Le nouveau film de Mr Almodovar possède toutes les qualités du beau film bien ripoliné, bien scénarisé et bien réalisé. Les couleurs claquent toujours, même si les tons pastels viennent atténuer une palette autrefois plus pimpante. L'adaptation de nouvelles de la romancière canadienne Alice Munro à la sauce mélo espagnole fonctionne parfaitement. La réalisation souple, soignée, épouse avec grâce les émois de ses héroïnes, utilisant le flash-back avec brio. Les comédiens composent avec ferveur des personnages au bord de la crise psychologique. Les thèmes récurrents du réalisateur sont abordés d'une façon plus sobre qu'à l'habitude ( le rapport avec la mère, la jalousie, ...), donnant à Julieta un souffle romanesque imparable.
Et malgré tout cela, je suis quand même reste de marbre devant la vie compliquée de Julieta,... comme extérieur. La composition magnifique de l'image, ses éclairages subtils, ses doux mouvements de caméras qui caressent des actrices magnifiques de la tête au pied, sans l'ombre d'un pli sur les vêtements, sans une mèche de travers, m'ont tenu en retrait, rendant le film très glacial à force de joliesse. Je laisse de côté les scènes de train ou celles dans la cuisine du pêcheur, visiblement tournées en studio façon mélo hollywoodien, dont l'improbabilité concourt à ancrer le film dans le mélodrame flamboyant. Mais tout le reste, à l'éclairage trop subtil, avec une esthétique de papier glacé, m'a éloigné des personnages, comme si cette lumière qui les enveloppait, empêchait l'émotion de jaillir. Une impression de retenue mêlée à un style bien plus épuré qu'auparavant donnent au film un cachet sans doute chiquissime mais au final aussi glaçant qu'un magasin de mode minimaliste ( vous savez ceux où dans un grand espace subtilement éclairé, règne une longue table en béton avec trois tee-shirts artistiquement posés, gardés froidement par une tige qui, si l'on observe bien, se révèle être une vendeuse). Peut être suis-je un peu nostalgique de l'Almodovar qui jouait des situations de roman-photos avec roublardise, instillant dans son cinéma un peu de provocation et autres ingrédients vaguement incorrects. Dans "Julieta, pas de travelo, de gay, d'amours autrefois marginales, pas l'ombre d'une petite hardiesse. La maître espagnol est rentré complètement dans le rang, assagi. Il continue sa veine mélo, celle qui a donné ses plus beaux films mais en l'épurant et en enlevant ce qui donnait un vrai relief un poil décalé. On ne s'ennuie pas, on est content de voir de jolis acteurs dans un joli film bien écrit mais l'ensemble, pour moi manque de sel et voire de profondeur.
Suite de mon Cannes décalé, version "canapé-crypté",je partage votre avis...Même si je reste séduite par cette atmosphère unique et si particulière; en plus du sel, je dirai que ça manque aussi d'une petite pointe de piment!
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