jeudi 15 août 2013

Résultats du concours de l'été.

Merci à tous les participants (382) qui ont bien voulu jouer le jeu de se dévoiler un peu en me donnant le livre qu'ils étaient en train de lire. (ainsi que pour les mots sympas qui accompagnaient la réponse).
Beaucoup de diversité dans les lectures. Si l'on trouve bien évidemment les livres phares des listes des meilleures ventes ( Levy, Musso, les nuances de gris, ....) d'autres sont plongés dans des classiques, des polars ou des titres et des auteurs peu connus. Mais un genre semble se détacher parmi tous les participants : le fantastique, l'héroïc-fantasy .
Mais trêve de bavardage, il est temps de révéler les trois gagnants que je viens de tirer au sort :

Noëlle BAYLE de Sermentizon gagne La pendue de Londres de Didier Decoin
Kanitha CHHEA de Noisiel gagne La première chose qu'on regarde de Grégoire Delacourt
Lucile BARRET de Saint Etienne gagne " 7 rêves de pierre" de Blandine LE CALLET

 Bravo aux gagnants qui recevront dans les prochains jours leur lot  !


mercredi 10 juillet 2013

Concours d'été


Sans connivence est en vacances
Retour le 16 août
Participez au petit concours d'été
(répondez à la petite question jusqu'au 14 août minuit )

Le beau temps étant enfin arrivé, l'envie de faire une pause estivale est là. Les chroniques reviendront à partir du 16 août prochain. Pendant ce temps, je vais m'aérer, lire pour le plaisir sans avoir à écrire quelque chose après.
Comme l'an passé, j'organise un petit concours.
Pour  participer c'est simple : il suffit d'envoyer un mail à sansconnivence@gmail.com 
et de répondre à cette question :
Quel livre lisez-vous en ce moment ? 
N'oubliez pas d'indiquer vos noms, prénoms et adresse !
Le 15 août, je tirerai au sort parmi les participants , les gagnants recevront un des trois romans mis en jeu : 
La pendue de Londres de Didier Decoin
Dix rêves de pierre de Blandine Le Callet
La première chose qu'on regarde de Grégoire Delacourt
Vous pouvez dans votre mail indiquer le livre que vous souhaitez recevoir si vous êtes tiré(e) au sort.

Bonnes vacances à tous et à très bientôt j'espère !!!

