Deux jours de suite un ouvrage des éditions Séguier ? Y aurait-il de la connivence dans l'air ? Un envoi aimable et groupé ? Un partenariat juteux ? Pas du tout, pas de mauvais esprit s'il vous plaît ! Ces deux livres, je les a achetés chez mon libraire ! Si c'est la curiosité qui a poussé l'achat du Bettina Ballard, chroniqué hier, c'est en me rendant sur le site de l'éditeur que mon oeil a été attiré par cette publication un peu décalée au milieu de leur catalogue. Ce matin, dès l'aube, c'est à dire 10 heures, il ne faut pas pousser, je suis en vacances ... j'ai réussi à trouver chez mon libraire ( qui lui non plus n'ouvre pas boutique au lever du soleil !) l'ouvrage que je me suis empressé de lire. Verdict : c'est un coup de coeur énorme !
Gabriela Manzoni ( dont une recherche sur le net, proche de l'idôlatrie, m'a fait découvrir un compte Facebook où elle publie tous ses retournements ) n'est ni auteure, ni dessinatrice, simplement elle détourne des vignettes de comics gnangnans des années 50 par amusement. Au premier abord, cette sympathique activité, pas réellement originale, attire par sa promesse de passer un petit moment drôle et récréatif.
Drôle, ça l'est assurément ! La collusion entre ces nouvelles répliques totalement décalées et ces images figées, stéréotypées, qui dans leur version originale plongeaient dans la mièvrerie sentimentale, réjouit sans limite. Mais où la surprise fut de taille, c'est que cette accumulation de textes cyniques, mordants, philosophico/cruels, fait apparaître la pensée d'une auteure qui vise fort et juste. Complètement en phase avec la société actuelle, malaxant l'actualité la plus récente ( la suspicion terroriste évoquée dans une pastille hilarante et glaçante à la fois), se moquant de tous nos travers contemporains, Gabriela Manzoni déroule un humour décapant, portant un regard acide sur toutes nos faiblesses, nos compromis dans un monde qu'elle perçoit de moins en moins capable de penser. Rien n'échappe à sa sagacité. L'avortement, le suicide, Facebook, la famille, l'amour, la construction du soi commercial, passent dans son broyeur à empêcher de tourner en rond .
Je ne résiste au plaisir de citer deux vignettes, prises au hasard, mais hélas sans les images qui accentuent le percutant des nouveaux textes :
Un bellâtre, cigarette en main, déclare :
" On ne comprendra rien à la société marchande si on ne voit pas qu'elle vise avant tout à détruire toute forme de vie intérieure."
Ou, plus loin, une belle blonde inexpressive se laisse murmurer à l'oreille par un fiancé tout aussi fade :
"Je suis contre l'avortement... Tuer un être humain avant sa naissance ? Quelle impatience ! "
Sur la couverture, une petite pastille genre " article en promo" nous avertit : " 200 pages de mauvais esprit...et du bon !" Pour une fois ce n'est nullement trompeur !
Certains ont pu trouver que pour un petit format genre manga ( avec un plus beau papier tout de même !), cette publication n'avait qu'un seul défaut : son prix ( 12,90 euros) ! Je rétorquerai de façon banale que la qualité a un prix et qu'à ce tarif, ce n'est pas du tout prohibitif, en faisant même pou moi, le cadeau idéal à apporter lors d'un de mes futurs dîner en ville. Moins onéreux qu'un bouquet de fleurs qui fanera sans laisser la moindre trace dans les cerveaux ou qu'une soi-disant bonne bouteille de vin qui de toutes les façons ne plaira pas à tout le monde , "Comics retournés", qui allie pensée décapante et humour ravageur, est le cadeau idéal pour permettre à nos amis et à notre entourage de rester vivant et en alerte. Je dirai même plus : INDISPENSABLE pour lutter contre la médiocrité ambiante.
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