jeudi 25 août 2016

Rester vertical de Alain Guiraudie




L'événement cinématographique de la semaine, selon les médias, n'est pas un film facile. Je ne suis pas certain qu'attirer les spectateurs en mettant l'accent sur certaines scènes assez frontales voire radicales, soit un bon plan.
"Rester vertical" propose vraiment un film art et essai qui tente de faire bouger les lignes d'un cinéma français bourgeois et ronronnant. Alain Guiraudie, après le succès surprise ( mais assez relatif) de "L'inconnu du lac", fait table rase et s'éloigne de ce thriller métaphysique assez classique pour revenir vers l'univers de ses débuts. Avec une narration qui se moque des notions d'espace ( le personnage principal peut être à Brest puis en Lozère dans le plan suivant et ce, dans la même journée) et donc de temps, en y posant certains éléments oniriques ( Le docteur Mirande et son cabinet  dans une cabane de consultation en plein marais), le réalisateur explose la narration. Son héros se trouve donc embarqué dans une sorte de road-movie d'une totale liberté. Et cette liberté est déroutante car elle ne se cantonne pas qu'à la structure du récit, elle s'applique aussi aux comportements de ses personnages qui cassent les codes sociaux que l'on nous balance par tombereaux à longueur de films. Ici, aucun cliché, aucune convenance, mais une vraie envie de montrer la vie comme elle existe, avec ses dérapages, ses errances et ses appétits bien moins conformistes qu'on veut bien le penser. Du coup surgissent à la queue leu leu, des thèmes très actuels, les sans abris, la misère affective et la pauvreté du monde rural, la théorie du genre, la sexualité, la mort, la vie et la peur de l'autre ( symbolisée ici par le loup), tous passés au filtre de ce regard radical. Rien n'est vraiment aimable là dedans, mais tout est filmé avec beaucoup de douceur.
On trouve dans ce film de nombreuses scènes rarement ou jamais vues dans un cinéma commercial traditionnel. des plans de sexe féminins ou masculins que l'on excite, un accouchement en gros plan, et je ne parlerai pas de la scène d'euthanasie, qui filmée par n'importe qui d'autre aurait été d'une vulgarité insoutenable et qui ici prend les allures d'un tableau classique d'une grande force et d'une beauté, peut être dérangeante, mais qui porte la patte des grandes oeuvres. Cependant le film ne se résume nullement à ces plans extrêmes, il draine  tout un questionnement sur la place de l'humain dans une société qui élague plus qu'elle accueille et sans doute, plus globalement sur les rapports que ces mêmes humains peuvent avoir entre eux, lorsque les stéréotypes sociaux peuvent être évacués.
Bien sûr parfois on peut être un peu dérouté par ces bricolages scénaristiques ou par la banalité de certaines scènes, mais la proposition faite par Alain Guiraudie d'un cinéma libre et posant un regard décalé sur la vie est vraiment généreuse et surtout à recevoir comme telle, comme un moment unique de cinéma.
"Rester vertical" est un film totalement original dans le paysage et pour cela, il faut y aller. Vous serez peut être intrigué, dérouté. Laissez-vous porter  par cette proposition audacieuse et rare et vous serez récompensé, car, au bout du film, se trouve la plus belle scène de cinéma de l'année, aussi somptueuse plastiquement qu'émotionnellement, dont la symbolique, tout à fait dans l'air du temps, a le pouvoir de parler à tout le monde. Et résonne dans nos têtes, l'ultime phrase du film : " Il faut qu'on reste bien droit."A ce niveau là, du grand art !


mardi 23 août 2016

Beaux rivages de Nina Bouraoui


Le thème du chagrin d'amour en littérature a été ausculté sous toutes les coutures depuis des siècles par une multitude d'auteurs et non des moindres. Qu'est-ce qui a poussé Nina Bouraoui à tenter le pari un peu fou d'écrire une nouvelle fois dessus ? Une histoire personnelle, qui, couchée sur le papier peut faire figure de thérapie voire de passage d'expérience, et  permet sans doute de poser son regard,  prendre du recul ? Mais intéresser une nouvelle fois le lecteur avec un matériau aussi peu original, est-ce possible ?  La lecture de "Beaux rivages" me force à répondre par l'affirmative tant le la plume ( sans doute trempée dans un réel récent personnel) cisèle un texte fébrile et puissant. Mais au-delà de cette plongée clinique dans les affres de la séparation de son héroïne, l'auteure donne une puissance supplémentaire à son texte en analysant en filigrane l'impact du virtuel dans notre quotidien et ici dans la perte d'un amour.
Se quitter en 2015 ou en 1981, cela n'a rien à voir. Quand Adrian annonce à A. qu'il désire mettre de la distance dans leur relation, c'est par SMS qu'il le fait, manière lâche mais froide et contemporaine de larguer quelqu'un. Le coup est rude surtout après huit d'un amour plein, aux apparences parfaites et sans avoir ressenti le moindre délitement de cette relation pourtant un peu épisodique. L'incompréhension, l'envie de savoir, le secret espoir de récupérer cet homme traverse A. Mais en  fouinant dans les réseaux sociaux, elle apprendra qu'elle a une rivale. Un petit tour sur Google earth lui permettra de visualiser sa maison et la découverte que cette femme tient un blog, augmentera son ressentiment. La consultation régulière de ses publications nourrira sa jalousie jusqu'au fantasme.
Autrefois on pouvait soigner un chagrin d'amour sur le divan d'un psy.Aujourd'hui, on y a toujours recourt mais ces derniers, en plus d'essayer de calmer le mal être intérieur doivent aussi se battre contre les addictions aux technologies qui exacerbent le sentiment de perte et d'abandon ( tout comme ils accélèrent artificielles le sentiment d'amour réciproque).
Nina Bouraoui, tout en restant intensément littéraire, cerne magistralement toutes ces emprises qui engluent son héroïne dans cette dépression. Pas question pour l'auteure de restituer in extenso tous ces messages envoyés comme pourrait le faire des textes pseudos modernes et branchés,ils s'intègrent parfaitement dans son récit. Mais tous ces mots compressés, agglomérés dans cet espace restreint des smartphones n'expriment pas complètement le moi profond des protagonistes. Le roman alors invite ses personnages à des face-à-face où la parole, la vraie, se libère, incandescente. Ces moments d'une grande intensité, comme des monologues crachés d'un seul souffle, jaillissent dans des paragraphes nerveux, qui par leur universalité ne peuvent que  toucher encore plus le lecteur.
J'ai été happé dès les premières lignes par l'énergie de cette écriture. Malgré l'apparent pathos du sujet, le regard aigu et précis de Nina Bouraoui sur A. mais aussi sur tout ce qui l'entoure, nous transforme en tourneur de pages. Et même si les deux dernières parties, qui correspondent à la possible renaissance de cette femme, m'ont paru moins convaincantes, le roman reste une remarquable plongée dans la psyché d'une quarantenaire d'aujourd'hui, dont l'abandon lui fait sans doute miroiter de nouveaux rivages.

