mercredi 12 octobre 2016

Les cosmonautes ne font que passer de Elitza Gueorguieva


Pour donner une petite idée de ce premier roman, disons que ce serait "Le petit Nicolas" en version fille et en Bulgarie. Je le concède, on est très loin de l'original, surtout que l'héroïne grandira et deviendra fan de Kurt Cobain, un peu comme si le héros de Goscinny s'était mis à écouter les Rolling Stones à fond dans sa chambre dès la fin de l'école primaire. Toutefois, il y a un regard semblable à notre petit garçon français qui découvrait le monde des adultes et les rêves qui peuvent aller avec.
Dans " Les cosmonautes ne font que passer", notre héroïne se glissera dans l'imaginaire hagiographique ambiant et choisira parmi les héros de la révolution communiste, emblèmes enluminés jusqu'à l'écoeurement de devenir le pendant féminin de Iouri Gagarine. Pendant que ses parents agissent mystérieusement  dans la salle de bains, tous robinets grand ouverts, elle se débrouillera avec les maigres moyens du bord pour réaliser un semblant de premier pas vers ce but assez inaccessible. Dans un univers bouclé, claquemuré, muselé par un pouvoir très autoritaire, les rêves ne se réalisent pas souvent. Et quand soudain, le mur de Berlin s'effondrera, que les icônes d'antan seront déboulonnés de leur socle, apparaîtront d'autres figures emblématiques, génératrices d'autres espoirs...tout aussi hors d'atteinte.
Elitza Gueorguieva, nous propose de l'accompagner dans l'évocation de ce passage délicat que fut la chute du communisme pour une de ces républiques satellites soudainement livrée à cette ivresse de liberté. Divisé en deux parties, le roman évoque l'avant et l'après. Sans se départir d'un humour malicieux constant, le lecteur ressent la lourdeur écrasante du pouvoir communiste sur les esprits comme la perfidie du système libérale soudain offert. Si la partie soviétique prend des allures un soupçon plus légères parce que vêtue de nostalgie, l'après chute du mur nous renvoie soudain dans des préoccupations nettement plus actuelles. La violence constante due à une corruption de tout le système aliène et oppresse les populations. Nous comprenons bien les tentations d'exil que peuvent éprouver ces hommes et ces femmes englués dans un système qui les dépasse et les conduit vers un enfer quotidien distillé à petites gouttes. La figure emblématique du leader du groupe Nirvana hante la deuxième partie du roman comme l'esprit de son héroïne, symbole suicidaire d'une société qui plonge dans l'effroi.
Sous la légèreté, le douloureux passage de l'enfance vers l'âge adulte doublé de l'effroi grandissant devant un monde qui bascule. J'ai été touché par ce récit qui possède la vitalité et l'innocence d'un humain en devenir dont le regard et les rêves vont peu à peu se briser contre la perverse réalité libérale. Jolie entrée en littérature pour Elitza Gueorguieva !
 


1 commentaire:

  1. Comment la politique, la famille influencent nos valeurs et nos rêves... Très touchée par ce roman( par ce vrai grand-père communiste, cette grand-mère catholique) qui est par ailleurs très drôle. Livre à ranger dans un placard facile d'accès et à faire partager! Merci!

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