mercredi 30 novembre 2011

Jayne Mansfield, 1967 de Simon Liberati

En relisant la liste des ouvrages couronnés par le prix Fémina, je m'aperçois que c'est un prix dont j'ai lu peu de livres ( "Où on va papa? de J L Fournier et "Une vie française" de Jean Paul Dubois, ces dix dernières années). En regardant encore mieux, j'ai l'impression que la plupart sont tombés dans l'oubli et que le choix de ces dames semble avoir été guidé  plus par les tractations mercantiles des éditeurs que par la qualité formelle des écrits.
Cette année, j'ai lu le prix Fémina et... je ne pense pas que "Jayne Mansfield, 1967" de Simon Liberati déroge à la règle précédemment écrite.
En deux mots, à partir du terrible accident de la route qui coûta la vie à cette actrice de deuxième zone qu'était Jayne Mansfield, l'auteur, nous dresse le portrait de la starlette en compilant tous les éléments, même les plus minimes, qui ont jalonné la dernière année de sa vie.
Même si sur la couverture apparaît le terme de roman, nous ne sommes pas du tout dans la fiction. Les derniers jours de Jayne Mansfield sont décrits avec la minutie d'un entomologiste. L'accident qui ouvre le livre, est terrifiant de précision, mélange de rapport de police, de coupures de presse, de témoignages divers, assemblé de façon magistrale par l'auteur. Dans un amas de tôles froissées et de sang, Simon Liberati arrive, en creux, à dresser un portrait saisissant de cette pseudo actrice sur le déclin, monstre drogué, perruqué, à la réputation sulfureuse et au talent incertain. On entrevoit l'envers du décors du mythe hollywoodien, machine à broyer de pauvres filles crédules, fatalement bourrées d'alcool et de LSD, réduites à se dénuder dans des bouges du fin fond de l'Amérique.
Seulement, à la fin de ce premier chapitre brillant, nous ne sommes qu'à la page 61. Les dames du jury Fémina, fatiguées ou convaincues par les critiques d'une presse servile, ont dû s'arrêter là, pas moi.
La suite est moins glorieuse, anecdotes quelconques, rencontre peu palpitante avec un gourou satanique et autre énumérations de coupures de journaux, n'apportent rien de nouveau ni de vraiment intéressant pour le lecteur. C'est fastidieux, répétitif, limite maniaque dans cette accumulation de petits détails un peu insignifiants. On est loin de la virtuosité du début et le style ressemble à celui d'un pigiste chargé de compiler des infos pour un biographe qui n'aurait aucune envie de traîner dans les archives.
Je ne pense pas qu'avec ce livre là, le prix Fémina redore son blason. D'ailleurs, cet après-midi, dans la librairie d'à côté, tous les prix littéraires était présentés, jolies piles bien aguichantes sauf le Fémina, relégué parmi le commun des romans non-primés. Un signe?


mardi 29 novembre 2011

L'art d'aimer d'Emmanuel Mouret

Pour son nouveau film, Emmanuel Mouret, fidèle à lui même, nous embarque dans des histoires de séduction, d'amour, d'infidélité et plus si affinités. Or, ici, il n'y a pas beaucoup d'affinités, car la plupart des histoires se terminent sans passer par la case sexe bien qu'il en soit énormément question.
 Et c'est ça qui fait le charme de "L'art d'aimer". Avec des situations piquantes, sans complexes, les personnages s'essaient à l'infidélité, en parlent sans détours, avec des dialogues fins et primesautiers, sans une once de vulgarité et beaucoup de candeur. On se croirait un peu chez Rohmer mais c'est plus vif, un peu chez Marivaux en plus moderne quand même.
Il y a une brochette de comédiennes, amoureusement filmées, qui brillent de tout leur éclat à l'écran (Judith Godrèche, Frédérique Bel, Julie Depardieu). On prend un plaisir fou à suivre les méandres du coeur et du corps de ces personnages qui ne se préoccupent que de leurs amours. C'est léger, très léger et ça fait du bien. Emmanuel Mouret filme de mieux en mieux et devient le virtuose de plans d'intérieur, jouant avec art des portes, des coins et des murs, qui deviennent ici partie prenante de l'histoire.
Le seul reproche que l'on puisse faire à ce film est le sentiment qu'il est composé de sketches vaguement assemblés pour arriver à une unité un peu superficielle. Mais tel qu'il est, il permet de passer un très agréable moment et c'est déjà ça.

lundi 28 novembre 2011

Coccinelles cherchent maison de Davide Cali et Marc Boutavant

"Coccinelles cherchent maison" est un très bel objet, grand format, couleurs claquantes, auteurs talentueux.
Tout est réuni pour faire de cet album un incontournable des cadeaux de Noël car en plus d'une très jolie planche d'autocollants, il met en scène d'adorables coccinelles finement croquées par Marc Boutavant, le créateur de Mouk.
A partir d'un thème porteur pour les enfants, la recherche d'une maison, l'histoire, narre la randonnée d'un couple de coccinelles et d'un agent immobilier, Mr Balanin, parmi des habitations plus saugrenues les unes que les autres. La mise en page originale de cette histoire, nous fait suivre les pérégrinations des héros grâce à des pointillés qui nous guident dans le paysage bucolique imaginé par l'illustrateur.
Quand j'ai mis cet album dans les mains de mon petit neveu de 5 ans, cela a été immédiat, il s'est plongé littéralement dans l'album, goulument, fasciné par toutes ces bestioles adorables.
Puis, bien vite, est arrivé le moment où il a fallu que je lise cette histoire à cet enfant, avide de prolonger le plaisir visuel, certain de faire d'autres découvertes merveilleuses.
Et c'est là que l'on se trouve confronté aux limites de cet album, agencé un peu façon bande dessinée. Si l'histoire, bourrée de références immobilières, plaît à l'adulte qui retrouve tous les tics de la profession, l'enfant, lui, se désintéresse petit à petit, noyé par un vocabulaire un peu compliqué et d'innombrables allusions très éloignées de son champ de compréhension. L'adulte doit souvent s'arrêter et se transformer en prof de français  (ou pas, allez expliquer une phrase du genre : "Good bye tchampiniouz, je vous emmène visiter un lieu fantastique, digne d'un roman de Jules Vers"). Cela devient vite pénible de devoir ainsi morceler son récit car le jeune lecteur est curieux et veut des explications.
Au bout du compte, cet album est un joli objet qui va attirer les enfants (et même les parents) par ses couleurs, ses bestioles, ses autocollants mais qui ne supporte pas la lecture, du moins pour la tranche d'âge visée. Dommage...