Et pour mieux illustrer ce roman, voici sa bande son composée principalement de deux chansons souvent écoutées et citées par l'héroïne :  On attendra l'hiver par Julien Doré et Les hautes lumières par Fauve.




lundi 22 août 2016

Sous la vague d'Anne Percin

 Le roman est empreint de Japon. La vague du titre ne fait pas référence à Hokusaï mais au tsunami qui soudain inquiète Bertrand Berger-Lafitte, pas vraiment par rapport à la catastrophe humanitaire mais à celle plus personnelle qui risque de limiter l'écoulement de sa production de cognac dans l'île du Soleil Levant. Un gros égoïste de patron me direz-vous ? Un peu, sauf que soudain, une nuit, sa Mercedes que conduit Eddy son chauffeur, percute un faon sur une route de Charente. De cet accident assez banal, une certaine prise de conscience va germer dans la tête du négociant, lui faire regarder sa vie d'une façon nouvelle.
Avec des inspirations prises chez Murakami pour ces moments un peu oniriques et d'autres chez des auteurs anglais genre P G Woodehouse, pour les relations maître/valet, mais en nettement moins sautillant, le tout dans un décor à la Mauriac, Anne Percin m'a au départ pas mal intrigué. Avec son écriture classique, sans emphase, mais en parsemant cette histoire de beaucoup d'animaux ( faon, chien, corneille, chevaux, ... tiennent une place importante dans le récit) mêlés à tout un éventail d'odeurs, ce récit aux apparences banales et bourgeoises s'engageait dans les chemins d'un naturalisme un peu décalé, intrigant voire poétique. En plus la relation qu'entretiennent l'héritier des cognacs Berger-Lafitte et son chauffeur, toute empreinte de distance me paraissait aussi contenir une légère ambiguïté. Cet ensemble d'éléments donne à la première moitié du livre une atmosphère particulière qui laisse à penser que le roman va prendre une tournure vraiment originale.
Hélas, la suite préfère se diriger dans un développement de téléfilm pour soirée pépère devant France3. La fille du magnat des spiritueux tombe enceinte d'un jeune syndicaliste de l'usine, une sombre histoire peu convaincante de vente de parts de l'entreprise et un chauffeur passé un peu à trappe détruisent toute la subtile construction du début. Cela se lit de façon agréable mais sans grand intérêt. On en vient même à penser que c'est le résultat d'une résidence sponsorisée par une marque de cognac qui a permis la publication du livre. ( Impression étrangement confirmée par un remerciement de la fin ).
C'est avec beaucoup de regrets que j'ai refermé "Sous la vague" car si je me suis précipité dès le jour de la sortie sur ce roman, c'est parce que, pour moi, "Le premier été" du même auteur, paru en 2011 fut un énorme coup de coeur que j'ai beaucoup offert et fait apprécier... Là, à part les amateurs de faon et de cognac, je ne vois pas à qui je pourrai le conseiller...






dimanche 21 août 2016

Toni Erdmann de Maren Ade



Et si vous rentriez du bon pied avec une comédie allemande douce amère de 2h45 ? Pas tentés par ce qui a été la sensation non palmée du dernier festival de Cannes ? Vous auriez tort, la vision du troisième film de la réalisatrice Maren Ade vous comblera émotionnellement ( en plus de votre soirée ou après-midi ).
Film sans générique, le long premier plan d'une porte de maison banale alors qu'on entend en fond une voiture se garer, laisse augurer un film lent, un poil contemplatif et pour certain habitués au montage survolté de productions testostéronées (mais vides de sens) un film rasoir. La suite prouvera qu'il n'en est rien, même si la réalisatrice prend le temps de filmer ses personnages, de laisser la vie, les regards, le trouble traverser les scènes, la richesse du propos, l'originalité de la plupart des situations font que les presque trois heures passent sans que l'on s'en rende compte.
Sans trop déflorer l'intrigue, je dirai, pour ce que j'ai perçu dans ce film simple mais bien plus foisonnant qu'il n'y paraît, que c'est un geste d'amour d'un père pour sa fille. Winfried est divorcé, son chien vient de mourir et sa fille, Inès, cadre très supérieur froide et glaciale, vit loin de lui, en Roumanie. Le lien est presque coupé entre eux, ne restent que quelques obligations familiales que la société impose. On ne saura jamais ce qui a pu effilocher leur relation. Pourtant, ce père blagueur pour prouver qu'il est encore en vie, en s'apercevant de l'impasse existentielle dans laquelle sa fille s'englue, va venir dynamiter son existence en arrivant à l'improviste à Bucarest. Avec des fausses dents et une perruque improbable, il créera le personnage de Toni Erdmann et s'incrustera dans l'entreprise et la vie sociale de son executive woman de fille, la forçant à ouvrir les yeux sur sa vie.
La prise de conscience sera longue et le scénario s'emploie à déployer des scènes où l'absurde et le burlesque s'accouplent avec la gêne, la colère, la tendresse rentrée, le malaise. Sans jamais faillir, le film avance en exploitant avec brio ses situations franchement originales où jamais on n'arrive à rire réellement malgré le comique de situation évident car toujours mâtinées d'un once de tristesse et de sérieux. C'est constamment sur le fil, le rire est là, l'émotion aussi. Le spectateur navigue dans cet entre deux avec bonheur car, il faut le dire, c'est un sacré pari que d'arriver à faire cohabiter ces deux genres avec autant de brio. En plus d'une critique cinglante de notre société matérialiste vouée à l'argent, aux rapports sociaux (ou sexuels) aussi calculés que désespérants, nous assistons à un numéro d'acteur absolument extraordinaire. Peter Simonischek et Sandra Huller sont d'une justesse mais aussi d'une drôlerie absolues. Ils apportent à ce film formidablement bien écrit et filmé, une émotion et une crédibilité comme en voit rarement.
Je suis ressorti de "Toni Erdmann" avec la douce impression d'avoir vu un film original et décalé qui ne fait pas l'impasse de nous enrichir et de nous émouvoir. A l'instar de ses personnages, "Toni Erdmann" nous force à ouvrir les yeux sur nos vies et le monde qui nous entoure. Quand le cinéma arrive à cela, à nous faire rire et pleurer et réfléchir, moi je dis : Bravo !





