vendredi 15 juillet 2016

Justin de Gauthier


Si l'on prend en mains "Justin" comme on peut le faire lorsque l'on traîne dans une librairie, en l'ouvrant au hasard pour jeter un oeil au dessin, et qu'on le feuillette rapidement façon flip-book, l'impression qui se dégage est celle d'avoir affaire à une BD pour enfant dont les personnages aux drôles de nez  sont prétexte à donner un fun animalier à un graphisme simple en noir et blanc.
Cet examen rapide vous induira à coup sûr à l'erreur, car sous ces airs enfantins se camoufle le portrait sans fard de Justine, petite fille qu'elle est un garçon et qui se heurte bien sûr à l'incompréhension de son entourage.
Avec ses larges cases au trait minimal, le récit se concentre exclusivement sur son personnage principal, s'attachant à nous décrire ses doutes, ses peurs, ses combats. Hou là ! me direz-vous, cela sent le pathos à plein nez, l'histoire militanto/glauque sur le thème de la transsexualité ! Là encore, pas du tout ! "Justin" va bien évidemment ne pas faillir à son projet de raconter le parcours semé d'embûches d'une fille qui sait être un garçon. Mais où d'autres auraient forcé le trait, surlignant de façon voyeuse ce parcours terrible et (au choix) larmoyant, infernal, sordide, Gauthier ( l'auteure), avec le plus subtil des talents, narre cette histoire avec une simplicité infinie, une extrême bienveillance. Sans rien édulcorer des attentes, des moments de grande solitude, des rencontres avec des médecins ineptes, des traitements, des opérations, elle arrive à rendre ce récit simple, cohérent et surtout évident.
Alors si autour de vous, quelques lourdauds déblatèrent sur la transsexualité sur le mode déviance inacceptable, n'hésitez pas à leur mettre entre les mains ( rajoutez des lunettes, coupez la télé et installez-les dans un fauteuil confortable ) " Justin" qui possède toutes les qualités pour faire réfléchir toute personne pourvue d'un cerveau ( même atteint par des discours nauséabonds). Jamais lourdement pédagogique, le roman (graphique) coule paisiblement et intelligemment, le dessin aux apparences simples participant grandement à rendre le propos abordable, jamais choquant et lisible dès 10/12 ans.
On referme "Justin" avec une interrogation. Ce récit est-il autobiographique ? Quelques éléments ici ou là le laissent supposer, Un passage sur le site de l'auteur ( acgauthier.tumblr.com) semble effacer le doute puisque elle se prénomme Anne Charlotte.
Quoiqu'il en soit, "Justin", déjà paru ailleurs en 2013, est un roman graphique à la remarquable maîtrise qui mérite amplement cette réédition chez un grand éditeur.







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