samedi 31 août 2019

Le roman des Goscinny de Catel


3 raisons qui expliquent la petite déception éprouvée après la lecture de cette biographie dessinée de René Goscinny.

1) La difficulté à rendre passionnant le parcours ( ici incomplet) de René Goscinny flagrante tout au long des pages. 
René Goscinny, sur le papier ...heu ...l'expression est datée...sur Wikipédia apparaît relativement romanesque : Naissance à Paris, enfance à Buenos Aires, passages nombreux par New-York, rencontres avec les grandes figures du début de la BD ( de Morris jusqu'aux créateurs de la revue MAD), petits boulots rigolos ou inattendus ( il a écrit le courrier du coeur du magazine féminin "Bonnes soirées"  très populaire dans les années 50), ascension lente mais inexorable vu son talent, vers les sommets du 9ème art, ... autant d'éléments qui pouvaient rendre le récit captivant, étonnant. Mais le dispositif mis en place, sensiblement le même que pour "Ainsi soit Benoîte Groult", jouant des rencontres de la dessinatrice avec la fille de René Goscinny comme elle décrivait celles qu'elle avait eu avec Benoîte, peine ici à donner de l'éclat, de la légèreté à ce qui devient très vite une succession de faits et de documents un peu pesante ou tout du moins guère originale. Certes nous avons un éclairage précis sur ce que fut la vie du célèbre scénariste avant le succès public voire un portrait des pionniers de la BD, mais sans retrouver l'humour, le regard (im)pertinent qui faisaient le sel de ses précédents ouvrages. On perçoit que la présence d'Anne Goscinny et la transcription des interviews de son père pèsent sur une narration proche de l'hagiographie. De plus, raconter un des maîtres de l'humour de la deuxième moitié du 20 ème siècle sans en faire, sans malice, sans drôlerie déçoit. Bien sûr Catel a un trait toujours ( voire de plus en plus ) plaisant et désormais un mode narratif mêlant présent amical et passé toujours intéressant, mais, cette fois-ci, la machine se grippe un peu, d'autant plus que cette biographie s'arrête étrangement lorsque Goscinny crée Astérix ( et le journal Pilote). Nous ne saurons rien de la suite ( à part son mariage et la naissance de sa fille), rien de l'homme à succès et du directeur de publication.

2) L'amitié de l'auteure avec la fille du célèbre scénariste dessert le récit. 

C'est une évidence la rencontre d'Anne Goscinny et de Catel fut un coup de foudre amical ( largement raconté dans le roman). Parfait et tant mieux pour elles et sans doute la raison pour laquelle la dessinatrice a relevé le défi de faire de René Goscinny le héros d'une BD alors qu'elle se dit uniquement intéressé par des portraits de femmes. Elle nous raconte donc l'homme, le père, le scénariste souvent par les yeux de sa fille, histoire de ne pas trop déroger à sa règle de portraits féminins. On ressent fortement que tout cela, sans doute par amitié, vire au tableau enthousiaste qui, au fil des pages, devient trop lisse. Et ce ne sont pas, vers la fin,  les planches d'une platitude absolue ( et où le lecteur se sent totalement écarté) des retrouvailles des maris, enfants et chiens des deux auteures qui arrangent l'ensemble, confirmant hélas l'amicale bienveillance qui enserre un peu trop visiblement cette biographie.

3) Et si Catel n'était vraiment faite que pour mettre en avant les femmes ? 

On peut le penser. Ce portrait laudateur de René Goscinny, aussi bien documenté soit-il, manque curieusement de nerf et de la vigueur un poil militante qui illuminait les autres biographies publiées précédemment par Catel. L'homme nous apparaît bien linéaire, un peu fade au final, malgré son parcours du Petit Nicolas à Astérix, de la création d'un magazine TV aux Etats-Unis à celle de Pilote ( Mâtin, quel journal !) . Quant à sa fille Anne, héroïne de planches vraiment réussies en introduction et en conclusion, jamais elle n'accède au statut d'héroïne, juste celui de l'adoratrice et de la gardienne du temple de l'image paternelle. C'est maigre pour en faire une femme réellement battante et trop peu pour que l'on retrouve la verve féministe de Catel. Dommage...







vendredi 30 août 2019

Les petits de Décembre de Kaouther Adimi


3 raisons qui peuvent vous amener à vous plonger dans la dernière livraison de Kaouther Adimi et qu'il faut examiner de plus près : 

J'ai adoré son précédent ouvrage ! 

Quand on a énormément apprécié le roman d'un auteur, force est de reconnaître que l'envie d'acheter, séance tenante, son suivant démange tout lecteur, même si dans un coin de sa tête il sait que la réussite n'est pas toujours deux fois de suite au rendez-vous. " Nos richesses", il y a deux saisons maintenant, avait séduit jurys divers et lecteurs. La vie d'Edmond Charlot et de sa petite librairie avait ému, touché, surtout qu'elle épousait subtilement autant l'histoire de l'Algérie coloniale puis indépendante que tout un pan de la littérature française. Ce succès attise les envies des éditeurs à voir leur ( ici)  jeune pouliche se remettre vite au turbin pour bénéficier de l'engouement encore frais d'un public toujours un peu curieux de voir ce que la suite va engendrer. Cette hâte se révèle souvent pas si bonne productrice que ça... "Les petits de Décembre" , joli titre, en est un bon exemple.