jeudi 18 août 2016

La mésange et l'ogresse d'Harold Cobert

Je retrouve Harold Cobert après avoir " surfé avec Dieu au Pays-Basque " précédent roman au sujet pas facile : la fausse couche. ".  La mésange et l'ogresse " prend un thème pas plus aguichant : l'affaire Fourniret !
Guère plus renseigné que ce que les gros titres de l'époque en disaient, je me suis plongé dans le roman avec autant d'envie que d'entrer dans un commissariat. J'en suis ressorti bien plus retourné que je ne m'y attendais, le montage adopté par l'auteur ne pouvant laisser indifférent.
Avec une telle histoire ( et de tels personnages),  relater les événements de cette sordide affaire aurait pu  ouvrir la voie à une sorte de thriller malsain et voyeur. Mais, même  si le roman se lit comme un polar haletant, l'enjeu du livre se révèle plus subtil. Harold Cobert s'efface astucieusement derrière les faits, laissant de côté les effets de manche stylistiques pour choisir un diabolique montage. Tissu entrecroisé de l'enquête des opiniâtres policiers belges avec les pensées de Monique Fourniret mais aussi quelques extraits de ses interrogatoires  qu'assombrissent les flash-backs des jeunes filles abordées par le couple, il laisse Michel Fourniret     en filigrane, mais enferme son lecteur dans une plongée de plus en plus profonde dans l'horreur la plus absolue.
Sans forcer le trait, suggérant beaucoup et laissant donc au lecteur la rude tâche de combler les interstices ignobles manquants, le récit devient de plus en plus saisissant. On mesure à la fois l'abjection de ces deux êtres malades mais aussi la ténacité, l'abnégation et la patience qu'il a fallu aux policiers pour obtenir des aveux.
Le récit est passionnant, ne se lâche pas. La folie humaine, dans sa version pourriture, nous est montrée sans fard. Nos sociétés produisent des êtres abjects qu'heureusement quelques personnes arrivent à stopper leurs élans infernaux. " La marge, c'est ce qui fait tenir les pages ensemble." Cette citation de Jean Luc Godard ouvre le livre. Je ne suis pas bien certain que le cinéaste ait imaginé que ses propos puissent être mis en relation avec ces deux ogres modernes, leur donnant du coup une résonance beaucoup plus discutable.
Je sens bien que mes commentaires donnent une impression d'un livre absolument pas aimable, peu confortable. Et alors ? N'est-ce pas le rôle de la littérature de nous faire frémir non pas avec des propos malsains mais en nous faisant réfléchir, en nous bousculant un peu sans jamais flatter nos bas instincts ? C'est la marque d'un bon écrivain que de creuser là où l'on a pas envie d'aller, de nous projeter dans les méandres hallucinants des pensées d'êtres que l'on voudrait bien n'avoir jamais à croiser. Pour cela et pour le côté totalement haletant du récit, " La mésange et l'ogresse" est vraiment réussi et dans un tel contexte, cela force le respect. 

