vendredi 26 novembre 2021

De son vivant de Emmanuelle Bercot

 



Emmanuelle Bercot a, jusqu’à présent, une filmographie plutôt intéressante. Force est de constater que son nouveau film se logera dans la case « film raté » et vite oubliable.

Reconnaissons à la réalisatrice de s’attaquer avec beaucoup d’empathie à un sujet pas facile et certainement pas vraiment attrayant pour le spectateur : la fin de vie, ici d’un quarantenaire. Elle essaie d’y mettre autant de sensibilité que de bienveillance mais un scénario plus que bancal et bourré de ficelles parfois ineptes, ôte tout pouvoir émotionnel aux spectateurs ( ou alors aveugles aux grosses ficelles, ça existe!)

Tout d’abord, il y a eu cette idée de mettre en avant les techniques pleine d’empathie du professeur Sara ( dans son propre rôle), pas bien originales ( sauf peut être dans leur partie musicale ) mais totalement anéanties par la présence de son assistante infirmière ( et Cécile de France n’est pas en cause, elle fait ce qu’elle peut la pauvre), qui n’a l’air de rien foutre de sa journée, sorte de potiche que la réalisatrice place  dans le décor à regarder voler les mouches ( dans un hôpital, on a du mal à y croire) et qui, encore plus improbable, tombe  amoureuse de son patient ( certes Benoît Magimel), ce qui semble être la seule activité que lui offre les scénaristes. A cela, se greffent deux ou trois sous intrigues assez banales qui alourdissent le propos. Si Benoît Magimel est très bien dans son rôle ( mais est ce le même acteur vu la semaine dernière dans «  Amants ?) Catherine Deneuve, erre de chambre en couloirs, la lippe boudeuse pour signifier qu’elle souffre et dont le prénom de Cristal lui va aussi bien que les horribles chemisiers qu’une costumière démoniaque l’a affublée. Emmanuelle Bercot joue de la caméra parfois avec brio pour éviter de tomber dans l’émotion facile tout en cherchant quand même à alléger le propos avec des scènes drôles ou pittoresques mais qu’on a du mal à penser possibles dans un hôpital ou parfois pas crédibles comme celle, certes charmante du vieux monsieur qui danse et joue des maracas mais pas raccord avec le reste du film ( Benoit Magimel pour les besoins de la scène a un voisin de lit alors que tout le reste du film il est en chambre individuelle) . Ah j'oubliais ! Le pompon ! On entend Catherine Deneuve dire qu'elle a été obligée de casser son PEL pour payer les frais d'hospitalisation, réplique un peu risible dans la bouche de notre star mais surtout plus qu'inepte puisque, la caméra n'arrête pas de bien signifier que nous sommes dans un hôpital public ( donc pas dans une clinique huppée pour stars ou peu nécessiteux). A cela se rajoute un plan de cette mère, sensée tirée le diable par la queue, effondrée dans un magnifique salon dont une immense baie vitrée révèle une somptueuse piscine gracieusement éclairée. 

Entre grosses facilités scénaristiques pour rendre le film pas trop sombre et surtout étoffer l’intrigue dont on connaît forcément l’issue, «  De son vivant » rate sa cible et plonge dans le gnangnan complètement hors sol.  




 

jeudi 11 novembre 2021

A Good Man de Marie-Castille Mention-Schaar


Aude et Benjamin vivent en couple, s'aiment et désirent un enfant. Fatalité ! Aude est stérile. Ce sera donc Benjamin son mari, en pleine transition, qui portera l'enfant. Sur un pareil postulat, le film pourrait partir fournir un prétexte  à un futur débat télévisé sur un fait de société ou prendre un parti-pris plus militant pour lutter contre la transphobie. Marie-Castille Mention-Schaar choisit une voie à la fois plus douce et sans doute moins évidente : raconter une histoire de couple qui désire concrétiser leur amour en mettant au monde un enfant. Banaliser un récit peu habituel en somme. Du coup, les militants LGBTQ+ lui tombent à bras raccourci dessus parce que lissant quasi totalement les discriminations que subissent les personnes trans en situant le film dans une petite île bretonne et surtout parce qu'ayant donné le rôle masculin à une comédienne cis ... polémique un peu idiote, car c'est bien le job des acteurs de pouvoir tout jouer, comme d'ailleurs le comédien trans Jonas Ben Ahmed qui joue, dans le film, un rôle cis ( j'espère que vous suivez).
"A Good Man" narre donc le parcours émotionnel de ce couple dans son désir d'enfant, entre eux et avec leur famille évidemment pas toujours dans l'empathie. Le film déroule donc une trame classique, voire banale pour une histoire qui ne l'est pas encore, sans grands effets scénaristiques, préférant parfois tomber dans le lacrymal de bon ton. Si l'ensemble fonctionne et émeut, c'est en très grande partie grâce aux deux comédiennes, Soko, débarrassée de son image d'actrice branchée, convainc totalement avec son humanité à fleur de peau et surtout Noémie Merlant, absolument bluffante dans le rôle de Benjamin, qui prouve une fois de plus son immense talent mais qui cette fois-ci se pose comme sans doute la comédienne tout-terrain qui brillera bientôt au firmament du cinéma français.
Rien que pour ce duo d'actrices  on doit aller voir "A Good Man" , peut être un peu trop planplan dans sa forme mais qui a le mérite d'aborder un sujet original qui ne peut que questionner le spectateur. 





mercredi 10 novembre 2021

Aline de Valérie Lemercier

 


Saoulés par la présence envahissante de Valérie Lemercier venue dans tous les médias défendre ce qui paraît être une des plus grosses productions françaises de l'année, vous vous dites que cette fois-ci vous ne vous ferez pas avoir par cette promo infernale, car après tout Céline Dion, ce n'est pas votre came. Nous sommes en novembre, mois d'une tristesse absolue et il serait idiot de bouder ce film grand spectacle de plus de deux heures, avec de la musique, des paillettes, de l'humour, de la passion et qui passe en un éclair. 
Aline, c'est Valérie Lemercier, chanteuse québécoise devenant, grâce à l'amour de son manager beaucoup plus âgé, une star internationale. Doublée au niveau chant par Victoria Sio, on reconnaît quelques chansons qui font désormais partie du patrimoine culturel de la variété francophone et puis cette destinée, ces  anecdotes nous disent quelque chose... peut être grâce au Paris Match feuilleté chez le coiffeur. 
Rien de bien emballant me direz-vous, ce biopic semble ressembler à mille autres. C'est sans compter avec le dynamisme, la folie, le talent de la réalisatrice, scénariste, comédienne Valérie Lemercier. Parce qu'au-delà de cette évocation d'une chanteuse canadienne, il y a la performance d'actrice, méli-mélo de deux personnalités au parcours pas si dissemblable, mais à l'écran bluffant, et une narration se déroulant sur plusieurs décennies qui coule sans aucune aspérité et sans ennuyer une seule seconde. 
Sans être un chef d'oeuvre absolu, mais sans doute le meilleur film de Valérie Lemercier, "Aline" répond parfaitement, et avec talent, aux canons du grand film populaire, bien fait, joliment tendre et humoristique, qui ne tombe jamais dans les clichés facile. Du grand et du bon divertissement !