Coccinelles cherchent maison de Davide Cali et Marc Boutavant, édité aux éditions Sarbacane 16,50€;
A partit de 4 ans (?)

dimanche 27 novembre 2011

Tous au Larzac de Christophe Rouaud

Et moi je dis d'emblée, tous au cinéma pour voir "Tous au Larzac" !
Je l'avoue, je me suis rendu à la projection du film de Christophe Rouaud en traînant les pieds, me disant, malgré de très bonnes critiques, qu'un documentaire de deux heures sur ce vieux combat, cela risquait d'être un peu pensum...
Et là, dès les cinq premières minutes, j'ai été happé par le sujet,  captivé par l'évocation de ce combat d'un noyau de paysans contre l'état et son projet d'agrandir un terrain militaire en les expropriant comme des malpropres.
La force de ce film, mélange d'images d'archives, de témoignages et de magnifiques plans de paysages réside dans le message de solidarité et d'espoir qui se développe au fil des séquences.
Mais le meilleur reste les témoignages des différents anciens leaders de ce mouvement. Si le discours de José Bové, figure médiatique connue, n'est pas vraiment surprenant, ceux qui crèvent l'écran sont les anciens leaders, paysans "pur porc" du Larzac. Avec sincérité, intelligence, humilité et humour, ils donnent une grande leçon de vie, de survie. Ils content ces dix années de combat avec lucidité, délivrant ainsi un véritable message de solidarité et d'espérance à notre génération dont les combats contre ce pouvoir libéral ne font que commencer.
Ces gens là, en dix ans, ont tout connu du combat militant et notamment de ses pièges. Ils ont réussi à vaincre les tentatives de noyautage de mouvances extrémistes, d'intimidation des médias, des tentatives de déstabilisation des renseignements généraux. Ils ont su inventer un combat original, imaginatif, non violent. Ils ont compris comment utiliser les médias en occupant le terrain avec des images fortes et symboliques.
Trente ans après, nous les écoutons égrener leurs souvenirs. Ce qui m'a frappé, c'est la beauté de ces personnes. Les visages sont ridés, vieillis mais chaque geste, chaque regard, chaque silence dégage une humanité extraordinaire. Ils ont accompli dans leur vie des actes dont ils peuvent être fiers et cela se voit.
Ces années de lutte les ont soudés, et lorsqu'en 1981, François Mitterrand décide d'enterrer le projet d'extension, leur rebellion est restée intacte puisque c'est encore dans le Larzac que sont nés les mouvements altermondialistes, la lutte contre les OGM,...
Ce documentaire est une leçon de résistance, qui prouve qu'avec de la solidarité, de l'imagination, on peut arriver à faire plier le pouvoir. Un film qui donne de l'espoir à tous les indignés de la terre.
Allez voir "Tous au Larzac" et vous saurez que s'indigner c'est possible, que ce combat mène toujours à quelque chose. Un tremplin pour le futur? Espérons-le!


vendredi 25 novembre 2011

La centrale Elisabeth Filhol

A l'heure des accords d'Europe Ecologie et du PS, où l'avenir du nucléaire semble réduit à un marchandage  politique inquiétant et qu'au Japon, le drame de Fukushima est enterré sous la chape de plomb de  la désinformation gouvernementale, je n'ai pas résisté à l'envie de me plonger dans "La centrale", le roman d'Elisabeth Filhol qui a obtenu l'an dernier le prix France Culture/Télérama.
Plongé est un bien grand mot car, ce texte qui nous raconte le quotidien d'intérimaires du nucléaire chargés des pires travaux de nettoyage de nos centrales, est un peu difficile d'accès. L'écriture, aussi glaciale que le coeur du réacteur peut être brûlant, nous garde à distance des personnages. Et nous avançons dans ce roman, lestés par une combinaison anti-radiation, suivant le travail terrifiant de ces hommes qui, pour un salaire dérisoire, prêtent leur vie à faire un sale boulot qui fait d'eux des nomades, sans famille, sans maison et presque sans amis.
La mise en évidence de ces soutiers du nucléaire est un bon sujet mais, ici, traité de façon tellement froide, que je n'ai jamais vraiment été en empathie avec le personnage principal, ni avec ses camarades de galère.
On reste à distance, on ne connaît rien de leur passé, de leurs pensées. On a l'impression que ces hommes sont entrés en religion et que leur vie ne tourne qu'autour des centrales qu'ils visitent annuellement, au gré des différents arrêts de tranche.
Cependant, pour ses descriptions réalistes de ces centrales et de leur environnement, pour ses détails techniques égrenés au fil des pages et pour son évocation de ces précaires du nucléaire, ce roman est bien entendu à lire par respect pour ces hommes qui risquent leur vie, en silence, dans l'indifférence générale.

jeudi 24 novembre 2011

Les adoptés de Mélanie Laurent

J'aurai tellement aimé dire du bien du premier film de Mélanie Laurent "Les adoptés"... mais cela m'est impossible.
Mélanie Laurent est une jeune actrice plutôt épatante à l'écran et dont le premier disque, sorti ce printemps, m'était très agréable à l'oreille, grâce à une production soignée, parfait écrin pour sa voix délicate mais teintée de gravité.
Pour sa première réalisation, il en est tout autrement. Déjà, le scénario, sur le thème de deux soeurs fusionnelles que l'amour de l'une pour un critique gastronomique vont séparer, n'est que très peu exploité.
Le film avance doucement par bouts de scènes souvent convenues, noyées dans un filmage chichiteux, employant à outrance des flous, et encore des flous et toujours des flous. Cela veut être esthétique (et quelque fois ça l'est) mais c'est surtout creux, ça coupe toute émotion et cela n'arrive pas à masquer l'indigence du scénario.
Sur la longueur, on peut trouver quelques moments plaisants mais c'est peu.
En cherchant bien, ce film a une qualité : il met en tête d'affiche de très bons comédiens que l'on voit peu habituellement, Marie Denarnaud et Denis Menoret. On peut aussi remercier Audrey Lamy de réveiller le spectateur lorsqu'elle apparaît entre deux zones floues. Comme d'habitude, elle emporte le morceau, ici en libraire survoltée, passant du rire à l'émotion avec brio.
Allez, Mélanie, retournez avec Tarantino ou refaites un disque, mais attendez quelques années avant de reprendre une caméra...
Pour me consoler, je mets un clip de Mélanie Laurent :

