TROIS BONNES RAISONS DE LIRE UN DES TRES BONS ROMANS DE CETTE RENTREE:
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LE(S) THEME(S) :
Si le coming-out de Livio, 17 ans, lycéen curieux, passionné et épris de justice, reste bien évidemment le thème central de ce formidable roman, le texte brode autour d'autres motifs. On s'intéressera donc également à un médecin allemand du début du 20ème siècle, le docteur Magnus Hirschfeld, sujet d'un exposé que le jeune héros dévoile à ses camarades de classe. Outre le fait d'être juif, ce médecin se déclarant sexologue, osait orienter ses travaux sur l'égalité homme/femme mais aussi sur la défense des homosexuels. Ses importantes bibliothèques alimenteront les premiers autodafés nazis. En filigrane, apparaissent évidemment un portrait des adolescents actuels en mal de repères tout comme un certain suspens psychologique puisque nous savons dès les premiers paragraphes que Livio, suite à ce quasi aveu public de son homosexualité, a disparu...
L'ECRITURE :
Le roman est court mais son écriture à la fois habile et concernée donne une ampleur considérable à l'ensemble. De ce huis-clos se déroulant dans une salle de classe d'un lycée, l'auteure parvient toutefois avec une aisance imparable, à nous faire voyager dans le temps ( l'Allemagne des années 1900/1930 ), rappelant sans aucune lourdeur des faits historiques ou biographiques et dans l'espace plus contemporain de la famille du jeune Livio ou de ces lieux de rendez-vous isolés avec son amie Camille, son amoureuse aux yeux de tous. L'auteure sait se faire tour à tour caustique, tendre, empathique, précise et surtout constamment passionnante, plaçant sans difficulté le lecteur dans la peau ô combien inconfortable de cet adolescent qui a décidé par le biais de la culture de révéler l'homme qu'il souhaite être aux yeux de tous. Derrière l'inconfort d'un passé très sombre pas si lointain et d'un présent toujours peu réjouissant pour qui essaie de vivre selon ses vrais désirs, Brigitte Giraud parvient avec éclat et délicatesse à faire émerger une lumière d'espoir, celle de jeunes hommes ou de jeunes filles, courageux et déterminés à croire encore en la puissance libératrice et salvatrice du verbe et de la culture.
LE FOND ( parce que dans ce roman il y en a un !) :
Et même plusieurs fonds, autant psychologiques, historiques que politiques. Brigitte Giraud appuie où cela fait mal, l'encore homophobie qui continue, malgré les lois, à faire naître des bourreaux et donc des victimes, l'inculture galopante d'une société rivée sur des écrans et ayant aucune appétence à se poser, prendre du recul et à regarder un passé pourtant porteur de réponses à des problèmes bien actuels ( montée d'une peste brune, nouveaux autodafés en Pologne notamment mais ailleurs aussi). Sans jamais prendre le chemin du didactisme, encore moins du bien-pensant ou de la guimauve, le roman charrie de multiples émotions, crée des passerelles de réflexion, tout cela sans jamais ennuyer. On referme ce roman, assez court, avec la sensation d'avoir rencontré un beau personnage et une auteure qui ne nous veut sincèrement que du bien, non pas pour nous avoir détendu mais enrichi ( en gros pas pris pour des quiches, ni produit un roman pour plaire à la critique tout en lorgnant sur un prix).
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