cette sympathique activité, pas réellement originale, attire par sa promesse de passer un petit moment drôle et récréatif.
Drôle, ça l'est assurément ! La collusion entre ces nouvelles répliques totalement décalées et ces images figées, stéréotypées, qui dans leur version originale plongeaient dans la mièvrerie sentimentale, réjouit sans limite. Mais où la surprise fut de taille, c'est que cette accumulation de textes cyniques, mordants, philosophico/cruels, fait apparaître la pensée d'une auteure qui vise fort et juste. Complètement en phase avec la société actuelle, malaxant l'actualité la plus récente ( la suspicion terroriste évoquée dans une pastille hilarante et glaçante à la fois), se moquant de tous nos travers contemporains, Gabriela Manzoni déroule un humour décapant, portant un regard acide sur toutes nos faiblesses, nos compromis dans un monde qu'elle perçoit de moins en moins capable de penser. Rien n'échappe à sa sagacité. L'avortement, le suicide, Facebook, la famille, l'amour, la construction du soi commercial, passent dans son broyeur à empêcher de tourner en rond .
Je ne résiste au plaisir de citer deux vignettes, prises au hasard, mais hélas sans les images qui accentuent le percutant des nouveaux textes :
Un bellâtre, cigarette en main, déclare :
" On ne comprendra rien à la société marchande si on ne voit pas qu'elle vise avant tout à détruire toute forme de vie intérieure."
Ou, plus loin, une belle blonde inexpressive se laisse murmurer à l'oreille par un fiancé tout aussi fade :
"Je suis contre l'avortement... Tuer un être humain avant sa naissance ? Quelle impatience ! "
Sur la couverture, une petite pastille genre " article en promo" nous avertit : " 200 pages de mauvais esprit...et du bon !" Pour une fois ce n'est nullement trompeur !
Certains ont pu trouver que pour un petit format genre manga ( avec un plus beau papier tout de même !), cette publication n'avait qu'un seul défaut : son prix ( 12,90 euros) ! Je rétorquerai de façon banale que la qualité a un prix et qu'à ce tarif, ce n'est pas du tout prohibitif, en faisant même pou moi, le cadeau idéal à apporter lors d'un de mes futurs dîner en ville. Moins onéreux qu'un bouquet de fleurs qui fanera sans laisser la moindre trace dans les cerveaux ou qu'une soi-disant bonne bouteille de vin qui de toutes les façons ne plaira pas à tout le monde , "Comics retournés", qui allie pensée décapante et humour ravageur, est le cadeau idéal pour permettre à nos amis et à notre entourage de rester vivant et en alerte. Je dirai même plus : INDISPENSABLE pour lutter contre la médiocrité ambiante.





dimanche 24 juillet 2016

In my fashion de Bettina Ballard



Pour resituer Bettina Ballard, nom inconnu dans nos contrées, surtout soixante ans après la fin de sa carrière, disons qu'elle pourrait être la  grand-mère ( la mère ?) d'Anna Wintour, la prêtresse figée du magazine Vogue, tout du moins une de ses prédécesseures dans la fonction de rédactrice de mode estimée, adulée et crainte.
Les éditions Séguier, toujours très pointues pour redonner vie à des manuscrits de personnes ayant brillé ( parfois sans trop d'éclat) dans les milieux artistiques, publient "In my fashion", souvenirs jamais traduits chez nous depuis leur parution au USA en 1960. Le livre est introduit par une préface enthousiaste de Frédéric Mitterrand qui ne dit pas moins que c'est " l'un des plus beaux livres écrit sur le Paris du XXe siècle, à l'instar de "Paris est une fête" de Hemingway " et que Bettina raconte tout cela avec précision, humour et charme.
Frédéric, on va se calmer un peu ( mais je vous comprends, une préface ça se paye, pas un lecteur même blogueur), redescendre sur terre, ranger l'argenterie et se poser deux minutes sur votre chaise longue Charlotte Perriand. On ne pourra pas enlever à ce livre son témoignage gentillet sur le monde de l'élégance parisienne dans les années 30 et 50, un monde définitivement disparu, où la vicomtesse de Machin Chose passait sa journée à être élégante, courant de manucure en bottier, de salon d'essayage ( haute couture) en soirée chez le Baron Bidule de Truc. Un univers de très grand luxe où une poignée quelques personnalités, triées sur le volet, se pavanait coupe de champagne à la main droite et la main gauche qui explorait des dessous... Ho là.... que rapporte-je là ? Non, non, rien de tout cela dans le bouquin de Bettina ! On ne couche pas chez Bettina ! On est élégant que diable !  On mange de l'omelette au caviar arrosée au champagne Lançon, on pose son séant moulé dans une robe Balenciaga, on est invité à passer le week-end dans la splendide demeure du baron de Truc Muche, on rit d'une bonne blague de la délicieuse épouse de l'ambassadeur des Etats-Unis, vous savez Betsy Rockmachin, la fille du grand industriel, une très grosse fortune, on s'extasie sur la dernière robe Schiaparelli que porte la divine Mrs Mac Michu qui a épousé Lord Mac Michu ( évidemment..) et qui a un si joli pied à terre de 256 m2 donnant sur la Concorde... Voilà, le livre c'est essentiellement une liste ininterrompue d'amis que Bettina Ballard s'est faite à Paris avec l'étiquette Vogue collée sur le front, tous plus beaux, sympathiques, brillants, drôles les uns que les autres. Un monde de luxe que la rédactrice du célèbre magazine américain adore et qu'elle ne quittera jamais même pendant la guerre. Car voyez-vous, Bettina a contribué à l'effort de guerre en s'engageant trois ans à la Croix Rouge . Cela nous vaut les pages les plus drôles du livre. Il faut la voir faire ses valises, refusant la tenue réglementaire, la troquant pour des tailleurs Chanel et prévoyant d'emporter sa cape en opossum par crainte de chambre non chauffée. Humour ? Pas sûr ... Mais rassurez-vous, à la croix- Rouge, elle officiera chez les hauts gradés, se créant comme à son habitude un carnet d'adresse rempli de généraux et autres colonels qui lui fourniront le minimum vital  ( entendre, vol gratos sur us air force, dîners dignes de son rang, ...). Je rappelle que Bettina est toujours célibataire et donc, si on se remet dans le contexte de l'époque, toujours vierge ( elle a une petite quarantaine à l'époque !). Peu importe, Bettina ne parle pas de sa vie privée ( on saura tout au plus qu'elle se mariera après guerre avec un architecte ) et encore moins de celles des élégants et des couturiers qu'elle rencontre.
En bonne amie bienveillante et, quand même, en grande spécialiste de la mode, elle tresse des nombreux créateurs qu'elle rencontre ( et dont elle sera, bien évidemment, une amie intime) des portraits à rendre jaloux Frédéric Mitterrand. Tout le monde est plus que talentueux, gentil, bon, travailleur acharné, visionnaire, amoureux de la femme (élégante donc qui a du fric ). Ca dégouline de sucre ( raffiné ), de mièvrerie, de condescendance. Elle minaude, roucoule, flatte, ... Elle s'extasie sur les coupes sublimes, les tissus luxueux, n'oublie jamais de noter les modèles qu'elle commande pour elle. On lit des propos d'une autre époque assurément, où on avait l'élégance de ne rien dévoiler qui puisse écorner une image savamment agencée durant des années. L'univers de la mode, c'est luxe, calme et volonté. La volupté ?  Quelle horreur, c'est pour les vulgaires ! Moi, monsieur, j'emporte dans mon wagon-lit mes draps en soie fuchsia et je dors sur un oreiller de la teinte de mes cheveux ! Je ne parle pas de ...Oh quelle horreur !
L'arrivée du prêt à porter mettra fin à la carrière de Bettina. La vulgarité de l'élégance pour tous, elle ne le supportera...
"In my fashion" est une plongée très sucrée dans un univers de luxe où l'élégance était synonyme de gens bien nés ou, à la limite très riche. Ecrit sur mesure, surtout pour ne pas déplaire, c'est donc élégant. Mais est-ce si élégant d'avancer dans la vie sans jeter le moindre regard à ceux qui triment pour que quelques uns puissent jouir jusqu'à l'outrance de la vie ? ( Et loin de moi, l'idée de dénigrer le monde de la mode et de la haute couture que je considère comme de l'art...)

