La petite barbare est une jeune fille qui n'est pas naît au bon endroit, c'est à dire dans une banlieue glauque de la région parisienne. Père chômeur affalé sur un canapé avec une bière et mère ramant entre un petit boulot, son fainéant de mari et son ingrate fille qui juge déjà la situation avec recul et surtout dégoût. Très vite, elle sentira que son physique avantageux va lui permettre de boire facilement du champagne et se payer de belles fringues (de marque bien sûr !). Acoquinée avec un dealer puis à deux brutes épaisses, elle zonera dans les boîtes parisiennes où elle attirera de riches naïfs pour leur soutirer du fric en échange de quelques services sexuels honteusement tarifés. Tout cela la ménera à attirer un jeune bourgeois qui sera longuement torturé et qu'elle regardera mourir à petit feu sous les sévices de ses copains, puis en prison où ses charmes sauront lui obtenir une remise de peine ...
J'avoue, ce roman m'a agacé. L'idée de mettre le lecteur dans la tête de cette
conne barbare, en partageant de l'intérieur pensées et avis est louable en soi, pas originale, mais pertinente pour décrire les mécanismes de la violence d'une certaine jeunesse laissée pour compte. Qu'elle banalise son acte en le notant comme un truc sans grande importance est glaçant mais possible dans un esprit assez rudimentaire. Qu'elle soit obnubilée par tout ce qui brille, qui claque et qui fait des bulles (de champagne), pourquoi pas, dans une société de consommation libérale, il n'est pas étonnant que les esprits faibles sacrifient à n'importe quel prix l'être au paraître, c'est fait pour ça ! Que son esprit soit dans son cul ou ses seins, qu'elle mouille au moindre mec susceptible de lui donner du fric, est triste en soi mais elle semble y prendre goût car c'est finalement le seul (maigre) pouvoir qu'elle détient ...et tant qu'il y aura des abrutis pour y plonger dedans... Mais ce qui fait que cela n'a pas du tout fonctionné chez moi, c'est l'écriture ! J'ai constamment eu l'impression de lire un (mauvais) roman pour adolescents, un de ceux où un adulte pense faire son fortiche en parlant (ou écrivant) comme un loubard, un enfant, un immigré, un vieux, ici une barbare donc.... C'est casse-gueule, pas souvent réussi et, malheureusement Astrid Manfredi, malgré une certaine gouaille, passe à côté, car elle utilise le truc qui commence à sérieusement dater et que l'on retrouve dans une cohorte de livres bâtis sur le même parti-pris : l'héroïne est peut être pauvre (ici en plus elle est dyslexique grave) MAIS, elle a (barrez les idées inutiles) un QI exceptionnel, un voisin, ami mentor qui la sort du ruisseau, un QE (Quotient Emotionnel) démesuré, ou, et c'est le cas ici, elle aime la lecture et la poésie (ben oui, la dyslexie chez une vraie conne ça se guérit, même en banlieue quand on sèche l'école, les fellations ça sert à quoi ? Hein ? ). Du coup ça permet à l'auteur de lui faire dire des trucs du genre
:" Contempler cette étendue qui nous rappelle qu'il ne faut pas déconner, qu'on n'est rien que des microbes vaniteux agrippés à tout ce qui finira par crever." Ok, c'est sans doute bien vu car elle lit "L'amant " de Marguerite Duras et récite du Boris Vian, la jeune fille, entre une gorgée de Veuve Cliquot, une boule de chit et une pipe sur un vieux riche.
Le problème c'est que l'on a déjà lu cette prose là cent fois. En 2015, on peut avoir une certaine verve caustique, un don d'observation pertinent de notre société qui bat de l'aile, ce n'est pas pour autant que son roman tient la route, surtout quand on veut nous vendre une héroïne cynique et pas du tout sympathique. J'ai eu du mal à croire que sa toute petite rédemption venait de son amour de la littérature. C'est penser que la culture rend les gens meilleurs ... J'aimerai bien voyez-vous, mais je suis sûr qu'Hitler était cultivé et lisait beaucoup. C'est donner à la lecture un beau rôle à une époque où, même dans une classe de prépa littéraire, certains élèves ont du mal à ouvrir un bouquin, alors imaginez quand on est une barbare, dyslexique, avec un QI de moule même pas marinière et un QE en dessous de sa dernière note en lecture en CM (0,5 d'après Mme Duglantier sa maîtresse de l'époque) et uniquement intéressée par s'asperger de n° 5 en roulant dans une BMW volée.... Du coup, le propos qui se voulait percutant, peut être polémique, s'en trouve considérablement affaibli.
C'est bien tenté, mais, pour moi, c'est raté ! Cependant, il faut quand même le noter, il y a quelque chose dans l'écriture qui donne à penser que cet essai n'est pas inutile et que ce brin de plume, mieux utilisé, peut donner quelque chose d'intéressant.
Votre analyse du roman additionnée à la prestation désastreuse de cette auteure face à François Busnel ce soir dans LGL m'a parfaitement convaincue de lire un autre livre en cette rentrée littéraire....voilà !
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RépondreSupprimerLu d'autres chroniques allant dans ton sens, je passe mon tour
RépondreSupprimerL'écriture est pour moi le point fort de ce roman : cela change de tous les trucs aseptisés proposés par les éditeurs de nos jours. Ce genre d'auteur (comme Despentes) fait un bien fou à la littérature française.
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