mardi 9 novembre 2021

Compartiment n°6 de


Ce voyage en train en Russie d'une finlandaise curieuse de peintures rupestres déroule une intrigue assez lente, plutôt sympa mais prévisible et surtout coche toutes les cases du film de festival qui veut être primé ( et réussit à l'être, Grand prix à Cannes). Toutes ? Vraiment ? Pas certain ...
"Compartiment n°6" se déroule comme on peut le comprendre à bord d'un train allant de Moscou à Mourmansk ( proche de la frontière finlandaise). Voyage exotique pour nous et qui consolide tous les clichés que l'on a sur la Russie. On aura donc droit aux litres d'alcool ingurgités, aux gros cornichons en pot, à la babouchka, à la solide contrôleuse peu aimable ( mais incorruptible), au caviar et même au mauvais champagne ( sans doute local). Pas certain que l'office de tourisme russe ait sponsorisé le film car, un grain d'image assez prononcé renforce le côté triste voire sinistre et sale du pays. 
Cependant, se déroule une histoire vieille comme le monde : ils n'ont rien en commun, le premier regard échangé confirmera qu'ils se détestent d'emblée mais, apprendront à se découvrir petit à petit à s'apprivoiser, à s'aimer ( ai-je vraiment spoilé la fin de ce film si prévisible?). Le film prend donc les rails d'une histoire humaniste, alliant rapprochement des classes sociales et beauté de la naissance d'un amour. C'est filmé presque comme un documentaire mais avec de jolies scènes de comédie attrapant des moments d'une grande sensibilité où l'on peut lire sur les visages les petits changements en train de s'opérer dans la tête des protagonistes. Ce n'est pas novateur, ni original, mais peut toucher par moments.
Revers de la médaille, le film n'avance pas très vite, sans doute au rythme de ce train qui s'arrête très longuement dans les gares desservies. Et du coup on a le temps de laisser l'esprit gamberger et de ce demander si ce film, dans lequel le ministère de la culture russe a injecté quelques sous, n'est pas, insidieusement, un film de propagande, une sorte de double thérapie de conversion qui ne dit pas son nom. La lesbienne européenne ramenée dans le droit chemin sexuel et politique par un rude, courageux et viril russe ... Et ce n'est pas la dernière scène, à double , voire triple, lecture qui permet d'effacer ce doute... 
Alors "Voyage, Voyage" (  Desireless, décidément une chanson que l'on retrouve beaucoup dans les B O des films en ce moment ) mais dans quel pays ? Celui des films arts et essais formatés assez moches et lents pour plaire aux jurys esthètes des festivals ? Ou celui d'un pays essayant de préserver des archaïsmes d'un autre âge ? "Compartiment n°6" balance entre les deux et c'est dommage. 



jeudi 4 novembre 2021

Les Olympiades de Jacques Audiard

 

Si l'on compare ce nouvel film avec les précédentes productions de Jacques Audiard, il n'a rien à voir avec le côté viriliste des "Frères Sister" et du plus dérangeant et équivoque "Dheepan". Cette immersion au coeur du 13 ème arrondissement et surtout dans la vie de quatre trentenaires dont trois jeunes femmes, montre un côté plus sensible et bien plus sympathique du réalisateur. 
Avec un noir et blanc magnifique ( mais a-t-on déjà vu un film récent avec un noir et blanc moche ou quelconque ?) et son habituelle virtuosité de mise en scène, Jacques Audiard parvient, sans doute aidé par  ses deux scénaristes Céline Sciamma et Léa Mysius, à saisir le quotidien d'une génération nourrie aux raisons sociaux, au questionnement sur la société et les traditions et au désenchantement. Sans jamais appuyer les effets, il parvient à brosser les errances et les interrogations d'une jeunesse qui refuse certains codes et navigue au gré de ses envies avec cette fluidité désormais acquise par beaucoup. Noémie Merlant et Jenny Beth, parfaites et même plus comme habituellement, sont accompagnées par deux vraies révélations Lucie Zhang, tour à tour franchement agaçante ou émouvante, jouant constamment au grand écart que ce soit avec ses amours qu'avec les traditions familiales et Makita Samba, magnifique et magnétique, lui aussi essayant de se libérer à sa façon des carcans de l'Education Nationale ou de sa famille. Tous s'essaient à éviter cette solitude urbaine qui pourrait les anéantir. 
On ressort du film les yeux éblouis par ces images, les oreilles enchantées des nappes musicales de Rone et la tête pleine de questions, de réflexions, réveillées par un film qui suggère énormément.  et laisse beaucoup de place au spectateur. Du Jacques  Audiard de cette trempe, j'en redemande ! 





 

mardi 2 novembre 2021

The French Dispatch de Wes Anderson


 Wes Anderson est un grand réalisateur, qui plaît et qui n'a aucun problème pour produire ses films. Il a un univers singulier, pas mal tourné vers le passé, transcendé par une virtuosité sans égale niveau mise en images. "The French Dispatch" pourrait être un sommet cinématographique sauf que la machine, très bien huilée, tourne au final un peu à vide.

Côté intentions, le panier est plein. Il a voulu recréé, en version cinéma, les articles d'un journal style "The NewYorker" et au-delà porter très haut un genre souvent mal fichu : le film à sketches. Là dedans, il s'est piqué d'y introduire une foultitude de stars ( les habituelles Owen Wilson, Tilda Swinton, Bill Murray, ... et un tas d'autres) tout en faisant ce qu'il avait envie niveau format, décors, genre, narration, couleurs, noir et blanc. Comme si cela ne suffisait pas, il a voulu rendre un hommage appuyé au cinéma, français principalement, en multipliant les références  ( Tati, Duvivier, Godard, ...) ainsi que d'introduire quelques pensées bien de notre époque ( sur les révoltes adolescentes, sur les violences policières, sur le monde de l'art, ...). 

A l'écran, même si on a du mal à savoir où poser l'oeil tellement tout est foisonnant, on est épaté par tant d'inventivité, de folie maîtrisée. Ca rappelle "Grand Budapest Hôtel" mais version plus plus. Sauf que cette épate  dure en gros vingt minutes. Passé ce cap, on commence à saturer, on se prend à regretter de ne pas pouvoir déguster mieux une image avec sans doute plein de clins d'oeil. Le montage ultra rapide ne nous laisse même pas le temps de reconnaître, certes malicieusement grimés, certains acteurs ( Ah, y'avait Cécile de France? Pas vu !). Du coup, on essaie de passer outre cette hystérie visuelle, on se concentre sur les histoires contées et l'on s'aperçoit bien vite qu'au-delà des décors qui coulissent, des travellings avants, arrières, latéraux, des caméos de stars déguisées, elles ne sont guère passionnantes ces historiettes, frisant la facilité et l'anecdotique. On perçoit le creux de l'ensemble et le temps commence à devenir long, surtout que bien vite les effets se répètent jusqu'à la nausée ( de l'oeil). 

Wes Anderson a situé son film en France dans la ville imaginaire de Ennui-sur-Blasé. Il est peut-être facile de dire que cela résume bien l'ensemble, mais hélas, tellement proche du ressenti spectateur qui passe de l'émerveillement à l'ennui en même pas deux heures ! Une prouesse ? 



lundi 1 novembre 2021

L'enterrement de Serge de Stéphane Carlier

 


Quand on cherche un roman de détente, le mot "enterrement" n'est pas forcément vendeur, même emballé avec quelques fleurs japonisantes autour. La quatrième de couverture du septième opus de Stéphane Carlier précise toutefois : "Cet enterrement-là vous rendra heureux !". Effectivement, les péripéties nombreuses de cette histoire et le happy end final raviront sans doute les amateurs de littérature légère avec de bons sentiments ....de là à nous rendre heureux...c'est un pas que franchit allègrement l'éditeur car ayant un but commercial,  pour le lecteur, c'est peut être moins évident.

Imaginons un instant un lecteur cherchant un moment de détente et qui se plonge dans ce roman. Il aura donc passé outre le décor principal ( église, cercueil, cimetière) . Peut être est-il amateur d'un humour un peu noir ? Il n'en trouvera pas vraiment, mais se plongera au coeur d'une histoire, banale au départ, qui, petit à petit se transformera en une sorte de vaudeville vaguement grivois par moments et qui essaie de jouer l'effet boule de neige ( cette boule lancée du haut de la montagne qui devient gigantesque) avant de terminer dans un déluge de jolis et gentils sentiments sensés réchauffer les coeurs. Ce n'est pas toujours exempt de clichés, de facilités ( surtout vers la fin) mais cela reste agréable à lire si l'on cherche un moment détente simple. 

Sans donner ma bénédiction cinq étoiles à ce roman, il comblera sans doute tous les amateurs de comédie pas vraiment noire et encourageons Stéphane Carlier pour son obstination à écrire des romans sensés nous détendre en souriant, ils sont peu nombreux dans ce créneau là. 


dimanche 31 octobre 2021

Barbaque de Fabrice Eboué


 Dans la famille comédie française qui inonde les écrans chaque semaine, je demande le fils... qui a plutôt mal tourné ( aux yeux de la norme ) mais qui offre quand même un film sacrément impertinent et revigorant. 

Jusqu'à présent la filmographie de Fabrice Eboué réalisateur ne faisait pas vraiment grimper aux rideaux du 7ème art. Avec "Barbaque" il passe au cran au-dessus avec une comédie grinçante et un peu gore qui arrive, sur l'idée de bouchers endettés se procurant une viande à succès en abattant des véganes, à tenir le temps d'un long-métrage. Si le scénario, certes habile, emprunte les chemins habituels des comédies, il est sérieusement mis en valeur par des dialogues assez percutants, flirtant toujours avec un politiquement incorrect très réjouissant et un duo d'acteurs jouant avec délice sur ce fil du rasoir. Marine Foïs arbore une mine gourmande et coquine ( et aussi, moins original, celle plus habituelle de la femme délaissée)  qui fait mouche. Fabrice Eboué lui donne la réplique avec un petit air décalé qui permet de ne pas trop prendre au sérieux cette comédie assez saignante.