samedi 23 juillet 2016

Vis ma vie de Florent Marchet


La compil de l'été 2016 (n° 3)

Ce clip est annonciateur d'un album concept qui sortira en octobre prochain. Il semblerait que Florent Marchet ait abandonné les voyages galactiques ( avec un zeste de Raël) de son précédent opus, pour écrire avec ses complices de toujours ( notamment Arnaud Cathrine et Valérie Leulliot ) un livre disque autour de la France avant nos prochaines élections présidentielles. On parle d'un objet militant où le monde ouvrier prendrait toute sa place. D'ailleurs, l'ex métalleux stéphanois Bernard Lavilliers aurait posé sa voix sur un des titres, 
En écoutant " Vis ma vie", très prometteur, parfaitement dans la lignée des précédents titres de Florent Marchet au niveau du style, une chose est frappante : l'esprit d'Alain Souchon hante ce titre tant au niveau des paroles assez percutantes, empruntant les sonorités de langage de ce talentueux aîné mais aussi au niveau du chant, où la voix du chanteur prend sur la fin du morceau les mêmes accents un peu éraillés. 
Le clip, joli ralenti rouge et bleu, original par sa lenteur dans un univers vantant les plans d'un quart de seconde, propose sans doute une autre lecture des mots entendus. " chômeur", " attentat", "martyre" "bruit de bottes", "crise", "méprise" "se barrer", "pavé", vocabulaire rare dans les chansons actuelles, parsèment un texte fort et sautillent pourtant sur une mélodie qui accroche. Voilà un titre qui ne dépareille pas dans ma compil d'été ( qui va ressembler de plus en plus à une bande annonce pour l'automne qui vient !), on a sérieusement besoin d'avoir quelques morceaux pour nous secouer un peu ! 

vendredi 22 juillet 2016

Chantier interdit au public de Claire Braud d'après l'enquête de Nicolas Jounin

Une BD sur le BTP, ça vous fait envie ? Non ? Vous avez raison, y'a rien à voir derrière les palissades métalliques qui camouflent les nombreux chantiers qui fleurissent dans toutes les villes de France qui construisent d'imposants édifices à but social ou pas. Ou plutôt, il s'y passe tellement de choses, que parfois il vaudrait mieux ne pas savoir. Sauf, que certains sont allés y mettre le bout de leur nez, à l'instar du sociologue Nicolas Jounin, qui s'est fait embaucher sur des chantiers comme manoeuvre puis comme ferrailleur ( ceux qui fabriquent ces grilles métalliques qui consolident les piliers ou les  murs une fois le béton coulé). De son étude très précise sur cet univers, il en a tiré un livre paru en 2009 que Claire Braud a adapté façon BD en le scénarisant de façon plus empathique puisqu'il nous permet de suivre Hassan et Sekou ( en fait Soleymane), esclaves d'un nouveau genre dans la France d'aujourd'hui.
Si l'actualité nous parle beaucoup en ce moment de ces travailleurs venus de l'Est, exploités eux aussi par le BTP, mais dans le domaine de la finition ( plomberie, peinture, électricité, ...), elle s'intéresse nettement moins de ceux qui s'occupent du gros oeuvre. Et là, croyez-moi, la lecture de "Chantier interdit au public" vous fera entrer de plain-pied dans une réalité encore plus sordide qu'on pouvait l'imaginer. Des agences d'intérim, aux allures fringantes mais aux techniques d'embauches servant à accompagner un système pas loin d'être mafieux, aux entreprises de BTP, qui de sous-traitant en sous traitant, estiment avoir les mains plus blanches que blanches, le parcours de nos deux héros va ressembler à celui d'un serf construisant une cathédrale au Moyen-Age. Rien n'a réellement bougé depuis cette époque, que ce soit les cadences infernales voulues par les commanditaires, les règles de sécurité ( nombreuses sur le papier ) totalement absentes dans la réalité et les salaires indécents et aléatoires jetés comme une aumône à une main d'oeuvre étrangère et sans-papier ! Et comme l'humain aime la domination, ces forçats du boulot créent, sous l'oeil complice de leurs patrons, à l'intérieur même de leur catégorie inférieure, un autre système de castes qui ajoute en pénibilité, en misère.
Ce roman petit format, malgré un dessin que, perso, je trouve un peu fragile, ne laisse absolument pas indifférent et joue parfaitement son rôle d'observateur concerné sur notre terrible monde. Il fait partie d'une nouvelle collection intitulée " Sociorama" et que les éditions Casterman ont décidé de lancer dans la perspective de décrypter notre société. Si j'avais été moyennement emballé par un autre titre ( "La fabrique pornographique " sur les us set les coutumes de l'industrie du cinéma porno) de la pertinente Lisa Mandel, par ailleurs directrice de cette collection, il est certain que ce "chantier interdit au public" porte fièrement et bien haut le concept de ce projet éditorial. ( En est-il de même pour les autres titres de la collection : un sur les dragueurs de rue (?!) et un autre assurément moins léger mais peut être plus pertinent sur les conditions de travail des personnels navigants de nos bus aériens ? )