mardi 9 juillet 2013

A moi seul bien des personnages de John Irving



Après quelques romans guère emballants, c'est malgré tout avec envie que je me suis plongé dans le dernier roman de John Irving "A moi seul bien des personnages". Il faut dire que les éditions du Seuil avaient mis  le paquet côté promotion : venue de l'écrivain au moment des manifs contre le mariage pour tous, longs entretiens dans toutes les bonnes émissions radios ou télés ( bon d'accord, à la télé, plus court), articles de presse élogieux sur le thème du grand retour du grand écrivain tant aimé autrefois. Bref, accord total pour dire que c'était là son meilleur livre depuis longtemps et, qui plus est, autour d'un thème à la mode qu'il effleurait seulement dans ses ouvrages précédents mais qu'ici il abordait frontalement : la bisexualité. 
Les presque 500 pages de l'ouvrage, mélange astucieux de sexe, de références théâtrales et de clins d'oeil à ses livres précédents, ont procuré au lecteur que je suis un plaisir évident. John Irving, l'âge aidant, se lâche totalement tout en  retrouvant ce qui faisait son charme à ses début, cette puissance romanesque et fantasque incroyable mais ici nimbée d' un ton plus crépusculaire, donnant un petit côté testamentaire ou liquidation avant fermeture à ce roman.
Difficile de résumer cette histoire qui se déroule en grande partie dans les années 1959/1963. Billy, (un peu, beaucoup John Irving ? ) est un jeune homme en cours de formation bien sur  mais se posant beaucoup de questions sur sa sexualité. Aussi bien attiré par les femmes que par les hommes, il n'arrive pas à trancher tant qu'il n'a pas vraiment essayé les deux... et essayer n'est pas simple dans une Amérique puritaine. Pourtant entouré d'une galerie de personnages assez atypiques de profs ou de bûcherons, tous passionnés de théâtre et renfermant des secrets bien souvent sexuels, son parcours ne sera pas toujours facile. Ce sont ses amours non consommées puis assumées qui seront le fil conducteur du livre. Description minutieuse et talentueuse de cet âge indécis et balbutiant, ce lent parcours vers une sexualité épanouie est vraiment réussi, mélange de finesse psychologique, esprit d'ouverture et de romanesque flamboyant. L'initiation du jeune Billy est un régal d'humour et de tolérance. Entouré de parents, voisins et amis franchement grâtinés, John Irving, grâce à un savoir-faire retrouvé, arrive à faire passer le plus incroyable. Il nous donne à penser que cette petite ville du Vermont est le reflet de n'importe quelle bourgade, comme si mon bourg natal de Soustons (5000 habitants dans les Landes) renfermait un lot assez important de travestis, transexuels et autres personnages aux fantaisies diverses et variées. Pour s'en apercevoir, il suffit de lever un tout petit peu un coin du voile pudique que revêt le monde, pour mettre à jour une sexualité bien moins binaire que les apparences veulent bien le laisser croire. 
Ce postulat romanesque et bien mené est réjouissant, mais le dernier livre de monsieur Irving possède d'autres strates un tout petit peu moins grand public, donnant à cet ouvrage son statut d'oeuvre plus complexe qu'il n'y paraît.
Tout d'abord, il y a de nombreuses références au théâtre ou à la littérature, qui, sans réellement alourdir l'intrigue, apportent au livre sa caution intello. Shakespeare, Ibsen, Tennessee William, Dickens, Flaubert sont au rendez-vous, soulignant de façon littéraire les émois divers et variés des protagonistes de cette histoire qui vont s'aimer, se haïr, se révéler au fil de paragraphes souvent hilarants, mais qui auraient eu le mérite d'être un tout petit plus ramassés. Le côté "regardez comme la littérature illumine notre vie" est un peu trop appuyé.
L'autre strate de ce roman s'adresse à ses fidèles lecteurs. On y retrouve tous les éléments qui hantent son oeuvre depuis "Le monde selon Garp", l'enfant au père absent, inconnu ou nébuleux, la maîtrise de la maternité par les femmes, le travestissement, la lutte gréco-romaine, ... Il ne manque que les ours (même si vaguement évoqués sous la forme de gros gays poilus). Seulement ici, et sûrement parce que John Irving arrive à un âge où l'on se contrefout de son image, ces thèmes sont abordés frontalement, sans faux-semblant et ont un parfum autobiographique évident. 
"A moi seul bien des personnages" est le livre le plus important de son auteur par son affirmation sans nuance, son quasi plaidoyer pour une bisexualité assumée et heureuse, mais aussi par son côté crépusculaire extrêmement émouvant. On sent la vie qui passe, les témoins de sa jeunesse disparaître un par un et la mort du héros (de l'auteur ?) qui rôde. Par contre, je ne pense pas que ce soit le livre qu'il faut lire d'emblée pour découvrir John Irving, on lui préférera ses premiers romans plus faciles d'accès. Une chose est certaine, John Irving est bien un des auteurs majeurs du continent américain, loin devant tout une cohorte de confrères appliquant scolairement les techniques trop éprouvées des ateliers d'écriture. Lui, il a un univers, un vrai, et des idées à faire passer, de celles qui font progresser les humains.