Si l'on peut regretter un final moral pas vraiment à l'image du reste du film, pour peu que le côté un peu grand-guignol de l'ensemble ne vous rebute pas, vous savourerez comme il se doit cette "Barbaque" qui se hisse sans problème trois niveaux au-dessus des comédies françaises habituelles ( et quand même coproduite par une chaîne de télévision !). 



samedi 30 octobre 2021

La Fracture de Catherine Corsini




 On sera reconnaissant à Catherine Corsini de vouloir témoigner de l'histoire récente et de s'intéresser aux nombreux malaises de notre pays. Les réalisateurs se coltinant cette réalité sont trop rares et méritent d'être encouragés. 

Dans "la fracture", se bousculent beaucoup de thèmes, d'idées principales et d'autres plus périphériques ou suggérées. En premier lieu, la réalisatrice dresse un portrait effrayant de l'état de notre hôpital public et plus principalement de ses urgences. A cela, elle greffe, le combat des gilets jaunes, les violences policières, le calvaire du personnel soignant mais aussi le manque de prise en charge des maladies psychiatriques tout en mettant en avant un couple lesbien et son quotidien presque ordinaire. C'est beaucoup, sans doute trop pour un même film. 

Si le couple vedette féminin ( Marina Foïs et Valeria Bruni-Tedeschi) est absolument formidable ( et hilarant ), parfait contrepoint à une réalité bien dure, on pourra regretter un traitement parfois approximatif et cliché de certains personnages ( celui notamment du gilet jaune incarné par Pio Marmaï) ainsi qu'une prise d'otage superflue, n'apportant rien de bien intéressant au film, le rendant soudain un peu too much. 

Car trop, c'est trop ! On a apprécié la réalisation toute en énergie, quasi documentaire de ce huis-clos, l'évidente douceur et compréhension de l'infirmière ( magnifiquement interprétée par Aïssatou Diallo-Sagna) , le ping-pong verbal décalé et très bobo de nos lesbiennes mais cette accumulation d'histoires et de faits divers et variés, ce décor trop délabré ( en fait une vieille unité d'hôpital désaffectée a servi pour le tournage et semble n'avoir guère était modifiée alors que même les urgences d'un petit hôpital en région est plus pimpant)   finit par donner l'impression que Catherine Corsini en fait un peu trop et du coup est moins convaincante qu'annoncée. 
Cependant, malgré ces réserves, le film est plus réussi que les dernières réalisations de l'auteure, plus pêchu, bien interprété, c'est déjà ça... 



vendredi 29 octobre 2021

Choco-boys de Ralf König


C'est une sacrée bonne idée d'avoir demandé à Ralf König de faire son Lucky Luke. Certes l'auteur allemand, avec son oeuvre résolument gay derrière lui, s'est vu demandé de ne pas offrir à l'homme qui tire plus vite que son ombre une sexualité mais quand on lit le résultat, l'univers du héros a été sacrément dépoussiéré. 
Tout en gardant ses thèmes favoris ( et surtout sa lutte incessante contre l'intolérance), reprenant tous les codes de la série ( Dalton, Calamity Jane, cow-boy solitaire, arrivée de nouveautés dans un ouest américain plouc) et jouant magistralement de ceux de la culture gay,  Ralf König nous offre une histoire hilarante. Lucky Luke plus viril/macho car dessiné avec un gros paquet, érotisé au maximum ( nous verrons pour la première fois ses tétons) va rendre fou de peur mais aussi de désirs un ouest pas encore tout à fait prêt à accepter la différence. Il traîne sa nouvelle dégaine dans un ouest assez bousculé après l'affaire de "Bareback Montain". Il doit convoyer un cocasse troupeau de vaches suisses ( mauves bien sûr!), choisit un aide rejeté par la société du coin ( parce que roux mais suspecté d'être gay) et y croisera une Calamity Jane lesbienne ( ce qui semblait être le cas dans la réalité). 
Le scénario, habilement troussé dans un jeu de flash-back faisant oublier la nécessité de respecter absolument tous les codes de la série, démontre, s'il le fallait, combien Ralf König est un maître du vaudeville et de l'humour. Passé à sa moulinette, Lucky Luke prend un sérieux coup de jeune et de modernité. On s'amuse franchement dans cet hommage, qui n'est pas seulement une curiosité mais bel et bien un album très réussi. 



 

samedi 23 octobre 2021

L'amour par temps de crise de Daniela Krien


Le titre français de ce roman à succès allemand pourrait laisser penser que nous pénétrerons dans les amours de quelques uns durant cette période de crise économique. Le titre original ' "L'amour dans les cas graves" ( si j'en crois Google traduction) semble plus suggérer une plongée dans l'univers infernal de couples en crise. Le roman au final est un peu autre. S'il est effectivement question de rapports amoureux assez difficiles, le récit, en s'intéressant à un moment du parcours de vie de 5 femmes, balance gentiment entre la chronique, le féminisme soft et le constat sociétal. 
Cela pourrait être cinq nouvelles, si les 5 femmes ne vivaient pas dans la même ville ( Leipzich) et donc avaient des liens plus ou moins proches. Toutes ont un point en commun : elles ont obligatoirement des choix à faire ce qui entrave leur vie. Affleurent donc des questions existentielles assez classiques : Vivre seule ou pas ? Avoir un enfant ou pas ? Famille ou travail ? Mari ou amant ou les deux ? 
Rien de bien original donc, ni dans la juxtaposition de ces 5 vies ni dans les interrogations de chacune, surtout que tout cela est relaté de façon assez factuelle, histoire d'être dans la réalité mais qui laisse parfois les personnages à distance. Un certain exotisme toutefois transparaît pour le lecteur français avec en filigrane les stigmates de la réunification et le regard social bien noir sur les mères ne restant pas au foyer pour garder leurs enfants. Par contre, on peut être étonné du côté assez fleur bleue de ces femmes qui (à part une) ne peuvent aimer qu'un seul homme malgré les aléas de la vie ainsi que du côté un peu cliché des mâles qui apparaissent ( souvent en second plan), beaux ( évidemment ....à moins que ce ne soit qu'aux yeux des héroïnes), travailleurs, volages et, petite dimension allemande, écolos. 
L'ensemble n'est pas désagréable à lire, écrit simplement mais sans nous emporter dans des torrents de réflexion. On peut regretter que certaines situations ne soient pas plus exploitées et ( surtout dans les deux dernières) qu'elles s'arrêtent parfois un peu abruptement, laissant le lecteur en plan....sans doute à l'image de ces femmes toutes abandonnées à un moment ou un autre. 

 

jeudi 21 octobre 2021

La jeune fille et l'araignée de Ramon et Silvan Zürcher


Attention vrai film d'auteur(s) ! Et quand je dis auteurs, c'est bien tout ce que cela peut comporter dans le terme : originalité, univers personnel, vraie écriture tant dans les dialogues que dans la mise en scène, mais aussi son corollaire pour le spectateur, questionnement, interrogation, ennui possible, rejet. 
L'histoire se déroule durant un aménagement d'appartement par une jeune fille dont la précédente colocataire a décidé de prendre le large. C'est banal, sauf que dans ce moment particulier où amis et voisins viennent donner un coup de main, rien ne l'est vraiment, tant les frères réalisateurs brouillent les pistes. Mais que fait Mara ( celle qui part, est partie, ancienne maîtresse ? ancienne juste amie ? ) à traîner sans en glander une au milieu de ces gens qui s'agitent ? Elle regarde, refile son herpès, envoi des piques, rudoie un peu, drague, se coupe le doigt, ... Mais que se passe-t-il dans ces têtes qui cherchent on ne sait quoi...à changer l'espace d'une nuit de partenaire, caresser l'espoir d'une aventure ou simplement vaincre une mélancolie qui semble les envelopper ? On ne le sait pas trop, on le devinera parfois, le constatera à d'autres...ou pas, mais tout en douceur et en plans chorégraphiés minutieusement sans que cela soit trop visible. Et puis, il y a, revenants à intervalles réguliers comme pour scinder le film en parties bien précises, ces gros plans  ( verres, café qui coule, une cigarette qui se consume, ...) comme si ces objets vivaient leur propre vie en parallèle, le tout accompagné de multiples versions du tube de Desireless "Voyage, voyage". C'est un peu Rohmer pour les jeunes filles, un peu Mouret pour les amours et c'est surtout Zürcher car, la chose est rare, cela ne ressemble à rien de connu. 
"La Jeune Fille et l'Araignée" surprendra par rythme, son esprit très décalé et refusant une narration simple, jouant sur l'empathie du spectateur et surtout sur son envie de jouer à décrypter les enjeux de tout ce petit monde. Cela peut irriter, laisser sur le bord de la route. Cependant, découvrir un univers original est rare à une époque où tout se formate de plus en plus. Oui nous sommes vraiment devant un film Art et essai, ça fait du bien même si on ne comprend pas tout. Il est bon parfois de continuer à se poser des questions une fois les lumières rallumées... Une chose est certaine, ces frères Zürcher sont vraiment des auteurs! 