jeudi 21 juillet 2016

Un jeune homme superflu de Romain Monnery


Ecrire sur "Un jeune homme superflu" se révèle être un exercice intimidant. Comment rivaliser avec un tant soit peu de talent ou de virtuosité à ce roman qui manie l'humour et la phrase qui fait rire avec une telle maestria ? Mieux qu'une sitcom de M6 ( vous me direz, ce n'est pas difficile), largement aussi drôle qu'un troupeau de blogueuses trentenaires à la recherche du grand amour, Romain Monnery frappe fort ! 380 pages de remarques acerbes, drôles, acides, marrantes, sur la vie d'un pauvre mec ( sans doute trentenaire), pas fana du boulot et en coloc avec un rustre et une nymphomane spécialisée dans les Quasimodo. Y'a pire comme point de départ même si la colocation et ses aléas reste un sujet déjà fort labouré dans le genre " Qu'est-ce que c'est marrant des gars qui rotent de la bière en matant du porno à la télé ! ". Le montage du roman rappelle d'ailleurs le format des sitcoms télé d'avant film de la soirée qui avancent à coups de petites pastilles. En faisant fonctionner sa cervelle deux secondes, ça ressemble pas mal à "Bloqués" quand même ! Mais nous ne sommes pas affalés devant notre écran, croyant regarder un programme pseudo subversif donc branché, mais dans un roman. Et ses petites pastilles qui se succédant donnent tout de même un champ plus vaste  au personnage principal que la ( ex?) série du Petit Journal.
Creusant un thème déjà abordé lors de son premier roman, " Libre, seul et assoupi"....( Oh ça fait beaucoup de recyclés ça !), Romain Monnery continue ses petites attaques sympatoches sur ce mal contemporain, l'absolue obligation de travailler. Cette résistance au boulot dans un monde de petites fourmis laborieuses ou qui essaient de l'être, est réjouissante surtout qu'elle est incarnée par un pauvre gars qui n'a envie de rien et pour qui la vie est un long fleuve tranquille sans l'ombre d'un clapotis. Pas d'emploi, pas de fric, pas d'envies, pas de filles, pas de gars, juste la télé, la masturbation et le temps qui passe. Quelques relations tout de même le font sortir de son appartement crasseux, d'aérer le récit ( à défaut de la coloc) et permettent ainsi à l'auteur de poser son regard acéré sur les petits travers de nos vies urbaines.
Même si ce n'est finalement pas d'une grande originalité, les deux premières parties sont franchement hilarantes. On se demande parfois si une part autobiographique ne s'est pas glisser entre les lignes mais il est certain que  Mr Monnery est loin d'être fainéant sur le comique de situation et la phrase qui pétille et fait tordre de rire le lecteur. Exemples, pris au hasard. Pour évoquer l'ennui : " Je fixe mon araignée au plafond dans l'attente qu'elle m'invite à me faire une toile." ou en parlant de la voix de sa collègue de bureau : " Insupportable comme une version de La Marseillaise interprétée par des ongles crissant sur un tableau noir."  ...Ah oui, je ne vous avais pas précisé que dans une troisième partie, il filait au boulot le héros ! Et là, je ne sais pas pourquoi, peut être parce que j'ai bien apprécié glandouiller, ce dernier tiers a pris des allures de fin de marathon. L'humour est toujours là, l'observation parfois assez fine voire tendre aussi, mais, comme le personnage principal, le coeur n'y était plus. La vie de bureau, ça ne l'a pas vraiment fait.... Peut être n'aurai-je pas dû tout lire d'une traite. Je le sais bien pourtant qu'il ne faut jamais manger le troisième paquet de fraise Tagada ( celui offert pour l'achat de deux !) dans la foulée !
Quoiqu'il en soit, si vous voulez une lecture d'été détendante, qui fasse oublier souci et travail , ce "jeune homme superflu" est un bon choix. Certes pas de la grande littérature ....mais un roman bien troussé, bien écrit dans son genre, avec une once de subtilité et un soupçon de poésie de Michel Houellebecq... Alors tentés ? 

mercredi 20 juillet 2016

Entre ici et ailleurs de Vanyda



Entre roman-graphique et manga intimiste, avec ce nouvel album, Vanyda poursuit sa voie ténue et fragile. "Entre ici et ailleurs" mêle un récit sans doute empreint d'autobiographie  tout en poursuivant son observation des jeunes femmes d'aujourd'hui. Après le formidable" Celle que vous croyez" où elle abordait les affres de l'adolescence et le moins convaincant " Un petit goût de noisette"   où les personnages étaient déjà des jeunes adultes, voici donc Coralie, 28 ans, célibataire, travaillant devant un ordinateur dans une boîte à la modernité froide. Elle vient d'emménager dans un nouvel appartement suite à une séparation. Elle ne voit pas trop bien ce que va devenir sa vie et glande, un peu désoeuvrée. Suite à une partie de bastons sur jeu vidéo avec son frère, elle décide, un peu par défi, de s'inscrire à un cours de capoeira, sans trop savoir de quoi il retourne, sachant seulement qu'il s'agit de technique de combat aussi musicale que brésilienne. De muscles douloureux en soirées improvisées chez ses compagnons de sport, sa vie sociale va prendre un nouveau chemin, de nouveaux visages vont apparaître, amis, voire amants.
Il n'y a pas à dire, Vanyda est sacrément fortiche pour observer le quotidien et le rendre passionnant, aussi précis que l'aurait fait un ethnologue qui aurait le sens du récit. Sa description de ces jeunes adultes ne verse jamais dans la chick-lit, façon Bridget Jones ou blogueuse marrante, s'amusant plutôt à rendre cocasses ou tendrement émouvants les petits détails d'un quotidien assez morne. La légèreté l'emporte et le récit coule fluide et sympathique. Seulement, sans doute pour donner un peu plus de poids à cette chronique, l'auteure a greffé la prise de conscience de la double identité de son héroïne eurasienne, enclenchant un processus de recherche de racines. Autant l'aspect sociétal est traité avec subtilité autant cette partie....disons... politico sociale à la mode, a du mal à convaincre. Avec des dialogues très appuyés, des personnages soudain un poil stéréotypés, les bons sentiments se faufilent au fur et à mesure que l'histoire avance pour finir par l'emporter dans une dernière partie trop porteuse de bons sentiments. Je conçois bien que le message de paix, de mélange culturel colorant avec bonheur nos sociétés, soit essentiel en ces moments troublés, mais peut être pas de cette façon un peu trop lourdement démonstrative.
Il reste que ce roman graphique est un joli moment d'observation de la vie qui va mais qui aurait peut être dû doser un peu mieux ses deux thèmes, la subtilité et la lourdeur côte à côte, ne font pas toujours bon ménage, rendant l'ensemble un peu déséquilibré.