Ca parle de l'Algérie d'aujourd'hui. 

Exact ! Kaouther Adimi, reste dans un thème qu'elle connaît visiblement bien, l'Algérie. Comme dans son précédent récit, elle part d'un fait assez marquant ( ici, une friche au milieu d'un quartier qui sert de terrain de jeu à toute une bande d'enfants, est achetée par deux généraux afin d'y faire construire leurs maisons ) pour brosser au final le portrait actuel d'un pays gangréné par les très vieux militaires au pouvoir et d'une société sous surveillance et pas mal corrompue. De plein pied dans l'actualité, son roman tombe à pic pour qui voudrait connaître de façon un peu plus agréable qu'un article ou un reportage, la situation de ce pays. Si l'on prend le seul côté informatif, le pari est réussi. En plongeant le lecteur au coeur de ce quartier mélangé, nous approchons d'une réalité algérienne que l'on devinait mais qui ici se trouve joliment incarnée par les quelques personnages que nous y croisons ( de l'ancienne égérie de l'indépendance au franc-parler aux militaires à la retraite qui perçoivent l'impasse dans laquelle le pays est engagé).

Ca parle aussi de cette jeunesse qui risque de faire changer l'Algérie.

Certes, il y est question d'une bande d'enfants ( et de quelques grands ados ou jeunes adultes) qui se révolte contre ces généraux en luttant pour conserver leur terrain vague. Mais, c'est là où le roman pêche pas mal. De cette situation hautement symbolique, Kaouther Adimi n'en tire pas grand chose. Elle répète beaucoup la première altercation des généraux et de leur chauffeur avec les jeunes du quartier mais au final se sent bien plus à l'aise à décrire la situation politique et sociale de l'Algérie, elle bien tangible, s'attarde beaucoup avec les adultes mais n'arrive pas à hisser son récit vers le vrai romanesque que la situation appelait. La révolte tourne court littérairement ( je ne dis rien quant au résultat), l'auteure visiblement plus portée sur le reportage que le vrai récit. On reste sur notre faim et l'on ressent au final le petit côté un peu pédagogique de l'ensemble. Reste une tentative romanesque en demi-teinte... Mais il vaut mieux lire un Kaouther Adimi à demi réussi qu'un Sorj Chalandon complètement raté.






lundi 26 août 2019

Les minets de François Armanet


"J'ai pas peur des petits minets qui mangent leur Ronron au...drugstore"  chantait Jacques Dutronc au milieu des années Soixante. Mais diable pourquoi avoir peur des minets qui, vus de notre époque, semblaient être des jeunes hommes gringalets un peu fashions victimes ? Grossière erreur, être minet un peu avant 68, à Paris, au drugstore Publicis sur les Champs, c'était être rebelle. Oh, attention, pas de quoi faire trembler d'autres bandes de mauvais garçons, plus rocks, plus blousons noirs... mais juste une bourgeoisie du 8 ème ou du 16 ème dont ils étaient issus et dont ils massacraient les salons et les coutumes. C'est tout du moins ce que raconte François Armanet dans cette évocation d'un groupe de jeunes gens issus de familles fortunés et qui vont traîner leur mal être existentiel,d'abord au drugstore puis dans les facs nouvelles issues de mai 68. Intégrant la GP ( Gauche Prolétarienne), ils seront de tous les combats, de toutes les manifs, de tous les groupes même du MLF.
Le roman survole à la vitesse d'une Harley Davidson  lancée sur l'avenue des Champs Elysées déserte ces années d'avant et d'après les émeutes et les grèves de 68. On suit le parcours de trois jeunes hommes d'abord lycéens puis étudiants sans s'y attacher vraiment (seul le narrateur, plus timoré,  arrive à sortir du lot). Cette absence d'empathie vient de la construction du récit dont l'histoire paraît être uniquement pensée pour permettre d'y glisser le maximum de marques mythiques ou désormais vintages, d'événements marquants, de lieux symboliques de l'époque ( autant français qu'américains), de personnalités.  C'est un name droping quasi permanent. Si l'on a vécu dans ces années là, on sera être peut être sensible à cette multitude de madeleines lâchées sans retenue, sinon l'évocation risque de vous paraître indigeste. Reste, en filigrane seulement, l'évocation de l'effervescence d'une bourgeoisie en décadence qui saura tant bien que mal rebondir, même en abandonnant quelques compagnons sur le bord de la route. Un peu maigre ... 

mercredi 21 août 2019

Jour de courage de Brigitte Giraud

TROIS BONNES RAISONS DE LIRE UN DES TRES BONS ROMANS DE CETTE RENTREE:

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LE(S) THEME(S) :

Si le coming-out de Livio, 17 ans, lycéen curieux, passionné et épris de justice, reste bien évidemment le thème central de ce formidable roman, le texte brode autour d'autres motifs. On s'intéressera donc également à un médecin allemand du début du 20ème siècle, le docteur Magnus Hirschfeld, sujet d'un exposé que le jeune héros dévoile à ses camarades de classe. Outre le fait d'être juif, ce médecin se déclarant sexologue, osait orienter ses travaux sur l'égalité homme/femme mais aussi sur la défense des homosexuels. Ses importantes bibliothèques alimenteront les premiers autodafés nazis. En filigrane, apparaissent évidemment un portrait des adolescents actuels en mal de repères tout comme un certain suspens psychologique puisque nous savons dès les premiers paragraphes que Livio, suite à ce quasi aveu public de son homosexualité, a disparu... 