mercredi 17 août 2016

La danse des vivants d'Antoine Rault

Quelques derniers combats dans les tranchées, un armistice qui arrive enfin et voici venu le temps d'une après-guerre trouble, le tout édité chez Albin-Michel...Ca ne vous rappelle rien ? "Au-revoir là-haut " de Pierre Lemaître peut être ?  Vous avez sans doute raison, les similitudes peuvent apparaître nombreuses surtout que les deux romans adoptent une trame résolument romanesque. Antoine Rault se singularise toutefois de son glorieux prédécesseur en adjoignant à son intrigue un fond historique beaucoup plus précis.
"La danse des vivants " se présente comme un véritable tourne pages.Quoi de plus attrayant et de mystérieux qu'un personnage amnésique ? Je sais que c'est un vieux ressort d'écrivain, souvent employé au siècle dernier et dont on a l'impression de connaître depuis longtemps les rouages narratifs, mais balayons de suite ce supposé écueil, l'auteur arrive à surprendre encore.
Charles, soldat français, blessé, a peut être, suite à un combat, perdu une grande partie de sa mémoire, mais pas ses connaissances acquises dans une grande école de la République.A la fin de la guerre, sa prestance, sa culture, son bilinguisme (français/allemand) et sa remarquable intelligence le font remarquer par les services secrets français. Profitant de son amnésie comme d'une aubaine, on le rendra allemand. Il prendra le patronyme d'un lieutenant dont la mort ne fut jamais déclarée. Pourvu de cette nouvelle identité, il va intégrer l'armée allemande, pourtant vaincue mais qui combat encore sur le front de l'Est contre les russes, et exercer en parallèle sa mission d'espion.
Tout le potentiel romanesque de cette situation sera exploité par le roman. Le désarroi de Charles face à cette vie brisée qu'il n'arrive pas à reconstituer et qu'un autre recréé pour lui. Cette envie de revoir sa mère, peut être une fiancée, une soeur qui le taraude alors que petit à petit il doit se glisser dans la peau d'un autre. Et cet nouvelle personnalité qu'il a du mal à maîtriser et qui lui offre une nouvelle famille. On se passionne pour cet homme dont les sensations à fleur de peau lui font ressentir chaque événement avec intensité. Fort et fragile à la fois, il sera ballotté dans un monde qu'il comprend de moins en moins, où la paix a essentiellement un désir de revanche, où son humanité va se heurter à cette soif de vengeance mais surtout à cette violence qui naît lors des conflits.
Si le roman ne prend jamais vraiment les directions que l'on pense, il nous perd par contre un peu dans une accumulation de détails politico/historiques. Bien qu'Antoine Rault, documenté comme une encyclopédie, arrive à rendre légers ces réunions et conciliabules entre représentants des états qui effectueront une nouvelle partition de l'Europe, et nous montre de façon très pédagogique les multiples résonances qu'auront ces décisions, parfois on se surprend à regretter de ne plus entendre parler de ce pauvre Charles qui se débat dans les affres de la reconquête de sa vie.
Ce personnage très attachant, entouré de quelques seconds rôles passionnants ont rendu la lecture de ce livre passionnante. Le petit précis d'histoire qui nous est donné à lire en alternance à ses tribulations ne manque pas de piquant ni d'informations voire d'anecdotes, mais a parfois un peu tendance à freiner le rythme du récit. Toutefois, le livre se dévore jusqu'à la fin ...qui m'a laissé sur ma faim... ( mais, là aussi, comme dans "Au revoir, là-haut"). Je n'en dis pas plus, Si le romanesque vous attire, si la période vous fascine ou si les beaux et jeunes militaires vous font frémir, n'hésitez pas ! Foncez lire "la danse des vivants" , à coup sûr, un roman ambitieux qui n'a pas peur d'un peu de légèreté.


lundi 8 août 2016

Promenades photographiques de Vendôme


Les promenades photographiques de Vendôme jouent sur le même terrain que sa hautaine et talentueuse cousine d'Arles et ses rencontres de la photographie, mais visiblement pas avec les mêmes moyens mais avec un bel enthousiasme. Une balade dans cette ville vous fera découvrir son riche patrimoine et les nombreuses expositions toutes GRATUITES.
Pour cette douzième édition, une question est posée : Qui est photographe ? C'est à nous, visiteur plus ou moins éclairé d'en donner une réponse. Pour les organisateurs, la réponse est claire : tout le monde est photographe, surtout de nos jours... On peut le constater en regardant les nombreux clichés des différents ateliers menés dans la ville tout au long de l'année et dont l'exposition est sans doute sympathique mais pas forcément renversante.
Le festival par contre propose d'autres expos et d'autres regards sans doute plus pertinents. Ainsi Weegee, photographe new yorkais, nous donne une vision très sombre de la grande pomme dans les années 30 à 50. Putes, meurtriers, déclassés, gens de peu évoquent plus la survie qu'un capitalisme triomphant que l'univers de polar noir sans doute trop magnifié par la littérature ou le cinéma . Son regard impitoyable fera écho avec beaucoup d'autres collègues actuels dont on peut admirer le travail à Vendôme. De Jonas Wresh et son reportage dans les campagnes colombiennes d'après les FARC à Philippe Rochot dont les magnifiques et terribles photos étalées sur quarante années de voyages, nous font défiler des décennies de conflits, de haine, implacable livre d'histoire qui fait froid dans le dos, en passant par le remarquable travail autour de vieux tirages de Louis Lafond durant la grande guerre, tout nous rappelle que le monde allait mal et que ça continue de plus belle.
C'est vrai que l'époque n'est pas gaie et les artistes présents à Vendôme l'évoquent tous d'une façon ou d'une autre. Patric Marin avec l'incongruité de ses animaux sauvages perdus dans les villes  nous rappelle la destruction par l'homme de leur habitat naturel. Eric Bouvet s'intéresse au sort des migrants, coincés à la frontière gréco-macédonienne dans une forêt de barbelés et gardés par des véhicules blindés de l'armée pour que surtout ils ne viennent pas envahir la riche Europe. Même Manon Rénier, prix de la ville de Vendôme, peut nous glacer le sang avec ses somptueux nus, fragiles et tellement humains dans une imposante forêt  de mousse.
Alors la promenade est donc sinistre à Vendôme ? Un peu sans doute car les créateurs font état du monde et comme le monde va mal... Mais rassurez-vous, on trouve aussi de l'esthétique ( chez Matthieu Ricard et ses beautés bouddhistes), de l'humour ( joli travail clin d'oeil de Jehan de Dubajoux, élève d'une école internationale de photographies dont les clichés se démarquent nettement de ses collègues, tous portés sur un mal être narcissique), des songes questionneurs  ( Yann Datessen et sa série "Le Léthé", histoire d'un couple ou tout ce que l'on a envie de mettre dans ces clichés qui se parlent l'un à l'autre), du joli ( "Le monde par tous les moyens" du Figaro Magazine qui lui n'est pas là pour faire réfléchir), du poétique à la Lewis Carroll ( intrigant travail de Madelaine Gamondés) et plein d'autres choses.
On pourra reprocher à ces promenades un manque flagrant de moyens. A part une ou deux expos, bien mises en scène ( coup de bol pour Manon Rénier ! ) , combien de tirages à même le mur ( presque collés à la Patafix...non j'exagère!) , pas encadrés, bizarrement exposés très bas ou aux cartels frisant le foutage de gueule ( Weegee). Mais qu'importe, la beauté et la pertinence de pas mal d'artistes nous font oublier ces petits inconvénients et se dégage surtout une véritable envie de partage et d'échange, symbolisée par la gratuité, comme une vraie ouverture à tous, pour prouver que la photographie est un art qui peut toucher, nourrir, émerveiller, faire réfléchir. Et pour cela, le pari est gagné !

dimanche 7 août 2016

Festival des jardins de Chaumont 2016, Jardins du siècle à venir.