mardi 19 juillet 2016

La plage de Marie Nimier


Est-ce le beau temps enfin revenu, l'envie de soleil et de bord de mer qui m'a fait acheter " La plage", juste pour son titre, sans même parcourir la quatrième de couverture ? Sans doute. Pourtant, l'auteure n'y est pour rien, le lointain souvenirs d'oeuvres précédentes mais recouvertes depuis longtemps de la poussière de l'oubli, ne m'aurait pas incité de prime abord à cet acte impulsif. Et c'est par une après-midi accablante de soleil, à l'ombre d'un oranger du Mexique que j'ai été littéralement envoûté par ce livre qui ne rejoindra pas ses "frères" sur le rayon des ouvrages mal aimés.( Il faudra que je me penche sur l'impact que peuvent avoir des moments, des conditions bien particulières sur la lecture d'un roman...)
Sur le papier pourtant, l'intrigue est minimale. Un lieu désert et trois personnages jamais nommés ...enfin si : L'inconnue, le colosse, la petite (déjà grandette). Avec ces ingrédients, difficile d'imaginer que l'on puisse être emporté. Cette inconnue retourne dans un lieu perdu, quasi au bout du monde, une plage où deux ans plus tôt, elle avait fait l'amour avec un homme, quitté peu après. Elle fuit sa vie, un père lointain, un boulot qui ne l'emballe pas. On ne saura pas grand chose sur elle, les éléments biographiques arrivant par bribes au fil de son avancée vers cette plage puis vers une grotte. C'est sans doute ce mystère, tous ces non-dits qui donnent à cette histoire cette force, comme une page presque blanche que le lecteur prend plaisir à compléter de son imaginaire. Cela ne serait rien, si en plus, il n'y avait la plume de Marie Nimier, qui dans cet univers imprécis, ose la précision dans la sensualité. Les sens de cette inconnue s'ouvrent peu à peu, les nôtres aussi. Les odeurs l'attisent, le vent chaud la caresse, la mer la berce de sa tiédeur accueillante, le sable la brûle. Cet univers minéral dans lequel elle se plonge va petit à petit la faire renaître, aidé conjointement par une animalité ambiante. d'abord les petits animaux, les insectes, les crabes, puis les chèvres, les boucs et enfin l'homme, nu, colossal. De passages où l'infime côtoie le banal le plus prosaïque mais rendu littéraire par une plume inspirée, en ressentis personnels ô combien universels, le récit avance par gorgées de saveurs diverses et de sensations intimes.
Le roman, que l'on pourrait être tenté de réduire à une robinsonade durassienne, observe avec délicatesse le redressement d'une femme par le biais de la nature, sa confrontation avec elle-même, ses peurs, ses troubles, son passé, d'autres humains pas franchement envisagés. Au bout de ce parcours, cette inconnue, qui gardera sa part de mystère, se réveillera comme lavée de ce monde de jeux et de guerre, de travail aliénant et de marchandisation, plus forte, plus sereine, ayant retrouvé l'essence même de l'humanité, prête à affronter une vie qui s'ouvre enfin. 
Je ne sais si c'est parce que c'est l'été, parce que le temps s'écoule différemment en période estivale, mais "La plage" de Marie Nimier m'a permis de me perdre dans la sensualité d'une plage au bout du monde et dans une écriture au sommet de son art.

dimanche 17 juillet 2016

Calme toi, Lison de Jean Frémon


Comme tout un chacun qui a un jour rencontré l'oeuvre de Louise Bourgeois, le travail de cette artiste m'a interpellé. Les araignées monumentales, les chambres/cages où se mêlent sexe féminin nié et homme dominant, ces simples broderies qui rappellent un passé trop codé, tout est parlant évidemment et renvoie à une vie, une enfance, qui pourrait être la mienne, qui ne l'est pas mais qui résonne pourtant.
"Calme toi, Lison" ( Lison restera comme le diminutif utilisé par le père de Louise Bourgeois à son égard. Plus tard, elle l'utilisera pour signer les courriers qu'elle lui adressera) n'est ni un roman, ni une biographie, mais le monologue imaginaire d'une artiste, sans doute au soir de sa vie. Les souvenirs reviennent pêle-mêle, Louise pleurant au bas d'un escalier le jour de la mort de sa mère, les gémissements de plaisir d'une bonne provoquée par la saillie du père qui n'avait peut être pas pris la peine d'enlever son éternel cigare de sa bouche, la présence efficace, sympathique de Jerry, son jeune assistant, proche, très proche. Reviennent aussi sans cesse les araignées, figures incontournables de son oeuvre, qui la fascinent. Contrairement au commun des mortels, elle voit en elles leur naturelle figure maternelle protectrice, ingénieux animaux qui tissent de façon merveilleuse et qui pour certaines adoptent des stratégies formidables pour vivre.
Ce texte serré, un peu sec, ressenti ainsi car à l'image que je me fais de Louise Bourgeois, dissémine des éléments biographiques qui servent aussi d'éclairage à cette oeuvre immense . Et c'est en toute simplicité, que, mine de rien, au fur et à mesure des courts paragraphes qui composent le livre, Jean Frémon nous fait pénétrer au coeur de la création et à réfléchir sur ce qu'est l'Art ( oui, avec un A majuscule !). Avec justesse et sensibilité, les pensées de Louise Bourgeois nous saisissent avec ces mots , francs, secs. Se parlant à elle-même : " Tu es devenue fabricante de petits miroirs. Ne vous trompez pas, cela ne reflète que vous, vos sales petits secrets."
C'est sans doute pour cela que devant ces cages/chambres ou en se plaçant sous une de ces gigantesques araignées, tout un chacun perçoit quelque chose d'intense, parfois indicible, toujours frappant. L'art de Louise Bourgeois c'est d'avoir su à partir du matériel de sa propre vie, en faire une proposition artistique originale, unique, universelle. "Calme toi, Lison" en est la plus belle expression, le plus ardent hommage.
 Bien sûr pour être sensible à ce livre, sans doute faut-il avoir été confronté aux diverses installations ou sculptures de l'artiste. Cependant, la beauté de l'écriture de Jean frémon, la tension qu'il créé avec ses mots finement choisis, dressent un portrait original, littéraire qui ne peut que donner envie à ceux qui ne connaîtraient pas encore cet univers si singulier de s'en approcher. 

