mardi 12 février 2019

Comment tout a commencé de Philippe Joanny


Des souvenirs d'adolescence, la découverte de l'homosexualité chez un garçon, une famille dysfonctionnelle sont le fil conducteur de ce premier roman. A priori, rien de bien original,  du déjà lu et relu maintes fois depuis au moins des décennies. Et pourtant, il émane de ce texte, très joliment écrit et composé, un vrai charme dû à la fois au talent de son auteur mais aussi à d'autres ingrédients qui se mélangent fort bien avec les thèmes précités : la description d'une époque, celle "des derniers vestiges en noir et blanc" d'un quartier parisien ( celui du secteur Bercy/Austerlitz)  qui disparaît peu à peu pour laisser place à un palais omnisport, un opéra et les immeubles modernes qui vont avec.
Le roman débute à fin des années 70 pour se terminer aux alentours du revirement libéral de François Mitterrand, années qui coïncident avec l'arrivée du SIDA. Le jeune narrateur, 11 ans au début du roman, va petit à petit grandir et connaître les affres de la préadolescence. Son regard va s'ouvrir avec plus d'acuité sur un monde que l'enfance lui faisait apparaître plus doux. Habitant près d'une gare,  dans l'hôtel sans étoile tenu par ses parents, les occasions sont nombreuses pour découvrir la vie sous des facettes pas toujours les meilleures. C'est aussi un terrain de jeu où les bouleversements du corps et les assauts inexorables d'une sexualité balbutiante peuvent trouver quelques réponses. Mais qu'il est difficile quand on est un garçon finalement très couvé et protégé par une mère débordée et en perpétuelle guerre avec un mari certes fin bricoleur mais coureur, de se découvrir différent. Il y a presque 50 ans, on ne parlait encore que peu de cela, surtout dans un milieu traditionnel, même parisien. Et quand l'épidémie du SIDA pointe son nez mauvais, avec ses commentaires nauséabonds laissant supposer tout et n'importe quoi, très difficile pour ce garçon d'envisager un avenir serein.
Avec une justesse de trait imparable, Philippe Joanny brosse deux splendides portraits, celui de cette époque qui va vraiment faire basculer la  France dans une nouvelle modernité, voir disparaître pour toujours les dernières reliques d'un univers d'après-guerre, où naissent deux calamités, la maladie citée plus haut et le FN et celui d'un jeune homme troublé par la sexualité qu'il découvre. Sans fard  mais sans voyeurisme, l'auteur n'occulte rien et peint ainsi avec précision ces années grises. La petite et la grande histoire se mêlent avec harmonie. Si une grande nostalgie plane sur ces pages très visuelles, sourd toutefois cette tension perpétuelle dû au SIDA qui a serré les coeurs de toute une génération. Cette chronique aussi poignante que juste, reste un très agréable moment de lecture.

Merci à BABELIO et aux éditions Grasset pour la découverte de ce roman. 

1 commentaire:

  1. Il est terriblement attachant ce jeune Philippe (même prénom que l'auteur d'ailleurs?)

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