Le thème du festival des jardins 2016 de Chaumont sur Loire possède un attrait certain. "Jardins des siècles à venir" ! Quoi de plus attirant que la vision de créateurs venus du monde entier pour dresser un état de notre futur, de façon pertinente et avec cette acuité propre aux artistes, vrais décodeurs de ce qui nous entoure et qui nous attend ( bien plus que Ursula médium depuis 40 ans au 06 98 32 ...) ?
Après avoir déambulé, surpris et émerveillé dans les 24 propositions d'artistes plasticiens de la nature, la première impression qui de dégage est : Demain,c'est hier !Alors que l'on aurait pu penser que les jardins de l'avenir seraient emballés dans une contemporanéité un peu froide, le retour à une nature foisonnante, nourricière sans excès mais aussi protectrice et rassurante prennent largement le dessus et nous interroge sur nos modes de vie.
Je résumerai ce festival en trois mots ou expressions : Nostalgie du passé , nourrir, méditer.

NOSTALGIE DU PASSE

Peut être parce qu'ils sont placés en début de visite, certains jardins prônent un retour en arrière flagrant, Avec ses cabanes faites de bric et de broc, rappel de celles où nos grand-parents entassaient moultes choses "pouvant servir", pots à confiture, bouteilles et autres emballages ou objets dépareillés, le passé m'a sauté à la gorge.


C'était par certains côtés un heureux temps où tout paraissait ordonné, à l'image des légumes bien alignés et des fleurs poussant par espèces. La modernité future fera fi de ce rangement. Comme pour effacer les dégâts de l'homme sur la nature, une certaine liberté règne dans les jardins. Tout se mélange avec harmonie, les fleurs, les longues tiges herbeuses, les légumes parfois.
On n'hésite pas à recourir à la débrouille, à la créativité façon art du pauvre : bordures en bouteilles de verre, solen cul de bouteilles plastiques,..


... ou en vieilles petites cuillères.


Casseroles, vieilles bouilloires, cafetières seront recyclées en pots de fleurs  viennent donner une touche personnelle plus humaine.


NOURRIR

Le chaos est passé ou pas loin. La montée des eaux, inéluctable. S'adapter ( en prévention) ou s'adapter aux catastrophes advenues devient nécessaire. Les jardins auto-suffisants nous sont proposés :
Jardins où tout se mange ou qui produit sa propre électricité grâce aux plantes !


Jardins, pour cause de montée des eaux, devenus verticaux.



Jardins où tout se recycle ou dont les plantes dépolluent et permettent l'obtention d'une nourriture plus saine.

MEDITER, SE RESSOURCER

La monde va vite, trop vite. Dans une société de loisirs où l'on a pourtant de moins en moins de temps, se poser pour méditer devient une nécessité absolue. le jardin devient un cocon, une bulle, dans lequel on fuira la fureur du monde et le chaos actuel ou à venir.



La maison accueillera la nature, le jardin et l'habitat ne feront qu'un. 



Les plantes participeront d'autant plus au bien être de l'homme qu'elles symboliseront plus que jamais la reconquête possible d'un monde plus respectueux de l'environnement.



C'est bien joli tout cela ... Ces concepts, ces idées généreuses ou inventives mais pour nos jardins d'aujourd'hui, quelles tendances, quelles idées piquer pour améliorer notre coin de verdure sans faire appel aux maîtres paysagistes ?
La première grosse tendance, c'est la pièce d'eau. OK, pas réalisable partout, pas toujours facile d'entretien...mais tellement reposante et paisible ! Pas question de trop la domestiquer, une intégration naturelle est souhaitable pour que vienne la sérénité lorsque l'on se posera devant elle.


La deuxième grosse tendance qui dure déjà depuis une bonne décennie, la récup ! On ne jette rien, on recycle tout, pour un effet campagne modeste d'après guerre. On notera toutefois que l'effet d'accumulation est toujours dans le vent...


... et que la mode des vanités peut gagner le jardin !



Au niveau des plantations, deux grosses tendances se dégagent.  L'allure d'un beau jardin sera donné par des plantes soigneusement choisies pour leur aspect grandes tiges fines, pas loin de l'herbe folle, qui au milieu de plantations aux apparences plus nobles apporteront à votre carré de fleurs, au mieux un air de liberté et de folie, au pire une allure de friche ( mais uniquement aux yeux des sous informés de la mode !)


La fleur à ne pas louper ? Le pois de senteur ! Oui, grand retour de cette grimpante dont la liberté de pousse et la fleur délicate s'intègrent parfaitement bien avec l'idée de vouloir laisser la nature s'infiltrer dans les moindres interstices de nos vies.


A noter, une grande première depuis des années : la réapparition de la fleur la plus ringarde du moment, symbole absolu du vieillot, de l'ornement d'église, de fleur de mamies : le glaïeul ! ( Bon, ok, dans un jardin des plantes oubliées...) Est-ce le premier pas vers une réhabilitation ? Offrir des glaïeuls à Suzanne, Jeanne, Raoul et Arsène ( prénoms en vogue ) ne serait-ce pas le symbole d'une future branchitude ?


Quoiqu'il en soit, si vous passez pas loin de Chaumont sur Loire, arrêtez-vous et allez au festival. C'est un régal pour les yeux, l'esprit, une magnifique balade dans un lieu magnifique où en plus vous pourrez admirer de surprenantes et splendides oeuvres contemporaines qui agrémentent admirablement ce site déjà superbe. Mention spéciale au personnel qui nous accueille et nous guide avec attention, gentillesse et une envie de partage exemplaire ! C'est tellement rare que je tenais à le souligner !

Retrouvez la visite du festival 2018 ICI

vendredi 5 août 2016

Marvin Jouno - Si le vous vous plaît





La compil de l'été n°4



Il m'est impossible de ne pas avoir dans ma compil de cet été un titre de Marvin Jouno ( D'ailleurs, son album complet fait partie de la compil, mais je joue le jeu d'un seul titre par chanteur).

