jeudi 13 octobre 2016

La fille inconnue de Jean-Pierre et Luc Dardenne


Je ne sais pas comment était la version que les festivaliers cannois ont vu en mai dernier, mais celle  raccourcie de cinq minutes projetée à partir de cette semaine sur les écrans, m'a vu sortir de la salle tendu comme un arc. La confrontation fut pour moi intense. j'en suis ressorti tendu comme si j'avais visionné un thriller bien fait où tout peut arriver.
Nous plongeons d'emblée dans le cabinet d'une jeune médecin et de son stagiaire. Les consultations se succèdent. Les corps souffrants s'offrent confiants au diagnostic attentif de Jenny. Et puis, après une journée harassante prolongée d'une heure, un bref coup de sonnette n'arrive pas à remettre en branle les corps épuisés des deux jeunes praticiens. Lorsque Jenny apprendra un peu plus tard que si elle avait ouvert sa porte ce soir là, elle aurait peut être sauvé une jeune femme que l'on a retrouvé morte au bord de la Meuse, un sentiment de culpabilité la gagne. Elle n'aura de cesse de découvrir qui est cette fille que personne n'arrive à identifier. Transformée en détective malgré elle, elle sillonnera la ville de Liège qui devient au fur et à mesure que le film avance, un décor où la violence est latente. Perso, la moindre voiture passant sur le boulevard sinistre où se situe le cabinet médical me faisait sursauter, le moindre immeuble me paraissait dangereux et je ne parle pas des chantiers isolés...
Et pourtant, malgré la trame nous ne sommes pas dans un thriller banal, car en plus de cette quête toute personnelle, apparaît en sous-texte tout un contexte social fort, territoire naturel des frères Dardenne, auquel s'ajoute m'a-t-il semblé cette fois-ci toute une réflexion sur des thèmes très actuels. Comment ne pas penser au problème des migrants et sur le fait d'ouvrir ou pas cette foutue porte, ici de son cabinet, nous de nos frontières ? Et comment ne pas penser à la bienveillance ( mot ô combien utilisé en ce moment ) et à l'écoute de l'autre quand on voit cette jeune médecin attentive à tous ces corps qui souvent lui donnent des indices. C'est par son attention aux autres qu'elle avance dans sa quête.
Cela peut soudain apparaître un poil intello à qui me lit sans connaître les cinéastes belges, mais ces idées sont juste glissées dans un scénario qui avance à cent à l'heure et qui n'arrête pas de rebondir et qui creuse la situation jusqu'au bout du bout pour se terminer par un dernier plan absolument magnifique.
Même les une ou deux ficelles scénaristiques n'arrivent pas à discréditer le film dont on admirera l'impeccable Adèle Haenel, caparaçonnée dans son gros manteau à carreaux, la maîtrise et l'énergique mise en scène où chaque mouvement de caméra qui nous englobe un peu plus dans l'histoire et un propos rigoureux, salutaire et surtout jamais manichéen ( la notion simpliste du bien et du mal est inconnue des frères Dardenne). On a pu entendre ou lire ici et là que cet opus ne dégageait rien de nouveau, qu'il manquait de renouvellement. Il faudra alors m'expliquer qui, dans le cinéma d'aujourd'hui, se renouvelle et surtout qui ose encore et toujours creuser ce sillon d'un cinéma qui nous attrape là où ça ne fait pas forcément de bien pour nous aider à appréhender le monde et nos contradictions tout en signant une oeuvre haletante ? Du cinéma répétitif comme celui-là, j'en veux toutes les semaines !



1 commentaire:

  1. Et quand on rajoute un petit temps de grisaille comme ce soir pour rentrer, la Sarthe prend alors les couleurs de la Meuse...et tout continue à vous faire flipper! Mais sinon, bien sûr, oui, j'ai adoré: l'inconnue, les inconnus, la connue...

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