mercredi 23 novembre 2011

Boucle d'or et les trois ours d'Olivier Douzou

Aujourd'hui, j'ai une excellente nouvelle : Olivier Douzou est de retour aux éditions du Rouergue !
Si quelques personnes ne connaissent pas cet auteur, il faut qu'elles se rendent dare-dare dans une bonne librairie et lisent tous les albums que ce génial créateur a publié. Elles y découvriront comment, à la fin du siècle dernier, l'univers de la littérature jeunesse a été durablement secoué par cet artiste hors norme.
Pour ce grand retour, Olivier Douzou a choisi de faire paraître un nouvel album intitulé : Boucle d'or et les trois ours.
Bof, me direz-vous, encore une énième version de conte un peu niais, parlez-moi d'originalité!
C'est là où intervient le génie d'un grand auteur. A partir d'un sujet mille fois adapté, Monsieur Douzou nous livre une version vraiment originale, créative et qui n'oublie pas d'être drôle.
Dans un univers finalement très sobre, composé de quatre couleurs ( le blanc, le noir, le rouge et le jaune) et d'un méli-mélo de chiffres, Boucle d'or revit son habituelle aventure sauf qu'ici elle n'est qu'un rond jaune (le zéro) perdu au milieu d'ours formés de trois ou de cinq. L'esprit créatif et joueur d'Olivier Douzou fait le reste. Accompagnant un vrai délire graphique, le texte, à l'unisson, décalé, humoristique, joue  merveilleusement sur les mots et les sonorités et font de cet album une vraie réussite.
Vous avez du mal à imaginer ? Tant mieux, comme cela, vous vous précipiterez chez votre libraire pour découvrir cette version totalement déjantée de la jolie petite fille blonde.
Amateurs d'albums classiques, bourrés de fillettes mignonnes avec des noeuds-noeuds partout ou de gentils ours au regard si tendre, ne passez pas votre chemin, osez la créativité et plongez dans le monde délirant d'Olivier Douzou, cela mérite vraiment le détour.

Boucle d'or et les trois ours d'Olivier Douzou aux éditions du Rouergue 15€ A partir de... heu, là c'est un peu difficile pour les plus petits , je dirai 5 ans mais jusqu'à 108 ans !

mardi 22 novembre 2011

La femme du Vème de Pawel Pawlikowski

Il est parfois difficile d'être le spectateur d'un film sans intérêt.
Vous êtes dans votre fauteuil, vous regardez d'un oeil morne défiler des images. Votre esprit vagabonde, recherchant sur l'écran des détails, des anachronismes qui éveilleraient un instant votre attention. Ne trouvant rien et le film n'étant pas terminé, vous cherchez les faux raccords, les micros qui traînent en haut de l'image, le reflet d'une caméra dans un miroir.
Mais dans "La femme du Vème", il n'y a rien de tout cela, tout du moins dans la deuxième moitié du film, la première moitié ayant vainement servi à accrocher le spectateur avec une intrigue improbable.
Sur le papier, l'histoire était sympa, un peu mystérieuse, avec cet américain ramant dans un Paris glauque et sordide, se heurtant à des malfrats inquiétants, puis rencontrant une mystérieuse belle femme. Le casting était alléchant : Ethan Hawke et Kristin Scott Thomas. La critique de Télérama dithyrambique incitait à aller y jeter un oeil.
Le seul hic, était peut être le roman de Douglas Kennedy d'où c'était tiré, le premier de cet auteur qui, après quelques polars haletants, est allait lorgner dans les intrigues à la mode, un peu fantastiques.
On comprend très vite que le réalisateur polonais Pawel Pawlikowski a voulu se montrait plus intelligent que le livre en intellectualisant à outrance le scénario. Plutôt que de privilégier la linéarité de l'intrigue, il truffe son film de plans un peu alambiqués ou soi-disant signifiants: des voies de chemins de fer qui se séparent, des plans de rue rasant les murs, des arbres, des forêts pour rappeler un roman écrit par le héros dont nous aurons un lecture en polonais... Tout cela ralentit rapidement l'action, enfonçant son héros et nous même dans l'ennui le plus total. Et ce n'est pas l'intrusion d'une note fantastique vers la fin qui redonne un peu d'ardeur à tout cela, le spectateur est soit déjà sorti de la salle, soit endormi ou guettant une des (rares) apparitions de la belle Kristin, mais là, c'est un fan!
A recommander pour ceux qui aiment voir ce que c'est que l'adaptation ratée d'un roman à succès (un genre en soi).

lundi 21 novembre 2011

Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian

Voila un film qui va faire parler dans les chaumières pour peu que les habitants des dites chaumières aillent voir "Les neiges du Kilimandjaro" à la place des "Intouchables" son grand rival actuel au rayon bons sentiments.
Cette histoire de travailleurs au bord de la retraite qui se font braquer par un jeune prolo, offre tellement de lectures possibles qu'il pourrait être déclaré d'intérêt public. Les thèmes abordés, leur développement, les questions qu'il suscite font de ce film l'outil idéal à présenter à nos candidats au poste de président de la République avant l'un de leur débat télévisé, histoire de savoir ce qu'ils ont réellement dans la tête.
Librement inspiré du poème de Victor Hugo "Les pauvres gens" (une terrible histoire de pêcheur pauvre, de sa femme, de ses enfants et de leur voisine), le film nous transporte au coeur d'un monde ouvrier sur le déclin, séparé en deux zones bien distinctes : les plus anciens, façonnés par des décennies de combats syndicaux, heureux d'être arrivés sans trop d'encombres à avoir une petite maison et une vie chaleureuse et leurs enfants, stressés par le monde du travail qui les broie inexorablement, protégeant un peu égoïstement leur petit patrimoine.
Au début du film,  Michel (Jean Pierre Darroussin),malgré sa mise au chômage, fête dans la joie ses trente ans de mariage avec Marie-Claire (Ariane Ascaride). Pour l'occasion, ils se voient offrir par tous leurs amis un voyage en Tanzanie ainsi qu'une petite somme d'argent. Mais, un soir, tout bascule, victime d'une agression à domicile, ils se font voler argent et billets.
Habilement, le film laisse de côté les agressés pour suivre un des voleurs qui s'avère être un ouvrier au chômage (Grégoire Leprince-Ringuet).
Lorsque Michel et Marie-Claire découvriront l'identité du coupable, ils seront anéantis, stupéfiés, les valeurs qui sont les leurs, bafouées par cette trahison de classe.
Le film, qui jusque là, naviguait en eau relativement calme, commence à souffler un vent mauvais et violent autour des personnages. Le ton devient âpre, polémique, politique. On sent bien les effets du libéralisme galopant, arrivant à diviser le monde du prolétariat pour mieux s'imposer. On entrevoit l'ombre du front national prêt à s'insinuer dans les esprits d'un monde ouvrier déboussolé. Mais, Robert Guédiguian, avec habileté, se refuse à la noirceur extrême et va permettre à ses héros de retrouver une lumière salvatrice toute empreinte de cette bonté qui est le ciment de leur vie. La fin du film, en hommage à Victor Hugo, est émouvante mais, seul bémol, un peu invraisemblable, nous ne sommes plus au 19ème siècle...
Quoiqu'il en soit, je dois bien l'avouer, il y avait longtemps que je n'avais versé autant de larmes au cinéma, ému par beaucoup de scènes emplies de chaleur humaine et surtout par le jeu infiniment sensible de la formidable Ariane Ascaride. Cela fait du bien de voir du cinéma intelligent, qui a quelque chose à dire et ose ne pas laisser l'émotion de côté.
Pour finir, je voudrai signaler un moment particulièrement savoureux dans un café où se rend Ariane Ascaride et où apparaît un jeune acteur, Pierre Niney, qui illumine cette scène de sa gouaille poétique.

