mardi 27 novembre 2018

Sauver ou périr de Frédéric Tellier


Franck, le Héros du film ( oui avec majuscule)  est pompier, vous savez ces personnes qui encore en France font preuve à la fois de courage, d'abnégation et d'empathie. Volontaire, sérieux, sa passion lui fera vite monter les échelons jusqu'au jour où, lors de l'incendie d'un entrepôt, voulant sauver une partie de son équipe coincée au milieu des flammes, il sera très gravement brûlé. Sa carrière prend fin et nous le retrouvons sur un lit d'hôpital, dans le coma. S'ensuivra une lente rééducation pour retrouver un semblant de vie... Mais Franck est fort, courageux, ...
Franck, c'est Pierre Niney, acteur phare de la nouvelle génération, totalement investi dans le rôle ( il a même reçu, suite à ce tournage,  une décoration honorifique remise par le général commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et la ministre des armées, ....bon....il est première classe). On le voit, fin et musclé, grimper à la corde, s'entraîner rudement, le regard fier et ardent. Puis, plus tard, bandé des pieds à la tête, le regard toujours incandescent, luttant contre la souffrance physique et morale d'un lent processus de remise sur pied. Rien à dire sur son interprétation, il est plus que parfait, autant dans l'action que dans la reconstruction. Il porte le film sur ces épaules, heureusement musclées pour l'occasion. Le film fonctionne grâce à lui, parce qu'autour, le moins que l'on puisse dire, c'est un peu le désert. Si la caserne de pompiers puis l'hôpital assurent un décor signifiant que dire de tous les seconds rôles tous assez inexistants. Anaïs Demoustier joue comme elle peut les utilités ( difficile de faire exister un rôle de sage petite instit mignonne et gentille) et les autres se contentent d'être là en décoration. Le scénario ne s'écarte pas d'un centimètre d'un parcours maintenant bien balisé au cinéma, celui du lent cheminement vers une guérison (  on pense pas mal à " Patients"  ) et reste très sage ( comme l'instit ).
"Sauver ou périr" grâce à la performance de Pierre Niney, se regarde sans trop d'ennui mais  emprunte sagement une voie rendue banale à force de trop vouloir lisser le propos. Reste toutefois un bel hommage à cette profession indispensable... Alors, en cette fin d'année, en plus du calendrier, pourquoi pas le film ?


dimanche 25 novembre 2018

Aga de Milko Lazarov


Marre des productions françaises plus formatées pour la télé que le cinéma ?  Epuisé par cette débauche d'effets numériques de production US grand public ? Et si vous vous laviez les yeux et l'esprit en choisissant d'aller voir un film bulgare se déroulant en Lakoutie ? Pour ceux que la géographie au-delà de nos frontières reste obscure, cette région ne se trouve nullement en Bulgarie mais au Nord-Est de la Sibérie, un Grand Nord avec seulement de la glace et de la neige comme paysage.
Dans ces étendues arctiques, vous passerez une heure trente en compagnie d'un vieux couple et de leur chien. Dans cette immensité uniformément blanche, la vie s'écoule lentement, entre pêche et pose de pièges, entre cuisine simple et tannage de peau. Un avion striant le ciel de sa traînée de fumée nous indique que nous sommes au 21 ème siècle. Dans leur habitat rudimentaire, Nanouk ( hommage évident au film de Flaherty) et Sedna, reproduisent des gestes ancestraux, immémoriaux. Entre ces deux-là, l'immense complicité qui les lie exprime l'amour dans sa plus belle simplicité. Malgré l'apparence documentaire d'"Aga", le scénario place des éléments d'histoire qui emportent le film dans l'essentiel de l'humanité : la vie, l'amour, la mort, éléments fortement imbriqués. Nous sommes loin des valeurs libérales actuelles : consommation, argent, technologie, valeurs qui ont attiré la fille de nos deux héros.
Avec un format 35 mm qui joue magnifiquement avec ces étendues uniformes sans jamais tomber dans une esthétique appelée de nos jours Instagram, "Aga"  nous invite à réfléchir sur nos vies modernes et sur la mort inéluctable qui nous attend comme sur celles de ces peuples premiers qui s'éteignent peu à peu. On ne peut qu'être ému par l'infinie humilité de Nanouk et Sedna, beaux et touchants face à un monde qui ne les regarde plus, ne les comprend plus.
Malgré un scénario ténu, le film parvient à dire beaucoup, sans pathos, sans effets numériques grâce au regard empathique d'un réalisateur un peu ethnologue et ayant un grand sens de l'humanité.