L'ECRITURE :

Le roman est court mais son écriture à la fois habile et concernée donne une ampleur considérable à l'ensemble. De ce huis-clos se déroulant dans une salle de classe d'un lycée, l'auteure parvient toutefois avec une aisance imparable, à nous faire voyager dans le temps ( l'Allemagne des années 1900/1930 ), rappelant sans aucune lourdeur des faits historiques ou biographiques et dans l'espace plus contemporain de la famille du jeune Livio ou de ces lieux de rendez-vous isolés avec son amie Camille, son amoureuse aux yeux de tous. L'auteure sait se faire tour à tour caustique, tendre, empathique, précise et surtout constamment passionnante, plaçant sans difficulté le lecteur dans la peau ô combien inconfortable de cet adolescent qui a décidé par le biais de la culture de révéler l'homme qu'il souhaite être aux yeux de tous. Derrière l'inconfort d'un passé très sombre pas si lointain et d'un présent toujours peu réjouissant pour qui essaie de vivre selon ses vrais désirs, Brigitte Giraud parvient avec éclat et délicatesse à faire émerger une lumière d'espoir, celle de jeunes hommes ou de jeunes filles, courageux et déterminés à croire encore en la puissance libératrice et salvatrice du verbe et de la culture. 

LE FOND ( parce que dans ce roman il y en a un !) :

Et même plusieurs fonds, autant psychologiques, historiques que politiques. Brigitte Giraud appuie où cela fait mal, l'encore homophobie qui continue, malgré les lois, à faire naître des bourreaux et donc des victimes, l'inculture galopante d'une société rivée sur des écrans et ayant aucune appétence à se poser,  prendre du recul et à regarder un passé pourtant porteur de réponses à des problèmes bien actuels ( montée d'une peste brune, nouveaux autodafés en Pologne notamment mais ailleurs aussi). Sans jamais prendre le chemin du didactisme, encore moins du bien-pensant ou de la guimauve, le roman charrie de multiples émotions, crée des passerelles de réflexion, tout cela sans jamais ennuyer. On referme ce roman, assez court, avec la sensation d'avoir rencontré un beau personnage et une auteure qui ne nous veut sincèrement que du bien, non pas pour nous avoir détendu mais enrichi ( en gros pas pris pour des quiches, ni produit un roman pour plaire à la critique tout en lorgnant sur un prix). 


mardi 20 août 2019

Une joie féroce de Sorj Chalandon

TROIS QUESTIONS QUE L'ON PEUT SE POSER AVANT DE SE RUER SUR :


Etre un des plus gros tirages de cette rentrée littéraire, est-ce un signe de qualité ? de succès annoncé ? d'espoir? 

Quand on s'appelle Sorj Chalandon et que depuis bientôt quinze on cumule succès critique comme public, l'évidence d'un gros tirage ( 50 000 exemplaires annoncés) ne se discute pas. Le public a adoré, avec raison,  "Retour à Killybegs" ou "Le quatrième mur" entre autres, et même si le précédent "Le jour d'avant" avant un peu marqué le pas, l'auteur est devenu au fil des ans une valeur sûre de l'édition. Donc beaucoup d'espoirs chez Grasset en ce mois d'août pour ce dernier ouvrage. Espoir que l'on se rue les yeux fermés ( attention toutefois de ne pas renverser la pile d'Amélie Nothomb, moins haute au fil des ans mais toujours présente), le nom incitant à l'achat mais espoir aussi que ce nouveau cru, d'inspiration moins autobiographique à priori, comblera les attentes de son lectorat. 

Sorj Chalandon peut-il, une fois, décevoir ses lecteurs ? 

Aucun auteur n'est à l'abri d'une baisse de régime, d'inspiration et possède ou possédera dans sa bibliographie des titres moins brillants. Hélas pour nous, pour lui, la cuvée 2019 Sorj Chalandon ne sera pas du tout mémorable. Son histoire de quarantenaire cancéreuse qui retrouvera du peps grâce à ses rencontres en séance de chimiothérapie et qui lui feront un peu oublier la maladie en fomentant un casse dans une bijouterie pâtine pas mal dans le déjà lu. Il a beau se mettre dans la peau d'une femme ( une petite performance ( assez ratée) qui devrait faire saliver François Busnel), jamais le récit ne prend son envol, alignant les passages obligés sans aucune originalité ni stylistique ( écriture plate ) ni romanesque. On a lu cela des centaines de fois, souvent en mieux et plus touchant. Je rassure ceux pour qui un récit sur le cancer est rédhibitoire, le grand sujet du roman n'est pas du tout celui-là, la maladie passant vite au second plan au profit de l'organisation d'un casse chez Boucheron et de sa réalisation. Nous sommes quasi dans le polar, sauf que, là aussi, Sorj Chalandon n'a pas vraiment la fibre roman noir, le tout se traînant pitoyablement jusqu'à un dénouement quasi gnangan. 