dimanche 20 novembre 2011

Une fourmi pas comme les autres de Tullio Corda

Le monde des fourmis peut être fascinant pour de jeunes enfants avides de découvertes scientifiques.
Celui que nous propose avec beaucoup d'humour Tullio Corda dans son album "Une fourmi pas comme les autres", n'est en rien réaliste mais cependant très finement observé. Ses fourmis sont vraiment italiennes, dans la mesure où la mode et l'envie de se faire remarquer sont au coeur de leur vie. On n'est pas au pays des Dolce et Gabbana ou Gucci pour rien!
Donc voici une fourmi lambda qui décide un jour de se faire remarquer en enfilant un tee-shirt rouge. Aussitôt toute la fourmilière lui emboîte le pas en l'imitant... Dépitée notre fashion fourmi décide de porter un habit jaune mais aussitôt copiée par ses copines. Qu'a cela ne tienne, elle s'enroule d'une écharpe écossaise et ainsi de suite suite jusqu'à... Je ne dévoile pas la suite de cette joyeuse mise en boîte des phénomènes de conformisme générés par la mode, à vous de la découvrir.
On peut parier que cet album tombant entre les mains d'une ou d'un professeur des écoles maternelles, donnera lieu à une réjouissante exposition de prêt à porter scolaire, faite de chaussettes à rayures et de chapeaux rigolos, sur lequel votre future bête de mode qu'est votre enfant aura planché avec délectation.
Une fourmi pas comme les autres de Tullio Corda Minedition  14€ A partir de 3 ans

samedi 19 novembre 2011

Les nombrils 5 Delaf et Dubuc

Devenus en très peu temps une des séries vedette du journal Spirou, marquant ainsi un repositionnement de la revue vers un lectorat plus ado, nous retrouvons "Les nombrils" en librairie avec leur cinquième volume.
Je devrai dire leur cinquième saison tant le scénario concocté par les auteurs ressemble à une série américaine bien huilée, qui sait tenir ses lecteurs en haleine, mêlant savamment humour et suspens jusqu'à une fin qui nous laisse impatient de découvrir la suite.
Pour ceux qui n'ont pas eu la joie de découvrir les personnages des "Nombrils", sachez qu'il s'agit des aventures sentimentalo-lycéennes de Karine et de ses amies Jenny et Vicky. Dans ce nouvel épisode, Karine est passée du stade de laideron coincé à celui de  beauté radieuse et qu'elle vit une aventure amoureuse avec un étrange Albinos.
 L'album avance de façon très astucieuse de gags, souvent très drôles,  en rebondissements, permettant une lecture attrayante et tonique. Les personnages très typés, au delà des clichés, offrent au lecteur une réjouissante galerie un peu outrancière mais idéale pour fustiger au mieux les tics adolescents de l'époque.
C'est de la belle ouvrage qui réussit la prouesse de rassembler aussi bien les jeunes que les parents, chacun y trouvant, en fin de compte, soit le reflet déformé de sa vie, soit le spectacle délectable d'une jeunesse illusoire.

vendredi 18 novembre 2011

Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle


Ce qu'il y a de passionnant quand on se plonge dans un album de Guy Delisle, c'est qu'il nous met dans sa situation : nous sommes un étranger dans un pays inconnu où tout est à découvrir.
Pour suivre son épouse, en mission en Israël pour Médecins sans frontières, le voici, après la Birmanie, Pyongyang et Shenzen, à Jérusalem. Petit à petit, souvent avec une poussette mais toujours avec un carnet de croquis, il va sillonner la ville puis le pays, notant au gré de ses promenades un détail comique, troublant ou absurde de la vie si compliquée de cette partie du monde. Le regard que porte cet auteur est celui du Candide mais avec une touche de dérision tout à fait salutaire.
Comme nous, il essaie de comprendre cet environnement miné par les religions, les conflits de toutes sortes, parfois des plus absurdes, mais avec une touche tellement personnelle que l'on se prend un plaisir fou à le suivre dans ces lieux où tout est quadrillé, surveillé, démoli, insalubre ou sidérant de beauté.
Cela peut être léger comme une kippa Spiderman vendue dans une boutique, agaçant mais drôle comme cet appareil à l'entrée de son immeuble qui diffuse un sourate dès qu'il ouvre la porte ou tout simplement proche de l'absurde comme ces lieux saints confiés mais disputés par six tendances religieuses différentes.
Je ne pense pas que l'on soit plus éclairer sur le conflit israëlo-palestinien après la lecture de cet album. Mais une chose est sûre, on en apprend dix mille fois plus qu'un long reportage d'Envoyé Spécial grâce à cette myriade de détails du quotidien génialement observée par Guy Delisle. Son oeil faussement naïf mais affuté parvient à nous représenter Hebron, bande de Gaza, colonies et autres territoires occupés  à hauteur humaine, sans jamais nous ennuyer, avec une bonhommie et une clairvoyance qui tient de la prouesse.
A lire sans tarder!

mercredi 16 novembre 2011

Non ho mai smesso de Laura Pausini

La carrière de Laura Pausini semble marquer le pas en France. Est-ce que ce nouveau titre, le deuxième extrait de son dernier album connaîtra une carrière aussi brillante que "Solitudine" ? A vous de juger avec ce clip façon flash mob tourné à Milan il y a une semaine...