vendredi 15 juillet 2016

Justin de Gauthier


Si l'on prend en mains "Justin" comme on peut le faire lorsque l'on traîne dans une librairie, en l'ouvrant au hasard pour jeter un oeil au dessin, et qu'on le feuillette rapidement façon flip-book, l'impression qui se dégage est celle d'avoir affaire à une BD pour enfant dont les personnages aux drôles de nez  sont prétexte à donner un fun animalier à un graphisme simple en noir et blanc.
Cet examen rapide vous induira à coup sûr à l'erreur, car sous ces airs enfantins se camoufle le portrait sans fard de Justine, petite fille qu'elle est un garçon et qui se heurte bien sûr à l'incompréhension de son entourage.
Avec ses larges cases au trait minimal, le récit se concentre exclusivement sur son personnage principal, s'attachant à nous décrire ses doutes, ses peurs, ses combats. Hou là ! me direz-vous, cela sent le pathos à plein nez, l'histoire militanto/glauque sur le thème de la transsexualité ! Là encore, pas du tout ! "Justin" va bien évidemment ne pas faillir à son projet de raconter le parcours semé d'embûches d'une fille qui sait être un garçon. Mais où d'autres auraient forcé le trait, surlignant de façon voyeuse ce parcours terrible et (au choix) larmoyant, infernal, sordide, Gauthier ( l'auteure), avec le plus subtil des talents, narre cette histoire avec une simplicité infinie, une extrême bienveillance. Sans rien édulcorer des attentes, des moments de grande solitude, des rencontres avec des médecins ineptes, des traitements, des opérations, elle arrive à rendre ce récit simple, cohérent et surtout évident.
Alors si autour de vous, quelques lourdauds déblatèrent sur la transsexualité sur le mode déviance inacceptable, n'hésitez pas à leur mettre entre les mains ( rajoutez des lunettes, coupez la télé et installez-les dans un fauteuil confortable ) " Justin" qui possède toutes les qualités pour faire réfléchir toute personne pourvue d'un cerveau ( même atteint par des discours nauséabonds). Jamais lourdement pédagogique, le roman (graphique) coule paisiblement et intelligemment, le dessin aux apparences simples participant grandement à rendre le propos abordable, jamais choquant et lisible dès 10/12 ans.
On referme "Justin" avec une interrogation. Ce récit est-il autobiographique ? Quelques éléments ici ou là le laissent supposer, Un passage sur le site de l'auteur ( acgauthier.tumblr.com) semble effacer le doute puisque elle se prénomme Anne Charlotte.
Quoiqu'il en soit, "Justin", déjà paru ailleurs en 2013, est un roman graphique à la remarquable maîtrise qui mérite amplement cette réédition chez un grand éditeur.







jeudi 14 juillet 2016

Casino d'hiver de Dominique Besnehard



J'aime de temps en temps lire les souvenirs de ceux qui font partie de " cette grande famille " du cinéma. C'est mon côté people qui ressort sans doute, aimant quand on entrebâille légèrement la porte de cet univers de rêve et de paillettes. Je me fais guère d'illusions, ce genre d'ouvrage conjugue souvent le verbe admirer sous tous les modes, tous les tons, parfois laisse glisser une vacheries mais sert quand même d'auto-congratulation parfois énervante.
Dans " Casino d'hiver", on n'échappe pas à cette déferlante d'amour envers tout un tas de comédiens, metteurs en scènes ou autres artisans de la machine 7ème art hexagonale. Il faut dire à la décharge de Dominique Besnehard qu'il a toujours aimé les stars de cinéma, des plus inconnues aux plus populaires et ce depuis sa plus tendre enfance. Et cet amour ne dégouline pas d'entre les pages mais, surprise, irrigue son livre. Il n'a pas son pareil pour décrire telle star ( alors, au hasard, Marlène Jobert, Nathalie Baye, ...) sous son jour le plus amical, le plus gracieux, le plus amoureux parfois, mais il n'oublie que dire aussi combien ce statut peut les rendre quelques fois irritables, égocentriques, mesquines, âpres au gain ou distantes. Son regard est celui de quelqu'un qui n'arrive pas à croire que fils d'épicier sur la côte normande, il ait pu ainsi, à force de volonté mais aussi de charisme et de culot, vivre au plus près des personnes qui l'ont fait rêver.
Mais ce livre ne s'arrête pas là, il est aussi la description précise du cinéma français des années 70/80, ses jeunes vedettes émergentes, souvent issues des castings sauvages de ce formidable flaireur de talents, qui commencent à tailler des croupières à des stars sur leur déclin ou de comment Claude Sautet, Pierre Granier-Deferre vont laisser petit à petit leur place à des réalisateurs comme Jean-Jacques Beineix, ou au tonitruant Maurice Pialat. Au fil des pages réapparaissent aussi des noms un peu oubliés, disparus des radars comme Wadeck Stanczak ou Aurelle Doazan, petites vedettes éphémères d'un monde sans pitié qui en a brisé aussi beaucoup, ce que le livre ne cache nullement.
En lisant tous ces rendez-vous, ces incessantes conversations quasi quotidiennes avec toutes ces vedettes qu'il cocoone sans relâche, ces voyages un peu partout dans le monde, le vertige nous prend. Mais comment Dominique Besnehard arrive à vivre tout cela ?  C'est sans doute l'amour et la passion  de ce travail que l'on devine acharné. Aussi curieux  que gentil ( c'est du moins l'image qu'il se  donne ), aussi attentif aux autres que respectueux des artistes qu'il représente, celui qui a pris plaisir à jouer une foultitude de seconds rôles au cinéma ou à la télévision, déroule une ribambelle d'anecdotes parfois piquantes mais toujours bienveillantes. Cela pourrait être dégoulinant, ce n'est que l'expression de toute la reconnaissance d'un homme passionné à ceux qui ont illuminé sa vie. Et mêmes'il a connu des blessures ( sa passade Ségolène Royal), des doutes, des malheurs, ce plaisir à chercher, trouver le talent partout et souvent dans des lieux inattendus, cet oeil qui a su repérer tant de stars actuelles reste toujours aussi vif même quand il s'agit, comme ici, de faire partager son amour des gens de cinéma.
C'est vrai, j'ai dévoré le livre comme une midinette à qui on raconte de belles histoires. Oui, j'ai tourné ces pages avec avidité, peut être un peu avec la curiosité d'un lecteur de magazine people ( du coup, je me suis remis à niveau...) mais surtout, avec le plaisir de quelqu'un qui va au cinéma et qui aime qu'on lui parle de ce monde pour lui inaccessible et donc troublant. 