 

mercredi 20 octobre 2021

Les illusions perdues de Xavier Giannoli

 


Adapter ce long roman de Balzac reste une gageure que Xavier Giannoli réussit parfaitement. 
En se concentrant sur la partie narrant la montée à Paris de Lucien de Rubempré ... heu Chardon, le réalisateur s'intéresse à ce portrait au vitriol des moeurs journalistiques sous la Restauration, lui donnant ainsi une résonance très contemporaine même si le contexte et l'art des fake news étaient bien différents ( avec une réplique qui fait tilt dans la salle autour d'un président banquier...). 
Rendre toute la saveur à ce chef d'oeuvre d'Honoré de Balzac, n'est pas chose aisée. Quand débute le film avec une voix off comme guide, le doute est permis car, c'est souvent le recours de certains cinéastes qui ne savent pas ou ont peur que leur mise en scène et leur scénario ne permettent pas aux spectateurs de bien comprendre ce qui se passe à l'écran. Mais très vite, l'ampleur de la mise en scène, la reconstitution de l'époque avec des décors, des costumes ultra soignés et surtout une pléiade de comédiens tous parfaits et ayant la chance d'avoir des dialogues plein de saveurs à jouer, font que les 2h30 passent en un clin d'oeil. Si le jeune couple vedette, a par moment les épaules un poil trop fragiles pour porter ce spectacle de haute volée sur la longueur, il est considérablement aidé par des grands seconds rôles de Gérad Depardieu à Jeanne Balibar, de Cécile de France ( aux regards absolument époustouflants) à Xavier Dolan ( totalement bluffant ). 
De facture classique ces "Illusions perdues" réussissent le triple pari de nous passionner autour d'une oeuvre classique, de se permettre, mine de rien, parfaitement raccord avec notre époque et d'être un bel objet de cinéma. Donc, allez-y, vous ne serez pas déçus ! 




mardi 19 octobre 2021

First Cow de Kelly Reichardt


La première vache du titre est celle arrivée en Orégon au tout début du 19ème siècle et qui sera traite clandestinement par deux jeunes migrants au sens commercial assez développé.
L'histoire est simple, le film l'est aussi mais faussement. De prime abord on peut être surpris par la mise en scène, très terrienne et au rythme des pas des deux protagonistes. On pourrait y trouver un vague ennui, tellement habitués que nous sommes aux plans de quatre secondes. Mais au fur et à mesure que l'histoire avance, le spectateur se prend d'empathie pour ces deux voleurs ( c'est en partie ce qu'ils sont mais pas que...) et commence à ressentir que cette histoire vieille de deux siècles nous parle d'aujourd'hui. Il y est question des fondements d'une nation, construite sur la migration, le mélange des ethnies et déjà l'esprit d'entreprise qui servira donc d'espoir mais aussi de désillusion pour beaucoup de ceux qui entreprennent qu'un préambule contemporain évoque et un final hautement émouvant porte soudain à des sommets que l'on ne voit pas vraiment venir. 
Kelly Reichardt est considérée à juste raison comme une immense réalisatrice et "First Cow" le prouve bel et bien par la finesse de sa mise en scène ( parfait contrepoint à l'imagerie hollywoodienne du western), sa radicalité à vouloir restituer cette histoire dans un format carré qui focalise sur les personnages ( même si l'on ressent énormément leur environnement). On peut être un peu refroidi par un départ assez lent, mais très vite vous sentirez toute la profondeur de ce film magnifique, qui s'adresse à ce que nous avons de plus précieux : notre possibilité de réfléchir loin des propos simplistes ou haineux. C'est cela la magie du grand cinéma. ( Et dire que présenté au festival de Deauville en 2020, le film, pour le grand prix,  a dû laisser sa place à une daube prétentieuse !). 



 

Wonder Landes d'Alexandre Labruffe

 


Pour son troisième roman, Alexandre Labruffe se dévoile nettement plus en narrant les épisodes familiaux qui ont fait suite à la disparition ( comprendre : il s'est envolé, volatilisé, sans donner l'ombre d'une nouvelle) de son frère. 

Ca démarre au quart de tour, plantant un décor mi fantaisiste mi psychologique ( un mélange assez détonnant) sur les traces d'un frère qualifié tour à tour de bipolaire, autiste, frappadingue, charmeur, baratineur ( donc menteur), mythomane et j'en pense. Beaucoup pour un seul homme mais  pourtant bien réel, tant les multiples faits et méfaits qui ont jalonné une vie ahurissante nous sont révélés sans ambage. Nous sommes embarqués dans une sorte de thriller baroque familial qui nous change franchement des  jérémiades habituelles autour de ce genre de récits prompts au verbiage larmoyant et noir. Ici, la situation n'est guère brillante, presque angoissante mais heureusement, Alexandre Labruffe sait y mettre de la légèreté, un poil de dérision grâce à son écriture précise et pleine de verve. En plus, en contre point au récit, il place des personnages secondaires hilarants comme sa copine coréenne et sa chamane feng shui ou un ami prêtre désabusé, le tout dans un décor de ferme landaise perdue au milieu des pins et bourrée d'objets anachroniques ( le merveilleux du titre ). 

Mais la vie, même dans un roman, devient chienne. Pendant que le frère, retrouvé, croupit dans la plus vieille prison de France ( à Angoulême), le père tombe malade et avance surement vers une mort inéluctable. Ce sera la deuxième partie du roman, moins souriante, lestée par un deuil à venir, et comme souvent dans ces moments là, propice à une certaine introspection un peu moins baroque, quasi écrite en vers libres, portée par une émotion certaine mais toujours teintée d'une pointe d'humour salvatrice. 

C'est donc un réel plaisir de retrouver les récits d'Alexandre Labruffe, toujours différent mais cependant toujours aussi talentueux, sachant nous faire pénétrer dans des univers rendus originaux par son regard assez unique et une plume habile. 

jeudi 14 octobre 2021

FIF85, Festival International du Film de La Roche sur Yon ( une journée au)