mardi 15 novembre 2011

Le journal intime de Benjamin Lorca de Arnaud Cathrine

J'aime bien le chanteur Florent Marchet, son air décalé de danseur solitaire de boîte ringarde du fin fond du Poitou. En surfant sur le net, j'ai appris qu'il avait concocté quelques vidéos et spectacles avec l'écrivain Arnaud Cathrine. N'ayant jamais lu cet auteur, bien qu'il ait officié quelques temps sur France Culture, je me suis donc plongé dans son dernier livre paru en poche: Le journal intime de Benjamin Lorca.
C'est un récit à quatre voix autour d'un romancier mort une dizaine d'années plus tôt et qui a laissé dans un ordinateur un ultime texte : son journal intime.
Ces quatre voix, sont quatre personnes qui ont aimé, chacune à leur manière ce Benjamin : un éditeur, amoureux transi, son jeune frère, une ancienne maîtresse et son meilleur ami. Chacun apporte son éclairage particulier sur ce Benjamin, personnage fuyant, dont personne n'a compris le suicide.
Ca se laisse lire, car écrit dans un style plaisant mais j'ai senti que l'enjeu de ce livre était ailleurs que dans le réel portrait de ce Benjamin Lorca et de son mystérieux journal intime.
J'ai eu l'impression d'avoir, en creux, le portrait de l'auteur et de son entourage. Ne connaissant pas les autres écrits d'Arnaud Cathrine et encore moins ses amis, j'en reste au stade des questions. Si quelqu'un a les véritables clefs de ce roman, je souhaiterai qu'il m'en fasse part (à moins que je ne fabule un peu, voulant donner à ce plaisant roman un intérêt qu'il n'a peut être pas).
A ce stade de l'enquête, je n'en suis qu'à la phase du questionnement :
Benjamin, est-il le portrait de l'auteur ou est-ce une évocation de Vincent de Swarte, autre écrivain décédé en 2006, à qui est dédié ce roman?
 Est-ce le même Benjamin qui est évoqué dans la chanson figurant sur le dernier album de Florent Marchet?
Ronan, l'ami qui pousse sur scène le Benjamin du roman, est-ce Florent Marchet?
Ce livre est-il lu et apprécié par quelqu'un qui ne fait pas partie de la bande d'Arnaud Cathrine?
Arnaud Cathrine, est-il vraiment traversé par une envie de suicide et nous envoie-t-il avec ce roman un appel au secours?
Dans ce cas que font ces amis?
Bon, j'arrête là, car je vais finir par écrire la suite ce livre, mais sans le talent narratif de l'auteur, qui réussit à nous offrir un roman finalement très stimulant.

lundi 14 novembre 2011

Beauty de Oliver Hermanus

Je voulais avoir des nouvelles de l 'Afrique du Sud en allant voir "Beauty" d'Oliver Hermanus, mais ma curiosité n'a pas vraiment été satisfaite.
J'ai suivi le parcours d'un homme cinquantenaire, blanc, afrikaner, solitaire, qui flashe sur le fils d'un ami, ne vivant que pour le suivre, l'observer et plus si possible...
C'est filmé de façon très contemplative, le réalisateur essayant de nous mettre dans la peau du personnage principal, nous transformant en voyeur, espérant ainsi mieux nous faire partager ses démons.
Je l'avoue, je n'ai pas vraiment goûté aux plaisirs du voyeurisme. Mon esprit a pu passer du temps à observer les arrières plans du film, mais, là non plus,  il n'y avait pas grand chose à se mettre sous l'oeil.
Le film se passant chez des blancs, isolés, racistes et homophobes. On ne voit qu'une fac remplie de blancs, une plage visiblement interdite aux gens de couleur et des restaurants où la seule personne de couleur est bien sûr le serveur.
Bon, il reste le sujet principal du film, plus universel sans doute, avec cette homosexualité refoulée du héros principal. Là aussi, malgré la présence certaine de l'acteur principal, Deon Lotz, au regard bleu acier et à la rondeur vaguement attendrissante, on reste sur notre faim. Les scènes s'étirent interminablement, on suit le beau jeune homme, on le regarde vivre mais il ne fait pas grand chose d'intéressant.
A deux reprises, nous avons droit à deux scènes plus hards. La première rassemble quelques hommes blancs dans une ferme isolée, lieu d'une orgie homosexuelle glauque, notre héros sodomisant un compagnon de passage tout en matant un film porno gay. La deuxième, tout aussi sinistre, je ne la narrerai pas puisqu'elle constitue le point crucial du dénouement de ce film et que je ne veux pas gâcher le plaisir de ceux qui iront le voir (?).
Bref, un film au sujet fort mais mais dont la mise en scène extatique limite la portée. Dommage, pour une fois qu'un réalisateur voulait sortir de l'esthétique clip...

dimanche 13 novembre 2011

Contagion de Steven Soderbergh

"Contagion" est un film pédagogique. Tout ce que vous devez savoir sur la propagation d'un virus mortel est contenu dans le film. Et bien sûr, on sait tout sur la panique qui s'installe, les dérives des charlatans qui ne manquent pas de faire de l'argent sur le dos des crédules via internet, ni sur la folie de la population prête à tout pour survivre.On suit également les difficultés et l'obstination des chercheurs à trouver un vaccin dans l'urgence.
Ce qui surprend le plus dans ce film c'est la manière dont le réalisateur a filmé cette catastrophe, sans emphase, sans effets spéciaux, tout en froideur et rigueur. Le spectateur suit l'intrigue sans s'ennuyer une seconde, accroché aux basques de la pléiade de stars convoquées par Steven Soderbergh. C'est du boulot de pro, bien fait et tout à fait recommandable.
Pour le fun, je mettrai un petit bémol pour les fans de Gwyneth Paltrow, Kate Winslet et Marion Cotillard.
Je ne sais pas si Steven Soderbergh est un tantinet misogyne, mais le sort réservé à ces actrices est plutôt peu glamour. Gwyneth disparait très vite, emportée par le virus puis trépanée en gros plan... Pas plus enviable, Kate se retrouve bien vite allongée dans un gymnase avec plein de tuyaux partout... Quant à Marion Cotillard, médecin de l'OMS, elle est  kidnappée par une famille chinoise et abandonnée à son sort, le temps de la retrouver très vite vers la fin pour un échange express contre des vaccins.
Que me souffle-t-on dans l'oreille ? Jude Law? Matt Damon ? Ah oui, le premier n'est pas au summum de sa beauté, affublé d'une prothèse dentaire bien peu seyante et coiffé d'une casquette hideuse ou d'un plastique transparent assez ridicule et le deuxième a des allures de bon américain empâté par la bière.
Disons alors que, pour faire plus crédible, les stars ont été invitées à faire le plus possible "peuple" mais pas people.