mercredi 13 juillet 2016

Arnaud Fleurent-Didier - Le reste tu devines


La compil de l'été 2016 (n°2)






Arnaud Fleurent-Didier est entré dans notre vie de provinciaux avec son titre "France culture" que tout le monde connaît par coeur à la maison ( ados comprises). Si vous n'avez pas ce presque tube à l'esprit, pour vous donner une idée de sa longueur, disons que comparée avec n'importe quel titre de Christophe Maé, on a le même rapport qu'entre un volume de Oui Oui et " La recherche du temps perdu". (Je place Proust dans l'équipe d'Arnaud bien sûr). C'est donc avec un intérêt certain que la sortie de ce titre " Le reste, tu devines", annonciateur d'une album publié à la rentrée, a tout de suite suscité mon intérêt.
Si la chanson par elle-même, mix entre du easy-listening et un tubounet des années 70, n'accroche pas plus que ça ( quoique...), j'avoue que le clip convoque des références cinématographiques très amusantes à découvrir. et ce n'est pas la présence assez drôle d'Isabelle Huppert qui me contredira. Avec un joyeux mélange de tout un tas de plans de cinéastes des seventeens ( Truffaut, Rohmer, Lelouch, ...) qui vire à l'absurde pour mieux retomber sur ses pattes, ce mini film hommage est très plaisant à regarder voire à écouter si l'on aime cette chanson décalée de partout, à prendre au huitième degré.
C'est sa doute sa pseudo légèreté qui me fait placer ce titre dans ma compil de cet été 2016 qui reste tout de même plus écoutable avec les images que sans.

mardi 12 juillet 2016

Défaite des maîtres et possesseurs de Vincent Message


Se plonger dans " Défaite des maîtres et possesseurs" n'est pas anodin et vous n'en sortirez pas indemne. Les entrées pour parler de ce second ouvrage de Vincent Message sont multiples. Sans vous déflorer trop l'histoire, et ainsi vous réserver quelques surprises, disons que c'est une fable d'anticipation. J'ai bien écrit "anticipation" et pas "science-fiction", le détail a son importance. Bien que le narrateur soit un personnage venu d'une autre galaxie, aucun rayon laser, aucune soucoupe ou autre engin étrange ne viendra colorer le récit. Nous sommes bien sur la planète terre et presque rien dans le premier chapitre ne permet au lecteur de situer l'action dans le temps. Tout au plus, un léger sentiment que la trame ne dit pas tout, que l'hôpital dans lequel est conduite Iris, jeune femme un peu sauvageonne, n'est guère accueillant et que cette histoire de bracelet manquant est bien étrange.
Evidemment, la suite nous mettra assez vite au parfum, mais l'auteur ne dira jamais tout de cette nouvelle organisation de la planète terre dont les maîtres et possesseurs sont d'une origine galactique. Jamais ils ne seront décrits, tout au plus saurons-nous que l'intégration en milieu hostile est chez eux un art, qu'ils n'éprouvent pas vraiment les sentiments des hommes et, petit détail, que c'est l'eau qui les a attirés chez nous. Notre imaginaire fonctionnera à bloc,se glissant entre ces lignes évocatrices, nous laissant y placer nos propres images.
Devant cette toile de fond un peu floue, se joue un drame, âpre et déstabilisant. Malo, le narrateur, essaie de sauver Iris des griffes d'un système qui a mis les humains de côté. Iris est une terrienne, déclassée, au destin proche de l'animal. Le combat qu'il mène est double. Travaillant au Ministère, il espère faire passer une loi donnant plus de liberté aux humains. Ces deux quêtes nous permettront d'en savoir un peu plus sur la jeune femme ainsi que sur les fondements de cette société à l'organisation centralisée, totalitaro-libérale.
La lecture de " Défaites des maîtres et possesseurs" ouvre de nombreuses voies de réflexion, tant les sujets abordés sont denses et font écho à notre époque. Le lecteur sera interpellé  tout aussi bien  sur l'état de notre planète et la disparition de certaines espèces animales que sur un monde régit où les classes sociales sont marquées jusqu'à l'outrance. Il y a quelques morceaux de bravoure et notamment un chapitre 6, qui défie l'imagination et risque de déranger les âmes sensibles. Ce qui apparaîtra pour certains comme outrancier, inconfortable voire gratuit, n'est que le point de bascule du roman qui permettra au lecteur de passer vers le côté plus romanesque du roman, où soudain la vie des héros prendra les allures d'un thriller haletant. Sans jamais se départir d'une écriture ambitieuse et ciselée, Vincent Message livre ici un roman dérangeant, bouleversant, aussi littéraire que passionnant. A coup sûr un grand roman qui ne peut laisser indifférent ( et fort justement récompensé par le prix Orange du livre qui, une fois encore, arrive à sortir des sentiers battus et mettre en avant un livre bizarrement boudé par les médias traditionnels). 

samedi 9 juillet 2016

Benoît Dorémus "20 milligrammes" Clip officiel (2016)







La compil de l'été 2016 de "Sans connivence"