mercredi 3 juillet 2013

Le congrès d'Ari Folman


Avec un titre aussi peu vendeur, "Le congrès" a toutes les chances de passer comme une météorite sur les écrans. Et ce n'est pas son concept bicéphale qui va arranger un éventuel bouche à oreille. 
Nous avons en présence une partie du film en cinéma normal et une autre en dessin animé. Le lien c'est l'actrice Robin Wright, en réel d'abord dans son propre rôle, en héroïne cartoonesque ensuite. 
Belle, toujours, proche de la cinquantaine, une carrière faite de mauvais choix, Robin se voit proposer par un producteur un contrat qui lui interdit d'apparaître réellement sur un écran ou sur une scène. En échange, son image, ses expressions seront scannées et utilisées à satiété par le studio pour la  production de films de séries aux acteurs dématérialisés (plus de caprices, de retards, de questionnements, l'acteur est ainsi utilisé juste pour son image, voire son aura auprès des spectateurs). 
Cette première partie, questionne assez cyniquement le droit à l'image, la survie du cinéma réel. Bien jouée, bien mise en scène, on est emporté par le propos quand soudain, on se retrouve vingt ans après, avec une Robin (joliment) vieillie, au volant d'une Porsche et se rendant à une espèce de congrès d'animation. Pour entrer dans le palais de ce festival, elle doit avaler un produit qui lui donne une apparence de dessin animé. Et c'est parti pour une heure de délire visuel et scénaristique. Il est toujours un peu question de divertissement mais les choses se compliquent un peu. Robin apprend que bientôt son image pourra être consommée par les spectateurs comme un aliment, leur permettant ainsi de l'intégrer dans leurs rêves. Robin a beau être moderne, et vivre maintenant dans un paysage de fantaisie aux habitants délirants, son sang ne fait qu'un tour et tente de s'opposer à cette soi-disant avancée technique qu'elle juge totalitariste. A partir de là, entre images visuellement inventives mais trop foisonnantes, cryogénisation et recherche larmoyante d'un fils devenu aveugle (et sourd aussi, je crois), l'intérêt du départ se dilue un peu. Trop cartésien, j'ai eu du mal à suivre ses errances dans différents espaces réels ou virtuels. La science au service du spectacle pour que l'humain se transforme en personnage de cartoon et oublie ainsi une vie pénible dans le réel, manque pour moi de consistance. Le scénario semble alors, comme les images, partir dans toutes les directions. Reste Robin Wright, toujours aussi belle et dont la version animée arrive à être crédible grâce à sa voix sensuelle, heureusement conservée (ben oui, elle aurait pu avoir une voix à la Betty Boop !). Ah, un détail, mais qui ravira les admirateurs de l'actrice, elle chante dans le film ! ( Deux reprises : Forever young de Bob Dylan et If it be your will de Léonard Cohen, titres que l'on retrouve dans la BO du film).
On pourra toutefois aller découvrir ce film finalement assez original mais sans s'attendre au chef d'oeuvre de l'année. On ne peut pas avoir bonne pioche à tous les coups. Rééditer le succès de "Valse avec Bachir" n'est pas forcément évident. 


mardi 25 juin 2013

adopte un thon.com de Lynda Corazza


Je suis le travail de Lynda Corazza depuis son arrivée dans le secteur jeunesse aux éditions du Rouergue. J'ai beaucoup offert à de jeunes parents "Je veux un bébé ! (moi non plus)" et "Faites des gosses (qu'ils disaient) " ses BD fort réussies sur la maternité.  Avec "adopte un thon .com", elle intègre le créneau pas mal occupé des dessinatrices (souvent blogueuses) croquant la vie de jeunes femmes trentenaires façon Bridget Jones.
Bien que n'étant pas tout à fait la cible parfaite (cinquantenaire et homme), cette plongée dans les désarrois d'une célib' à la recherche d'un mec "romantique, sachant écrire correctement et proposant autre chose que ses attributs sur sa web cam", et utilisant les avantages d'un site de rencontre sur internet, m'a vraiment fait rire. On sent le vécu. C'est bien digéré, les dialogues bien écrits, les gags bien vus , le dessin parfaitement en rapport avec les personnages ni trop beaux ni vraiment moches et surtout, malgré le sujet, ça ne verse jamais dans la facilité. La force de cet album vient aussi que c'est, en creux, une fine analyse de nos rapports avec internet dans nos vies de tous les jours. Comment cet outil a fini par imposer sa suprématie  pour lier le monde de façon virtuelle mais qui n'empêche pas le réel. Oui, nous dit cet album, on peut trouver l'amitié ou l'amour sur internet. C'est vrai, il faut trier beaucoup, être patient, mais, finalement, en cherchant bien, on trouve quand même comme Lola , l'héroïne, le borgne ancien taulard de ses rêves. Il suffit de savoir lire entre les lignes les messages ou annonces publiés (comme quoi, malgré l'écran ou les téléphones, l'écrit est toujours à la mode et sert encore à quelque chose).
Un album parfait pour tous les célibataires en mal d'amour, aux solitaires en mal d'amitié et pour les grincheux pour qui ces techniques modernes apportées par internet sont diaboliquement enfermantes.



