Comme tout un chacun qui a un jour rencontré l'oeuvre de Louise Bourgeois, le travail de cette artiste m'a interpellé. Les araignées monumentales, les chambres/cages où se mêlent sexe féminin nié et homme dominant, ces simples broderies qui rappellent un passé trop codé, tout est parlant évidemment et renvoie à une vie, une enfance, qui pourrait être la mienne, qui ne l'est pas mais qui résonne pourtant.
"Calme toi, Lison" ( Lison restera comme le diminutif utilisé par le père de Louise Bourgeois à son égard. Plus tard, elle l'utilisera pour signer les courriers qu'elle lui adressera) n'est ni un roman, ni une biographie, mais le monologue imaginaire d'une artiste, sans doute au soir de sa vie. Les souvenirs reviennent pêle-mêle, Louise pleurant au bas d'un escalier le jour de la mort de sa mère, les gémissements de plaisir d'une bonne provoquée par la saillie du père qui n'avait peut être pas pris la peine d'enlever son éternel cigare de sa bouche, la présence efficace, sympathique de Jerry, son jeune assistant, proche, très proche. Reviennent aussi sans cesse les araignées, figures incontournables de son oeuvre, qui la fascinent. Contrairement au commun des mortels, elle voit en elles leur naturelle figure maternelle protectrice, ingénieux animaux qui tissent de façon merveilleuse et qui pour certaines adoptent des stratégies formidables pour vivre.
Ce texte serré, un peu sec, ressenti ainsi car à l'image que je me fais de Louise Bourgeois, dissémine des éléments biographiques qui servent aussi d'éclairage à cette oeuvre immense . Et c'est en toute simplicité, que, mine de rien, au fur et à mesure des courts paragraphes qui composent le livre, Jean Frémon nous fait pénétrer au coeur de la création et à réfléchir sur ce qu'est l'Art ( oui, avec un A majuscule !). Avec justesse et sensibilité, les pensées de Louise Bourgeois nous saisissent avec ces mots , francs, secs. Se parlant à elle-même : " Tu es devenue fabricante de petits miroirs. Ne vous trompez pas, cela ne reflète que vous, vos sales petits secrets."
C'est sans doute pour cela que devant ces cages/chambres ou en se plaçant sous une de ces gigantesques araignées, tout un chacun perçoit quelque chose d'intense, parfois indicible, toujours frappant. L'art de Louise Bourgeois c'est d'avoir su à partir du matériel de sa propre vie, en faire une proposition artistique originale, unique, universelle. "Calme toi, Lison" en est la plus belle expression, le plus ardent hommage.
Bien sûr pour être sensible à ce livre, sans doute faut-il avoir été confronté aux diverses installations ou sculptures de l'artiste. Cependant, la beauté de l'écriture de Jean frémon, la tension qu'il créé avec ses mots finement choisis, dressent un portrait original, littéraire qui ne peut que donner envie à ceux qui ne connaîtraient pas encore cet univers si singulier de s'en approcher.
Je me suis approchée de ce roman et je me suis laissée prendre dans cette toile si joliment tissée...
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup l'approche corporelle des émotions(le corps à épreuve de hystérie, magnifique!). La stratégie de l'araignée(p114) résonne bien en moi...Je n'avais une connaissance de la Salpetrière qu'hospitalière...Merci de me faire découvrir l'autre Univers!!