L'été est un moment de festival, de voyages, de temps libre et de découvertes. Comme tout le monde, j'ai de temps de flâner un peu partout, de regarder, d'écouter, sur le net mais surtout dans la vie réelle. Les rencontres, les échanges divers permettent de découvrir une multitudes de choses,de gens, de créateurs, de simples amateurs aux goûts affirmés. En matière de musique, je suis loin d'être un spécialiste  ( n'est-ce pas Y.F. ?), mais je persiste à donner mon avis sur ce qui m'accompagne depuis toujours : la chanson française. Et durant cet été, le blogueur en vacances a décidé, contre vents et marées, de partager ce qui lui sert de bande son estivale. 
Le premier de cette compil est Benoît Dorémus et son clip : " 20 milligrammes"
En plus d'un visuel très réussi, punchy et avec un beau noir et blanc, avouez que ce titre slamé est fort bien écrit ! Enfin un chanteur à texte, inspiré, qui se coltine une réalité rarement abordée en chanson. J'aime quand on me chante avec talent et un poil de dérision, notre quotidien pas joli-joli...
Evidemment, cela donne envie d'aller écouter tout l'album ( "En tachycardie" sorti au début de l'année).
Et là, une petite surprise. Si les textes sont tous très bien sentis, toujours écrits avec un vrai regard pertinent et original, le patronage de Francis Cabrel se fait sentir ( oui, ce dernier a donné un gros coup de pouce ). L'énergie de" 20 milligrammes" est calmée par des titres guitare/voix moins énervés et du coup moins originaux de prime abord. Une écoute plus attentive permet de découvrir un parolier de talent qui a un vrai univers. Même si certains titres me semblent plus faibles, peut être trop marqués par l'inspirateur ( "Lire au chiotte" lorgne trop vers Renaud par exemple), d'autres sont de petites gâteries que l'on écoute sans compter : " Ton petit adultère" est vraiment jolie ou "Aïe, ouille" et ses sonorités marquées, prouve que l'on peut encore faire un son original juste avec une guitare ( ok, y'a aussi Cabrel au banjo, mais qui le sait ou l'entend vraiment ? )
Sans être dépressif, ni consommateur d'anxiolytiques, "20 milligrammes", clip aussi beau que percutant, m'enchante et est donc le premier titre de ma compil d'été !
Bientôt, le deuxième !

vendredi 8 juillet 2016

Irréprochable de Sébastien Marnier



Sébastien Marnier, contrairement à l'héroïne de son premier film semble être sorti de la galère. Après une bande dessinée, adaptée récemment en dessin animé pour Arte ( "Salaire net et monde de brutes") et un petit roman très réussi (" Une vie de petits fours" ), le voilà réalisateur d'une production réunissant Marina Foïs et Benjamin Biolay.
Le film nous cueille sèchement, sans générique. D'emblée nous suivons Constance, sans emploi, squattant à Paris des appartements encore vides qu'elle trouve auprès d'une ancienne collègue agent immobilier. Mais la vie parisienne avec juste le RSA ( et un iphone) c'est dur. Elle décide de retourner en province, dans la maison de sa mère hospitalisée. Cela lui permet d'avoir au moins un gîte gratos mais aussi d'aller revoir un ancien employeur qu'elle avait planté du jour au lendemain six ans plus tôt. Alors qu'on lui fait miroiter un possible emploi, bouée de sauvetage indispensable, elle mène une liaison avec un fiscaliste, jouant pour lui la chienne assoiffée de sexe. Le travail lui passera sous le nez, pris par une jeune femme toute en jambe et ambitieuse. Et la spirale de la relégation en femme de seconde zone n'est plus un spectre mais une réalité que Constance, toujours aux aguets, va essayer d'arrêter.
Difficile de dire grand bien d'"Irréprochable". Marina Foïs est effectivement formidable d'ambiguïté, de froideur, de calcul, mais aussi de détresse, elle porte à elle seule un film mais elle n'arrive pas à sauver. Constamment le récit hésite entre la chronique sociale et un vague thriller, sans trancher vraiment. Parfois il lâche quelques éléments qui rendent l'héroïne mystérieuse, parfois, il entre dans une sorte d'empathie avec elle... Le cul entre deux chaises, le film avance cahin-caha, se diluant petit à petit dans un ennui distingué. Quelques scènes de sexe se voulant crues ( avec Marina nue mais Biolay habillé !!!) pourraient réveiller le spectateur, mais l'ennui à tendance à le rendre léthargique. Ce n'est que dans le dernier quart d'heure que le film se réveille un peu...Mais c'est trop tard.
Ce manque de rythme dû sans doute à un scénario ambitieux qui, à force de vouloir ajouter de tous petits éléments signifiants, se perd dans l'anecdotique. Il reste quand même, un joli portrait de femme à la dérive qui se débat avec ses propres contradictions. On retiendra également la gracieuse présence de Joséphine Japy. Toutefois, cela ne rend pas "Irréprochable" complètement passionnant. C'est bien essayé pour Sébastien Marnier, mais je le préfère dans une verve plus franchement caustique.




