lundi 25 juin 2018

Quinzaine des réalisateurs /Les jeunes années de Bruno Icher


Attention voici un essai pour les cinéphiles, les vrais... pas les fans d'un cinéma planplan conventionnel. Si " Les Tuche"  ou "Baby-Sitter" 1 et 2  font dresser de plaisir les poils de vos bras, passez votre chemin. Bruno Icher, l'auteur, s'adresse aux rats des ex ciné-clubs, aux aficionados de l'art et essai ainsi qu'aux habitués du festival de Cannes qui continuent de se ruer chaque année à LA fête de la Quinzaine ( mais aussi aux projos bien sûr, les veinards !). Gageons que quelques uns de ceux là, hormis le plaisir de se dandiner aux sons d'un DJ branché tout en mixant diverses substances, auront la curiosité de se plonger dans cet ouvrage relatant la naissance de cette fameuse section parallèle de Cannes : La quinzaine des Réalisateurs.
Issue de la mouvance contestataire naît avec mai 68 et qui avait débuté, pour le cinéma, avec la polémique du débarquement par André Malraux du fameux Henri Langlois de sa cinémathèque ( véritable dieu cinéphile vivant même si pas mal barré), cette quinzaine naîtra grâce au regroupement de réalisateurs désirant secouer un festival un peu trop guindé et aux sélections trop diplomatiques. Appelée pour sa première session " Cinéma en liberté", la quinzaine balbutiera joliment durant ce mois de mai 1969, projetant tout un tas de films venant de pays dont on n'imaginait même pas qu'il puisse y exister une quelconque parcelle d'industrie cinématographique. L'Asie, L'Afrique, L'Amérique du sud, les pays sous domination communiste, le Québec purent quasi pour la première fois accéder à un festival international. Dans cette effervescence post soixante huitarde, où toute une frange d'artisans et d'artistes divers du cinéma rêvaient d'internationalisme et de liberté absolue, les films de cette future quinzaine provoquèrent le choc escompté. Si les journalistes français patentés ont plutôt boudé cette naissance (contrairement à leurs confrères étrangers), les rencontres entre les divers réalisateurs(trices) furent fécondes. Un lieu inédit pour professionnels venait de se créer, permettant des échanges entre cinéastes  ( souvent dans le fameux Blue Bar), créant souvent en marge souvent  des jougs de l'industrie. Citons au hasard, Werner Herzog, Barbara Loden, Paul Morrisey, Ruy Guerra, Glauber Rocha, Ousmane Sembene, ...  Grâce à l'équipe passionnée de la Quinzaine et à son patron Pierre-Henri Deleau, le cinéma mondial fut mis en ébullition. La création devint, peut être pas plus intense, mais se voyait enfin offrir la possibilité d'être plus diffusée. Les années 70, pour ceux qui s'en souviennent, fut une période intense pour les cinéphiles ( tout du moins en France) où Paris ( et un peu en province) regorgeait de petites salles affichant des films singuliers, foutraques, libres...et du monde entier, où l'on créait autant de ciné-clubs qu'aujourd'hui d'équipes de foot.
La Quinzaine des Réalisateurs a dépoussiéré le vénérable et emperlousé festival de Cannes, permis la vision d'œuvres peu visibles et bouleversé pas mal l'industrie cinématographique. Si aujourd'hui, plus embourgeoisée sans doute et moins révolutionnaire, la Quinzaine continue à faire fonctionner avec talent ses têtes chercheuses ( on lui doit les découvertes de Chloé Zaho, Deniz Gamze Erguven ou Damien Chazelle ...oui celui de LaLaLand) ou à soutenir contre vents et marées des cinéastes comme Miguel Gomès ou Bruno Dumont, le présent ouvrage nous plonge vraiment dans cette folie créatrice d'une époque où l'on avait des idéaux à défendre. Essai sur des passionnés pour des passionnés mais  aussi pour les curieux, " Les jeunes années" de la Quinzaine regorge d'anecdotes et raconte très bien l'ébullition créative d'une époque bien révolue.

Merci au site BABELIO et aux éditions Riveneuve pour la découverte de ce livre. 

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