La sororité, nouveau filon pour booster la vente des livres ? 

La sororité ( lien de solidarité féminine), effet meetoo oblige, se trouve ces derniers temps le thème principal de beaucoup de romans, certains trustant la tête des ventes comme récemment "Les victorieuses" de Laëtitia Colombani après le tout aussi épouvantable "La tresse". Etrangement ces deux best-sellers sont des produits Grasset, éditeur du même Chalandon. Quand on découvre le récit assez improbable de " Une joie féroce", aux allures de téléfilm banal et peu inspiré, on pense soudain à une quelconque recette de cuisine maison dont on sait que les ingrédients flattent le goût d'un public à la recherche d'un roman facile à lire. Une petite panne d'inspiration ( que l'on espère passagère), un essai franchement pas réussi vers le polar, agrémenté par cette sauce bienveillante et désormais tarte à la crème de solidarité féminine donnent un roman mal fichu que l'on va vite oublier. N'est pas féministe qui veut. 

lundi 19 août 2019

Perdrix de Erwan Le Duc

TROIS QUESTIONS QUE VOUS VOUS POSEZ PEUT -ETRE SUR : 


"Perdrix" renouvelle-t-il la comédie française ? 

Régulièrement les critiques nous dégotent une comédie française qui, "explose le genre" ou " secoue le cocotier d'un cinéma trop formaté". Une des dernières fois que l'on nous a enjoint de foncer rire à gorge déployée dans une salle projetant une pépite de la sorte, ce fut pour " En liberté" de Pierre Salvadori, loin d'être un mauvais film mais qui souffrait d'un déséquilibre entre les deux interprètes principaux, Adèle Haenel s'était vu offrir un rôle de faire-valoir ponctué de dialogues plats ( rappelez-vous le nombre de scènes où pour toute réplique elle devait lancer une " Oh putain!"). 
Dans "Perdrix", ce qui étonne et accroche, ce n'est pas tant la rencontre de deux êtres que tout sépare ( ressort mille fois labouré par les comédies du monde entier) mais l'écrin dans lequel évoluent les protagonistes de cette histoire, gentiment décalée, frisant parfois l'absurde, n'évitant jamais la réflexion philosophique au détours d'un dialogue et mixant la drôlerie avec une certaine tristesse contemporaine. 
De là à renouveler le genre... c'est vite dit. Il est quand même difficile d'innover en ce moment. Mais dans un contexte mollasson ( et mercantile) qui aime flatter les bas instincts, "Perdrix" peut être fier de sa prestation et se hisse sans difficulté nettement au-dessus de la production habituelle. 

Swann Arlaud confirme-t-il son statut de meilleur acteur acquis aux derniers césars ? 

Affirmatif ! Après son interprétation aussi remarquée que fébrile dans le dernier Ozon ( "Grâce à Dieu"), ici, en gendarme calme et vaguement neurasthénique, il impose un peu plus sa silhouette de plus en plus attachante qui risque de devenir bientôt indispensable au cinéma français. Mais sa prestation ne serait peut être pas aussi convaincante s'il n'était pas entouré d'une brillante distribution où pétille Maud Wyler, faite pour la comédie et la répartie, mais aussi des seconds rôles impeccables ( car pas oubliés par un scénario généreux). Citons Fanny Ardant ( qui semble pour son âge avoir une belle foulée dans le cimetière ...mais le générique annonce une doublure...et comme cette course est sa seule cascade...), Nicolas Maury, impressionnant en passionné des vers de terre et Alexandre Steiger, totalement bluffant en policier lunaire. 

Erwan Le Duc devient-il un réalisateur à suivre ? 

Quand dans un premier film, on est capable de mélanger dialogues percutants, tristesse existentielle et naturistes révolutionnaires, on peut dire que ce garçon là possède un brin de folie et certainement un bel univers. Certes, "Perdrix" souffre de quelques longueurs, d'une envie de trop bien faire qui peut lui donner parfois un petit côté appliqué, mais qu'est-ce qu' c'est rafraîchissant et rassurant de voir une comédie romantique française qui ose sortir des sentiers battus, avec de bons dialogues et sans aucune vulgarité ( mais, oui, malgré la présence de naturistes, jamais ridicules, ni utilisés de façon égrillarde ou coquine). Pour tout cela et plein d'autres choses à découvrir dans ce film, on surveillera avec intérêt Erwan Le Duc ! 