jeudi 20 juin 2013

Le monde enchanté de Jacques Demy


La première constatation quand on arrive à la cinémathèque pour la visite de l'expo Jacques Demy, c'est qu'il n'y a pas la queue. Soulagement d'éviter une attente trop longue avant d'accéder au cinquième étage du bâtiment où se tient l'événement. On se dit déjà que le cinéaste nantais n'attire pas les foules comme Stanley Kubrick ou Tim Burton les saisons précédentes.
Constamment cité comme grand inspirateur par une multitude de cinéastes, le réalisateur des "Parapluies de Cherbourg" est souvent synonyme auprès du grand public de films aux dialogues chantés (donc rasoirs), de comédies musicales (pas un genre qui plaît chez nous) ou de maniérisme coloré (trop féminin, trop kitsch). Personnellement, je suis un fan absolu des "Demoiselles de Rochefort" et de "Peau d'âne" et de son cinéma en général (sauf de ses deux derniers longs métrages....) et parcourir ces décennies de création a été un réel plaisir. Superbes photos de plateaux, documents personnels, larges extraits de films mettant en avant les nombreuses thématiques de l'auteur, bouts de décors, costumes recréés ou originaux, sont là pour raviver la flamme du souvenir et surtout recomposer un moment cet univers si fascinant. Musiques, chansons, villes, ports, marins, filles fragiles mais fatales, comédiens s'interpellent par delà les années. Cet imaginaire coloré forme un tout très cohérent et formidablement mis en valeur par cette exposition.
Seulement, j'y mettrai quand même un bémol. je ne sais pas si c'est voulu, mais la multiplicité des bandes-son se mélangent beaucoup trop dans cet espace. Si l'on ferme les yeux, ces chansons et ces bouts de dialogues forment une féérie sonore émouvante et nostalgique. Mais lorsque l'on essaie de se concentrer sur la vision et surtout à l'écoute d'un extrait, cela finit par devenir un peu pénible.
Et puis, il faut l'avouer, j'ai été un peu déçu tout de même par la scénographie de l'exposition.
L'an dernier, à Nantes, passage de la Pommeraye, Agnès Varda avait reconstitué la boutique de télévisions que tenait Michel Piccoli dans "Une chambre en ville". C'était beau, fascinant, émouvant par l'exactitude de la reproduction. On était quasiment dans le film... Bêtement, je pensais retrouver cet esprit à la cinémathèque. Certes, il y a la reconstitution de la galerie d'art des "demoiselles de Rochefort" mais on ne fait qu'y tourner autour et contempler une reproduction des oeuvres exposées dans le film. La magie opère moins car n'est pas Agnès Varda qui veut. Les pâles reproductions des robes de "peau d'âne" et les bouts de papier peint tirés de divers films, nonchalamment collés dans cet espace, ont du mal à  nous emporter totalement dans un rêve filmique.
Malgré tout, si vous aimez Jacques Demy et son cinéma, courez-y, vous y retrouverez son univers à la fois magique et coloré mais teinté de tragique et si vous connaissez mal le réalisateur, vous aurez, c'est sûr, l'envie de le connaître plus profondément. 

