samedi 6 juin 2020

Le monde n'existe pas de Fabrice Humbert


La quatrième de couverture, cette prose publicitaire écrite pour impulser les achats, emploie le terme "vertige" pour nous parler de ce huitième roman de Fabrice Humbert. Le mot est fort, mais, pour une fois juste. En suivant l'enquête apparemment bien classique, voire peu originale, de son héros journaliste revenant dans le bled où il vécut adolescent pour essayer d'approcher la vérité sur le meurtre d'une adolescente, très vite, le roman nous empoigne fortement et nous entraîne dans des chemins vraiment passionnants. En mêlant un héros en mal de revanche sur un passé d'étudiant harcelé et le thème ô combien d'actualité des fake news ( on doit dire infox selon les défenseurs de notre langue), Fabrice Humbert nous plonge au coeur d'une Amérique profonde à l'âme de cow-boy solitaire ( donc emplie de phobies en tout genre) dont le cerveau nourri aux élucubrations autant religieuses que trumpiennes ne peut que la conduire sur le chemin de le déshumanisation. Entre polar ultra efficace, mené tambour battant et réflexion très pertinente sur notre monde où l'info coule en continu, le vertige prend le lecteur tant la force du propos réussit à allier le bon romanesque à l'intelligence d'un propos bien senti... 
          Hélas, aux 2/3 du récit, alors que l'affaire devenait de plus en plus mystérieuse, tendue, patatras, l'auteur glisse un petit détail ( dont l'intrigue pouvait tout à fait se passer) qui tue littéralement le récit, un rebondissement qui rend la chose si bien ficelée soudain improbable ( même s'il essaie de l'expliquer un peu mollement un peu plus loin, je n'en dis pas plus, je vous laisse découvrir ). Le dernier tiers, voulu encore plus haletant et surtout symbolique, pâtit bien entendu de ce manque de vraisemblance et brinquebale comme il peut vers une fin fortement prémonitoire où sera questionnée très justement la notion de vérité.... 
Quel dommage pour ce roman de presque anticipation de passer ainsi à côté d'une réelle réussite. Il reste toutefois 180 pages totalement passionnantes où brillent un style nerveux, vif, intelligent. Dans une production romanesque souvent peu ambitieuse en terme de contenu, c'est loin d'être inintéressant et même à conseiller, car, peut être que vous ne remarquerez pas le détail qui a ( un peu) tué ma lecture. 

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