 




jeudi 18 juillet 2019

Fonny de Lieve Joris


Les familles aimantes, décalées, névrosées, violentes inspirent un grand nombre d'ouvrages. Cet étalage de père alcoolo, de mère schizophrène , de frère violeur, de grand-mère douce et adorée ( on peut mélanger les adjectifs !) peut lasser mais parfois, un regard, une écriture accrochent le lecteur et rendent ces évocations touchantes, surprenantes, parlantes. 
Quand l'écrivaine flamande Lieve Joris, réputée pour ces récits de voyage, se penche sur sa famille, c'est avec la même lucidité qu'elle employait pour décrire le quotidien de la vie au Congo ou au Moyen-Orient. En partant de la figure de son frère Fonny, être aussi séduisant que manipulateur, elle nous offre une plongée sans concession dans son univers familial. De l'enfance et ses maisons aimées, de Bobonne, sa grand-mère adorée qu'emportée par les tumultes de sa vie elle abandonnera à son triste sort de vieillarde, de ses parents fantasques, un peu imbibés, de ses nombreux frères et soeurs, plus ou présents, de sa soeur Tribe, joyeuse parce que très simple dans sa tête, Lieve Joris tire un récit où la tendresse, jamais mièvre, se dispute avec une froideur et une exigence de vérité assez rares. Elle n'occulte jamais ses pensées de rejet et de honte face à certaines situations, sentiments tellement humains qu'un certain politiquement correct essaie de rendre de moins en moins audibles, mais qui ici, émeuvent, touchent et donnent force et vérité à ce récit. Le Fonny du titre, homme à la séduction destructrice, clé de voûte de l'ensemble, catalyse à lui tout seul les interrogations de toute une famille, naviguant entre bienveillance, détestation, colère, aveuglement et résignation. C'est une lutte de tous les instants qui nous est décrite, celle d'un groupe d'individus lié par le sang, qui doit faire face au caractère cyclothymique ( bipolaire dit-on trop facilement aujourd'hui)  d'un homme dévasté par les drogues, ver dans un fruit aux défenses bien faibles. 
La lecture de "Fonny" s'avère bien agréable, tellement le regard porté sur cette famille reste empreint d'une douce lucidité et que revit avec talent, un passé mêlant autant le gris des âmes que l'éclat si particulier du soleil du Nord. 

dimanche 30 juin 2019

Si loin, si proches de Françoise Bourdin


Dans le monde de la littérature romanesque française grand public, apparaissent ces dernières années de nouvelles pousses ( Martin-Lugan, Grimaldi, Valognes, Colombani, ...) dont la qualité littéraire est inversement proportionnelle à leurs tirages, repoussant sur le bas-côté des plus anciennes ( Pancol, Ledig, Boissard, ...) qui n'avaient pourtant pas démérité. Résistant au tourbillon de ce renouvellement naturel, Françoise Bourdin continue à rester un des auteurs français les plus vendus. Aurait-elle un secret que ces malheureuses consoeurs ne possèdent pas ? "Si loin, si proches", son nouveau roman nous en révèle peut-être la teneur. 
Sous une couverture animalière ( bien vu ! à l'époque de la disparition d'espèces animales), au joli design bleuté, se cache en fait la suite de "Gran Paradiso" précédent ouvrage ( qui sort opportunément en poche avec force affichage dans les gares). Pas de panique, cette deuxième partie se lit de façon tout à fait autonome. En très bonne professionnelle, Françoise Bourdin nous plonge sans faillir au coeur de son intrigue située dans une réserve animalière jurassienne. On rencontre Lorenzo, le créateur de ce que l'on n'appelle plus zoo, italien d'origine, beau cela va sans dire, trentenaire ( là où animalité et séduction sont au zénith) et...célibataire! On sent la proie à donzelles... qui sont assez absentes du domaine puisqu'on n'y trouve qu'une future cheffe des soigneurs... mariée. Il y a bien Julia, sa vétérinaire, connue et aimée lors de leurs études communes, mais dont les amours ont été enterrées faute aux incessants voyages de Lorenzo à travers le monde. Cependant, si l'on y regarde de plus près, ces deux là, rêvent de remettre le couvert. Mais leurs caractères taiseux et un poil orgueilleux, les contraint au silence, chacun se morfondant dans sa chambrette après le coucher des lions et autres guépards. Et ce n'est pas ce soudain voyage du beau mâle dans une réserve africaine qui va resserrer les liens, surtout que là-bas, une splendide métisse rêve de goûter aux délices sensuels qu'exhale Lorenzo...
Cette intrigue assez banale n'empêche pas le lecteur, quel qu'il soit, de tourner les pages. Certes nous sommes dans un romanesque conventionnel, mais là où ses jeunes consoeurs se contentent d'aligner banalités psychologiques, dialogues pseudo drôles et intrigues ultra-formatées qui ne sortent jamais du rail bien tracé, Françoise Bourdin, avec un réel talent de conteuse, multiplie les petites histoires autour des animaux, nous fait voyager au Kenya, introduit une possible maîtresse métisse, un personnage gay, un discours écolo ( bon, disons de défense des réserves animalières sensées protéger la diversité des espèces animales) et des rapports humains un peu moins caricaturaux ( sans aller jusqu'au complexe toutefois). Soixantenaire peut être, mais vraiment dans son époque ( pas dans un réel neuneu comme ses jeunes consoeurs) et surtout ayant une plume simple mais habile, imagée et sans faille, on peut dire que l'auteure de "Si loin, si proches" renvoie au vestiaire sa jeune concurrence ( on pourrait dire au lycée puisqu'elles ont toutes une écriture de collégiennes). Bien sûr, le dernier tiers du roman emprunte le chemin très balisé du happy end qui renvoie son roman dans le bac romanesque pour dame, comme s'il fallait  à tout prix rassurer ou conforter son lectorat. Dommage car, il y avait matière à ébouriffer un peu tout ça, notamment avec le personnage de la jeune métisse...  