samedi 24 novembre 2018

Laurent le flamboyant de Julia Woignier


Ce roman, pour les enfants qui commencent à bien lire ( donc à partir de 7 ans ) se présente comme un joli objet coloré jusqu'à la tranche, parée d'une belle teinte rouge. Côté appétence à ouvrir le livre, c'est gagné. L'intérieur, amplifie la première impression, des illustrations qui fleurent bon la nostalgie des ouvrages des années 50/60 ( une spécialité des éditions MeMo), rythment joliment le texte pendant 76 pages.
L'histoire, le plus important quand même, se déroule dans la jungle de Sumatra où un brave ourang-outan se fait un drôle de cinéma dans sa tête. Il rêve, en déposant au pied de l'arbre où il vit de la tarte aux litchis de sa fabrication, d'attirer des petits enfants, parisiens si possible. Sauf enfants de hipster en vacances dans le coin, la probabilité qu'une Marie-Liesse ou un Jean-Octave apparaissent, reste de l'ordre du rêve. Une fourmi, voisine de Laurent, profite de l'aubaine pour s'empiffrer et surtout faire un peu marcher le grand singe en lui faisant espérer une venue possible de quelques blondinets ( habillés Bon Point ? ) s'il change d'appât. De déception en découragement, les rêves en prennent un coup. Mais si, on se secouait un peu et que l'on mettait toute son énergie pour essayer d'atteindre ce rêve?
Mignonne en apparence, l'histoire, avec une écriture voulant sortir des sentiers (re)battus du genre, surprend un poil. Dans un style qui se la joue sautillant, usant de jeux de mots, jouant avec les caractères ( d'imprimerie) comme avec l'anthropomorphisme, s'égarant un peu dans des détails étranges, des allusions vieillottes ayant trait à l'enfance, des citations sans doute datées pour les enfants ( citer l'oeuvre lyrique de Joséphine Baker donnera-t-elle un plus culturel à notre jeunesse ou lui passera-t-elle largement au-dessus? )  l'histoire avance cahin-caha. Parfois on se demande si l'auteure n'a pas utilisé les litchis en cigarettes... Un sentiment de trop plein envahit le texte au détriment de ses personnages, rendant la lecture moyennement emballante. Le dossier de presse ( très beau) accompagnant l'ouvrage, s'il essaie de bien resituer ce roman dans la production mainstream actuelle, n'évite pas de s'égarer lui aussi dans des considérations pas mal amphigouriques, vraisemblablement fort bien pensées et encore plus vraisemblablement destinées à un coeur de cible bien précis ( Kevin lâche ce livre et rend-le à Paul-Edouard !).
"Laurent le flamboyant", en met plein les yeux avec ses illustrations pimpantes. Pour l'histoire, je reste sceptique car il n'est pas certain que le lectorat auquel il s'adresse soit d'emblée réceptif à ce style débridé qui paraît surtout faire plaisir aux adultes.

Merci au site BABELIO et aux éditions MeMo pour la découverte de ce roman.

jeudi 22 novembre 2018

Les bonnes intentions de Gilles Legrand


Le film démarre par le pompeux jingle de la Twenty Century Fox. Tout de suite remontent en mémoire "Sept ans de réflexion" ou " The full monty" ( pour ne parler que des comédies). On se cale dans son fauteuil, un peu curieux quand même de voir ce que donne ce parrainage insolite pour une comédie française aux allures banales. Après un générique un cran au-dessus de l'habitude ( celui de fin sera mieux fichu) et une ou deux répliques drôles ( celles de la bande annonce .... " J'ai une petite bonne malgache" ..." Pourquoi petite ? Elle est naine ? "), le désenchantement arrive vite. Ce portrait d'une bourgeoise de gauche, gauche, gauche, pleine d'empathie pour la misère du monde, dévouée jusqu'à l'écoeurement ( de sa famille mais très vite aussi des spectateurs, tellement son cabas pour le secours populaire est chargé), se prend très vite les pieds dans le tapis. Ce qui apparaissait au départ  pour un film luttant contre les préjugés, devient une comédie lourdingue qui accumule les clichés. Le scénario passe loin de son sujet initial pour s'achever dans un final qui essaie de faire larmoyer le public sans y parvenir, perdu depuis bien longtemps par une intrigue de passage de permis de conduire par des élèves étrangers du cours d'alphabétisation de l'héroïne particulièrement basse de plafond. Agnès Jaoui, cabotine un max ( normal, elle ne fait que reprendre un rôle qu'elle a beaucoup joué) au milieu d'une chinoise qui propose des massages intégraux, d'un roumain évidemment magouilleur, d'une bulgare pute ( Oh, GiedRé au cinéma !) ou d'un africain qui connaît mieux Fleury-Mérogis que les salles du centre social du coin. On reste de marbre ( ou presque, car on peut sourire parfois ici ou là) devant ce petit monde qui s'agite vainement.
Je ne suis donc pas certains que les bonnes intentions annoncées soient franchement à la hauteur. On voudrait être gentil avec un film qui essaie d'en afficher, mais quand on voit le résultat, avec la meilleure volonté du monde, on ne peut pas.


mercredi 21 novembre 2018

Amanda de Mikaël Hers


Convaincre d'aller voir toute affaire cessante ( tout du moins tant que le film est encore à l'affiche) "Amanda" , peut s'avérer compliqué. Le thème, pas des plus fantaisistes, autour d'un attentat parisien ( ici au bois de Vincennes en plein été) et du deuil qui s'ensuit pour de nombreux parisiens et surtout pour un grand adulescent et sa nièce qui ont perdu leur soeur ou mère, laisse présager une histoire mal aimable, larmoyante, dure, que l'on peut ne pas avoir envie de se faire conter alors que l'hiver est là. Mauvaise pensée, le film n'est rien de tout cela, simplement lumineux, sensible, ensoleillé, bruissant de l'empathie d'une caméra caressant ses interprètes sans jamais tomber ni dans le mièvre ni dans le mélodrame, cueillant au vol leurs émotions, tout en retenue.
- Mais, il y a pourtant Vincent Lacoste, notre grand dadais comique, qui doit bien arriver à nous faire sourire non ?  pensez-vous en scrutant la distribution.
Certes il occupe tout l'écran pendant 1h45, mais mauvaise nouvelle pour les amoureux de la poilade devant une comédie française, Vincent Lacoste aborde pour la première fois un vrai rôle dramatique ( même si cette année on l'a vu dépressif ou homo amoureux, les réalisateurs lui avaient quand même aménagé des saillies humoristiques). Et si l'on sourit devant son impeccable interprétation, c'est uniquement par sympathie pour son personnage qui fait face à l'adversité avec une fausse bonhommie, laissant juste transparaître avec pudeur sa peine, son désarroi. Son jeu sensible d'étonné et de désarmé fait merveille.
Mais "Amanda" ne se limite pas à son interprète principal. Isaure Multrier nous ravit aussi dans un rôle de vraie petite fille ( pas une sorte de chienne savante espiègle et un tantinet tête à claque que les directeurs-trices de casting nous fourguent habituellement) et le reste de la troupe est au diapason ( avec une très belle scène finale avec le retour de Greta Scacchi). Et puis, il y a la grâce de Mikaël Hers, qui possède un vrai regard de cinéaste, un vrai univers aussi, mêlant la nature, la ville ( Paris comme on le voit rarement à l'écran), la vie, pour nous donner un sentiment de douceur ( apparente car dans les têtes, c'est aussi le chaos).
Film sur la résilience, les liens affectifs , parentaux ou pas, sans esbroufe de scénario, avec une émotion à fleur d'écran,  "Amanda"  étincelle sur l'écran, nous bonifie et nous fait aimer la vie malgré l'adversité. Un coup de coeur !