Sans doute l'album le plus prometteur de cette année. Pas un seul titre qui laisse indifférent, que du bon, du très bon même. Auteur, compositeur, interprète, la chanson française va devoir compter avec Marvin Jouno. D'ailleurs, pas plus tard qu'hier, j'ai pu vérifier sa prestation scénique devant un public pas acquis d'avance. Imaginez un concert gratuit, dans la bonne ville de Blois qui avait installé le chanteur sur une petite scène, au fond d'une petite place . 21h.  Quelques personnes posées timidement aux abords de la scène, seul un groupe de personnes handicapées (  qui danseront et apprécieront la prestation) conduites par leurs moniteurs à l'affût de la bonne aubaine pour des sorties non payantes vu les budgets alloués, occupait un petit espace devant mais sur le côté. 21h10, le concert débute. On sent le chanteur fébrile. Quelques personnes arrivent, attirées par le bruit. Pas facile de défendre des textes exigeants, littéraires, bourrés de références cinématographiques dans de telles conditions. Mais petit à petit, la musique, la voix bien posée du chanteur font grossir le nombre de spectateurs qui approchent et commencent à faire masse. Le concert, bien dosé, va crescendo. Marvin Jouno gagne en confiance, sent le public qui accroche. Les chansons s'enchaînent. Marvin Jouno a une voix plus assurée et débarrassée des petites tonalités à la Jean-Louis Murat qui affleuraient de temps en temps sur l'album. Le concert se termine judicieusement avec deux titres bien rythmés qui électrisent le public.  22h15. C'est fini et ô surprise le public reste et en réclame encore ( moi aussi bien sûr!). Un monsieur à côté de moi, alors qu'il n'avait jamais entendu parler du chanteur, réclame de réentendre "Dans l'étang" , en fin non, celle qui parlait de "prendre son temps". Un rappel visiblement inattendu pour le chanteur et ses deux musiciens qui refont "Quitte à me quitter" ( Hélas "panorama", chanson forte et intimiste est réservée aux scènes fermées) .
Belle soirée et jolie performance face à un public qu'il a fallu  harponné fermement et qui prouve que Marvin Jouno défend sur scène ,largement aussi bien que sur disque, ses compositions. Que ceux qui ne les connaissent pas encore se dépêchent de le faire avec une petite précision : risque d'addiction plus que probable !

Aller hop, une autre vidéo pour le plaisir !


lundi 1 août 2016

Watertown de Götting


De Götting ( Jean-Claude de son prénom), je connaissais que ses illustrations des célèbres couvertures des Harry Potter dans sa version française. C'est donc avec curiosité que je me suis plongé dans "Watertown", album se présentant sous un aspect assez mélancolique. Le personnage au premier au premier plan, un peu mystérieux dans ce gris dominant, évoquait pour moi un personnage allemand ou autrichien alors que le second plan, avec sa course d'aviron, me dirigeait vers quelque chose de plus britannique, genre Cambridge ou Oxford. J'avais tout faux sur  toute la ligne, même si l'histoire se déroule en partie à Cambridge, mais ville des Etats-Unis située dans le Massachussets !
C'est mystérieux un album de bande dessinée, mais dès la première page, j'ai été accroché malgré un dessin aux apparences figées et un texte très littéraire. De la fusion de ces deux éléments qui pourraient sembler porteurs de lourdeurs, naît instantanément une véritable atmosphère, mystérieuse et douce à la fois, renforcée par les tons gris et ocres qui accompagneront ce récit jusqu'à la fin.
J'aurai bien changé le titre "Watertown", nom de la ville où habite le personnage principal,en " Demain, je ne serai plus là !", phrase prononcée par la vendeuse de sa boulangerie et qui provoquera bien des remous dans la tête de Philip, petit employé d'assurance transparent. De cette phrase, suivie de la mort du boulanger, l'esprit un poil romanesque du solitaire Philip va s'enflammer. De hasards en raisonnements alambiqués, cette femme hantera littéralement la vie de cet homme qui n'aura de cesse de prouver une vérité peut être juste sortie de son esprit. La Maggie qui a prononcé la phrase du début, n'est-elle pas maintenant cette Marie qui tient cette brocante à l'autre bout de l'état ? Et cette femme n'aurait-elle pas tué le boulanger ?
Derrière l'aspect policier de l'intrigue, tapie en arrière-plan, l'immense solitude du héros, transcende le récit où la quête obsessionnelle de cet homme ressemble à un dernier baroud d'honneur pour essayer de ne pas sombrer trop vite dans un anonymat qui ressemble à une petite mort. On a autant envie de savoir le fin mot de l'histoire que le devenir de Philip.
On referme "Watertown" avec l'agréable impression d'avoir accédé à une oeuvre riche, pleine, un peu secrète. L'extrême beauté des illustrations confère à cette histoire une mélancolie certaine tout en sublimant une histoire qui tient parfaitement la route. On ne peut être que toucher par ce personnage solitaire, mais aussi par un texte fort bien écrit. Devant un album pareil, on se dit que la bande dessinée nous offre des oeuvres dignes de la meilleure des littératures !