mercredi 12 juin 2013

L'inconnu du lac d'Alain Guiraudie

Lors du dernier festival de Cannes, si l'on en croit la presse qui fait l'opinion, il y a eu deux très grands films, français de surcroit, tournant autour de l'amour, du désir et de la passion, deux films mettant en scène l'homosexualité. " La vie d'adèle" qui a obtenu la palme d'or,  un budget conséquent et qui ne sortira qu'en octobre et "L'inconnu du lac" d'Alain Guiraudie, petit budget et depuis aujourd'hui sur les écrans.
Les médias qui décernent les lauriers sont tous ébaubis par ce polar nudiste mais également ce coup de pied bien placé dans le cinéma bien-pensant. Bon, des journaux plus conservateurs parlent de porno lent et rasoir, mais les mêmes présentaient Frigide Barjot avec admiration...
Alors qu'en est-il vraiment ? Une chose est certaine, l'idée de voir des hommes nus sous toutes les coutures attire les dames du troisième âge qui remplissaient aux deux tiers la salle où j'ai vu le film aujourd'hui. Elles étaient émoustillées comme des jeunes filles se rendant dans une boîte à gogo dancers, elles parlaient et riaient fort en entrant ...et beaucoup moins en sortant, car le film leur a sérieusement cloué le bec et c'est déjà un bon point.
Le silence est d'ailleurs intervenu dès la première image de ce parking sous les arbres, la bande son, uniquement composée des bruits ambiants, du bruissement des feuilles, des clapotis du lac, des pas sur les cailloux, ayant imposé d'emblée son pouvoir.
Un jeune homme descend de sa voiture et se dirige vers un lac où bronzent et s'observent des hommes seuls ou en couple, la plupart nus.  C'est Franck, vivant sereinement son homosexualité faite de désirs soudains et d'étreintes rapides dans les sous-bois avoisinants. Il rencontre Henri, homme solitaire, divorcé, toujours habillé, à la recherche d'échange et d'amitié plutôt que de sexe, avec qui il va nouer une relation amicale. Mais Franck va flasher pour un beau mâle qu'il surprendra un soir en train de noyer son amant du moment comme on se débarrasse d'un vêtement démodé. Il va cependant tomber vraiment amoureux de ce dangereux individu...
La première chose qu'il faut reconnaître à ce film, c'est d'imposer un décor en dehors des sentiers battus. Gonflé de situer son film uniquement sur une zone de drague gay et, qui plus est, plage nudiste! Mais attention, ici rien n'est gratuit, pas de voyeurisme malsain. Le cadre sert au propos libertaire du réalisateur mais aussi à l'histoire. Les hommes sont nus mais sans être impudiques, seulement libres sous le soleil, un peu comme dans un petit paradis hédoniste. Et même si on en voit un éjaculer ou faire une fellation à son compagnon, ce n'est jamais choquant, car Alain Guiraudie met naturellement en scène l'amour. Il filme un sexe comme n'importe qu'elle autre partie du corps. C'est radical pour certains, militant sans doute dans son idée de ne pas dissocier amour et sexualité (ben oui, on utilise ses organes génitaux quand on est amoureux), mais crédible et sain. Pour le coup, c'est une sacrée prouesse et donc le signe d'un réalisateur qui a des couilles (oui, je sais c'est facile....) mais surtout un grand talent, car à partir d'un propos qui peut sembler uniquement gay, il s'adresse en fait à tout le monde, renvoyant le spectateur à s'interroger sur ses propres désirs, sur son rapport à l'amour (physique ou pas), à la représentation que l'on en fait. Et comme ces hommes sur cette plage parlent aussi, et pas pour ne rien dire, le message touche à l'universel.
Quand dans le dernier quart du film, l'histoire vire complètement dans le thriller, la nuit  tombe sur les corps. L'amour et la mort se mélangent de façon intime et troublante. Certains plans nous clouent sur le siège, l'angoisse est là...
On pourra reprocher au film un côté un petit peu lent mais qui est essentiel à la mise en place du lieu qui nous devient, à force, terriblement familier, ainsi qu'un moment de violence scénaristiquement un peu incompréhensible vers la fin. Mais la grâce et la beauté de la mise en scène, l'excellence de l'interprétation des trois personnages principaux, font que "L'inconnu du lac" est une vraie bonne surprise, signe qu'en France on sait faire bouger les lignes d'un cinéma trop conventionnel.
Chef d'oeuvre, peut être pas, mais incontestablement un film marquant qui fera date par sa radicalité réjouissante et salutaire. (et un pied de nez à tous ces soi-disants bien pensants qui nous ont gonflés  ces derniers mois avec leur bêtise, leur haine et leurs idéaux d'un autre âge).
PS : certains maires de la région parisienne ont fait interdire les affiches du film car on voyait deux hommes s'embrasser. Alors, je leur conseille de profiter de beau temps, de filer au bord de la mer, de se mettre nus et de jouir de la caresse du soleil sur leur corps, cela devrait les détendre un petit peu...