mercredi 19 juin 2019

Nos trente ans de Arthur Dreyfus


La nouvelle production d'Arthur Dreyfus s'achète sous format audio, démontrant que les jeunes auteurs connaissent les us et les coutumes de leurs ( jeunes) contemporains et savent bien que se cantonner uniquement au livre risque de les priver d'un certain lectorat ( ici en version auditeur). 
"Nos trente ans"  peut surprendre par sa longueur, presque six heures,  mais  " Couleurs de l'incendie" c'est 14h 10, donc pour un "livre" audio, c'est court ! La particularité de celui-ci est qu'il a été écrit et conçu uniquement pour l'écoute. Six trentenaires vont réagir à un thème lancé par l'auteur lui-même qui joue une sorte d'intervieweur. Il va recueillir leurs confidences sur des sujets aussi banals que l'amour, le travail, le futur, la politique, la vie, la mort, ... Les différents commentaires vont s'alterner. On reconnaît et repère d'emblée la voix d'Anaïs Demoustier, celle plus grave d'une prof de français revenu de tout et surtout de l'amour ainsi que celle un peu typée d'un fils d'immigré marocain. Les autres protagonistes, possédant un timbre un peu moins identifiable ( oui même Elodie Frégé !), résistent longtemps à l'identification, d'où un certain flottement pour les resituer lorsqu'ils interviennent. Chacun a un point de vue , une vie, un parcours différent. Parfois ils se croiseront dans leur ville ( Lyon), auront une relation mais sans qu'il y ait réellement une trame romanesque. 
On entend bien ce qu'Arthur Dreyfus a voulu faire : le portrait d'une génération, urbaine, scotchée aux écrans, éprise de vitesse donc très vite de lassitude, jonglant avec une modernité qui leur brûle les doigts. Cela aurait pu être intéressant, intelligent, poignant, rentre dedans, c'est juste plat et un poil agaçant. On a l'impression d'être assis dans un café du commerce et d'entendre tout un flot de banalités, de clichés, d'idées prémâchée par les médias. Peut être que l'auteur, bien plus mordant et pertinent dans ses romans, a-t-il voulu restituer ( pour de futurs sociologues ? )  le vide intérieur de toute une génération, cette faculté à s'approprier raccourcis et lieux communs ? Si c'est le cas, c'est gagné car aucune platitude ne manque et du coup on imagine un futur bien sombre car certains d'entre eux se reproduisent ! Parfois, on peut être accroché par une remarque, une réflexion, mais l'ensemble ne décolle guère, ne surprend jamais. Pire, au final, on ne s'attache à aucun personnage, tous plus inconsistants les uns que les autres. 
Sitôt écouté, sitôt oublié... Telle pourrait être la pub pour ce livre audio, mais je ne suis pas certain qu'avec un tel slogan, je sois embauché chez Audible, branche d'Amazon! 
PS : Ayant deux fois trente ans, peut être ne suis-je pas l'auditeur cible ? Peut être suis-je jaloux de cette jeunesse ? Qui sait ? 
Merci au site BABELIO d'avoir essayé de me donner un coup de jeune, espérant que ce "livre" audio aurait un effet liftant sur ma personne ! 