Heureusement la Vendée, dans le domaine culturel, ne se résume pas qu'au Puy du Fou. Ainsi, en octobre depuis 12 ans, se déroule un festival du film, qui se propose de présenter un instantané de la production actuelle mondiale. La programmation, éclectique, permet de découvrir des longs-métrages très souvent en avant-première française et ayant déjà été programmés dans certains grands festivals comme Locarno, Venise, Berlin ou Sundance. Le public, surtout local mais fervent et curieux, remplit avec allégresse les quatre salles du festival. On retrouve bien sûr des cohortes de lycéens ( ici, bien sages) mais aussi son contingent de retraités ( qui peut aller au ciné en semaine à 9h30 ou 14h ?) finalement plus mal élevés que la jeune génération ( portables qui s'allument en cours de film pour répondre à un sms, petits commentaires durant la projection voire ronflements). 
Ceci dit, on peut le dire , c'est vraiment une semaine de fête du cinéma à La Roche sur Yon ( qui s'embellit d'année en année) et pour tous les publics. Prenons la journée du mercredi 13. Pas moins de 21 films sont proposés à notre curiosité. Jour de congé scolaire oblige, on y trouve évidemment quelques films pour enfants ( qui pourront aussi aller admirer la jolie petite expo consacrée au réalisateur italien Lorenzo Mattotti) mais aussi, parmi toutes les avants-premières quelques reprises de classique ( ce jour là "John Mccabe" de Robert Altman ou "Harold et Maud" de Hal Hashby ( qui a fait exploser le nombre de téléchargements d'application de rencontre sur les portables de nos seniors ....Attention aux séances suivantes, ils risquent de s'allumer à tout bout de champ de peur de rater un possible contact). 
Le gros de la programmation fait la part belle à des films inconnus venus de toute la planète. Ce jour là, entre autre ( car on ne peut pas tout voir, on sélectionne un peu au pif suivant une brochure volontairement synthétique) on a pu pénétrer dans une sinistre prison italienne ( "Ariaferma" de Léonardo di Costanzo) au bord de la fermeture pour une sorte d'allégorie sur l'humanisme et l'amitié un peu mollassonne et improbable ou arpenter un forêt danoise à la suite d'un homme voulant éprouver sa condition d'humain ( "Wild Men " de Thomas Daneskov) dont la présentation parlait de masculinité, de virilité, et qui s'est avéré surtout être une sorte d'hommage pas désagréable au "Fargo" des frères Coen. Nous avons.... subi....non le mot est trop fort... admiré en se rasant un peu "Users" de Natalia Almada ( USA/Mexique) , sorte d'essai cinématographique aux longs plans magnifiques, mais au propos finalement très convenu autour des technologies et du monde de demain ( le tout accompagné par une sorte de musique atonale ...). On a pu aussi suivre les avatars d'un couple de publicitaires allemands dans leur maison de campagne Belge ( "Human Factors"  de Ronny Trocker), demi-thriller psychologique autour de l'incommunicabilité entre les êtres, pas d'une grande originalité mais pas déplaisant. 
Il y a une partie de la programmation qui est sûre de faire salle comble, ce sont les avant-premières de films français ( et comme souvent accompagnés de ou d'une partie de l'équipe, l'occasion de voir de la star attire le public !). Ce jour, Régis Roinsard présentait son adaptation ( on peut dire ratée malgré le couple de stars Efira/Duris) du roman à succès "En attendant Bojangles" et l'on pouvait voir par ailleurs, ce qui est une des pépites de ce festival, le formidable "Rien à foutre" du duo Julie Lecoustre et Emmanuel Marre où Adèle Exarchopoulos campe magnifiquement une jeune femme d'aujourd'hui en butte avec les apparences. 
Voilà, un festival c'est ça, mais aussi une foule d'autres films et, vraiment, même s'il n'a pas la renommée d'un Deauville ou d'un Dinard ( pour parler de ceux qui s'adressent aussi à madame ou monsieur Toutlemonde), le FIF85 est un moment formidable, vraiment sympathique, de bonne tenue et surtout pensé et destiné au public. Bravo ! 


lundi 11 octobre 2021

Feu de Maria Pourchet



Si l'on se plonge dans "Feu" avec l'espoir d'y trouver une jolie histoire romanesque qui fera battre son  coeur à la suite d'une héroïne, d'un héros, avec lequel on va s'identifier et s'attendrir, on risque de rester en rade. L'enjeu de ce nouveau roman de Maria Pourchet, après le formidable "Les impatients", est évidemment ailleurs, sans doute revisiter un thème rebattu de la littérature : l'adultère. En gros une femme,Laure, quarantenaire, mariée, avec 2 enfants pas du même père, fait une fixette sur Clément, un cinquantenaire célibataire, aux revenus s'énonçant en Keuros car bossant dans la finance. Il n'est pas un tombeur loin de là mais se laisse faire et se lance sans réel entrain dans une relation sans passion nourrie de chambres d'hôtel louées à la va-vite et quelques sms laconiques. Elle par contre, fantasme complètement cette relation et s'investit corps et âme. Depuis "Madame Bovary", rien n'a donc changé...
Heu si, quelque chose a changé depuis Flaubert, en plus de la facilité de la rencontre, c'est la façon de raconter. Dans un style totalement personnel, qui, de prime abord peut surprendre, désorienter, faire relire une phrase ou deux pour bien saisir le sens ( mais dans lequel, au bout de trente pages, on se glisse sans difficulté), Maria Pourchet explose le thème par cette façon inimitable de mêler sans complexe le trivial avec les sentiments profonds, la réalité rude des pensées discordantes des deux protagonistes avec la vie domestique voire sociale de l'époque. C'est un feu d'artifice qui va crescendo contrairement à beaucoup de romans qui ont une bonne idée de départ et se délitent ensuite dans la banalité. Avec ses deux personnages pas vraiment sympathiques ( plus un chien) et bourrés de contradictions, le roman se révèle un révélateur ironique de nos comportements d'humains occidentaux à la recherche de sensations préformatées par tout ce qui nous inonde sur écran comme sur papier, donnant ainsi une image de l'amour bien plus franche que d'habitude.
Brillamment écrit dans un style qui peut surprendre, narrant comme rarement la rencontre de deux personnes, se moquant de faire plaisir au lecteur en lui offrant ce qu'il aime lire mais en le titillant de façon plus originale, "Feu" est un des bons romans de cette rentrée qui confirme le talent particulier de Maria Pourchet. 

 

jeudi 7 octobre 2021

Tralala de Jean-Marie et Arnaud Larrieu

 


L'affiche est belle ( Amalric, Balasko, Lavant, Mélanie Thierry, ...) pour cette comédie musicale ( chic !) sur laquelle de grands noms de la chanson française ( Daho, Cherhal, Dominique A, Katherine, ...) se sont penchés. Tout pour plaire aux amateurs de films musicaux. Le petit bémol pourrait être que c'est un film des frères Larrieu, à l'univers original mais surtout capables du pire ("Le voyage aux Pyrénées" ) comme du meilleur ( "Peindre ou faire l'amour"). Hélas, malgré ce casting en or, cette nouvelle production du tandem tendrait plutôt vers le pire. 
Le scénario a de faux airs des "Demoiselles de Rochefort" où les protagonistes ont des liens passés forcément romanesques. La ville de Lourdes, vidée pour cause de Covid, donne au film une identité plutôt originale avec quelques envolées de bonnes soeurs et jouant sur les décors blanc et bleu de tous les marchands du temple qui attendent le pèlerin. C'est un peu foutraque, mais cela a au moins le mérite de sortir des sentiers battus. 
Ce qui est moins original, c'est sans doute le héros, Mathieu Amalric, pour la énième fois en tombeur de ses dames ( même si ici il est un sdf,  malgré tout irrésistible, avec un très improbable pantalon en panne de velours bordeaux). Le reste de la distribution joue les utilités sans jamais tirer son épingle du jeu. Ils ne sont d'ailleurs pas aidés par les chansons qu'on leur a mis dans la bouche ( sans doute des fonds de tiroir ), toutes plus insignifiantes les unes que les autres. A ce petit jeu, Bertrand Belin ( évidemment) s'en tire le mieux et fait presque figure de révélation, sans toutefois que l'on ait une seconde envie de réécouter plus tard un de ses titres. Si Mélanie Thierry montre une certaine aisance dans le chant, que dire de la prestation vocale de Josiane Balasko qui finit aussi par déteindre sur son jeu de comédienne ? 
Cette inintéressante histoire dure 2 heures et on les sent passer ! Entre une mise en scène parfois proche d'un certain ( faux ? ) amateurisme, des dialogues lourdingues et peut être une vague ( mais très vague )  envie de dézinguer un genre très formaté, le spectacle n'est guère convaincant. Pas certain que ce "Tralala" réconcilie le grand public avec la comédie musicale toujours un peu mal aimée. 




mercredi 6 octobre 2021

Le kiosque d'Alexandra Pianelli


Et si en cette semaine de sortie tonitruante du dernier James Bond, vous choisissiez comme sortie ciné, l'exact contraire de la luxueuse franchise, c'est à dire, le film le moins coûteux qui puisse exister. "Le kiosque", qui joue donc la parfaite contre programmation, vous divertira et vous ravira très certainement mais d'une façon bien moins clinquante ( pas de millions de dollars à l'écran, juste de la menue monnaie en piécettes). La réalisatrice Alexandra Pianelli a tourné dans un espace de 6 m2 avec juste un Iphone et quelques bouts de cartons un documentaire vraiment épatant. Les prises de vue se sont déroulées dans  le 16ème arrondissement ( mais sans Léa Seydoux qui pourrait bien habiter le secteur ou le 8ème, le 5ème à la rigueur), seul détail qui fait luxe, si tant est qu'un kiosque à journaux entre dans cette catégorie. 
Malgré le manque d'explosions, d'agents secrets sexys, "Le kiosque" parvient toutefois à nous scotcher sur notre siège, nous intéresser et nous émouvoir. Pas besoin de faire son courageux aux quatre coins du monde pour maintenir un spectateur éveillé, de la débrouille façon bricolo/bricolette, un oeil bienveillant filmant toute cette humanité passant devant ou dans un kiosque parisien suffisent pour offrir un film qui marque et dont on se souviendra. 
Ce remarquable portrait d'un lieu et d'objets de consommation qui disparaissent petit à petit est autant un témoignage sensible, drôle et émouvant ( il y a une scène absolument incroyable d'humanité dans ce film, sûrement une des plus émouvantes vu depuis longtemps....mais je n'en dis pas plus ) qu'une petite prouesse  fabriquée avec deux/trois bouts de ficelles, un oeil d'artiste et du talent. 
James Bond peut attendre ( il restera très longtemps à l'affiche) mais "Le Kiosque" non. Pour être surpris et ému, c'est bien le film qu'il faut voir cette semaine !