dimanche 9 juin 2013

Oh boy de Jan Ole Gerster


Décidément la ville de Berlin semble ces derniers temps destinée à être la toile de fond pour une description désenchantée de la jeunesse actuelle. Après le roman "Demain Berlin", chroniqué il y a peu,  "Oh boy" adopte aussi cette thématique mais sur un mode beaucoup plus soft.
Niko, presque trentenaire, va vivre une journée de désillusions ou d'étonnement, au fil de rencontres diverses qui vont ancrer dans son esprit, et dans le notre,  que nous vivons dans un drôle de monde en voie de perdition. Tous les personnages sont tous un peu déphasés, désagréables, dépressifs, ... Ils portent tous les stigmates d'une société malade ou qui n'arrive toujours pas à assimiler un passé fort sombre.
C'est filmé très nouvelle vague, très "Cléo de 5 à 7" d'Agnès Varda, avec un beau noir et blanc qui rend Berlin totalement intemporelle. L'interprète principal est attachant, suffisamment talentueux et lisse pour que l'on puisse y projeter nos propres doutes.
Mais au final, à trop vouloir lorgner sur les réalisateurs des générations précédentes, le manque d'originalité se fait pas mal sentir, y compris dans la manière de mettre en scène certaines séquences, teintées d'humour presque burlesque (Jarmush ? ) ou bavardes, drôles et intellos (Woody Allen ?). Ces nombreuses références à tous ces grands films en noir et blanc est ludique mais empêchent "Oh boy" d'avoir une expression vraiment personnelle. C'est un peu dommage car le projet reste attachant et plutôt bien filmé.
On passe un bon moment, mais ce moment n'est pas indispensable. A voir pour découvrir un jeune réalisateur allemand qui devra se lâcher un peu plus la prochaine fois.


samedi 8 juin 2013

Cendres d'Alvaro Ortiz


"Cendres", comme son titre l'indique, a un rapport direct avec la crémation. Où, comment, à cause d'un ami commun décédé, trois loosers vont se retrouver et devoir disperser le contenu d'une urne funéraire dans un endroit inconnu et lointain. Réunis par cet étrange coup du destin, Moho, Polly et Piter vont vivre pendant quatre jours, une drôle d'aventure sous la forme d'un road movie, accompagnés d'un singe et poursuivis par deux étranges barbus, vraisemblablement fans de ZZ top. Ce qui paraissait être au départ une histoire d'amitié et de retrouvailles, vire très vite au roman noir assez rock'n roll et finit...non, je ne raconterai pas la fin, à la tonalité assez surprenante.
Alvaro Ortiz est un jeune auteur espagnol et il est évident que la BD est son mode d'expression. Son récit est dense et remarquablement maîtrisé tant dans la narration que dans la construction. Les personnages taillent la route, filant droit (ou presque) vers leur but, alors que le récit lui se permet, brillamment et subtilement, de prendre des chemins détournés. De nombreux retours en arrière sur le passé des protagonistes nous aide à mieux cerner chacun des personnages. Et sans alourdir le récit, ni ralentir l'intrigue, l'auteur arrive à nous conter en même temps une histoire de la crémation assez humoristique, allant jusqu'à chez Courtney Love sniffant un peu des cendres de Kurt Cobain... (rock'n roll je disais plus haut...).
La mise en page est très réussie aussi, alternances de petites cases et de plus grandes toutes dans des pastels un peu automnaux, de découpages d'une même image en plusieurs vignettes, obligeant le lecteur à s'attarder sur un détail qu'il aurait peut être zappé autrement. Cela donne une densité plus forte à cette histoire d'amitié aux multiples rebondissements et réussit à emporter le lecteur jusqu'au bout sans le moindre ennui.
Je ne sais pas si l'éditeur prévoit de publier les oeuvres précédentes d'Alvaro Ortiz (au nombre de trois), mais il est certain qu'après la lecture de "Cendres", on est sûr de tenir là un auteur qu'il faudra suivre de très près.


