Dans "Carnaval" le copieux polar de Ray Celestin, on trouve un tueur à la hache facile. Il décapite sauvagement ses victimes pour les abandonner la plupart du temps en pièces détachées, juste décorées de deux cartes de tarot marseillais. Autour de ce serial killer, dans la bouillonnante ville de La Nouvelle-Orléans, grouille toute une faune peu recommandable qui gangrène la plus grande agglomération de Louisiane. Nous sommes en 1919, la ségrégation fait rage, la mafia joue de la corruption autant que du flingue ou du poignard. Heureusement dans ce tumulte, où la violence peut vous rattraper juste au détours d'une rue lambda, une musique est en train de réconforter les corps et les oreilles : le jazz!
L'histoire peut paraître banale et déjà lu maintes fois, les tueurs maniaques et sanguinaires sont monnaie courante au pays du polar. Là où cela devient plus intéressant c'est qu'ici la toile de fond exotique et historique n'est pas qu'un décor mais un élément déterminant pour le récit. Et là où tout devient encore plus passionnant, c'est la construction chorale du récit car nous n'avons pas affaire à un unique enquêteur, mais à quatre ! Michael Talbot, le policier à qui on ne la fait pas, bosse en solitaire car ostracisé par ses collègues qui lui reprochent d'avoir vendu quelques années plus tôt un collègue pourtant totalement corrompu. Il traque le tueur, aidé par Kerry, jeune irlandais fraîchement débarqué sur le sol américain.
Luca aussi est sur la piste du meurtrier. Luca est le flic dénoncé par Michael. Il vient de sortir de prison et ses anciens potes de la mafia l'embauchent pour élucider cette affaire qui nuit à leur commerce. Les buts sont différents et les pistes aussi.
Ida et Lewis (en fait Louis Armstrong à ses débuts) sont des jeunes gens un peu romanesques qui ont envie de vivre l'aventure de l'enquête. Avec peu de moyens mais avec beaucoup d'opiniâtreté, ils se lanceront à la poursuite du tueur à la hache surtout que celui-ci continue sa sanglante randonnée. Eux aussi suivront des pistes encore différentes, mettant en évidence d'autres facettes de cette sordide histoire.
Quasiment jamais ces quatre là ne se croiseront lors de leurs déambulations, mais chacun dans leur quête vivra des moments intenses, révélant une facette de cette troublante histoire et marquera un tournant essentiel dans leur vie.
Premier épisode d'une série qui promet trois autres épisodes qui se dérouleront dans trois autres villes mythiques des USA ( Chicago, New-York et Las Vegas) et toujours en compagnie de Louis Armstrong, "Carnaval" est aussi bien un polar bien fichu qu'une évocation précise et bien documentée sur le berceau du jazz. Ray Celestin, amalgame avec brio une intrigue bien menée et un fond historique très précis. Son intérêt pour les serial killers et sa fascination pour Louis Armstrong donne à son roman à l'allure conventionnelle, une épaisseur inattendue. Evitant de plonger son intrigue dans le gore et le sanguinolent, il préfère donner du corps à ses personnages, les rendant ainsi plus proches du lecteur et nettement plus attachants. Découpé en chapitres assez courts, il apporte à son récit une sensation de vitesse assez cinématographique et réserve à son lecteur des tableaux plein d'inventivités comme cette nuit d'angoisse où toute une ville se réunit pour danser aux sons endiablés de cette nouvelle musique qui fait fureur afin d'échapper au tueur (je vous laisse découvrir pourquoi).
Amateur, de polar, de musique, de voyages aussi aussi bien temporel que géographique, "Carnaval" est un roman fait pour vous. Il a le format idéal d'un livre d'été, et sans pour autant prétendre au chef d'oeuvre, il saura procurer au lecteur un très bon moment de détente doublé d'une très pointue évocation de La Nouvelle Orléans il y a un siècle. Quand jazz et polar font la fête ensemble, cela donne "Carnaval".
Roman lu dans le cadre de "Masse critique " du site Babelio que je remercie.
Je l'ai déjà noté. Il n'est malheureusement pas à la bibliothèque
RépondreSupprimerJe viens de découvrir ce livre mais il me fait très envie !
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