dimanche 3 octobre 2021

Les enfants de Cadillac de François Noudelmann



Il y a des romans ( mais ici est-ce vraiment un roman ? ) qui vous transportent par l'évidence et la clarté du récit. Pour ce premier roman ( puisque c'est noté ainsi sous le titre), François Noudelmann divise son ouvrage en trois parties distinctes. La première sera consacrée à son grand-père Chaïm, juif ayant fui la Lituanie à la veille de la première guerre mondiale et qui, pour s'intégrer à jamais dans le pays qui l'accueille, devient un de ses soldats, un poilu puisque c'est la France sa terre d'asile. La deuxième sera le récit de son père qui aura fait le même voyage dans l'autre sens ( et retour) ballotté par les aléas de l'histoire et plus précisément par la deuxième guerre mondiale. La troisième tournera autour du narrateur fils et petit-fils des précédents, qui s'interrogera autant sur ses racines, son identité de français, de juif dans un monde où l'histoire a la fâcheuse tendance à se répéter. 

On pourrait penser à lire ce résumé que nous sommes dans un livre de souvenirs plus que dans un roman, même si, comme c'est le cas dans ces "enfants de Cadillac", la vie apparaît bien plus romanesque que tout ce qui pourrait sortir de la tête d'un auteur inspiré. Par la grâce d'une écriture limpide, la force de ces destins particuliers mais surtout par l'évident recul autant philosophique, sociologique qu'historique dont est capable l'auteur, le texte nous emporte autant dans le vent de l'Histoire et d'histoires singulières que dans un cheminement intellectuel des plus stimulants.  Tout en nous passionnant pour le sort de son grand-père mort de faim dans un asile psychiatrique en 1941 ( comme plus de 45 000 autres patients dits fous de cette époque) ou de la rencontre de son père avec l'inhumanité en général mais aussi en particulier ( celle que des hommes plus que persécutés mettent en place à l'intérieur de camps pour assouvir leur pouvoir sur encore plus persécutés qu'eux) , c'est une profonde et très accessible réflexion qui nous attend au détour de pages percutantes, pertinentes, s'interrogeant, entre autre,  avec un réel recul, sur ce qui compose notre identité, nos possibilités de nous intégrer dans des groupes sociaux comme religieux. 

Oubliez la polémique vaine qui entoure ce roman ( et qui sans doute le fera disparaître à tort des listes des prix de l'automne) et partez à la rencontre de ces "enfants de Cadillac", lecture passionnante et vivifiante pour l'esprit, magnifiquement écrite et qui résonnera longtemps en vous. Sans conteste un des très bons livres de cette rentrée. 

samedi 2 octobre 2021

Alice Guy de Catel et Bocquet

 


Alice Guy fut la première réalisatrice de cinéma  au monde. Une fois que l'on a dit ça, avec un peu de fierté parce que française mais aussi beaucoup de remords car longtemps oubliée par les historiens de cinéma, on n'a pas dit grand chose sur la vie de cette pionnière du 7ème art. Heureusement, le duo Catel et Bocquet, avec leur talent habituel, remettent magnifiquement en lumière cette femme qui a su s'imposer dans un univers uniquement masculin. 

On le sait la femme, même encore de nos jours dans certains esprits arriérés, ne peut pas s'intéresser à la technique. Imaginez-vous à la fin du 19ème siècle, alors que des inventeurs comme Thomas Edison ou les frères Lumière tutoient l'Olympe de la célébrité, la hardiesse qu'il a fallu à une jeune femme pour parvenir  à s'insérer dans cet univers essentiellement masculin, y imposer, autant ses idées marketing pour attirer les foules dans les premières salles de projections publiques que cinématographiques pour tourner des courts-métrages ( le premier en 1896 !) ? Tout cela et bien plus ( car elle traversera l'Atlantique et connaîtra aussi une petite carrière d'abord à New-York puis à Los Angeles ) nous est raconté avec brio dans ce roman graphique impeccable. On y retrouve la rigueur d'un scénario bourré d'anecdotes et le dessin très ligne claire de Catel Muller dont la formidable lisibilité permet une lecture agréable y compris pour les lecteurs pas vraiment bédéphiles. Et comme ce roman graphique est complétée par un supplément de près de 70 pages de documents biographiques, on peut dire qu'il apparaît désormais comme un ouvrage de référence sur Alice Guy mais aussi de toute cette époque foisonnante des pionniers du cinéma. 

Encore une fois, après Joséphine Baker, Olympe de Gouges et Kiki de Montparnasse, Catel et Bocquet réussissent à nous emporter dans un récit aussi documenté que sympathiquement militant. 

vendredi 1 octobre 2021

La porte du voyage sans retour de David Diop

 


Après les prix et le succès de "Frère d'âme", on attendait avec impatience le nouveau roman de David Diop. Le défi est de taille, la tâche a dû se révéler ardue. 
Le titre est fort, faisant allusion à l'île de Gorée une des nombreuses place forte du commerce des esclaves et bien dans la lignée des thèmes de l'auteur. Il y sera question d'esclavage bien sûr, mais plutôt en second plan, le texte se concentrant sur le récit d'un naturaliste français, que le temps a effacé des mémoires, Michel Adanson. Nous sommes au mitan du 18ème siècle et c'est en presque aventurier qu'il débarque au Sénégal pour y étudier la flore dans le but de publier une grande encyclopédie. Il est jeune, à peine une petite vingtaine d'années, âge où l'on peut s'enflammer très vite. Ce sera le cas lorsqu'il entendra une histoire racontant l'évasion d'une jeune femme promise à l'esclavage et jamais retrouvée. Il part à sa recherche avec fougue et, sans réseaux sociaux ni échange virtuel, en tombe petit à petit amoureux...
C'est donc à une sorte de roman d'aventures que nous convie David Diop, mâtiné d'une once de passion et enveloppé dans une belle  écriture, discret hommage aux écrivains du 18ème. On y trouvera de très belles pages sur le racisme ainsi que la biographie romancée de ce naturaliste. C'est agréable à lire mais pas totalement emballant. Le texte est une sorte de récit gigogne.  La fille du naturaliste, lors d'un déménagement, tout en étant séduite par un jeune et fringant architecte, trouve le journal de son père qui lui est adressé ( c'est le récit principal d'aventures et de cet amour impossible d'un blanc avec une noire) et qui l'amènera ensuite à se confronter à quelques méfaits de la politique coloniale. Le roman est évidemment un beau plaidoyer antiraciste, éclairé par le recul de l'histoire mais peine un peu à décrire cette passion impossible et dont une construction pas vraiment convaincante amoindrit le côté romanesque. 
Roman plein de belles intentions et de belles pages, "La porte du voyage sans retour" reste cependant un peu en dessous de son précédent mais pour qui aime les récits d'aventures à la David Livingstone, le plaisir de lecture sera évident avec, en prime, une belle réflexion sur les ravages de l'esclavage et de la colonisation. 

mardi 28 septembre 2021

La Voix d'Aida de Jasmila Zbanic


Donner envie d'aller voir un film sur le massacre de Srebenica reste une rude tâche tellement le public peut avoir envie de se changer les idées. Et pourtant, malgré ce thème guère réjouissant, on ressort de la salle un peu bousculé, ému et sans aucun doute bien plus vigilant sur ce qui se passe autour de nous, sentiments qui nous font sentir vivants et habitants d'un monde où le pire peut hélas arriver partout. "La voix d'Aida" nous rappelle qu'à 1800 km de Paris ( quasi rien de nos jours), en 1995, l'envie d'exterminer en masse un peuple a germé dans le cerveau d'un autre peuple. 
Sans revenir sur les causes multiples de ce conflit, le film nous plonge dans les quelques heures qui ont précédé ce massacre, en suivant une professeure d'anglais bosniaque, réquisitionnée par l'ONU pour servir de traductrice pour l'armée de casques bleus issue des Pays-Bas. C'est en choisissant l'histoire particulière de cette femme que Jasmila Zbanic nous fait pénétrer dans la grande Histoire tout en soulignant l'impuissance des forces de l'ONU, l'abandon de toutes les politiques internationales face à ce que tout le monde pressent voire sait. Et c'est bien parce que nous suivons tous les rebondissements qui jalonnent le parcours de cette femme à vouloir sauver son mari et ses deux fils d'une mort certaine, que le film fonctionne à plein. Il est en cela aidé par une mise en scène sèche, à l'os, nerveuse, intense qui, avec peu de moyens ( et pas de mal de pressions diverses car c'est une production en partie bosniaque) reconstitue ce camp où des milliers d'innocents attendent un sort qu'ils devinent funeste ( pour rappel plus de 8300 hommes et adolescents ont été abattus). La violence physique reste hors champ mais l'émotion nous cloue sur notre siège, la réalisatrice captant intensément ses multiples regards d'impuissance et de crainte autant que l'énergie du désespoir de son héroïne ( formidable Jasna Duricic).
Multi primé à juste titre dans de nombreux festivals ( et souvent prix du public, signe de qualité), "  La Voix d'Aida" est l'un des films qui vous retournera le plus cette rentrée, alliant histoire contemporaine et suspens avec un réel talent. Du cinéma fort, intelligent et indispensable. 





