Dheepan, ancien tigre Tamoul, décide de fuir son pays le Sri Lanka. C'est donc en tant que réfugié politique et accompagné d'une femme et d'une fillette trouvées au hasard d'un exode, qu'il arrive sur le territoire français et finit par obtenir une place de gardien dans une cité particulièrement mal famée. Immergée dans un monde inconnu, un peu hostile, dont elle ne maîtrise pas la langue, cette fausse famille décodera petit à petit les codes qui régissent cette zone lugubre dans laquelle il vont essayer d'oublier un passé traumatique. Leur vie s'organisera entre travail bien fait au milieu de dealers qui occupent l'endroit et la recherche d'un équilibre au sein de cette cellule familiale dont la construction fragile se heurtera à des désirs humains inévitables.
S'il n'y avait eu que cette première partie de film, "Dheepan" aurait été une évidente palme d'or. La mise en scène au cordeau, immergeant complètement le spectateur dans un quotidien de réfugié, lui faisant éprouver comme rarement l'isolement aussi bien linguistique que culturel, emporte l'adhésion. C'est du grand, du vrai, du beau cinéma, celui qui donne autant à voir, qu'à penser et ressentir.
Malheureusement, la suite devient plus problématique. Plutôt que de rester dans cette veine naturaliste, certes guère vendeuse et pas vraiment porteuse de rebondissements, l'histoire prend soudain une drôle de direction. Tout devient un peu brouillon, confus. Une pincée d'histoire sentimentale, un soupçon d'envie de profiter pleinement de cette société matérialiste en passant peut être par la case voyou, un poil de réminiscence d'un lourd passé de guerrier, se télescopent comme si soudain le film se cherchait. Hélas, Jacques Audiard, aimant plus que jamais la testostérone, choisit la piste du film violent à la Sam Peckinpah mâtinée de Charles Bronson. Dheepan (le personnage) se transforme alors en canardeur, en nettoyeur de racaille. Même filmé avec une certaine élégance, le propos, un poil dérangeant, rappelant les mots d'un certain homme politique ami du Karcher, brouille sérieusement l'humanité de la première partie. Et ce n'est pas la scène finale, que je ne dévoilerai pas, qui arrange les choses, laissant le spectateur que je suis pantois devant autant de mièvrerie bien pensante.
L'évidente qualité de metteur en scène a suffi pour emporter l'adhésion du jury de Cannes qui a préféré fermer les yeux devant la faiblesse d'une deuxième partie au scénario mal fichu et au propos que certains (dont moi) percevront comme limite. Cependant, Jacques Audiard reste un grand styliste de la pellicule et c'est sans doute pour cela qu'il a été récompensé ( parmi, il faut bien le dire, une sélection en demi-teinte).
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