Point fort de ce long métrage qui a obtenu le prix du jury à Cannes, c'est son scénario créant un monde assez délirant, incompréhensible et aux personnages ayant de drôles de comportements. La scène d'ouverture de "The lobster" en est la parfaite illustration. La caméra placée dans une voiture filme en gros plan le visage d'une femme qui conduit. On devine une route isolée sous la pluie. La voiture s'arrête, la femme descend. La caméra pivote et filme au travers du pare-brise qu'un essuie-glace ne balaie que par intermittence. La femme s'avance vers trois ou quatre ânes en train de paître, sort un pistolet, en abat un et retourne dans la voiture. Générique.
Cette façon singulière d'entrer dans l'oeuvre du cinéaste grec enjoint le spectateur à laisser de côté sa rationalité et de se laisser gagner par l'interrogation. Ce sera un voyage étrange, difficile à percevoir parfois comme nous l'indique cette scène de présentation à l'écran envahi par les gouttes d'eau qui ne seront chassées que par moment. Tout le film j'ai navigué dans une zone où se mêlaient étonnement, perplexité, ravissement et étonnement. Et c'est vrai que la première partie du film est assez emballante, avec cette sorte de fantastique humoristique grinçant un peu nonchalant mais plein du charme de l'inconnu. On suit Colin Farrell, méconnaissable avec ses lunettes, sa bedaine et son frère en laisse ( c'est un chien car il n'a pas réussi à trouver l'amour en jours lors de son séjour), mi amusé, mi intrigué. Puis, quand le personnage central prend la fuite pour rejoindre dans la forêt humide des maquisards de l'amour, le film perd pas mal de son humour et s'enfonce dans un absurde façon cul de sac. Colin Farrell patauge dans la boue en poncho de rando, Léa Seydoux, la cheftaine des rebelles, a un air dur et antipathique et ne donne nullement envie de tomber amoureux d'elle. Rachel Weisz, qui cumula lors de ce festival les rôles dans des films étranges (Youth ), est très convaincante dans un rôle ingrat de myope en poncho elle aussi. Les amoureux s'inventent un langage avec leur bras, déambulent sur des routes au pas de charge, et le spectateur est un peu perdu. La grisaille ambiante et générale s'empare du film qui continue à égrener ses scènes de plus en plus étranges, noyant un éventuel propos. Je sais bien que Yorgos Lanthimos propose au spectateur de s'insérer dans les nombreux interstices qu'il laisse pour sa réflexion, mais le jeu m'est devenu vite un peu pouffant.
Il me restera toutefois cette sensation très agréable d'avoir été plongé dans un univers inédit, aux codes toujours surprenants. Le jeu était peut être un peu long pour moi et n'a pas déclenché de réflexion profonde sur le couple, l'amour, qui paraît être le thème de cet exercice cinématographique haut de gamme. Hermétique sans doute, "The lobster" a excité ma curiosité sans jamais parvenir à me passionner complètement.
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