vendredi 11 novembre 2011

Le premier été d'Anne Percin

Il y a des romans formidables qui passent totalement inaperçus. On peut se demander pourquoi. Peut-être qu'ils ne sont pas publiés chez le bon éditeur. Ou bien, l'attaché de presse n'arrive pas à faire le buzz. L'auteur, jeune et pas encore connu, a beau avoir un vrai talent, cela ne suffit pas pour intéresser les médias avides de soufre ou d'originalité.
Pourtant, en surfant sur le net, les blogueurs spécialisés livres, ont été nombreux à aimer et défendre "le premier été" d'Anne Percin et ce, dès la mi-aout. Mais, les bulldozers de la rentrée destinés à truster les prix, ont laminé les espoirs de prétendants trop tendres, trop fragiles.
Fragile, il l'est ce deuxième roman d'Anne Percin (pour les adultes, car elle écrit beaucoup pour les adolescents). L'histoire, au départ banale, de deux soeurs se retrouvant pour vider la maison de leurs grands-parents en Haute-Saône et qui sera propice aux souvenirs, séduit très vite grâce à une écriture absolument magnifique. Il y a longtemps que je n'avais pas été aussi transporté par la plume d'un écrivain d'aujourd'hui.
Tout sonne juste dans cette histoire. Le désoeuvrement de cette jeune fille en vacances à la campagne chez ses grands-parents est décrite avec une telle minutie que l'on ne s'ennuie jamais car l'auteur instille dans son récit les germes d'un drame à venir. Le soleil nous brûle, les herbes nous picotent les jambes, on croit entendre Etienne Daho, les coquelicots sont rouges comme le sang, nos sens sont en éveil comme ceux de l'héroïne qui découvrira un amour dont elle portera les stigmates toute sa vie.
C'est court, c'est précis, c'est passionnant et l'on referme le livre bouleversé car cette histoire, menée comme un polar psychologique, vire, lentement mais sûrement, vers un univers vénéneux et cruel.
Personnellement, et bien que je sois un garçon, j'ai retrouvé les émotions, les odeurs, les images de mes étés d'adolescent, où, partagé entre l'ennui et le hit parade d'Europe1, entouré d'un monde encore un peu agricole qui vivait ces derniers instants, je découvrais ces sensations nouvelles d'un sexualité balbutiante.
Ce livre est pour moi une vraie madeleine de Proust mais surtout un roman parfaitement réussi. BRAVO!
Le premier été d'Anne Percin aux éditions du Rouergue, 16€

jeudi 10 novembre 2011

Comme un pou d'Eric Battut

Eric Battut, dont la production est nombreuse, sort ces temps-ci chez un petit éditeur nantais, Gulf Stream, une jolie petite histoire de pou.
 "Comme un pou" est un récit en randonnée. Théophile fait le bonheur de ses parents tellement il est moche. Mais, lui voudrait être beau et élégant comme ces animaux qu'il croise au gré de son périple. En imitant leur élégance, il se transforme en une fashion-victime très improblable jusqu'à ce qu'il rencontre Brigitte...
Avec une chute gentiment morale, cet album plaira aux enfants un peu solitaires, aux complexés de la récré ou à ceux qui, dans ce monde d'image, ont une mauvaise perception de la leur. Les illustrations simples et fraîches donnent une vision plutôt sympathique de ces bestioles qui parfois font hurler les parents quand elles envahissent les têtes des enfants.
Un seul bémol, la présence d'étranges nuages marron, noirs et pointus qui assombrissent un peu le propos de cet album hautement recommandable.

mercredi 9 novembre 2011

Léonard a une sensibilité de gauche de Vincent Delerm

A l'heure où nos stars tordent leur nez refait quand on leur pose la question de leur engagement pour la prochaine élection de mai 2012, Vincent Delerm, lui, n'hésite à s'engager. Son nouveau disque, est un livre pour enfant avec CD intitulé "Léonard a une sensibilité de gauche".
Les gens qui ont une sensibilité de droite snoberont l'objet et les gens de gauche plutôt rock branché aussi.
Il restera le public bobo, sûrement enseignant et parent d'un délicieux mouflet un peu tête à claques, pour assurer le succès de cet album. Et ils auront raison. (oui, oui, je dois faire partie des bobos !)
L'écoute de cette histoire est un régal. Il s'agit d'un dialogue entre un jeune garçon (Batiste Rebotier) et son grand père (Jean Rochefort délicieusement décalé et dépassé), entrecoupé de quatre chansons de Vincent Delerm finement écrites pour donner au texte une vraie résonance.
Dans ce dialogue aux consonances politiques, le petit garçon demande à son grand-père ce que c'est qu'être de gauche. Et il a bien du mal ce grand père à définir cette sensibilité. Il la trouve dans la chantilly qu'il oppose à la gaufrette plutôt de droite. Bien placer son argent et trouver la Marseillaise adorable, c'est  également de droite. Par contre avoir peur d'une piqure, faire des choses inutiles ou aimer perdre son temps, c'est de gauche. Facile me direz-vous. Oui, mais quand l'auteur pense qu'avoir une attirance pour les choses mélancoliques c'est de gauche, l'album prend soudain une tournure plus profonde et le dialogue devient vraiment émouvant, porté par la voix profonde de Jean Rochefort puis enrichi par une délicate chanson intitulée "Je préfère les choses après".
Quelques pirouettes supplémentaires, un petit échange humoristique sur une certaine politique d'immigration et l'histoire s'achève sur une dernière chanson très réussie, à la mélodie entêtante, "Tonton Paolini" :
"Un soir de bal
Un feu de Bengale
Une place
Et puis des gens qui passent
Un bord de mer 
Un livre ouvert
Une glace
Et puis le temps qui passe
Ca sert à quoi
Ca on n' sait pas
Ca sert à rien 
C'est ça qu'est bien 
C'est le contraire de la vie
De tonton Paolini
Enfermé dans la petite boîte
En cravate..."
Sur un sujet casse gueule, Vincent Delerm, avec délicatesse et humour, réussit un album pétillant qui s'adresse aussi bien aux parents qu'aux enfants et qui n'est en rien un manuel d'endoctrinement, mais plutôt hymne à la fraternité et à la simplicité.
Léonard a une sensibilité de gauche de Vincent Delerm édité chez Acte Sud Junior 23€,
à partir de 7 ans