mardi 18 juin 2019

Dîner à Montréal de Philippe Besson


A peine plus de quatre mois après "Un certain Paul Darrigrand", voici déjà la suite, confirmant le filon autobiographique pris par Philippe Besson. Ne frise-t-on pas l'overdose? L'auteur a-t-il besoin d'argent ? A-t-on vraiment envie de retrouver Paul Darrigrand ? Questions légitimes qui peuvent freiner certains lecteurs ... mais qui s'effacent dès les premières pages lues. 
Pas besoin de connaître l'épisode précédent, on plonge sans problème dans l'histoire. 18 ans après une intense liaison , au hasard d'une dédicace au Canada, Paul et Philippe se revoient. Ce dernier propose un dîner au restaurant. Et nous voilà très vite à table avec les deux anciens amants, accompagnés, qui de son épouse Isabelle pour Paul, qui de son nouvel jeune amant pour Philippe, chacun connaissant parfaitement les liens qui les réunissent ce soir là. 
Relater ce repas aurait pu apparaître convenu, lourdingue, théâtral ou redondant mais devient sous la plume vraiment habile de Philippe Besson passionnant. En premier plan se dresse bien sûr l'intrigue amoureuse entre les deux hommes, dont l'ancienne relation et la rupture brutale qui l'a achevée, a laissé quelques cicatrices pas complètement refermées, ravivées avec ce presque face à face. Sous le regard d'une épouse loin d'être dupe et d'un jeune amant tout aussi attentif, le repas alterne des moments de civilité ordinaire que l'interprétation des gestes, des mots, des regards par le narrateur Philippe sort de son apparente banalité et de climax fiévreux, joutes oratoires à quatre mais surtout à deux ( merci les fumeurs!) qui chercheront à s'emparer coûte que coûte de la vérité d'un attachement soigneusement enfoui. Une spéléologie du sentiment amoureux intense! 
Mais d'autres strates donnent à ce roman un supplément d'âme. On y trouve, en creux, une analyse sociologique aiguë d'un repas mettant en scène une sorte de bourgeoisie contemporaine, ou les us et les coutumes sont décortiqués sans concession. 
Et puis, enfoui dans tout cela, il y a le doute qui prend le lecteur, doute insidieusement entretenu par l'auteur qui joue avec nous. Cette veine autobiographique qu'égrène Philippe Besson depuis quelques livres semble dévoiler des pans de sa vie autant que les coulisses de la fabrication de ses romans. De prime abord réservés à ses fidèles lecteurs, ces annotations, par ailleurs pertinentes même pour quelqu'un qui ne l'a jamais lu, finissent par intriguer. Certes elles se réfèrent à des éléments bien réels, existants, mais sont subrepticement accompagnées de remarques autour de l'invention romanesque et de l'énorme capacité à mentir qui habite Philippe Besson ( c'est même le titre d'un de ces ouvrages). Et donc, le doute naît. Et si Paul Darrigrand ( ou son original ) n'avait jamais existé ? Et si Philippe Besson n'arrêtait pas de jouer avec le faux et le vrai pour mieux nous raconter des histoires ? C'est le propre du romancier non ? Et si cet aspect apparemment sincère n'était que pur imaginaire ? Il est agréable d'entretenir ce petit mystère qu'il arrive à faire courir entre ses lignes, rendant le roman encore plus fascinant. 
Quoiqu'il en soit, on retrouve le Philippe Besson des grands jours,  talentueux conteur qui nous livre cette petite musique délicate de phrases simples mais profondes. S'inviter à son "Dîner à Montréal" est un réel plaisir. Et comme tout bon roman, il nous tient jusqu'au bout, concluant magnifiquement  par un petit SMS tout simple qui nous bouleverse. Du grand art ! 

lundi 17 juin 2019

Cher corps de Léa Bordier


La génération You Tube a encore frappé. Non contente de tailler des croupières aux sitcoms formatées de la télévision, de proposer une travail critique plus original ( dans la forme ), la voilà qui s'attaque à la bande dessinée.
Jusqu'à présent, ce sont surtout les blogueur-gueuses qui avaient réussi à percer dans ce secteur ( Pénélope Bagieu en tête), mais le succès de certaines chaînes YouTube donnent des ambitions. Ainsi, Léa Bordier, à la tête de petites vidéos millionnaires en vues, bien conçues et tournant autour de femmes parlant de leur corps, prolonge son activité en adaptant certains témoignages en bande dessinée. Douze femmes d'âges divers répondent à une unique question : " Comment définirais-tu ton rapport au corps, aujourd'hui? ". Douze dessinatrices se sont attablées pour mettre en images leurs propos. Douze histoires, douze graphismes différents, douze points de vue pour douze sensations parlantes dont le but sera le partage d'expériences, douze récits pudiques et sincères.
Les thèmes abordés ne sont pas tous d'une folle originalité, parce que labourés depuis un certain temps dans les médias ( même si la vestibulodynie, 1 femme sur 10 touchée par cette hyper-inflammation des tissus à l'entrée du vagin, n'a pas bénéficié de hauts-parleurs comme pour l'endométriose), cependant leur réunion possède une force militante et surtout aidante pour toutes celles qui doutent, souffrent dans leur coin. Le plus de cette compilation dessinée reste la richesse et la variété des illustrations, ces façons personnelles, sincères et vraiment inspirées qu'ont eu les auteures de s'emparer de ces histoires, offrant à certaines, plus communes, un véritable lustre artistique.
" Cher corps" ne s'adresse pas qu'aux femmes ( et surtout aux jeunes filles, jeunes femmes, celles qui sont en proie aux doutes et aux silences dans une société qui n'aime qu'à montrer des corps amaigris, soi-disant épanouis), les hommes y trouveront aussi de quoi enrichir leur regard face à l'autre sexe. Et l'on se prend à rêver du même ouvrage face au corps masculin, qui lui aussi peut générer  doutes, peurs et angoisses chez son propriétaire. Mais autant les femmes ont su s'emparer de leur corps, le mettre en paroles sur la place publique, autant les hommes continuent de le taire sauf pour glorifier une pseudo virilité souvent bien factice.