mardi 20 novembre 2018

Anatomie de l'amant de ma femme de Raphaël Rupert



Ce premier roman a obtenu le prix de Flore. Est-ce donc avec Adeline Dieudonné et David Diop ( tous deux primés cette rentrée), mais aussi Nicolas Mathieu ( Goncourt pour un second roman)  l'arrivée d'une nouvelle vague de romanciers prêts à tailler des croupières aux anciens qui s'accrochent désespérément ? On peut le penser tellement chacun de ces écrivains arrivent à créer un univers bien particulier autour de sujets qu'ils osent triturer sans complexe.
"Anatomie de l'amant de ma femme" se pose déjà en roman original au milieu de ses confrères, il vise à faire rire ( sourire) son lecteur. Il est rare qu'une oeuvre humoristique soit couronnée ( même si le prix de Flore n'arrive pas encore à rivaliser avec Médicis et autre Renaudot ). Et si l'on rajoute qu'il est beaucoup question du sexe plutôt long et vigoureux d'un dénommé Léon, amant de l'épouse  soudain comblée du narrateur, peut être que l'intérêt grandira...  Quoiqu'il en dise, un(e) petit(e) cochon(ne) sommeille dans chaque lecteur-trice.
Ce qui peut toutefois calmer ces ardeurs de découverte,c'est sans doute que, hormis ce prétexte égrillard, le roman reste surtout centré sur la création littéraire. Le narrateur essaie d'écrire un improbable roman dont il ne maîtrise ni l'issue ni même l'exacte portée. Posé devant sa page blanche, il s'interroge beaucoup sur son travail d'écrivain, faisant appel à quelques maîtres du genre ( Proust, Kafka, Kundera, Melville, Tolstoï, Guyotat, ...), son esprit vagabondant. Mais, il est certain que la découverte via le journal intime de sa compagne, qu'un amant, Léon, la satisfait énormément plus que lui grâce à un long sexe vigoureux, va changer le cours de ses réflexions. Entre l'enquête pour savoir qui est ce Léon et ses réflexions sur les rapports littérature/sexe, notre narrateur explorera toutes les zones d'ombres de l'interrogation masculine quant à la virilité ou la pornographie.
Avec causticité, avec humour aussi, mais sans jamais rien lâcher d'une vraie culture littéraire, Raphaël Rupert joue avec les codes de l'autofiction autant qu'avec ceux du vaudeville ou des scénarios de films pornographiques. L'ensemble se lit agréablement sans toutefois convaincre complètement, comme si la sauce entre cette vraie culture universitaire et le prosaïque de la taille du membre de l'amant avait quand même du mal à se mélanger, à l'image du roman écrit par le narrateur qui essaie de lier Shoah et pétomanie.
"Anatomie de l'amant de ma femme", correspond tout à fait aux désirs de son éditeur, "L'arbre vengeur", de ne publier que des oeuvres insolentes et exigeantes, chacun de ces deux derniers termes pouvant servir de repoussoir pour certains. Original, pas complètement réussi à cause de quelques redites et d'une fin un peu vague, humant le hipster parisien, ce premier roman possède le culot de ceux que rien n'arrête et pour cela, on peut se laisser tenter ! 

