C'est annoncé, crié sur toutes les ondes, de toutes tendances, "Les misérables" est une énorme claque, un film qui secoue , qui remue ( jusqu'à notre président). Ce consensus nous enjoint à nous précipiter admirer l'oeuvre... Consensus dites-vous ? Etrange non? Surtout que l'on sait pertinemment que si un film secoue, les critiques s'enflamment, sont divisés... Ici, cette unanimité ( hormis deux ou trois magazines à la marge) pose question. Et si "Les misérables" n'était qu'un produit ( n'oubliez pas qu'il sort de notre industrie cinématographique) super bien vendu et calibré pour plaire à tous sans qu'il ne dérange ? Voici 3 éléments qui dégonflent cette série B (comme baudruche) qui ne bouscule pas grand chose.
1 " La haine" en plus fort entend-on...
Soyons sérieux. Si "La haine" fut un choc, c'est bien parce que derrière la caméra il y avait un réalisateur de talent, avec un scénario qui se tenait et un propos vraiment politique, tout ce qui manque à ses "Misérables". En presque 25 ans ( le film de Kassovitz est sorti en 1995), le monde a tourné et des films sur les banlieues, ses caïds, ses flics qui dérapent, on en a eu une palanquée. Ici, reconnaissons à Ladj Ly de bien connaître les lieux de l'intrigue ( il en est issu, contrairement à Kassovitz à qui, à l'époque, on avait reproché de parler depuis son milieu loin d'être banlieusard) et de nous les présenter sans fard mais sans misérabilisme non plus. Au milieu des tours de Montfermeil, il nous colle aux basques de trois flics de la BAC : le petit nouveau aux apparences trop tendres, le sale ripoux jusqu'à la moelle et un troisième, personnage sacrifié et peu brossé bien que ce soit par lui que la bavure arrive. ( Le scénario rappelle quand même "La haine"). La première partie n'étonne guère, empruntant un sentier bien balisé déjà vu. La caméra s'essaie à l'énergie mais son hésitation entre le doc façon BFM et l'attention ( la tension) au petit nouveau l'empêche de donner un sentiment de vraie mise en scène. L'histoire autour du vol d'un lionceau (?!) apparaît peu crédible ( mais permet de placer un petit discours écolo sur l'emploi des animaux dans un cirque, c'est bon coco, ils vont aimer ça les bobos!). Par contre, les forces opérant dans l'endroit ( police, "grands frères", indics, islamistes) sont représentées avec acuité. Cette mise en place, un peu scolaire nous amènera vers une deuxième partie plus tendue, suite à une bavure ( flash ball dans le visage d'un jeune ado taiseux mais assez rebelle) qui enflammera tout le monde...et un peu le film.
2 Un grand film politique entend-on partout ...
Si dénoncer quelque chose, même de connu, de reconnu, est un acte politique,( de très moyenne portée avouons-le), le film toutefois ne cherche jamais à poser d'autres questions ( ou alors sur les marges). Il dresse encore une fois le constat de banlieues livrées à elles-mêmes où tout le monde, de la police aux habitants, des mafieux aux religieux, slalome au milieu de règles locales. "Les misérables" ( contrairement à "La haine") ne sort jamais de la cité et nous présente, au final, un univers clos, loin de nos villes plus embourgeoisées. Un joli doc, presque animalier, fait pour entraîner les commentaires flatteurs de ceux qui parlent dans les médias depuis leur fauteuil. "Oh la la la , les banlieues vont exploser, c'est affreux ! ". On vante le film, on le dit implacable et, en toute bonne conscience, le sentiment d'avoir prêcher de belles paroles et on file en week end dans le Perche, tout ça est finalement tellement loin de nous et bien circonscrit. Le film ne met rien en perspective, pose une ou deux questions de chaîne info, calque un final ( violent) sur le film de Kassovitz et basta. Heu non, il devient politique juste à la fin, en citant une phrase de Victor Hugo qui montre du doigt ceux qui nous gouvernent... et ça suffit pour mettre en transe la France qui commente ! Dormez bonnes gens le cinéma commercial s'occupe de tout !
3 Le film représente la France aux Oscars !
Cela en impose non ? C'est donc un très très bon film! Peut être... En tous les cas, une belle opération commerciale à destination du public américain, qui nourrit de Fox news, ne sera pas perturbé et verra bien que la France n'est bien qu'une "NO GO ZONE". Il faut être basique pour ce public là !
" Les misérables" n'est au final qu'une série B pas trop mal fichue dans sa catégorie, avec son scénario banal, un rythme pas trop effréné, un très sympathique petit black à lunettes et surtout un propos tellement habituel qu'il ne mettra personne en révolution. Les misérables, qu'ils soient flics ou habitants des cités, le resteront hélas encore longtemps...
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