Mei a dix-sept ans et travaille depuis plus de deux ans à fabriquer des vêtements pour les occidentaux. Sa vie se résumant à être devant une machine à coudre et dormir dans un dortoir, son esprit va commencer à lui jouer des tours. D'abord des rêves vont lui faire perdre le contrôle de la machine qu'elle est devenue. D'ouvrière aux doigts agiles et aux pensées annihilées par les slogans de son employeur, elle va passer à un être pensant à la révolte refoulée, rangée bien serrée au fond de son ventre. Puis, obligée de passer les fêtes de fin d'année seule dans l'entreprise, elle va connaître l'amour et la passion amoureuse avec son contremaître...
Ce portrait sec et terrible de cette jeune fille du bout du monde qui travaille pour que nous, occidentaux, puissions acquérir tout un tas d'objets souvent inutiles, est impitoyable mais irrigué par une écriture sensible et tendre. C'est à la fois un reportage à l'intérieur d'une fabrique comme il en existe des milliers en Chine mais aussi les effets insoupçonnés que l'éveil aux sens peut engendrer. C'est d'une force terrible et d'une tendresse infinie, sans jamais verser dans le cliché ni dans le larmoyant. En lisant ce très beau récit, partagé entre la colère que l'on peut avoir pour cette jeunesse sacrifiée sur l'autel du libéralisme et la beauté de cette découverte des sentiments amoureux, j'ai ressenti une ambivalence semblable à celle qui nous taraude entre notre désir de consommer et celui de dire non à ce système pourri. Sophie Van der Linden, avec son écriture imagée, très cinématographique et sensible, nous emporte dans un tourbillon de sensations qui donnent à son roman la force d'un conte noir que l'on n'est pas prêt d'oublier.
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