dimanche 18 novembre 2018

Inexorable de Claire Favan



Le polar débute par une préface écrite par le fils de l'auteure nous précisant que ce qui va suivre est en partie inspiré de sa vie. Tout de suite on comprend que l'école et ses professeurs à la vue basse et à la psychologie moins que basique va en prendre un coup. Des mots sont lâchés, enfant handicapé, différence, harcèlement, ... Le sujet est largement entendable et honorable dans une société ( et une Education Nationale) qui se gargarise de "Bienveillance", de " Confiance",d' " Epanouissement" . On le sait, plus ces mots sont prononcés, moins ils auront d'effets, car servant uniquement de cache-misère.
Donc Milo, 4 ans au début du roman, vit avec sa mère Alexandra ( blonde et très jolie) dans un petit pavillon de banlieue. Le père, Victor, ex militaire ( beau, grand et musclé) est souvent et longtemps absent car travaillant à l'extérieur. Peu importe que ces missions lointaines ne rapportent que des clopinettes, elle l'aime sans trop se poser de questions ( belle mais un peu sotte quand même). Une nuit, la police fait irruption dans la maison et arrête violemment Victor. Dénoncé par une ex maîtresse d'avoir pillé de nombreuses bijouteries, il sera jugé ( aux frais d'un patron inconnu, ce qui arrange la belle Alexandra, tirant le diable par la queue) puis emprisonné. L'épouse tombe des nues... ( Y'a des naïves quand même) et Milo, traumatisé par l'arrestation musclée de son père, certes musclé lui aussi mais à l'image soudain altérée, devient un petit garçon violent à l'école et crachant la Chocapic à la figure de sa mère. S'ensuivront des années de galères en milieu scolaire pour le gamin et sa pauvre maman ( qui ne perd rien de sa beauté). Le père, une fois libéré, a du mal à renoncer à ses occupations dans la bijouterie. Le beau voyou, le meilleur dans sa branche, intéresse diablement une organisation de malfrats. Seul rayon de soleil dans cet univers sérieusement vermoulu, Franck, le voisin de la famille, policier et ... très beau.
Je n'en dis pas plus. Rassurez-vous, au cas où vous auriez envie de connaître la suite, ce résumé ne concerne que le premier quart du roman, mais le reste sera du même tonneau, peu passionnant et sans nuance. Les amateurs de polar seront tout d'abord décontenancés par le manque d'intrigue réellement policière pendant les deux tiers du récit. Ceux qui ne se lasseront pas de cette litanie de misérabilisme scolaire et  psychologique assénée à l'emporte-pièce façon scénario de sitcom ( tant au niveau de l'écriture... si on peut parler d'écriture ... que de l'enchaînement rapide des actions), découvriront une pseudo enquête autour de jeunes filles assassinées à base d'amnésie ( cliché  pour écrivain pas vraiment inspiré) qui fera vite long feu et laisse pantois.
On voit bien ce qu'à voulu faire l'auteure : un plaidoyer pour l'intégration des enfants dits "différents" ainsi qu'une analyse ( heu, ici c'est un bien grand mot pour le brouet qui nous est servi) de la relation mère/enfant, ( avec cette question essentielle : Jusqu'où peut-on aller par amour ?) emballé dans une sorte de spirale infernale. Jouant lourdement avec  la corde sensible du lecteur et tombant tout de suite dans une rhétorique de roman de gare couplée avec une psychologie de bazar, l'ensemble apparaît franchement décevant. N'est pas Ruth Rendell qui veut ! ( Ou pire, on a en 2018 les Ruth Rendell qu'on mérite). 

samedi 17 novembre 2018

Les chatouilles de Andréa Bescond et Eric Metayer


Le sujet des "Chatouilles", de par son côté autobiographique et l'évidente sincérité qui en découle, reste inattaquable. Traiter des agressions sexuelles subies par la petite Odette durant son enfance, les dégâts psychologiques qui fatalement en résultent, puis, à l'âge adulte, la lente reconstruction pour parvenir à vivre à peu près normalement, ne peuvent que révolter, émouvoir.
Andréa Bescond, auteure, réalisatrice et comédienne ( elle joue Odette adulte) choisit pour son témoignage, en plus de s'attaquer frontalement au problème sans jamais de voyeurisme, qu'il soit aussi empreint d'un certain optimisme ( la résilience est possible) et d'une bonne dose d'humour.
Pas facile de mélanger abus sexuel sur enfant, optimisme et drôlerie ! Accompagnée par Eric Métayer à la réalisation, le film peine un peu à trouver son unité. Disons que le scénario ressemble à un burger : Deux tranches de narration dérangeante, intense, autour des abus subis durant l'enfance et du procès, et au milieu la narration éclatée, un poil clinquante, dansante, rêveuse, de l'Odette devenue adulte et se débattant pour essayer de (sur)vivre.
C'est cette garniture, prise en sandwich par les deux moments de grande intensité que sont l'ouverture et le final du film, qui pêche un peu. La caméra a beau virevolter dans tous les sens, la mise en scène jouer l'esbroufe en mélangeant les temporalités, en rajoutant de la danse, des sketches énervés ( on sent l'adaptation théâtrale), l'ensemble, à force mélanger les saveurs, peine à convaincre.
Cependant, on appréciera les comédiens ( courageux) comme Pierre Deladonchamps ( de plus en plus indispensable au cinéma français) et Karin Viard qui endossent des rôles de méchants avec talent et surtout un propos courageux, propre je l'espère, à faire émerger des paroles, des secrets enfouis au plus profond d'êtres brisés. Rien que pour cela "Les chatouilles"  mérite d'être vu, montré, discuté, même si ce n'est pas de la grande cuisine cinématographique, le thème l'emporte sur la réalisation.


