De ce fait divers enfoui dans la section "top secret" des caves du ministère des armées, Christophe Bataille nous propose un court texte, plus littéraire qu'informatif. La narrateur se livre à un exercice de mémoire, parfois sinueux, mais toujours tendu par le traumatisme subi. Avec de courtes phrases, incisives, l'évocation est forte, sensible mais décrite avec un fatalisme qui ne laisse pas beaucoup de place au ressentiment. Alors qu'il a vu le "flash gigantesque" ainsi qu'apparaître de façon fugace mais certaine les os de sous sa peau, alors qu'il entend encore le cri de cette pauvre chèvre, entièrement scalpée par l'explosion, alors qu'il se souvient de ses misérables compagnons qui se débattaient comme ils pouvaient de cette horreur qui " a happé " leur vie, le narrateur, en posant ses souvenirs sur les pages d'un simple cahier, ne lutte plus. Il aligne les mots pour que rien ne tombe dans l'oubli car ces essais ignobles ont rejoint depuis longtemps les poubelles bien enfouies de l'Histoire (bien mieux que des déchets toxiques). Il se souvient pour essayer de laisser une trace de cette politique nucléaire d'un autre âge (enfin on espère) mais aussi de ce que fut sa vie après. Sa vie l'a usé, fait souffrir et là où d'autres seraient tombés dans l'aigreur absolue, lui, reste digne. Il n'a plus de colère, que du désespoir résigné.
Le sujet est fort, l'écriture sèche et brute mais "L'expérience " m'a laissé un petit goût d'inachevé. Ce n'est pas tant la concision du texte qui me gêne, encore moins la sinuosité de cette mémoire, mais les espaces romanesques qu'il révèle et qui, parce que survolés, créent une petite frustration. Qui est vraiment cet homme ? Quelle fut vraiment sa vie après ? Que furent vraiment ses combats, sa vie de traumatisé pansant comme il a pu des plaies qui ne se sont jamais refermées ? Autant de questions qui, pour moi auraient mérité d'être approfondies. J'ai eu du mal à être totalement en empathie avec le narrateur, pas vraiment personnifié. Il ne reste que l'âpreté de ces souvenirs et l'ignominie de cette expérience pour fortement conseiller la lecture de ce livre, comme un devoir de mémoire en somme.
Il me tente beaucoup pour son thème, mais c'est drôle, aux vues des articles lus sur ce livre, je me doutais que l'écriture n'était pas forcément le point fort ;-) .....et tu sembles confirmer...
RépondreSupprimerCe n'est pas tant l'écriture qui dans sa sécheresse et sa concision peut faire effet mais plutot la briéveté du roman qui m'a laissé sùr ma faim. C'est un très beau sujet mais qui manque d'ampleur romanesque.
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