samedi 12 juillet 2014

Le procès de Viviane Amsalem de Ronit Elkabetz et Shlomi Elkabetz


D'Israël, pays sous tension permanente, nous connaissons beaucoup de choses, de sa politique à ses plages branchées de Tel Aviv. Cependant, je l'avoue, j'ignorais totalement certains détails de la vie ordinaire et notamment sa procédure de divorce particulièrement archaïque. Pour résumer, le mariage civil n'existe pas en Israël, les religieux s'arrogeant ce droit surement divin, permettant ainsi, au passage,  d'accorder aux mâles une toute puissance sur la vie de l'épouse. La femme appartient à l'homme et si elle veut divorcer, il faut que le mari soit d'accord. Et dans des esprits bien ramollis par la religion, quitter un époux est tout simplement inconcevable.
Viviane Amsalem veut divorcer. Le film retrace ce parcours du combattant dans le huis clos d'une cour de justice rabbinique, seul endroit habilité à le prononcer. Viviane n'a pas de chance, son mari est un être borné qui refuse de lui accorder cette séparation. Fort de cette justice religieuse lui accordant les pleins pouvoirs, sûr de son bon droit de mâle, enfermé dans des schémas moyenâgeux, il s'obstinera à ne pas accéder à la demande de son épouse. Parents, voisins et amis viendront tour à tour apporter leurs témoignages. Tous semblent emprisonnés dans une imagerie toute faite de la vie...
Malgré un dispositif sobre, un pièce sans âme avec deux tables, quatre chaises et une tribune où siègent les trois rabbins, qui pouvait faire craindre une certaine théâtralité, les réalisateurs insufflent au film une force inouïe. Nous sommes bien au cinéma. Un scénario particulièrement bien écrit qui va crescendo durant deux heures, brosse des portraits touchants et parfois drôles des différentes personnes appelées à témoigner, pointant surtout du doigt l'absurdité de cette situation. J'ai été passionné tout du long et bien sûr révolté devant ce procès qui n'en finit pas de rebondir, contraignant l'héroïne d'abord assez stoïque à dénicher en elle une force insoupçonnée.
La caméra, qui a le bonheur de ne pas prendre partie, sait saisir les regards, les gestes,  les frémissements de chacun avec justesse et précision. Au milieu d'une distribution épatante, formidablement dirigée, Ronit Elkabetz, au profil de tragédienne, interprète Viviane avec une présence incroyable. Frôlant l'empathie avec le spectateur (l'occidental je pense, le mâle israélien lambda la clouera au pilori !) elle arrive à garder une distance toute empreinte de mystère, la rendant encore plus sublime. Le film nous accroche sans faille et nous conduit à un final ahurissant où l'on découvre alors toutes les absurdités d'une cour de justice gangrénée par la religion.
" Le procès de Viviane Amsalem" est cri, féministe, salutaire et courageux, une voix discordante qui s'élève dans un obscurantisme d'un autre âge, un regard qui ose s'attaquer à certains fondements d'une société qui doit se remettre en question, un film ambitieux et formidablement réalisé qu'il faut découvrir à tout prix. (Tout comme il m'a donné envie de découvrir les deux précédents longs métrages des réalisateurs, puisque celui-ci est le dernier volet d'une trilogie. )




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