mardi 5 juillet 2016

Camping 3 de Fabien Onteniente



Patrick aborde la cinquantaine et le vieillissement avec inquiétude. Chômeur, célibataire, sans nouvelle de son adolescente de fille, au volant de sa vieille bagnole amoureusement astiquée, il file vers le bassin d'Arcachon pour tenter de retrouver un peu de sa jeunesse qui s'enfuit. Dureté de l'époque oblige, il goûte aux charmes du covoiturage avec trois jeunes dijonnais sympas mais sans le sou. Arrivé dans son camping habituel, s'il retrouve ses amis de l'été, la bulle confortable des "flots bleus" a été remaniée par un nouveau gérant biberonné à des techniques commerciales plus agressives. Il se retrouve ainsi relégué au fond du camping, près des toilettes, symbole ultime de son déclassement. Au milieu de son Benco, de son "Belle du seigneur" et de ses slips de bain ringards, Patrick essaiera de tromper son sentiment de mise à l'écart en tentant de jouer le séducteur. Mais le coeur n'y est plus. Sa confrontation avec la bande de jeunes transportés et qu'il se sent obligé d'héberger, va petit à petit lui faire prendre conscience que sa belle époque de dragueur irrésistible est bel et bien terminée. Plus proche du vieux garçon maniaque que de l'étalon qui fait rêver, Patrick abordera la cinquantaine avec difficultés et ces vacances qu'ils pensait être celles du renouveau, auront un goût plutôt amer.
Oui, il s'agit bien de "Camping 3",  le film de beaufs en vacances ! Honnêtement, je n'avais pas vu les opus précédents mais j'avoue qu'il y a quelque chose de bluffant dans le film : Franck Dubosc ! En acceptant de promener sa bedaine au soleil, en poussant la beaufitude de son personnage jusqu'à l'extrême, l'acteur arrive à rendre son mythique de Patrick Chirac totalement pathétique, émouvant. Nous sommes pourtant mis à rude épreuve ; clichés vaseux sur les gays, les handicapés, scène d'urinoir indigente, et j'en passe, rien ne nous est épargné, et pourtant, sans doute grâce à quelques répliques assez bien vues et drôles et surtout au jeu sensible du comédien, j'ai été accroché par le bonhomme.
Alors un bon film "Camping 3" ? Non, assurément pas. Car si Dubosc fait vraiment bien le job ( sans doute écrit, bien écrit sur mesure)  autour de lui, c'est le néant total. La réalisation est indigente, façon téléfilm sans moyen, mal éclairé, sans l'ombre d'un scénario. Les autres personnages autour de lui, bourrés de clichés, virent au pathétique mais version vide et inutile. Du coup, l'illusion de la première partie, centrée sur Dubosc, peine à s'installer sur la durée. Le manque d'intrigue fait tomber le spectateur dans l'ennui, guettant le retour de Patrick pour qu'un léger sentiment de n'avoir pas perdu son temps puisse s'effacer.
Si le coeur vous en dit, le plus gros succès français au box office depuis des lustres ne vaut que par la présence d'un Franck Dubosc bluffant qui arrive à être en même temps drôle et émouvant. Sacré performance dans un film par ailleurs ni drôle, ni émouvant, mais totalement insipide !



dimanche 3 juillet 2016

Le bonheur occidental de Charles Berberian




Je suis un lecteur assidu de Charles Berbérian...enfin...surtout quand il est en duo avec Dupuy. Comme chacun semble dorénavant travailler en solo, la lecture du " Bonheur occidental" n'en restait pas moins un moment vraiment attendu.
Une fois refermé cet album composé de petites histoires (?) publiés dans différents magazines, je ne peux pas dire que je sois emballé. On retrouve pourtant au fil des pages cet humour à la fois discret mais corrosif qui faisait le charme de productions précédentes, mais dilué dans des morceaux de vie pas toujours convaincants. L'ensemble fait un peu disparate, même si ces petites nouvelles se relient entre elles par une même observation ironique d'un monde où la bêtise des nantis et leur envie de briller dominent dans un patchwork de thèmes, voire d'essais graphiques, allant du reportage dans un milieu de pouvoir à des chroniques plus intimistes. Des détails retiennent l'attention, piquent notre esprit, font sourire mais pour beaucoup d'autres qui laissent un peu indifférents. J'ai l'impression qu'à l'image de l'auteur régulièrement mis en scène au fil des pages, la sauce apparaît un peu tristouille, voire déprimée. Charles Berbérian se met en scène et apparaît comme vaguement agressif, pas fantastiquement attirant, un poil aigri aussi. Pas gagné de vendre une telle personnalité un peu décalée, mal dans peau, sorte de Woody Allen qui aurait oublié de prendre ses médicaments. L'album suinte de cette image, d'un auteur qui semble se chercher maintenant qu'il est seul devant sa table de dessin. La transition semble difficile pour lui. Ce " bonheur occidental" est l'expression de ce mal, de ces essais pas toujours concluant. Reste quand même une belle patte de dessinateur, un regard aigu. Maintenant à charge de se poser et de mettre cela dans une forme plus fouillée. A suivre donc...


Merci au site BABELIO et aux éditions Fluide Glacial de m'avoir fait découvrir cet album !

vendredi 1 juillet 2016

La maison de Paco Roca

Paco Roca a souvent porté son regard sur le passé, la mémoire.  De la maladie d'Alzheimer dans "Rides", à l'hommage aux dessinateurs des années 60 ( "L'hiver du dessinateur" ), en passant par " La nueve" durant la dernière guerre mondiale, ses albums sont tous empreints de cette même envie de se retourner vers hier. "La maison" n'échappe pas à cette thématique, mais ici avec une nouvelle dimension qui apparaît comme franchement plus autobiographique. 
Deux frères et une soeur, que la vie a plus ou moins séparé, se retrouvent dans une résidence secondaire construite été après été par leur père aujourd'hui décédé depuis un an.  La vente de cette maison qui a quand même gâché pas mal de leurs vacances est à l'ordre du jour. Les discussions commencent entre nostalgie, joie de vivre et quelques petites rancoeurs. Mais les souvenirs resurgissent à l'évocation des moments passés ou en la redécouverte  d'un objet. Et puis, l'image du père hante les enfants. Même s'il était dur à la tâche, assez intransigeant, son aura traîne encore parmi les murs et dans la tête de sa descendance. La peur de quelque part tourner la page, fait hésiter quant à la cession de cet endroit qui les a toujours réunis. 
Dans un très agréable format à l'italienne, avec une sensibilité extrême, Paco Roca nous invite dans l'intimité de cette famille, nous fait sentir la valse hésitation d'adultes qui retrouvent leurs réflexes d'enfants, voire continuant sans s'apercevoir à perpétuer une tradition familiale. Avec un jeu de couleurs mêlant avec talent couleurs estivales et pastels de la nostalgie, l'album, proche de la ligne claire, est un régal pour les yeux. Il ne se passe pas grand chose au final, on n'y apprend pas non plus grand chose sur la vie de chacun, mais chaque case recèle un parfum de nostalgie qui nous donne un ton très intime à cette production.
Album fragile et tendre" La maison" parlera sans doute à beaucoup de monde. Le deuil et ses suites, ses retrouvailles familiales, ici assez douces, font partie de l'histoire de tout un chacun. Paco Roca saisit avec beaucoup de sensibilité ces instants si fragiles et sait à merveille restituer les valses hésitations d'une mémoire qui s'interfère toujours lorsque les décisions de se séparer des biens d'un défunt se présentent. Sans pathos, ni hystérie, l'album surprend par son habile imbrication de flash backs et par sa capacité à dévoiler les indicibles atermoiements d'êtres désormais face à leur destin.