jeudi 6 juin 2013

Pop Redemption de Martin Le Gall



Voici une comédie française qui avait les atouts pour se démarquer un peu du lot. Avec une incursion dans le monde du black métal (une sorte de hard rock version satanique ), elle utilise une toile de fond originale. Malheureusement, et contrairement à ce que le thème pouvait laisser espérer, c'est vraiment trop, mais alors vraiment trop gentillet.
Les membres du groupes, grimés comme des zombies, sont en fait de grands ados attardés qui croient que la vie ne les a pas rattrapés. Sous leurs tatouages se cachent soit un papa poule attendrissant, soit un mari tyrannisé, soit un faux dur qui ne veut pas casser son rêve. Et confrontés à la mort accidentelle d'un directeur de salle de spectacles teigneux, ils se révèlent encore plus tendres.
Souvent ressort des comédies réussies, cet antagonisme aurait pu être intéressant si seulement l'arrière-plan ne donnait pas, lui aussi, dans la guimauve.  On nage dans le fleur bleue. Même la police, franchouillarde à souhait donne dans le bon vieux cliché bon enfant. Obligés de jouer de la pop dans une fête de la fraise, kermesse ultra-colorée, le groupe est  finalement  plus crédible que hurlant du métal surtout black. L'histoire patine un peu surtout avec des raccourcis scénaristiques un peu trop gros.
Alors j'ai regardé tout ça d'un oeil amusé mais l'esprit en balade. Quand on commence à remarquer les placements produits, soit on s'ennuie, soit le réalisateur  est malhabile, ce qui est de toutes les façons mauvais signe. Mais les acteurs sont sympas, il fait beau, c'est l'été dehors et dans le film, les neurones se reposent. La région Aquitaine ayant participé au financement du film, nous avons droit à de nombreux plans de maïs ou de tournesols et bien que cela ralentisse un peu l'action, c'est très bien pour les collégiens en goguette en cette fin d'année scolaire, ils pourront ainsi réviser les zones agricoles et leurs cultures.
C'est sympatoche mais ce n'est guère emballant. En fait, ce qui est vraiment réussi dans ce film, c'est le générique (de fin de surtout), pop en diable et shooté aux vitamines et aux couleurs. A lui seul, il vaut le   déplacement. Mais est-ce vraiment suffisant pour se ruer dans une salle de cinéma ?     




lundi 3 juin 2013

Orignal de Max de Radiguès


 Voilà un roman graphique qui ne peut laisser indifférent ! J'élimine tout de suite les considérations zoologiques, ce n'est pas un documentaire sur les moeurs de l'orignal, ce cervidé du continent américain. Il est là uniquement pour donner à l'intrigue sa part de rêve et heureusement, car elle en a bien besoin...
Joe est un collégien, paraissant rêveur, aimant visiblement la nature car, il préfère, malgré la neige, rejoindre son collège à pied plutôt que dans le car de ramassage scolaire. C'est ainsi qu'un matin, il se trouve nez à nez avec un orignal... Ce qui aurait pu être une énième histoire d'amitié entre un garçon et une bête sauvage, prend soudainement un virage plus contemporain et surtout plus inquiétant. Ce qui nous avait paru de la mollesse et de la rêverie n'est en fait que le profond mal être d'un élève victime de harcèlements divers et de racket de la part d'un de ses camarades de classe, l'inquiétant et vicieux Jason. D'humiliations en coups divers et variés, Joe va vivre un véritable enfer sous les yeux d'adultes intrigués, interrogateurs mais finalement impuissants à faire parler l'adolescent proprement terrorisé par son tortionnaire.  Le récit impitoyable va avancer vers un final terriblement inconfortable, qui laisse le lecteur dans un état étrange, partagé entre rejet et soulagement.
Pour moi, ce récit est un vrai coup de coeur. En plus de sa fin perturbante (et vous savez peut être que j'aime bien être dérangé par une lecture ), Max de Radiguès excelle à mettre en perspective les sentiments de son personnage principal . Grâce à un dessin au trait fin et simple, permettant à n'importe quel lecteur une identification troublante, son récit progresse inexorablement vers un final éminemment ambigüe et dérangeant. La succession de planches narratives et celles sans texte rappelle parfois "Elephant" de Gus Van Sant dont le propos était assez différent mais dont on retrouve ici le même mal être et  qui distille également une terrible violence sous-jacente.  Je ne dirai rien de la fin de cette histoire sauf que la sexualité y joue un rôle important, à la fois primaire mais également psychanalytique, complétant ainsi ce tableau hyperréaliste du monde implacable de la sortie de l'enfance.
Ne vous fiez pas à cette couverture un peu enfantine d"Orignal", car elle cache des pages d'une justesse de ton sidérante mais aussi une réflexion hautement déconcertante mais passionnante sur le mal être des adolescents.
Pour moi, un énorme coup de coeur qui m'incite à aller découvrir les précédents albums de cet auteur dont je ne manquerai pas les prochaines productions.