mercredi 14 novembre 2018

Le verdict de Nick Stone


Tout en impose dans ce polar ! L'épaisseur ...720 pages tout de même..., le titre sec et précis,  mais aussi la photo, ni sexy, ni fun, qui, avec cette perruque poudrée mise en avant, laisse augurer un roman d'un long classicisme vraisemblablement situé dans un prétoire, très loin des soubresauts trépidants d'un thriller haletant. Pourtant, si l'on scrute la quatrième de couverture, le terme " thriller" y est bien noté... et à juste raison, car les pages se tournent avec fébrilité jusqu'au bout.
Le départ de l'intrigue joue avec le classicisme. Une jeune femme est retrouvée nue, étranglée dans la suite d'un hôtel. Tout porte à croire que le coupable n'est autre que Vernon James, fraîchement élu "personnalité éthique de l'année" mais également occupant de cette suite. Ce beau, riche et séduisant quarantenaire mis sous les verrous va faire appel à un célébrissime cabinet d'avocats londoniens pour le sortir de là. Tout porte à croire qu'il est le coupable. Le roman ( et surtout le staff qui assure sa défense) s'ingéniera, au minima à contrer les preuves de l'accusation, au mieux à prouver son innocence.
Rien de bien neuf donc dans cette l'intrigue ? Si, quand même, car un deuxième personnage principal va attirer notre attention, le greffier du cabinet d'avocats, Terry, qui n'est autre que son grand ami d'adolescence. Entre les deux hommes, il y a un passé, trouble, de vieilles histoires autour d'un assassinat mais aussi d'une affaire de vol. De vieilles rancunes lient les deux hommes qui ne se sont pas vus depuis vingt ans... Nick Stone, l'auteur, laisse judicieusement quelques zones d'ombre sur ce passé, donnant ainsi un ressort supplémentaire à une intrigue qui n'évite pas l'emprunt des sentiers rebattus de l'enquête judiciaire composée de recherches minutieuses de détails incohérents au milieu d'un flot d'analyses d'experts et de dépositions de témoins.
Divisé en trois parties distinctes, la mise en place de l'intrigue, les recherches, le procès, le roman techniquement bien fait,  vous attrape dès les premières pages. On les tourne, on les dévore, on a envie de savoir, on s'étonne, on s'interroge. Même si quelques pistes semblent s'estomper sous les rebondissements ( nombreux), les morts soudaines ( l'enquête va se révéler dangereuse pour les protagonistes) , voire les poursuites dans un Londres en pleine effervescence sociale, vous emmènent jusqu'au bout de la nuit. Le lecteur prendra plaisir aux scènes de procès, classiques certes, mais ici empreintes d'incertitudes car l'auteur s'est ingénié à ne pas tout nous dévoiler sur les conclusions des diverses enquêtes. Seule peut être une fin inattendue et surtout ses conclusions rapides déçoivent un peu ... mais, les développer nous aurait conduit à un roman de 1000 pages. Qui de nos jours achèterait un polar aussi volumineux ?
Ne vous laissez pas impressionner par la grosseur du volume, "Le verdict" tient la route et saura vous passionner un bon moment, sans pour autant bousculer le genre. C'est tellement  plaisant de temps en temps de retrouver l'ambiance des prétoires et ses confrontations de témoins... Si vous aimez le genre, ne vous en privez pas !

Merci aux éditions Gallimard et au site BABELIO pour cette découverte.


mardi 13 novembre 2018

High Life de Claire Denis


Après avoir tâté de la comédie ( "Un beau soleil intérieur" de sinistre mémoire), louons l'éclectisme de Claire Denis de nous proposer un film apparemment de science-fiction. Des réalisateurs qui osent s'essayer ( ou parviennent à trouver des producteurs ) à des genres bien définis, se comptent en France sur les doigts d'une main. De plus entraîner à sa suite deux stars internationales comme Robert Pattinson et Juliette Binoche ne peut que créer une envie de foncer au cinéma.
Le résultat s'avère... étonnant. Avec un maigre budget, ( nous ne sommes pas dans "Gravity" loin de là), dans des décors que l'on devine faits de bric et de broc et  un récit éclaté pour suggérer un certain mystère, la science-fiction fait long feu et laisse la place à ce qui semble être une réflexion sur l'humanité, son animalité et son obsession à se lancer dans des dérives scientifiques improbables.
Dans des décors minimalistes, déambulent Bob Pattinson et sa fille, née d'expériences d'un certain Docteur Dibs, joué par une Juliette Binoche aux longs cheveux noirs, sorte de mix entre médecin fou et sorcière sexy. Dans ce vaisseau en forme de boîte,  des humains ( volontaires ?  Prisonniers envoyés explorer le système solaire ? ) se sont laissés allés à leurs instincts primaires, c'est à dire à la violence et au sexe ...mais sous forme de pulsions jamais assouvis avec un partenaire. Pour se libérer de ce trop plein d'excitation, un passage dans la chambre aux délices, sur un fauteuil de tous les fantasmes, seul(e) avec ( ou sans ) godemiché, peut toutefois s'envisager. De vol de sperme ( Binoche endort tous les passagers afin de voler de la semence masculine pour l'inséminer aux jeunes femmes présentes ) en bagarres haineuses, le film avance cahin caha dans un voile ésotérique qui obscurcit de plus en plus le propos ( dans tous les sens du terme ) et finit par lasser le spectateur. Ils errent dans l'espace, cherchant je ne sais quel trou noir et nous, pauvres spectateurs embarqués, sentons l'ennui nous envahir, à l'image de Bobby Pattinson, affichant un air de plus en plus dubitatif. Que fait-il là ? Que faisons nous là ? Il fait des guili guili, joue les chevaliers taciturnes et abstinents ( donc peu de dialogue et une tête inexpressive) pendant que Binoche joue de ses (faux) longs cheveux en essayant de garder un air à la fois inspiré mais inquiétant. La narration se dilue dans l'espace, la confusion règne. Le film s'achève abruptement, le rendant encore plus obscur.
Reste cependant une geste cinématographique quelque part audacieuse, destinée sans doute à quelque élite possédant un trousseau de codes divers et variés pour décrypter le tout. Claire Denis gagne déjà sur le chapitre de la curiosité filmée....