mardi 8 novembre 2011

Des vies d'oiseaux de Véronique Ovaldé

Si j'étais le héros d'un roman de Véronique Ovaldé intitulé "Des vies d'oiseaux", je serais riche, beau et sans conversation ou bien pauvre, boiteux ou très maigre mais avec une profondeur de regard et d'âme comme vous n'en rencontrez pas tous les jours.
Si ma femme était une héroïne du même roman, elle serait blonde, très blonde, d'une grande beauté, riche et elle s'ennuierait énormément malgré sa fortune, sa belle maison avec piscine. Elle passerait toute la journée à observer l'océan par la fenêtre de sa cuisine, elle se regarderait vieillir et attendrait que les événements viennent à elle.
Si ma fille était une adolescente du même roman, elle serait blonde, très blonde et aussi belle que sa mère mais aurait une meilleure amie moche, pauvre et qui serait emportée par le cancer. Elle se révolterait en fuguant avec un jardinier louche et lui consacrerait sa vie sans rien dire, folle éperdue d'amour.
Mais la vie de ma famille n'est pas une vie d'oiseaux comme chez Véronique Ovaldé et c'est tant mieux! Nous habitons un monde réel, avec de vrais gens, des voisins, des événements petits ou grands, des petits problèmes matériels et pas forcément avec vue sur mer.
 Ce monde éthéré, décrit dans ce roman, est peut être ce qui fait sa grande particularité et je reconnaîs la grande habilité de l'écrivain à inventer un univers original. Tout est calme, sans grande passion, tout en retenue  bien que l'on sente qu'un danger flotte au lointain. Et quand on s'approche de ce danger, on l'affronte, stoïque, presque avec le sourire aux lèvres comme si tout cela n'avait guère d'importance.
Pour moi, c'est la grande limite de ce roman. Je ne suis pas réellement rentré dedans, tout y est si léger. J'ai eu l'impression que le pays imaginé par Véronique Ovaldé, n'était habité que par les personnages du livre, errant dans des villes dépourvues de vie, d'habitants. Leurs petits problèmes ne m'ont nullement ému mais j'ai poursuivi ma lecture jusqu'au bout, sûrement emporté par la délicatesse du propos.
J'ai bien senti que l'auteur jouait à contre-courant de l'époque, refusant toute surenchère, toute hystérie voulant entraîner son lecteur dans un monde de douceur et de subtilité.
Mais, hélas pour moi, je n'ai pas marché comme je n'ai pas compris la dernière phrase prononcée par le nouvel amour de l'héroïne en fin de livre :"Si tu voulais des garanties, ma douce, il fallait acheter un toaster", phrase suivie par ceci : "alors elle se laissera aller à son inclination, elle s'amollira dans ses bras et goûtera ce moment".
Je n'ai pas vraiment goûté ce roman mais peut être parce que j'ai un toaster...




                            Véronique Ovaldé, Des vies d'oiseaux aux éditions de l'Olivier  19€

lundi 7 novembre 2011

Alain Souchon - Le jour et la nuit (en studio)

Voici un premier extrait du nouvel album d'Alain Souchon qui sortira le 21 novembre prochain.
La thématique du disque est l'enfance et s'intitule "A cause d'elles". Il sera composé de chansons enfantines revisitées et de cet inédit composé avec son fils Pierre.

dimanche 6 novembre 2011

Intouchables d'Eric Toledano et Olivier Nakache

Malgré quelques critiques extrêmement dures dans Télérama et surtout les Inrocks, "Intouchables" semble être le film qui fait fondre le million de spectateurs qui s'est rué en quatre jours dans les cinémas.
C'est avec curiosité que je m'y suis rendu, me demandant de quel côté j'allais pencher : le rejet total (comme pour le navrant "Petits mouchoirs") ou l'emballement, larme à l'oeil comprise ?
En fait, ni l'un ni l'autre. C'est un film pas trop déplaisant, bien joué mais filmé comme un vulgaire téléfilm et bien sûr  bourré de clichés, plaie semble-t-il inévitable dans ce genre de production.
Si vous n'êtes pas rebuté par cet éternel concept de la grande bourgeoisie (ici handicapée) qui croise le bas peuple (ici un noir, le thème est donc en version démultipliée), "Intouchables" vous fera passer un agréable moment, pourra même vous faire couler une ou deux larmes.
Omar Sy, en jeune délinquant sans complexe et au grand coeur, force bien sûr la sympathie. On le retrouve comme dans ses sketches sur Canal, souriant de toutes ses dents après une bonne vanne. François Cluzet, en richissime handicapé, amateur d'opéra, de poésie et de peinture contemporaine (quand je parlais de clichés...), arrive à nous émouvoir avec un jeu très minimaliste.
Je rajoute une mention pour les deux seconds rôles féminins : Anne le Ny, parfaite comme à l'habitude et Audrey Fleurot, tellement délicieuse et piquante que j'espère la revoir bien vite.
Mais, une fois les lumières rallumées, que reste-t-il du film? Produit de grande consommation, parfaitement marketé pour plaire à un vaste public, jouant lourdement avec le politiquement ultra correct, il sera vite balayé par un autre film que la force de vente saura hisser au firmament du box office. Les rapports vaches mais finalement emplis de tendresse entre ce tétraplégique et cette racaille rigolarde seront vite oubliés au profit d'un autre duo peut être moins  émouvant, peut être plus drôle mais aussi parfaitement calibré pour plaire au plus grand nombre.
C'est là où pêche le film (comme "Polisse" il y a 15 jours), tout pétri de bons sentiments qu'il est, il oublie, dans sa volonté de séduire, qu'une dimension moins manichéenne lui aurait donné un vrai supplément d'âme.
A voir, pour faire comme tout le monde, mais pas indispensable.





samedi 5 novembre 2011

Mon pire cauchemar d'Anne Fontaine

Après toute une série de films pas vraiment drôles et pour égayer ce mois de novembre tristounet, j'ai décidé de me remonter le moral en allant voir des comédies.
Le choix est vraiment difficile. Si l'on regarde le menu des comédies proposées, elles ne brillent pas par leur originalité. L'idée vieille comme le cinéma muet est de faire se rencontrer deux personnes qui n'ont rien en commun. Ce bon vieux ressort de la comédie, a déjà donné beaucoup de très bons films. Le genre n'est pas forcément facile à renouveler et, par là même, pas vraiment incitatif pour se ruer au cinéma, même avec des stars en tête d'affiche. Mon premier choix s'est porté sur "Mon pire cauchemar" d'Anne Fontaine, alléché par le mariage de la carpe et du lapin, c'est à dire Isabelle Huppert et Benoit Poelvoorde.
L'histoire de la rencontre d'un gros beauf belge, chômeur, ivrogne, amateur de femmes bien en chair et forcément vulgaires (bonjour les clichés!) et d'une grande bourgeoise fluette, directrice de la Fondation Cartier, psycho-frigide et ne buvant que de l'eau ne brille pas par son originalité. Quand je vous aurai dit qu'à la fin ils ... Ah bon, vous aviez déjà deviné?!?
Ben,  c'est le problème de ce film. Anne Fontaine, également scénariste, n'est pas Francis Veber et encore moins Lubitsch. Nous suivons son film, pas désagréable et assez bien rythmé, avec un ennui distingué.
On a le temps d'admirer les costumes impeccables que portent Isabelle Huppert avec chic. On voit bien que, malgré l'âge, elle n'est nullement concernée par les problèmes de ballonnement et qu'elle doit faire l'économie de gélules pour ventre plat. On se dit que les contrats de l'actrice exigent du scénario que le personnage qu'elle interprète, exécute à l'écran quelque chose d'inédit. Donc, ici, sachez qu'Isabelle Huppert a rajouté à sa longue liste d'exploits, une séance sensuelle de lap-dance et la traversée d'un salon en brouette (l'exercice de gym consistant à marcher avec ses mains et le partenaire tenant les pieds).
A un moment, elle vomit de la bière mais je ne suis pas vraiment sûr que ce soit vraiment une première pour elle. Sinon, elle est vraiment impeccable dans son rôle et arrive même à faire oublier sa prestation similaire des "soeurs fâchées".
Benoit Poelvoorde, avec talent, emplit l'écran de sa gouaille, même si celle-ci a quand même un air de déjà vu (et revu). Les quelques répliques vachardes concoctées par les scénaristes nous arrachent des sourires. Lorsque le film tourne au romantisme, rapprochant ses deux êtres que tout oppose par des artifices de scénario gros comme des cordes à noeuds, l'acteur arrive malgré tout à nous faire croire, un instant, que cet amour est possible grâce à un jeu tout en finesse digne des plus grands.
Deux seconds rôles de luxe, interprétés par André Dussolier (pour la première fois à l'écran avec Isabelle Huppert) et Virginie Efira, concentrés de clichetons, n'apportent rien de plus au film.
Vous l'aurez compris, vous avez affaire à une comédie trop calibrée pour être originale malgré la présence d'acteurs irréprochables. Un film sans surprise, parfait pour intégrer la case "film du dimanche soir" à la télévision.