 

Tout s'est bien passé de François Ozon


Sans doute loin de rejoindre la liste des meilleurs films du réalisateur, "Tout s'est bien passé" peine à convaincre tant on sent les différents paramètres, souvent divergents, qui ont dû entrer sa fabrication.
Tout d'abord, c'est l'adaptation d'un roman éponyme absolument formidable d'Emmanuèle Bernheim par ailleurs amie et co scénariste de certains films de François Ozon. Entre amitié, envie de respecter le souvenir de l'auteure et complice aujourd'hui décédée et trahison obligatoire de l'adaptation, auxquels s'ajoutent cette envie de faire tourner toutes les grandes actrices du cinéma français ( cette fois-ci enfin Sophie Marceau avant Isabelle Adjani pour le prochain ...mais quand Virginie Efira ? ) et le désir de proposer un sujet de société fort ( choisir sa mort ) sans tomber dans un pathos absolu, force est de constater que le résultat donne un film hybride pas tout à fait convaincant. 
Evacuons tout de suite l'adaptation qui ne rend jamais ni la sécheresse et le rythme fou du roman, ni l'émotion qu'il suscitait pour regarder l'objet filmique. Nous avons tout d'abord le face à face  de deux comédiens, parfaits dans l'interprétation qu'on leur demande. On retrouve avec grand plaisir Sophie Marceau, quasiment de tous les plans et suivie amoureusement  par la caméra, magnifiquement belle qu'elle pleure, prenne des antidépresseurs ou fasse de la boxe et toujours au bord des larmes, ravalant ses émotions auprès de ce père aussi charmeur que sombrement égoïste qu'André Dussollier porte vers la comédie. Le décalage aurait pu jouer mais ici ne fonctionne pas très bien, le suicide assisté voulu par le père passe pour un caprice. Le comique et la tristesse finissent par annuler toute l'émotion du film qui finit par devenir un pseudo drame ( très) bourgeois consensuel, n'exploitant que peu les thèmes forts subrepticement évoqués. Les seconds rôles peinent à exister ( mais pourquoi avoir fait apparaître la mère, absente du roman, Charlotte Rampling avait besoin d'argent?), voire laissent perplexes ( Grégory Gadebois en gigolo ) ou repoussent un peu plus l'émotion ( Daniel Mesguisch en maître Kiejman...oui, on a l'avocat ad hoc à son milieu). 
S'il n'y avait pas Sophie Marceau ( et Géraldine Pailhas...notez au passage le petit hommage  à Claude Pinoteau qui a fait débuter ces deux comédiennes) pour illuminer ce film, "Tout s"est bien passé" ne mériterait qu'un intérêt discret. Le meilleur conseil que l'on puisse donner c'est de (re)lire le roman. 



jeudi 23 septembre 2021

La troisième guerre de Giovanni Aloi


 Faire un film sur ces hommes que nous voyons déambuler dans nos villes engoncés dans une tenue qui rappelle quelque cuirasse d'antiques guerriers ( revisitée du seyant motif camouflage ... étrange pour un environnement fait de béton et de boutiques bariolées) relève de la gageure, surtout pour un premier film. Giovanni Aloi a eu la bonne idée d'axer son film sur le point de vue de l'un de ces hommes des forces sentinelles, une jeune recrue ( Anthony Bajon) fraîchement débarquée de sa campagne natale puis du centre d'instruction. Cela aurait pu être intéressant, mais le scénario s'empêtre dans plusieurs directions jamais creusées, trop survolées ou clichés ( le final en film d'action peu inspiré). 

La démarche des trois acteurs principaux, lourdement habillés, déambulant tels des robots qui ne risquent pas de courser le moindre terroriste ( mais bon, ils ont des mitraillettes), donne le rythme du film. Assez lent, peu palpitant car visant surtout à nous montrer le peu d'intérêt dramatique que recèle ces longues marches sur les trottoirs, cette troisième guerre reste plus psychologique qu'aventureuse. Pour donner un peu de peps à tout cela, l'histoire s'intéresse aussi à la vie de caserne de ces hommes et n'évite hélas pas les personnages secondaires un peu clichés. Et à trop montrer ces jeunes adultes jonglant avec tous les travers de l'époque ( petit deal, inculture crasse, amateurs de fake news, ...), le film finit par être un poil ambigüe, ce qui pourrait lui donner un certain relief sauf que l'impression que tout cela reste plus maladroit que  volontaire s'insinue très vite. On essaie, en vain, de se passionner pour les acteurs ... qui font le job ...mais caparaçonnés dans leur tenue et dans un scénario et des dialogues réduits au minimum, ils n'ont guère de possibilités de jeu.  

Si pour un premier film, le thème choisi est original, le résultat reste quand même assez décevant et peu passionnant, comme sans doute de déambuler dans Paris toute une journée en slalomant en les papys promenant leur chien et les hommes au foyer traînant leur charrette de course. 







vendredi 17 septembre 2021

La fille qu'on appelle de Tanguy Viel


Si on le lit le nouveau roman de Tanguy Viel pour son histoire se déroulant dans un milieu provincial de bord de mer, on sera évidemment déçu. Laura, pour avoir un logement dans la ville où elle revient, rencontre le maire de la ville sur la recommandation de son père qui est par ailleurs le chauffeur personnel de l'édile. Le presque cinquantenaire, devant une belle jeune femme, n'hésite pas à jouer de son pouvoir pour obtenir quelques faveurs sexuelles. Que va-t-il se passer lorsque le père, ancien boxeur, l'apprendra ? On peut imaginer la conclusion sans trop de peine. 
Cependant, l'intérêt de ce roman est ailleurs, dans la narration qu'en fait Tanguy Viel. Tout d'abord il se met dans la tête et l'esprit de la jeune Laura, ce qui en période Meetoo est assez gonflé surtout dans une histoire de domination masculine.  Ce sera donc la voix de l'abusée qui nous entraînera dans les méandres d'une situation bien plus complexe qu'il n'y paraît, explorant cette zone grise qu'est le consentement. Dans un style impeccable, dense, le texte ausculte avec une précision chirurgicale comment l'emprise se met en place et tisse sa toile en se nourrissant bien sûr de la pression  ordinaire d'un homme de pouvoir mais aussi d'histoires plus anciennes dont les liens pas toujours visibles viennent s'insinuer silencieusement entre tous les protagonistes de cette histoire. 
Le texte, implacable, fait oublier les ressorts quelque peu ordinaires de l'intrigue, disséquant chaque fait et pensée avec une remarquable acuité. Et c'est donc pour cette remarquable analyse de l'emprise d'un mâle dominant sur une jeune femme qui emporte le lecteur.... à condition qu'il n'attende pas un récit façon thriller ou mélodrame. 

jeudi 16 septembre 2021

L'Affaire collective d'Alexander Nanau


 Il y a des films qui prennent le spectateur aux tripes pour lui faire ressentir ce qu'il peut avoir de meilleur en lui, lui ouvrir les yeux, le faire réfléchir en lui montrant et le pire et la lumière possible qui peut parfois vaincre l'abjection. L'Affaire collective est l'un de ceux-là. 