dimanche 11 novembre 2018

Mister Black de Miguel Pang et Catalina Gonzalez Vilar


S'il y a bien un secteur en littérature qui s'est emparé de la chasse aux clichés et aux stéréotypes, c'est, avec raison, le secteur jeunesse. Tout en gardant les personnages favoris des enfants ( dragon, sorcière, prince, princesse, loup, ...), cela fait maintenant quelques années que pas mal d'éditeurs offrent enfin une alternative aux loups méchants, aux princesses soumises et ...aux vampires noirs.
Quoi de plus noir et inquiétant qu'un vampire ? Mister Black, le héros de cet album, semble posséder tous les éléments de son genre : dents pointues, costume sombre et habitant dans un château lugubre d'une région sinistre. Ca, c'est pour les apparences. Si l'on pénètre dans son intérieur, on s'aperçoit, qu'en privé, loin des regards, Mister Black adore le rose, cette couleur soit disant pour les filles . Même si certaines marques pour hommes proches du milieu rugbystique proposent depuis des décennies cette couleur aux mâles dominants, il faut l'avouer, le rose reste collé au genre féminin. Interrogez des enfants de trois ans sur les couleurs, invariablement, ils vous diront que "le rose, c'est pour les filles!" même pour des garçons portant un polo de ce coloris ( les parents peuvent être audacieux parfois ou plus simplement fashions, ce qui, hélas, ne chasse pas toujours les clichés).
Mister Black, lui, tout vampire qu'il est, ose aller vers ses penchants profonds, pas ceux auxquels on pense, uniquement dans l'intimité car il sait ce que les regards autour de soi peuvent avoir de méchant pour les gens soi-disant différents comme lui qui aiment...le rose. Evidemment, un jour, son secret sera éventé. Mister Black deviendra la risée du voisinage, sera moqué, violenté dans son intérieur, ostracisé ... ( ça rappelle de vilaines choses non ? ) et, du coup, se réfugiera dans la vrai méchanceté...
L'histoire vire vraiment au noir, passant par un climat de violence un peu horrifique comme tout bon compte. C'est fort bien vu, surtout que la dernière partie verra un retournement de situation qui, s'il permet une amélioration de la situation, n'empêche pas l'enfant d'effleurer le constat d'une société assez malveillante qui pourrait se regarder soi-même avant de juger les autres.
Très bel album grand format, "Mister Black" raconte une vraie histoire et joue finement sur la différence et les stéréotypes, tout en permettant à l'enfant d'en prendre plein les yeux grâce à des illustrations un peu particulières, sombres et aux formes arrondies. Une vraie réussite pour ces deux auteurs que sont Miguel Pang et Catalina Gonzàlez Vilar.

samedi 10 novembre 2018

Lubin pourfendeur de dragons ( ou presque) de Laurent Souillé et d'Eléonore Thuillier


Princesse, prince et dragon, ce trio a beaucoup servi dans les contes pour enfant. En général, la princesse se trouve enfermée dans une tour ( mais pourquoi ? Aurait-elle commis quelque faute horrible ? Ou est-ce plutôt qu'on l'imagine uniquement belle, fragile, opprimée et sans doute un peu niaise ? ). Le prince lui, drapé de pseudos vertus viriles ( le courage, la force et la vanité) vient la délivrer pour la mettre dans sa couche ( une belle niaise fragile, c'est tout bon) ...heu non pour se marier ....pardon. Sur son chemin le prince aura trouvé un dragon, méchant à souhait, haut comme trois étages et crachant du feu à enflammer tout le Péloponnèse. En trois coups de sa petite épée, il trucidera l'animal, son gigantisme ne faisant pas le poids face à la virilité d'un jeune mâle en quête de princesse ( et pour peu que celle-ci ait observé le combat depuis une meurtrière, la vaillance la fait pâmer, évitant au damoiseau de compter longuement fleurette).
Tout ça, c'était avant... Avant le féminisme, Meetoo, la  prise de conscience que les stéréotypes s'installent dès l'enfance et Lubin. ... Mais qui est Lubin ? Ben, le héros de cet album, un prince, nourrit de ces contes et qui y croit. Sauf que la vie c'est autre chose. Norbert, le dragon qui vit dans la contrée voisine, est plutôt du genre lecteur de Télérama, pas guerrier pour deux sous, préférant lire des polars ou tricoter et utilisant ses crachats enflammés pour faire réchauffer son repas. Quand Lubin, se trouvera face à lui en armure, car faut pas exagérer, il veut bien trucider un dragon pour plaire à la princesse Fantine, mais il fait gaffe à sa peau quand même, l'histoire tournera en eau de boudin. Lubin est un gars qui ne sait pas se battre et se verra obligé de trouver d'autres moyens pour séduire la princesse ....qui apparaîtra au final, bien plus finaude et moins éprise de clichés que prévu.
Laurent Souillé et Eléonore Thuillier, les deux auteur(e)s de ce joli conte bien senti, font mouche. Le texte, tout en clins d'oeil légers, divertit par sa drôlerie et se trouve magnifié par de très classiques mais très colorées et franchement réussies illustrations.
Alors, jetez ces contes machistes qui ne peuvent rien donner de bon dans la construction de nos générations futures et devenez un pourfendeur des stéréotypes en adoptant séance tenante Lubin, qui , tout en reprenant les codes du genre, s'amuse pour le plus grand plaisir de tous à les détourner avec gaieté et humour.