jeudi 28 juillet 2016

Comme des bêtes de Chris Renaud



Le principal handicap de "Comme des bêtes" sont ses teasers et ses bandes annonces. Ils souffrent du syndrome dont devraient se méfier les distributeurs, celui qui donne à penser qu'ils contiennent le meilleur. Une fois cette petite lampe de doute allumée, s'installe alors dans le spectateur potentiel, une hésitation : J'y vais ou j'y vais pas ? ( La question se posera moins si l'on est accompagné dans la vie d'enfants entre 4 et 12 ans). J'attends (au choix selon la technologie employée) la sortie en DVD, en VOD, sur Canal ou je cherche à le télécharger dans une version gratuite et un peu pourrie ? Au final, l'envie de se distraire et voir la chatte Chloé pourvue de la voix de Florence Foresti  qui ont fait la différence ( et peut être aussi l'excellent souvenir " Zootopie", récente production animée ).
Chaussé de mes lunettes 3D , me voilà soudain transporté dans un New-York éclatant de couleurs, faisant connaissance avec tout un tas d'animaux domestiques tous plus drôles et craquants les uns que les autres. L'animation s'avère bien sûr au top, les chiens donnent envie de jouer à la baballe et les chats de se faire caresser. Tel un bon vieux matou, je me love confortablement dans mon fauteuil et me régale de ce début prometteur et craquant.
Le problème dans ce genre de production, c'est l'intrigue, jamais bien originale, qui se  résume la plupart du temps à une course poursuite entres des bons et des méchants, avec parfois la variante du héros perdu dont le chemin de retour est semé d'embûches.
Ici, on n'y coupe pas, ce sera un cocktail des deux ! Pas plus mal ficelé qu'ailleurs mais pas franchement neuf non plus, le film, taillé pour la 3D, enfile ses descentes vertigineuses, ses plans au bord des buildings, ses serpents qui viennent vous chatouiller le bout du nez avec une régularité de métronome. Heureusement pour le spectateur, les personnages parviennent à exister pleinement comme Pompon le lapin très très méchant ou Gidget l'adorable chienne amoureuse ( avec la formidable voix de Dorothée Pousséo), qui, entre gags et répliques bien senties, font oublier les faiblesses de la ligne générale de l'intrigue.
"Comme des bêtes " est un divertissement sympa, très très coloré et qui plaira à tous les amis des chiens et des chats, mais sans doute pas une réussite majeure.
Ah, avant de terminer, pour tous ceux qui savent que parfois, dans ce genre de film, de nouvelles scènes apparaissent durant le générique, vous pouvez commencer à rallumer votre portable après la scène du bal masqué qui intervient sitôt les producteurs et réalisateurs cités. Il n'y a plus rien après... Et si vous brûlez d'envie de  savoir qui chante le générique de début, c'est Taylor Swift, pas la peine de se coltiner les noms des 2524 formidables animateurs ( la plupart français)...




mercredi 27 juillet 2016

Marianne est déchaînée de Marlène Schiappa


Petite mise au point : 
Marlène Schiappa est adjointe au maire de la ville où j'habite et blogueuse ( en version nettement plus clinquante que moi). Deux points communs qui pourraient amener à penser qu'une certaine connivence me pousse à parler de son dernier livre ou même un certain parti-pris politique. Je mets les choses au clair tout de suite. Je n'ai jamais rencontré Mme Schiappa ni même croisé  ( contrairement à sa rivale de droite " la femme du garagiste" ). Aux dernières élections départementales, électeur de sa circonscription, j'ai voté pour elle sur la base de son programme sans réellement connaître son action d'élue municipale ( je ne lis que très peu  la presse locale). Son livre m'a été prêté par une amie et c'est avec un regard sans préjugé et sans connivence que je l'ai lu. 

Marianne, prénom très républicain de l'héroïne, fraîchement débarquée dans la préfecture de la Sarthe avec mari, enfants en bas âge et une certaine notoriété ( créatrice de MQT, Mères Qui Travaillent, fondation agréée par l'ONU), se retrouve en bonne place sur la liste du maire sortant aux dernières élections municipales. Encartée nulle part, représentante flamboyante de la société civile, son physique avenant la fait tout de suite détester par la quasi totalité de ses colistiers. Une fois élue, petite protégée du maire très satisfait d'avoir dans son conseil municipal une personnalité un peu médiatique, elle deviendra adjointe déléguée à l'égalité. Le récit dévoile les rouages d'une mairie d'une ville importante, ses crispations, ses jalousies mais aussi ses combats, ses valeurs, le travail acharné fourni. 
En femme pressée qui travaille dur, Marlène Schiappa doit être une pro du maquillage rapide, technique qu'elle applique à son livre, mélange hybride d'anecdotes de ses premières années de mandat, de conseils pratiques et d'ouvrage politique. Alors, je te change quelques noms ici, je te malaxe quelques situations là et hop, ça fera bien un roman ( à clés bien sûr). Hélas, ce relooking de souvenirs à chaud, trop souvent proposés sous forme de listes ou de conseils, sa grande spécialité...littéraire, ne fait nullement une oeuvre romanesque. Un travail éditorial hasardeux essaie d'y glisser une vague intrigue : Tout le monde déteste Marianne au début, mais son courage, son travail, ses valeurs vont, petit à petit, la faire aimer de tous à la fin. Un peu Harlequin donc. et bien que rehaussé par une petite louchée d'humour chick-lit, le livre s'essaie à la légèreté sans y parvenir vraiment. Marlène Schiappa n'a sans doute pas le recul nécessaire pour bien  digérer l'expérience et les anecdotes acquises et les transformer en réel matériel romanesque. 
Cependant, tous les efforts de l'auteur ne sont pas vains. Hormis le fait qu'il est totalement évident que Marianne est Marlène, que tout le reste est loin d'être de la fiction, donnant ainsi un côté roman à clé à l'ensemble et qui contribue localement à lui donner un côté sulfureux, le récit est tout de même une immersion  convaincante dans les coulisses d'une municipalité.  Que vous habitiez Saugnac et Cambran ou Boulet les Ifs, vous apprendrez beaucoup sur le fonctionnement d'une mairie importante, ses commissions, ses délibérations, sans lourdeur pédagogique  descriptive.  
Et quand on habite comme moi la ville où se déroule l'action, on apprend que nous avons des élus formidables et bosseurs, qui gèrent efficacement une ville dont le maire est un énarque bonhomme, courtois et dont l'expérience et l'amour pour la vraie démocratie participative en fait un vieux sage comme on en fait plus. Bien sûr, une pensée mauvaise m'a effleuré. Et si tout cela n'avait été écrit que pour raffermir un peu plus l'image de son auteur ? Car elle est formidable Marianne/Marlène! Bosseuse, dynamique, souriante, totalement investie dans les affaires de la cité, défendant la femme battue, l'IVG, les minorités, la cause LGBT, ses défauts apparaissent comme anodins. Oui, elle arrive parfois en retard à la crèche mais qui l'en blâmera vu le travail abattu ? Elle regarde des films érotiques sur internet ? Qui ne le fait pas surtout quand la politique prend énormément de place dans son couple ? Ce livre est certes un témoignage mais également une autobiographie  politique comme il en existe beaucoup, une présentation glorieuse et publicitaire pour parfaire une image. Est-ce mal dans un monde de vitrine, d'image et d'ambition ? Peut être... Peut être pas. Mais en tant qu'électeur, savoir que mon vote peut aller à une personne qui défend vaillamment et courageusement la solidarité, la fraternité, l'égalité, pour qui la laïcité n'est pas un vain mot, qui ose affronter avec brio le Front National, reste quelque chose d'éminemment rassurant. Car voyez-vous, au-delà du petit côté rigolo et léger de "Marianne est déchaînée", et même s'il l'on perçoit la personne ambitieuse, on ressent aussi fortement que de grandes, belles et vraies valeurs lui sont chevillées au corps et ça, dans un monde devenu déboussolé, c'est quand même une excellente nouvelle.  

