dimanche 21 août 2016

Toni Erdmann de Maren Ade



Et si vous rentriez du bon pied avec une comédie allemande douce amère de 2h45 ? Pas tentés par ce qui a été la sensation non palmée du dernier festival de Cannes ? Vous auriez tort, la vision du troisième film de la réalisatrice Maren Ade vous comblera émotionnellement ( en plus de votre soirée ou après-midi ).
Film sans générique, le long premier plan d'une porte de maison banale alors qu'on entend en fond une voiture se garer, laisse augurer un film lent, un poil contemplatif et pour certain habitués au montage survolté de productions testostéronées (mais vides de sens) un film rasoir. La suite prouvera qu'il n'en est rien, même si la réalisatrice prend le temps de filmer ses personnages, de laisser la vie, les regards, le trouble traverser les scènes, la richesse du propos, l'originalité de la plupart des situations font que les presque trois heures passent sans que l'on s'en rende compte.
Sans trop déflorer l'intrigue, je dirai, pour ce que j'ai perçu dans ce film simple mais bien plus foisonnant qu'il n'y paraît, que c'est un geste d'amour d'un père pour sa fille. Winfried est divorcé, son chien vient de mourir et sa fille, Inès, cadre très supérieur froide et glaciale, vit loin de lui, en Roumanie. Le lien est presque coupé entre eux, ne restent que quelques obligations familiales que la société impose. On ne saura jamais ce qui a pu effilocher leur relation. Pourtant, ce père blagueur pour prouver qu'il est encore en vie, en s'apercevant de l'impasse existentielle dans laquelle sa fille s'englue, va venir dynamiter son existence en arrivant à l'improviste à Bucarest. Avec des fausses dents et une perruque improbable, il créera le personnage de Toni Erdmann et s'incrustera dans l'entreprise et la vie sociale de son executive woman de fille, la forçant à ouvrir les yeux sur sa vie.
La prise de conscience sera longue et le scénario s'emploie à déployer des scènes où l'absurde et le burlesque s'accouplent avec la gêne, la colère, la tendresse rentrée, le malaise. Sans jamais faillir, le film avance en exploitant avec brio ses situations franchement originales où jamais on n'arrive à rire réellement malgré le comique de situation évident car toujours mâtinées d'un once de tristesse et de sérieux. C'est constamment sur le fil, le rire est là, l'émotion aussi. Le spectateur navigue dans cet entre deux avec bonheur car, il faut le dire, c'est un sacré pari que d'arriver à faire cohabiter ces deux genres avec autant de brio. En plus d'une critique cinglante de notre société matérialiste vouée à l'argent, aux rapports sociaux (ou sexuels) aussi calculés que désespérants, nous assistons à un numéro d'acteur absolument extraordinaire. Peter Simonischek et Sandra Huller sont d'une justesse mais aussi d'une drôlerie absolues. Ils apportent à ce film formidablement bien écrit et filmé, une émotion et une crédibilité comme en voit rarement.
Je suis ressorti de "Toni Erdmann" avec la douce impression d'avoir vu un film original et décalé qui ne fait pas l'impasse de nous enrichir et de nous émouvoir. A l'instar de ses personnages, "Toni Erdmann" nous force à ouvrir les yeux sur nos vies et le monde qui nous entoure. Quand le cinéma arrive à cela, à nous faire rire et pleurer et réfléchir, moi je dis : Bravo !





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