vendredi 9 novembre 2018

Les grrr de Clémence Sabbagh et Agathe Moreau

Une petite tache d'encre rouge, quelques traits fins noirs et hop voici les Grrr. Les Grrr, comme leur nom l'indique, sont grognons, n'aiment rien , trouvent tout trop moche ou trop froid ou trop pénible... C'est bizarre ça me rappelle quelqu'un... Les Grrr ont beau faire de la cuisine, se promener, faire du sport, ça ne va jamais... Oui, ça me rappelle vraiment quelque chose... En gros, les Grrr grognent pour tout et pour rien... Ah ! j'y suis, je sais à qui ils me font penser ces Grrr, à mes (petits) enfants, un jour gris de pluie de novembre quand les parents n'ont envie de rien non plus sauf qu'on les laisse tranquilles... Laissons-les s'ennuyer un peu, c'est très productif pour leur cerveau trop exploité.
Tiens, chez les Grrr, des petits pois rouges apparaissent... Bizarre ! C'est quoi ?  Voilà soudain un sujet de questionnement qui les sort de leur mauvaise humeur...surtout que les pois rouges deviennent plus qu'envahissants.... Oh ça donne des idées aux Grrr, et si on donnait à ces pois rouges des copains de toutes les couleurs ? Oh ça devient rigolo... très rigolo... Et du côté des adultes ces rires commencent à éveiller des soupçons.... OOOH!!!! Ce n'est pas possible ! Vous ....
Non vous ne saurez rien de la chute de cette histoire.... qui ravira surtout les enfants ( moins les parents qui n'aiment que ce qui ne bouscule pas les jolies conventions du savoir-vivre dans sa chambre ) et...les enseignant(e)s de maternelle. Ces dernier(e)s adorent les histoires avec des points de couleur, ( un peu moins les taches pour certain(e)s mais je ne m'attarderai sur les maniaqueries ...) qui permettent de jolies créations artistiques à la portée de l'imaginaire de leurs élèves, surtout quand celles-ci, comme dans cet album, peuvent avoir une portée nuisible... mais qu'à la maison ( sous entendrai-je un soupçon de perfidie vengeresse de la part de la maîtresse de Enzo-Paul et du maître de Marie-Simone ? ).
Avec cet album que l'on dévorera à partir de 4 ans, les auteures Clémence Sabbagh et Agathe Moreau font preuve d'un vrai sens de l'observation et d'un redoutable pouvoir d'incitation à la débauche...picturale ( ouf, vous voilà rassurés). Alors, pour les parents audacieux, je dis : chiche que vous offrez ce petit bijou à vos enfants pour Noël !


jeudi 8 novembre 2018

Ouin-Ouin chagrin de Christophe Nicolas et Anouk Ricard



Pour nos petits bout de chou, si gentils, si mignons, il existe pléthore d'ouvrages tout aussi gentils, mignons qu'eux. Tout est câlin, doudous, couleurs tendres, imagiers ludiques, bons sentiments, jolis animaux ( ah si, le pipi caca, prout, fonctionne bien aussi... mais là, on tombe dans la facilité). Peu d'albums pour la tranche d'âge autour de trois/quatre ans se risquent au décalage, au mordant, à l'humour. Le créneau n'est pas large, ce lectorat égocentré débute dans la compréhension d'un second degré.
Christophe Nicolas ( et Anouk Ricard au dessin) peuvent être remerciés chaleureusement pour aider parents et enfants ( surtout eux, car si un parent propose cet album à son petit dernier, c'est presque gagné) à pénétrer l'univers drôle de Ouin-Ouin ( ou de Coco, Princesse et Mimi, les autres albums de cette série).
Ouin-Ouin, comme son nom ne l'indique pas est un lapin rose mais qui pleure tout le temps ( on l'aurait deviné !). Cette situation relevant du vécu, tant les pleurs sont quand même l'arme fatale des 3/4 ans, devient ici le prétexte à faire prendre conscience en douceur aux enfants que tous ces chouinements, en plus de mettre en danger l'équilibre nerveux des parents, sont souvent inutiles, voire risibles. Le texte prend le ton imperturbablement doucereux des parents empathiques, invitant même l'enfant à participer à nettoyer les conséquences de ces pleurs intempestifs. Ouin-Ouin apparaît franchement casse-pied, le narrateur en rajoute dans la bienveillance ...jusqu'à faire apparaître ce lapin insupportable. L'adulte pouffe intérieurement en lisant le texte ( mais peut également s'interroger sur son éducation), l'enfant s'y reconnaît comme dans un miroir ... et comme il commence à ne pas être aveugle.... commence à aussi réfléchir dans sa petite tête...
Entendons-nous. Si vous avez un Ouin-Ouin chez vous, l'album ne résoudra presque rien, mais désamorcera peut être quelques situations disons pleurnichardes et procurera de toutes les façons un joli moment de complicité humoristique. Et ça, de nos jours, c'est irremplaçable !
" Ouin-Ouin chagrin" de Christophe Nicolas et Anouk Ricard est édité chez les précieuses " Les fourmis rouges" au prix de 9.90 euros. 