jeudi 3 novembre 2011

Un plan sur la comète d'Emile Bravo

Alerte aux parents ! Cette bande dessinée d'Emile Bravo est LE cadeau indispensable pour Noël.
Non seulement vous aurez la certitude d'offrir le cadeau idéal qui fera vraiment plaisir mais en plus dès que votre enfant l'aura lâché, vous prendrez un plaisir inouï à lire cet album véritablement parfait.
C'est le sixième opus des aventures de Jules, jeune garçon vivant dans une famille pas vraiment idéale.
Lors de précédentes aventures, il a rencontré des amis extraterrestres qui, un soir, viennent le chercher pour qu'il essaie de sauver la terre menacée d'être percutée par une comète. Accompagnée de sa meilleure amie Jane, il va vivre des aventures aussi trépidantes que drôles.
Sur ce canevas, somme toute banal pour une bande dessinée, Emile Bravo a concocté une histoire de 78 pages en tout point PARFAITE.
Tout d'abord il y a le dessin magnifique de l'auteur, qui rappelle un peu Tintin et sa ligne claire mais avec de la poésie, de la nervosité et surtout beaucoup de malice.
Ensuite le traitement de l'histoire, qui mine de rien ausculte notre époque avec finesse et dérision. Et là, c'est un festival. Autour de la comète sont évoqués l'incommunication, l'écologie, le pouvoir, la puissance de l'argent, les enjeux pour la planète, la misère, la religion, la théorie du genre et j'en passe, tout ça sans une lourdeur, avec grâce et légèreté.
Le lecteur est emporté dans cette histoire virevoltante, follement humoristique voire sarcastique (il me semble y avoir vu une caricature de notre cher président qui finit par être jeté par dessus bord du yacht d'un richissime ami) et qui réussit toujours par retomber sur ses pieds.
Nous fermons l'album comblés, ravis, comme toutes les personnes de mon entourage qui ont été totalement séduites.
Si vous avez encore une once de votre âme d'enfant ou si vous voulez retrouver l'émotion que vous a procuré la première lecture de Tintin, lisez sans attendre  "Un plan sur la comète", c'est SATISFAIT OU REMBOURSE!!!




Un plan sur la comète d'Emile Bravo Editions Dargaud 14,95€ De 7 à 77ans (et plus)
Evidemment, les 5 premiers tomes des aventures de Jules sont disponibles dans toutes les bonnes librairies.

mercredi 2 novembre 2011

Le cas Sneijder de Jean-Paul Dubois

"Le cas Sneijder" est vraiment un roman de notre époque de grande consommation et de plaisir immédiat.
Je m'explique. Voilà trois jours que j'ai terminé le nouveau livre de Jean Paul Dubois, auteur dont j'aime bien les écrits et que je lis régulièrement. J'ai beaucoup apprécié ma lecture. Le sujet, sans être d'une grande originalité, est prenant et très bien mené. J'ai été interpelé par le cas de cet homme victime avec sa fille d'un accident d'ascenseur auquel lui seul a réchappé. J'ai admiré la prouesse de l'auteur d'arriver à nous intéresser à toutes ces anecdotes et détails techniques autour de ces cages qui nous transportent dans les hauteurs de building high-techs. J'ai beaucoup souri lorsqu'il entraîne son héros à devenir dog walker, promeneur de chiens, dans un Montréal enneigé et sous le regard outragé de sa snobinarde d'épouse.
Comme d'habitude, j'ai apprécié que l'auteur se serve de son histoire pour instiller de fines annotations sur notre époque, intelligentes et bien senties.
Alors, pourquoi, lorsque j'ai refermé le livre, après un dénouement abrupt et un peu déstabilisant, j'ai reposé le livre dans ma bibliothèque, dans la partie "à donner" ou "à vendre"? Aucune envie de le garder voire de le conseiller. Mais aucune envie non plus de le démolir. Simplement le sentiment d'un bel objet bien fait, bien écrit, avec pourtant de la saveur mais pas indispensable (enfin, plus que Pancol ou Musso).
Bon, si vous êtes dans un hall de gare, dans la boutique "Relay", "Le cas Sneijder" fera tout de même un excellent compagnon de voyage pour votre Paris/Bordeaux. Et c'est déjà ça !

mardi 1 novembre 2011

3'' de Marc-Antoine Mathieu

"3"" est un objet étrange, mi Bd, mi jeu et qui est un véritable stimulateur de neurones.
Imaginez un album de bande dessinée sans texte, dans un noir et blanc sublime, 9 cases carrées par page et une histoire vaguement policière à décrypter, à s'inventer même.
Avec un effet de zoom étonnant, le lecteur doit observer, chercher les détails qui vont lui permettre de comprendre ce qui se passe, ce qui relie ces personnages entre eux et ce qui les pousse à agir ainsi.
Après une première lecture, on n'est pas énormément avancé dans la compréhension et on peut même dire que l'on est un peu déçu. Mais si vous vous replongez dedans, vous découvrirez de nouveaux éléments qui vont éclairer un peu cette histoire. Et là, vous serez pris dans les filets que vous a tendus Marc-Antoine Mathieu, car vous reviendrez indéfiniment dans son livre et vous ferez chaque fois de nouvelles découvertes.
J'avoue, c'est la première fois que je lis un album de cet auteur, dont le but est de faire exploser le concept "bande dessinée" pour l'amener dans des zones encore inexplorées.
Ici, c'est évidemment parfaitement réussi, surtout que la bande dessinée est doublée par une version animée que l'on trouve sur le site de l'éditeur et qui permet une autre lecture...
Cet album-jeu est tellement original, que je n'ai qu'une envie, me plonger dans la bibliographie de Marc-Antoine Mathieu et être embarqué dans un autre monde comme je l'ai été dans "3"".