dimanche 16 juin 2019

Carnets clandestins de Nicolas Giacobone


Nicolas Giacobone a collaboré plusieurs fois avec le réalisateur mexicain Gonzalès Inarritu en tant que scénariste notamment ( hélas pas dans "Le revenant"). Son premier roman suscite une certaine curiosité car plaçant deux personnages leur ressemblant peut être, dans une situation qui peut apparaître comme singulière. Santiago Salvatierra ( Inarritu? ) considéré comme le metteur en scène de cinéma le plus talentueux d'Amérique du sud enferme un certain Pablo Betances ( Giacobone?) dans la cave de sa villa perdue au fin fond de l'Argentine dans le but de lui faire écrire le scénario de ce qui devra être un chef d'oeuvre du cinéma mondial. Cette étrange collaboration durera de nombreuses années...
Publié chez Sonatine, ce roman n'est pas un thriller malgré cette cave, utilisée par de nombreux auteurs du genre ( Jonquet, Lemaître, Walters, ...) voire ce thème de l'écriture qui peut évoquer "Misery" de Stephen King. Ce ( presque) huis-clos, composé de carnets écrits en cachette ( d'où le titre) explore autant le travail d'écriture, les influences des maîtres de la littérature que les aléas d'une vie enfermée. Si l'on perçoit une certaine folie gagner l'esprit de ce pauvre Pablo face à la tâche obligatoire de fournir des scènes magnifiques au sein d'un scénario dont aura décortiqué les moindres rouages, on ne peut dire qu'une énorme tension règne. Les évocations de James Joyce, d'Aristote, des Beatles, de Borges ou du film "Amadeus" , si elles aident le narrateur à survivre, mettent surtout le suspens à distance, et placent ce roman ailleurs, comme si, l'auteur voulait lui aussi faire un roman qui bouleverserait le monde de la littérature. 
Les amateurs de polar, qui auront trouvé l'ouvrage au rayon polar, éditeur oblige, seront vite décontenancés. Peut être seront-ils intéressés par la direction originale que prend le roman, tant dans sa forme d'écriture de moins en moins conventionnelle au fil des pages que par son propos aux multiples entrées ( critique du milieu du cinéma, des fausses valeurs du 7ème art comme d'une société moderne, et au-delà, réflexion autour de la création, du talent, du pouvoir). Pas certain. Il faut quasiment faire le deuil d'une intrigue laissée au deuxième plan au profit d'un propos, assez virtuose,  jouant avec la narration, la mise en page et la psychologie d'un narrateur déroutant. Et même si Nicolas Giacobone parvient dans la dernière partie à insuffler un certain mystère, cette envie d'originalité et de profondeur dans une intrigue présentée comme à suspens, dilue son propos, le lecteur se trouvant pris le cul entre deux chaises : l'essai littéraire ou le polar. Aucun des deux ne fonctionnant vraiment, il ne reste que l'originalité qui peut engendrer une certaine curiosité ou au pire, un succès snobinard. 

mercredi 12 juin 2019

Avec Bacon de Franck Maubert



Souvent face à l'art moderne, on n'a pas toujours les codes, les clefs pour décrypter les oeuvres ( et ce ne sont pas les cartels apposés par des commissaires d'exposition épris de verbiage aussi abscons qu'élitiste qui aident les visiteurs néophytes). Voici, un petit ouvrage par le format ( plus petit qu'un livre de poche) et par la pagination ( 140 pages) dont la lecture va vous éclairer sur le génie d'un des maîtres de la peinture du siècle dernier. Petite explication sur le titre pour certains lecteurs de Virginie G. ou d'Agnès M.L. , le BACON du titre est bien d'origine anglaise mais il ne s'agit nullement de ces petites tranches de porc fumé si délicieuses au breakfast, ni du philosophe  mais bien du peintre Francis Bacon. Donc, inutile de se lécher les babines (quoique), ce n'est en aucun cas une compilation de recettes de cuisine avec bacon mais bien d'éclairage artistique dont il sera question !
Franck Maubert, journaliste spécialisé dans l'art a éprouvé, dès qu'il a approché l'oeuvre de Francis Bacon, une véritable fascination pour ses tableaux. Et chance pour lui, à plusieurs reprises, il passé des moments avec ce peintre à la personnalité aussi forte que sa peinture. Avec délicatesse mais précision, ses rencontres nous sont relatées dans le détail, cernant surtout l'homme privé, ses rapports avec le monde environnant, le lieu où il vit, son rapport à son art et à la gloire. Subtilement, il glisse dans sa narration quelques éléments biographiques qui ouvrent ainsi des fenêtres, des portes, pour une réelle compréhension de cette oeuvre magistrale. C'est vraiment pédagogique, dans le meilleur sens du terme, tellement ici on apprend avec plaisir et facilité.  
Eclairé par une belle écriture simple qui passe par une pointe d'humour mais où l'émotion n'est jamais absente, "Avec Bacon" apparaît comme un petit bijou, qui mieux qu'un long ouvrage, nous fait comprendre, apprécier un artiste et surtout une oeuvre qui peut dérouter. Ah si toutes publications autour de la peinture pouvaient être aussi éclairantes !


 Trois études pour une crucifixion  Francis Bacon