dimanche 2 juin 2013

Chien pourri de Colas Gutman et Marc Boutavant


Avec un titre à faire glousser les mômes ( "Pourri" warf, warf, ), le nouveau roman jeunesse de Colas Gutman devrait trouver facilement des jeunes lecteurs. Déjà, la couverture, fort réussie, signée Marc Boutavant comme le reste des illustrations, donne envie de prendre le livre et de l'ouvrir. Et une fois plongé dans l'histoire on ne la lâche plus car elle file comme l'éclair. En compagnie d'animaux moches, maltraités par la vie, rebuts d'une société qui ne voit que la beauté extérieure, nous suivons les emballements innocents de Chien Pourri à la recherche de maîtres pour être tenu en laisse et avoir des susucres. Bien  sûr ses pérégrinations lui feront rencontrer des personnages mal intentionnés que sa désarmante sottise prendra pour super sympas. Heureusement que, pour une fois, le monde ne sera pas trop cruel pour ce gentil cabot sans domicile fixe.
Jolie histoire sur l'amitié, elle aborde également avec finesse le trafic d'animaux et distille gentiment une leçon sur les apparences dont il faut se méfier. Avec des illustrations un peu rétros mais drôles et sarcastiques, ce"Chien pourri" est hautement recommandable car, en plus de distraire, il ne pas prend son lectorat pour des idiots. C'est rassurant. J'attends avec impatience la suite des aventures de ce nouveau héros dont la parution est prévue au mois d'août prochain. Une nouvelle série à succès ? 

samedi 1 juin 2013

Demain Berlin d'Oscar Coop-Phane


C'est après avoir lu une critique élogieuse dans les pages "livres" de "Elle" (oui, je suis un lecteur de Elle...), que me suis empressé de me procurer chez mon libraire "Demain Berlin" d'un jeune auteur de vingt-cinq ans Oscar Coop-Phane. L'article était court mais rempli de mots enthousiastes comme " de la littérature, de la pure !" ou "profondeur de vie digne de Tolstoï !" ou encore " Vous ne pourrez pas décrocher". Et comme je vais passer une semaine à Berlin cet été, l'occasion était trop tentante d'allier littérature et, peut être, vision intéressante de cette capitale devenue incontournable.
Las! comme aurait dit un poète du 16ème siècle, rien de tout cela ici (J'aurai du me méfier de cet article qui jouait à inclure le maximum de mots ayant trait à la défonce), ou tout du moins, je n'ai pas vraiment vu l'ombre de Tolstoï, ni une idée précise de ce qu'est Berlin aujourd'hui.
J'ai suivi la destinée de trois jeunes gens qui finiront par se croiser dans une de ces boîtes technos où une jeunesse désenchantée s'oublie des heures durant aux sons répétitifs d'une sono infernale et les corps bourrés d'ecstasy ou de cocaïne.
Bizarrement, durant les premiers chapitres, j'ai eu du mal à me situer temporellement. Est-on dans les années 30 quand il s'agit du jeune Franz ? Dans les années 60 pour Armand ? Cette impression passéiste vient de l'écriture classique et recherchée de l'auteur qui donne un démarrage au ton suranné. Evidemment, quand les paradis artificiels deviennent le moteur du roman, notre époque est bien là mais, l'intérêt faiblit aussi. Ces injections, inhalations, répétitives qui les rendent un peu plus zombie à chaque fois, tirent le livre vers une déambulation, cafardeuse et ennuyeuse. On me rétorquera que le livre suit l'état des trois héros qui ne sont plus que l'ombre d'eux mêmes au bout d'une année de paradis artificiels technoïsés. Peut-être...mais si eux ne décrochent pas de la coke, moi, en tant que lecteur, clean de tout expédient, si.  Heureusement que l'écriture classique et agréable permet d'arriver au bout de ces 174 pages, sans pour autant être emballé ni avoir envie de rechercher vite fait un dealer d'autres oeuvres de Mr Coop-Phane.
Son talent d'écriture est évident mais sa plongée dans cet univers sans retour, visiblement en partie autobiographique, toute intéressante qu'elle soit, reste inaboutie. Le roman pâtit dans sa deuxième partie d'une déliquescence de ses personnages tant dans l'intérêt que l'on peut leur porter que dans leur réalité romanesque.
Le souffle intriguant du départ retomber assez vite. Mais n'est-ce pas le sort d'une certaine jeunesse, happée par cette envie irrésistible de vivre pleinement et qui au bout du compte se brûle les ailes à baiser rapidement dans les toilettes crasseuses d'un hangar voué à la techno et aux amateurs de narines poudrées ?