jeudi 6 janvier 2022

Les Sirènes d'Es Vedra de Tom Charbit


L'Ardèche hors saison et une sorte de David Guetta se mettant au vert pour cause de début de surdité et d'acouphènes intempestifs forment le duo improbable de ce roman. Le DJ se prénomme Juan, jouit d'une petite quarantaine sans trop de scrupules vis à vis de l'argent ( les comptes en banque sont pleins car les sets à Ibiza ou dans tous les lieux branchés de la planète lui ont rapporté un max) et profite d'une sexualité joyeuse avec quelques beautés locales, insensibles à sa célébrité ( donc sans doute aimantées par son charme qui n'est jamais décrit dans le roman, ni réellement ressenti par le lecteur). Encore un livre branchouille pourrait-on penser à première vue, sauf que ce premier opus de Tom Charbit séduit d'emblée par une certaine nonchalance dans l'histoire qui ne sort jamais trop d'une certaine banalité mais qui aime à mêler amour d'une région ( longuement décrite sous tous ses aspects) prétexte à des digressions assez pêchues sur nos vies dans une société amoureuse de fric et de performance. Tout y passe ( ou presque) de la mondialisation à la maternité, du tourisme de masse à l'écologie. Au départ on pense à une resucée de Vernon Subutex de Despentes ( en mieux, car, faut l'avouer, la trilogie est loin d'être ses meilleurs écrits) qui aurait été un peu squatté par Houellebecq.

Assez nonchalamment, le roman avance de façon agréable, car jouissant d'une jolie écriture. On prend plaisir à ce séjour ardéchois qui se moque un peu de faire du grand romanesque avec de grands sentiments ( avec, quand même, un dernier tiers qui va s'y employer avec émotion), préférant se payer avec une certaine noirceur les nombreux travers de nos sociétés. Ainsi, sur le petit monde du livre, Tom Charbit fait dire à son narrateur : " Je vais arrêter de demander conseil à la libraire du village d'à côté, à chaque fois elle s'emballe pour un bouquin en me disant que c'est génial, alors qu'en fait c'est juste ce qui est sorti de mieux au cours des deux derniers mois.... Tu vois, au fond, je suis sûr qu'elle est convaincue d'être une passionnée de littérature alors qu'elle n'est qu'un petit soldat au service d'une énorme industrie. Quand j'étais DJ, moi aussi je passais mon temps à m'extasier sur des nouveautés qui si on les écoutait avec un poil de recul n'avaient en réalité strictement aucun intérêt." Alors, à l'aune de cette semonce bien pensée de l'auteur, disons donc que "Les Sirènes d'Es Vedra" se lit facilement, agréablement, n'enthousiasmera pas les grands amateurs de belles histoires  bien cousues ( très souvent de fils blancs) mais plaira à ceux qui aime toutefois être accompagnés par un joli style et de nombreux coups de griffes bien sentis ( peut être dérangeants). C'est déjà pas mal du tout, pas encore un grand roman, mais certainement mieux que "Anéantir" dont on nous rebat les oreilles ( grand auteur avec gros contrat oblige). 

Merci à BABELIO pour cette lecture en avant-première. 

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