samedi 28 mars 2015

Oriana, une femme libre de Cristina de Stefano


Je l'avoue, je n'avais qu'un lointain souvenir d'Oriana Fallaci, me rappelant seulement l'avoir aperçue à l'époque sur le plateau d'Apostrophes pour un de ses romans  qui furent des best-sellers dans les années 70/80 mais que je n'avais pas lus. C'est donc vierge de toute connaissance que j'ai abordé cette biographie.
Ecrire une bonne biographie est un exercice compliqué. Comment rendre justice à une vie ? Quel point de vue adopter ? Narration critique ? Hagiographique ? Linéaire ? Transversale ?  S'effacer derrière son personnage ou fouiller pour lui faire dire ce qu'il a peut être caché ? Cristina de Stefano devant la personnalité d'Oriana Fallaci choisit la simplicité : de la naissance à la mort, en essayant d'être le plus objective possible, estimant que la vie absolument romanesque et fantastique de la plus grande journaliste italienne de son époque (et peut être mondiale) fera de toutes les façons la différence. Et elle a sans doute eu raison pour un lectorat découvrant ce personnage haut en couleur.
Au fil des pages, je n'ai pas arrêté de me dire : Quelle femme ! Quelle vie ! L'adolescente faisant de la résistance dans l'Italie fasciste, deviendra la journaliste mordante, intransigeante, courageuse, qui parcourra le monde et interviewera tous les grands hommes politiques de l'époque, des démocrates jusqu'aux plus infâmes des dictateurs. Elle fut aussi une reporter intrépide qui n'hésitait pas à aller au coeur des conflits, accompagner les soldats durant la guerre du Vietnam, mettre son nez au Liban ou en Israël. On lui devra de magnifiques portraits, pas toujours gentils, de stars en tout genre, un livre étonnant sur la conquête spatiale et des romans ou essais qui diviseront les lecteurs mais connaîtront un succès planétaire.
Elle fut une femme pour qui son sexe ne fut jamais un obstacle. Elle s'est imposée partout, à tous. Son maître mot fut COURAGE. Elle s'imposa comme journaliste dans un pays de machos sans vraiment avoir à utiliser de son charme pourtant évident.  Elle devint l'amie des astronautes américains qui emportèrent sa photo sur la lune ( ok, ce n'est pas du courage mais juste un hommage à sa personne). Elle dormit sans problème dans la jungle vietnamienne, seule femme au milieu de trois cents hommes. Elle fut blessée lors de certains conflits mais continua sans faillir son métier de reporter, rapportant au lecteur sa vérité, jamais déformée.
Elle n'eut pas que du courage physique. Elle fut la seule journaliste au monde à s'enfermer avec tout ce que l'univers compte d'hommes de pouvoir pour les cuisiner durant des heures avec des questions que personne n'osait leur poser. Elle demandera ainsi à Indira Gandhi, alors en conflit avec le Bangladesh, si cela ne la dérange pas de parler de guerre alors qu'elle a été éduquée à la non-violence ou à traiter d'idiot le dictateur haïtien Jean Claude Duvalier parce qu'il répondait à ses questions par la lecture de phrases toutes faites, écrites par un conseiller.
On découvre donc une femme fascinante et entière. Autant elle était une  redoutable journaliste autant, quand elle était amoureuse, pouvait être une carpette pour l'homme aimé. Mais quand elle avait usé sa passion jusqu'à la corde, elle coupait irrémédiablement les ponts à jamais. Elle n'a pas eu besoin d'être féministe, elle était l'incarnation même du féminisme parce qu'il était totalement naturel pour elle de faire tout, en totale liberté.
Décédée en 2006, elle laissera la trace d'une femme libre et insoumise. A relire certains de ses articles, on se dit que c'est une voix qui manque de nos jours car, personne, aucune femme, aucun homme aujourd'hui n'a repris le flambeau. Qui oserait demander au pape : "Que pensez-vous de l'inquisition ? " ou " Peut-on vous demander si vous avez été amoureux ? " ou "Pourquoi l'Eglise est-elle tant obsédée par le sexe ? ", questions qu'elle s'apprêtait à poser à Jean Paul II si celui-ci n'avait refusé l'interview ou à un Khomeini d'aujourd'hui : "Pourquoi il veut faire replonger son pays dans le Moyen-âge? ".
La biographie paraît bien sage par rapport à son sujet, et c'est un peu dommage. Mais l'auteur a  fait confiance à la puissance de la personnalité qu'elle fait revivre et elle a sans doute eu raison.
Quelle femme ! (Je le répète...)
Un récit à faire lire d'urgence à toutes les jeunes filles d'aujourd'hui en espérant que beaucoup s'en inspirent, le monde en a cruellement besoin. 

1 commentaire:

  1. Je ne suis pas trop biographie. Pourtant cette femme m'intéresse beaucoup

    RépondreSupprimer