Ce documentaire roumain revient sur un fait divers local, l'incendie d'une boîte de nuit à Bucarest qui fit beaucoup de victimes. Ce qui retient toutefois l'attention d'une équipe de journaliste, c'est le nombreux de blessés morts à l'hôpital alors que leurs blessures auraient dû guérir sans problème. On suit l'enquête de terrain d'une équipe de presse ( pourtant spécialisée dans le sport) qui, en Roumanie, se révèle autrement plus dangereuse que chez nous. Si découvrir que le milieu hospitalier est totalement corrompu n'étonnera personne, le porter à la connaissance de tous, au grand jour, demeure un acte citoyen nettement plus courageux qui,  s'il entraîne quelques démissions, génère aussi des disparitions humaines plus inquiétantes. 

Le film serait au final un habituel plaidoyer pour une presse courageuse et nécessaire, s'il ne se doublait d'une deuxième partie plus politique avec l'arrivée au poste de ministère de la santé d'un jeune technocrate revenu d'Autriche et bien décidé à nettoyer le système roumain de la santé. Là aussi courage et détermination sont de mise. On peut s'étonner que les caméras soient autorisées à le suivre dans tous ses déplacements et réunions ministérielles, mais l'on retiendra au final que parfois, avec opiniâtreté ( et forcément hardiesse), un politique peut donner un bon coup de pied dans cette fourmilière. 

On ressort du film, à la fois terrifié par le degré de corruption qui gangrène ( entre autre) la Roumanie, inquiet que ce système, pur produit d'un capitalisme qui valorise surtout l'égoïsme, donc l'appât du gain, ne déboule complètement dans notre système hospitalier français, mais avec l'envie de résister puisque l'on sait que l'on peut encore compter sur quelques hommes de bonne volonté, parfois chez les journalistes et parfois chez les politiques. Tout n'est pas totalement perdu. 

L'Affaire collective aussi passionnant que véridique, semble être cette semaine le film à ne pas rater, surtout en ces temps de future élection où les discours les plus démagogiques et minables fleurissent partout ....comme en Roumanie. 




mercredi 15 septembre 2021

L'origine du monde de Laurent Lafitte



 

 Le point de départ du film frise l'absurde. Un homme dont le coeur s'est arrêté de battre continue de vivre. Seulement, selon une gourou, s'il ne prend pas en photo le sexe de sa mère d'ici 48 h, il meurt. Le petit bourgeois interprété par Laurent Lafitte, accompagné de son meilleur ami un peu benêt ( Vincent Macaigne) et de sa femme forcément un poil autoritaire ( Karin Viard) va donc déployer des trésors d'énergie pour arriver à ses fins auprès d'une mère ( Hélène Vincent) avec qui il entretient pourtant des rapports très distants. 

C'est une  évidence que le film va pas mal voler au dessous de la ceinture et va même s'y complaire jusqu'à l'absurde. Selon son humeur, on y verra une comédie française qui n'hésite pas à sombrer dans une vulgarité crasse ( et qui l'assume) ou bien un véritable dynamitage d'une petite bourgeoisie qui entre complexe d'Oedipe et mal être existentiel vole en éclat. 

La meilleure façon de recevoir ce film est de se laisser aller face à cette mécanique hyper bien huilée ( issue du théâtre dont c'est une adaptation ) car porté par quatre comédiens au sommet de leur art. Leur verve et leur culot sont remarquablement bien mis en valeur par le réalisateur Laurent Lafitte. Ce n'est pas léger léger, mais qu'est-ce que c'est drôle !  La mise en scène essaye de mettre un peu perfidie ici ou là, dans des détails du décor ou des dialogues évitant ainsi, en regardant bien dans les coins, à  "L'origine du monde" de n'être qu'un film (dé)culotté et salace mais bien une comédie vraiment drôle plus finaude qu'il n'y paraît. 



mardi 14 septembre 2021

Boîte Noire de Yann Goslan



Efficace est le mot qui peut qualifier ce nouveau thriller de Yann Goslan. Et il en faut de l'ingéniosité, du talent et de l'efficacité pour arriver à passionner durant presque deux heures avec, en gros, beaucoup de scènes devant un écran d'ordinateur qui affiche les bandes sonores qu'étudie le personnage principal, lecteur spécialisé dans le décryptage des boîtes noires après un crash d'avion. 
Le réalisateur est bien aidé par un scénario joliment ficelé qui va crescendo et par un acteur principal, Pierre Niney, parfait comme d'habitude, qui endosse avec brio le rôle d'un analyste un peu rigoureux au bord de la paranoïa. 
Sans rien révéler de l'histoire, on peut toutefois dire que l'on pourrait renâcler à grimper dans un avion lors d'un prochain voyage, tant le film met l'accent sur les possibles arrangements de l'industrie aéronautique pour mettre coûte que coûte un avion sur le marché avant les concurrents ( et donc se moquer un peu de la sécurité des passagers ). Mais restons calmes toutefois, cela relève plus d'un tricotage scénaristique que d'un discours vaguement politique ou dénonciateur façon cinéma US. "Boîte Noire" c'est avant tout taillé pour le divertissement et le suspens. En cela, il remplit parfaitement son office, mettant même de l'action dans les scènes où Niney avec des lunettes premier prix ausculte comme un forcené son écran. La caméra tournoie, se déplace pour donner du mouvement et parvient à instiller une énergie formidable. 

Bien mené, bien joué, bien écrit, vous pouvez embarquer pour cette "Boîte Noire" en toute sérénité, même si cette dernière ne résistera pas longtemps à cette histoire réellement efficace qui ne se crashe jamais. 



dimanche 12 septembre 2021

Serre moi fort de Mathieu Amalric


 "Ça semble être l'histoire d'une femme qui s'en va." nous raconte le pitch officiel du film. 

Ça semble être à l'écran un peu plus compliqué que cela et c'est sans doute ce qui fait tout l'intérêt de ce huitième film de Mathieu Amalric, se laisser porter par une narration éclatée, mélangeant allègrement passé, présent fantasmé ou réel, futur rêvé ou peut être réel, jusqu'à ce qu'à la fin on recolle les morceaux.
Ça semble être un film personnel porté autant par une interprète parfaite ( Vicky Krieps dont c'est vraiment  l'année de tous les rôles) que par un bande musicale intense dominée par le piano ( mais aussi par JJ Cale ). 
Ça semble être un film dont il ne faut pas dire grand chose pour en garder toute la surprise mais qui peut, c'est certain, décontenancer un public habitué aux histoires linéaires et bien prémâchées. 
Ça semble être un film où la marque Maïzena a enfin pu faire un placement de produit (im)pertinent puisque idéale pour colorer ses cheveux en gris afin d'imiter Martha Argerich. 
Ça semble être un film dont le maître mot est " déséquilibre" tant la narration, avec sa succession de scènes courtes et sèches qui ne trouvent leur point d'équilibre que très tard est en parfaite adéquation avec son héroïne dont la vie et l'esprit avancent de façon vacillante. 
Ça semble être un film franchement original qui risque d'emporter l'adhésion pour peu que l'on se prenne au jeu de sa poésie et de sa fantaisie mais qui peut vous plonger dans un profond ennui ( avec sommeil et possibles ronflements comme deux/trois spectateurs l'autre après-midi. 
Ça semble être après "Barbara", une nouvelle réussite de Mathieu Amalric qui sait mettre en valeur des comédiennes talentueuses et sensibles. 




vendredi 10 septembre 2021

Animal Social Club de Hervé Bourhis


 Se moquer du milieu du cinéma, cible facile mais ô combien propice à la satire, n'est pas un sujet original. En racontant la production d'un film, Hervé Bourhis aborde le sujet par une porte détournée. Nous suivons un couple mal assorti, tous deux scénariste,  forcément branchés mais dont on peut douter du talent. Mais la qualité importe pourvu que l'on trouve par n'importe quel moyen du flouze pour produire un film évidemment présenté comme bankable. Ils démarchent différents guichets provinciaux ( les conseils régionaux aiment à apparaître aux génériques des films), flattent du vieux réalisateur mythique, essaient de cajoler de la vieille actrice comme du youtubeur ou de la jeune chanteuse à succès. 

Rien de franchement original dans cette histoire que l'on suit toutefois sans déplaisir. Le trait sec et nerveux accentue la caricature et l'on se prend au jeu à essayer de trouver les sources d'inspiration ( Godard ? Deneuve ? Pomme ? ...). La dernière partie voit apparaître un élément scénaristique qui semble destiné à perdurer et que l'on commence à retrouver un peu partout : l'épidémie ( de Covid ou autre), ici, permettant un final plutôt cocasse, virant presque vers le fantastique. 

"Animal Social Club" permet de passer un agréable petit moment sans que jamais on se dise que l'on tient là le pamphlet ultime sur le cinéma. Mais tel qu'il est , il peut plaire...