mardi 17 janvier 2023

Oiseaux de passage de Fernando Aramburu


Dès la lecture du premier des 12 chapitres que compte le nouveau roman de Fernando Aramburu ( connu pour "Patria" en 2018), l'impression de lire le grand livre d'un grand écrivain est immédiate et cette impression ne nous quitte jamais durant plus de 600 pages ( oui, c'est gros, c'est lourd car un grand format de chez Actes-Sud, c'est dense mais, c'est tellement prenant que l'on oublie tout de suite ce qui peut apparaître comme un frein à lecture). 
Là où l'on reconnaît le talent d'un grand écrivain, c'est comment avec un sujet peu vendeur ( les derniers mois d'un cinquantenaire madrilène, divorcé et vivant seul avec son chien), en quelques lignes, il attrape son lecteur pour ne jamais le lâcher. Toni, le personnage principal et narrateur, a beau être misogyne, pas réellement sympathique, râleur, un peu vieux con, sexuellement insatisfait, perdu dans un monde moderne qui le dépasse, jamais on n'a envie de l'abandonner, ni même de lui tordre le cou. La plume d'Aramburu sait le rendre profondément humain et lui donner un vrai regard, une intensité réelle, un savant mélange d'humour grinçant, de cynisme, de désarroi. Nous sommes, pour situer l'esprit du roman, avec une sorte de personnage à la Houellebecq ( mais de ses débuts, du temps où il était encore fréquentable) qui va nous faire observer avec encore beaucoup plus d'aisance et d'intelligence décapante que l'auteur français, une réalité contemporaine à la multiplicité désarçonnante. Sans beaucoup de péripéties, mais avec un sens du détail, de la construction dramatique formidable et l'ajout de quelques personnages secondaires particulièrement bien vus ( une ex-femme détestée, un ami tout aussi perdu que lui, un fils pas tout à fait fini,  une ancienne fiancée collante et une poupée en silicone), "Oiseaux de passage" passionne, divertit, surprend comme peu de romans actuels arrivent à le faire et arrive surtout à ne jamais être moralisateur ou donneur de leçon. Comme tous les très bons livres, on en ressort heureux parce que l'on a été bousculé, dérangé, ému, étonné, amusé mais pourvu désormais d'une vision du monde un poil enrichie. Un grand roman vous dis-je § 

 

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