mardi 26 juillet 2016

Lorette de Laurence Nobécourt


Attention exercice périlleux. "Lorette" est le témoignage de la renaissance d'une femme, un cri littéraire rare, voire inédit, la description précise, viscérale, d'un passage de la noirceur à la lumière. "Lorette", court récit, dense, ardu, exhale de toute part une vérité non camouflée, réelle. "Lorette" m'a prodigieusement rasé. 
Difficile donc d'être négatif devant l'absolue sincérité de ce texte sans passer pour un (au choix) connard, idiot, inculte, insensible, péteux. Pourtant je vais assumer cette non-rencontre avec ce texte qui dès les premières pages m'a agacé par son côté " je me prends la tête avec pas grand-chose". 
Au départ, nous avions une auteure, Lorette Nobécourt ( que je ne connaissais que de nom). A 45 ans elle retrouve son vrai prénom donné à sa naissance, Laurence. Lorette lui a été donné par ses parents vers ses trois ans pour ne jamais la quitter (sauf à l'école). Beaucoup auraient vu dans cette nouvelle appellation, un joli diminutif, plus doux, plus sautillant. L'auteure, non ! Elle y voit le symbole de la putain et c'est par esprit bravache, qu'à l'adolescence elle l'adoptera complètement jusqu'à aujourd'hui, où, soudain, Laurence qui était " l'eau rance"  devient "l'or en soi". Vous suivez ? Pas trop ? Pourtant je vous fait grâce des étymologies diverses et lointaines, ainsi que ce discours autour des vibrations et des couleurs de chaque lettre du fameux prénom qui rendent ce changement encore plus obscur à mes yeux de mâle mauvais lecteur. Sont convoqués aussi pour justifier ce passage, Deleuze, Debord, Foucault, Delpech ( non pas lui, évidemment ! Ce que je suis bas de gamme, même si on pense très fort que ses parents se sont peut être connus sur ce tube... ) 
Tenez, les parents parlons-en, car ces derniers semblent au coeur du problème ( et avoir inspiré pas mal des romans précédents de Laurence Nobécourt). Non contente d'avoir eu de l'eczéma durant toute la durée de son appellation Lorette, elle s'est coltinée des parents pas aimants, surtout une affreuse mère, mais aussi, caché derrière l'alcôve, un tonton avec qui elle a eu des rapports sexuels à 18 ans. Ca n'aide pas, j'en conviens, même si elle est loin d'être la seule. S'en suit une émouvante lettre à sa génitrice pour tenter une ultime conversation pour remettre tout à plat. L'émotion affleure mais, coeur sec, sans doute, je me disais dans ma tête de mâle : " Mais bon sang, Laurence, coupe définitivement les ponts, surtout avec des personnes toxiques ! En général, leur fond mauvais les rend imperméables à toute remise en question." Je ne suis ni femme, ni Lorette/ Laurence, je ne comprends pas cet acharnement à vouloir qu'une Folcoche la regarde et qui du coup la maintient, c'est évident, dans une nuit personnelle intense. 
Heureusement pour Lorette, elle va attraper une pneumonie qui va solutionner tout cela ! Je ne plaisante pas, vous ne connaissez pas les pouvoirs bienfaisants de cette maladie ! D'ailleurs, elle résume cela très bien en écrivant : " Parce que l'on n'assimile réellement une connaissance qu'en l'intégrant avec son corps, j'intègre, par la pneunomie , la vibration lumineuse  des lettres de mon nom." Certes, elle a de la fièvre, elle est affaiblie, mais c'est à ce moment là que tout devient amour pour elle. Après la trituration psychologique, voici venir la guérison par le mysticisme. La lumière entre en elle; " Me voilà avec la sensation d'être comblée à un endroit de moi-même dont j'ignorais qu'il fut troué." écrit-elle,  et un peu plus loin : " La pneumonie c'est le chemin du "je" au "tu", ou comment passer au Toi manifesté en toute chose qui est Lui." Lumineux pour l'auteur, pour moi, nettement moins... 
Bon je l'ai dit, l'ouvrage m'est passé à côté. J'ai pensé que la dame manquait de simplicité et qu'elle se triturait un peu trop le cerveau pour solutionner son mal de vivre qui est évident. Reste, un texte halluciné, hallucinant de franchise embrumée, qui correspond évidemment à la réalité de l'auteure. Pour cela, je ne peux que m'incliner et m'excuser d'avoir été un peu mordant plus haut, résultat d'une grande incompréhension, d'un désarroi face à un récit trop complexe et sans doute, très éloigné de mon appréhension du monde. Cependant, et c'est pour cela que la littérature est importante, elle nous permet justement de pénétrer dans des lieux inconnus. Mais la lumière n'apparaît pas à tous les coups et pour "Lorette", je cherche toujours l'interrupteur !