vendredi 18 septembre 2015

Marguerite de Xavier Giannoli

" Marguerite" , le film français haut de gamme qui sort cette semaine est accompagné de tellement  bonnes critiques que les spectateurs, déjà maintes fois échaudés par des sirènes menteuses, peuvent légitimement se poser la question sur la véracité de cette avalanche de compliments.
Mis en avant par la promotion, le potentiel comique de cette richissime baronne éprise de bel canto qui donne des concerts d'une fausseté inouïe, cache en fait un film bien plus subtil que prévu.
Le prétexte de nous faire rire aux dépends de la voix de cette pauvre femme tourne vite court, le film nous offrant tout d'abord une toile de fond riche, aussi bien en décors qu'en rappels historiques. Nous sommes  juste après la grande guerre. Les bourgeois tout occupés en bonnes oeuvres côtoient pourtant quelques jeunes artistes aux idées neuves. Les dadaistes font exploser les bonnes manières dans leur coin, les années folles ne sont pas loin. Et au milieu de cette effervescence, notre Marguerite, sa voix de crécelle désaccordée et son argent en bandoulière, va pouvoir vivre une vie d'artiste lyrique. Abusée, leurrée par son entourage qui garde le silence pour ne pas perdre les profits qu'il retire de son absence de franchise, elle s'enfoncera dans une folie artistique. Cela aurait pu être drôle, c'est surtout aussi pathétique que touchant. Xavier Giannoli aime son personnage qui n'est finalement qu'une grande amoureuse déçue. Elle chante pour qu'on la regarde, qu'on l'aime. Ces cris de poulets qu'on étrangle qu'elle lance devant un public mi narquois, mi médusé, est sa seule façon de crier son amour à un mari qui la délaisse. Catherine Frot, comédienne aimée et bankable, porte le film sur ses épaules et donne une interprétation magistrale de cette femme blessée. Tour à  tour naïve, enfantine, exaltée, elle nous touche constamment, donnant à son interprétation quelque chose d'inoubliable.
Mais le film ne serait pas aussi réussi si autour d'elle, il n'y avait une pléiade d'acteurs tous plus justes les uns que les autres, de Michel Fau au cabotinage irrésistible à André Marcon, mari volage plus nuancé que prévu et au troublant Denis Mpunga, serviteur fidèle et aimant de Marguerite. Ce personnage est une formidable idée de mise en scène. Toujours présent, son oeil regarde et scrute les âmes, témoin amoureux et bienveillant des délires d'une femme, il donne au film toute sa portée symbolique. Par ces apports scénaristiques et de mise en scène, ce qui aurait pu être une comédie bien menée, clinquante et touchante, devient soudainement le reflet goguenard de notre propre réalité. Marguerite touchera le coeur des spectateurs car elle vit son rêve jusqu'au bout, défie la société, le supposé bon goût, fait éclater les conventions. Vivre réellement sa passion, est une volonté que peu d'entre nous osent faire aujourd'hui. Pour cela, elle devient l'héroïne d'un conte certes  tragique mais ô combien édifiant. Il est difficile de réaliser ses rêves, beaucoup s'y brûlent les ailes. On pourrait y voir une mise en garde, j'ai préféré y lire le récit d'une force, le portrait d'une grande amoureuse qui quittera notre terre quasi comblée, finissant dans les bras de l'être aimé.
Ceci est ma lecture toute personnelle, mais le film a la grâce de permettre toute une kyrielle d'interprétations au milieu d'une histoire joliment filmée et qui passionne de bout en bout. Quand le cinéma dit commercial a cette qualité, j'en redemande.

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