samedi 18 août 2018

Tenir jusqu'à l'aube de Carole Fives



La perplexité se trouve au bout de ce roman. Mais où Carole Fives voulait-elle en venir ?
Evidemment, on sent bien le discours féministe que ce portrait de femme solo avec enfant en bas âge et perdue dans une ville inconnue ayant un accueil de la petite enfance assez réduit, distille avec fermeté. Un foyer sur cinq en France est une famille monoparentale, la plupart avec une femme comme chef. Rendre compte de cette réalité, de l'enfermement social, psychologique et affectif que cela représente demeure une belle idée romanesque. Etayer le récit avec cette morale bien clichetonne et très réductrice que véhiculent les forums sur le net, une saine et lucide observation. Jusque là, rien à redire, le roman, avec cette écriture blanche, un peu froide, décrit bien la solitude de son héroïne, représentante à priori exemplaire de la monoparentalité urbaine. Et pourtant, le récit ne fonctionne pas très bien.
Peut être a-t-on du mal à comprendre pourquoi cette femme, ex brillantissime graphiste renommée, puisse se laisser enfermer de la sorte dans une relation aussi fusionnelle que destructrice avec un enfant qui, bien entendu, devient de plus en plus insupportable. Peut être aussi que l'on a du mal à croire à cette image paternelle donnée par cette mère qui a été abandonnée quasi dès les premiers biberons et qu'elle serine constamment à ce fils qui voit son papa dans tous les hommes qu'il croise. ( Un moment j'ai cru que c'était pour illustrer le si réducteur slogan de la manif pour tous ! Heureusement, les voisins de l'héroïne balaieront heureusement ce doute.) Peut être que la symbolique de la chèvre de Monsieur Seguin, qui court tout au long du livre, s'avère au final un peu lourdaude. Certes notre mère solo s'échappe la nuit dans la ville, en laissant son fils dormir, mais ce désir de liberté se traduit surtout plus par une envie d'espace, de souffler que par une projection de son désir sexuel comme dans le conte de Daudet ( ou alors inconscient ).
La réponse pourtant peut se trouver dans le dernier chapitre et sa chute aussi ouverte que possiblement glaciale qui offre une soudaine perspective autrement déstabilisante. S'achemine-t-on vers un fait divers tragique ? Et pourquoi ne pas y voir une certaine sororité avec le "Chanson douce" de Leïla Slimani ?  Mais le roman avait-il réellement creusé ces pistes là ? Pas certain. Peut être... a-t-il été trop hésitant  entre le roman social féministe et celui plus dérangeant d'une névrose pouvant conduire au pire. 

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