dimanche 24 septembre 2017

Faute d'amour de Andreï Zviaguintsev


Dès les premiers plans, nous savons d'emblée que nous n'allons pas rire du tout dans "Faute d'amour". Ces arbres recouverts de neige qu'une caméra contemplative balaye doucement puis ce plan d'école, avec ces lourds piliers qu'aucun bruit ne semble faire vivre et qui s'anime avec une sortie d'élèves rappellent tout de suite qu'André Zviaguintsev se place sous l'égide de Tarkovski et d'Antonioni. Le réalisateur va attraper au passage un petit garçon, le suivre avec un court travelling puis l'enfant disparaît de l'écran, résumant ainsi admirablement son destin cinématographique. Cet enfant blond aux yeux bleus vit chez ses parents dont un divorce en cours rend les rapports on ne peut plus conflictuels. C'est après avoir surpris une conversation entre ses deux géniteurs qu'il disparaîtra, préférant la fuite à un placement dans un internat.  Aussi bien père que mère, aucun n'a envie de s'encombrer d'un gosse dans une nouvelle vie déjà bien remplie.
On l'aura compris, aucun échappatoire n'existera dans cette description sombre, très sombre de nos vies contemporaines. Et si le film peut parfois paraître trop souligner tous les travers du quotidien et notamment l'utilisation d'écrans qui coupent la communication entre ces êtres égoïstes vraiment tentés par une vie sordidement clinquante, ce discours se trouve magnifiquement dilué dans une mise en scène ample, aux plans magnifiquement composés et jouant sur un timing lent qui accentue subtilement le malaise qui court durant  plus de deux heures. De tout cela, surgit en creux à la fois un portrait sans pathos de l'enfance mal traitée psychologiquement mais aussi une image de la Russie d'aujourd'hui qui se débat entre un passé étouffant et un présent compliqué, plus proche de la ruine que personne ne veut vraiment reconstruire, préférant faire triompher une médiocrité égoïste bien loin de ce supposé esprit collectif du siècle dernier.
Faute d'amour, un enfant disparaît, faute d'amour, un pays aussi. Cela semble être le message voulu par Andreï Zviaguintsev, qui prouve encore une fois qu'il est le plus grand cinéaste russe actuel, imprimant dans nos esprits des images inoubliables.


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2 commentaires:

  1. Bonjour Pierre, un film qui vous remue. Je ne peux pas oublier les pleurs d'Aliocha qui restent sans effet. Bonne journée.

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  2. Bonjour Pierre
    On sort du cinéma avec l'impression d'avoir pris un coup au ventre...

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