mardi 6 novembre 2018

Un amour impossible de Catherine Corsini




Adapter l'avant dernier roman de Christine Angot, son plus mauvais ( pour moi) avant celui paru cet automne, pouvait donner sans difficulté un bon film. Catherine Corsini s'y est collée et, à l'arrivée, le pari est gagné sans pour autant que la victoire soit écrasante. Les écueils guettent les histoires se déroulant sur plusieurs décennies  ( ici des années 50 jusqu'aux années 90): le vieillissement des acteurs et la difficulté à créer de la profondeur autour de personnages dont on n'évoquera que des bribes de leur histoire. 
Questions cheveux blancs, pas trop de prouesses des maquilleurs, Virginie et Niels Schneider seront identiques de 25 à 45 ans. Cela n'a guère d'importance, on les fantasme bien mieux tels qu'ils sont. Le récit quant à lui, accompagné d'une reconstitution soignée mais pas envahissante des différentes époques, n'évite pas le survol de ce destin de femme. Cela va relativement vite ( même si le film dure ses 2h15), et le portrait aborde quelques grands thèmes comme la passion amoureuse, les différences de classe, les rapports mère/fille, le combat d'une femme face à un pervers narcissique, ... donnant des juste quelques brins d'éléments que le spectateur prendra ou pas pour nourrir le film. Virginie Efira en femme séduite puis abandonnée, puis battante, puis résignée, puis aveugle, puis ébranlée, puis.... fait magnifiquement le job ( comme d'habitude) et porte le film quasi seule sur les épaules, son camarade Niels Schneider dans le rôle du sale mâle balançant juste quelques répliques sans nuances, joue les faire-valoir. Le film ne démérite pas mais reste dans l'illustration de l'histoire écrite par Christine Angot, avec, comme dans le roman, un effet de non style. Sans doute une adaptation hommage à l'écrivaine, qui apparaît d'ailleurs sous les traits de la comédienne Camille Berthomier, bluffante dans le rôle de Chantal adulte ( dans le film, on a changé les prénoms protagonistes de cette histoire vraie), jamais dans l'imitation et incroyablement Angot. 
"Un amour impossible" se regarde sans déplaisir, car illuminé par la présence de Virginie Efira, mais reste quand même dans les rails bien formaté d'un cinéma français efficace mais auquel il manque ce petit je ne sais quoi qui fait la différence : un vrai style !



lundi 5 novembre 2018

Dans la ville de Tineke Meirink


Oui, je sais, les enfants adorent la nature, ses fleurs, les animaux si mignons qui s'y baladent et la possibilité de courir partout dans tous les sens... sauf que beaucoup habitent en ville. La ville, aux yeux d'un enfant, offre elle aussi beaucoup de possibilités de s'émerveiller. Ca clignote, vrombit, brille, circule, pétarade, ... Mais au quotidien, avec ses mamans pressées, on ne prend plus le temps de la regarder cette ville. Son rythme et celui que lui imprègne ses papas ne laissent pas le loisir de voir qu'elle recèle une myriade de petites entrées pour le rêve et le jeu.
Tineke Meirink, illustratrice et photographe néerlandaise,  nous propose cette rentrée une sorte d'imagier/jeu, qui invite les enfants à s'intéresser à des éléments qu'ils pourraient croiser dans leur ville, de les observer puis de les décaler pour les transporter dans l'imaginaire. L'album de petit format propose d'abord la photo brute. On tourne la page, et hop, un coup ou deux de crayons et nous voilà transportés ailleurs, dans un univers plus drôle, plus enfantin, moins âpre que le béton et le fer qui envahissent le quotidien des urbains.


( exemple non présent dans l'album)

C'est ludique, créatif, toujours poétique... Un petit texte, plein de richesses, apporte un complément littéraire à l'ensemble. Les enfants à partir de 4/5 ans prendront plaisir à feuilleter et refeuilleter cet album. Sans doute que, l'oeil de votre héritier, ainsi titillé, devrait jeter un regard différent lors sur le parcours qui l'emporte vers le cours de chinois ( bien plus chic que l'anglais!).  Les plus créatifs pourraient se risquer à transformer les photos du deuxième mariage de tonton Christophe, c'est si facile avec de bons feutres. Alors planquez vos albums photos persos mais surtout pas celui-ci qui est un petit bijou ! 
" Dans la ville" de Tineke Meirink est édité par les excellentes éditions  Le Diplodocus au prix de 13.90 euros. 

jeudi 1 novembre 2018

Trois farceurs de Fred Paronuzzi et François Soutif


Halloween passé, votre bambin adoré a croisé, qui dans un supermarché, qui dans la rue, quelques monstres squelettiques essayant de faire perdurer une tradition qui fleure le mercantilisme ? Et maintenant il cauchemarde, voit d'horribles squelettes méchants peupler ses rêves ? Pas de panique, la littérature possède, comme souvent,  un remède homéopathique et rigolo : " Trois farceurs" ! 
Nous sommes dans une contrée lointaine, en hiver. Trois squelettes discutent d'un sioux qui n'a peur de rien et appelé Ours Malicieux. Comme les occupations sont rares en hiver, les trois amis décident de faire la peur de sa vie à cet indien réputé pour être le plus fort de la région. Sûrs de leur pouvoir de nuisances, les squelettes vont se mesurer par trois fois à cet humain bien vivant, tout en muscle et vraiment réchauffé puisque se promenant torse nu dans la neige. Les squelettes en seront pour leur frais. Les jeunes lecteurs jubileront des leçons données à ces trois farceurs, la crainte dont ils sont porteurs pour les jeunes enfants étant soudain réduite à néant. Et comme il faut souvent une morale à toute bonne histoire, celle proposée ici vise juste... à vous de la découvrir.
Le récit est rapide, drôle et inventif ( et permettra aux parents attentifs de ressortir quelques vieux jeux démodés comme les osselets ou pire le cerceau poussé avec un bâton !). Les illustrations, allègres et très vivantes, sont signées par l'excellent François Soutif . Le tout se lira et se relira avec plaisir et vous coûtera nettement moins cher qu'une consultation chez le psy ! Merci les créateurs de littérature jeunesse ! Vous devriez être remboursés par la sécu !