"La belle n'a pas sommeil" se présente comme la douce rêverie d'un auteur solitaire au bord de la soixantaine. Pour son nouveau roman, Eric Holder reste dans le Médoc, région qu'il habite désormais et où il semble puiser dorénavant son inspiration. Antoine, son héros, bouquiniste installé au milieu de nulle part dans une maison garnie de livres, ouverte à tous les vents et donnant sur une forêt de pins, vit solitaire. Nul panneau n'indique son échoppe que seuls quelques promeneurs au hasard d'une balade peuvent voir surgir devant eux. Quelques habitués ou amateurs de livres, guidés par le bouche à oreille, parcourent ses rayonnages. Le client est rare, mais toujours attentionné, apportant avec lui un peu de sa curiosité et de son humanité. Se succèdent ainsi, au milieu des piles de livres, tout un monde de gens simples, villageois, voisins, personnes marginales à la vie ordinaire. L'intérêt que portent ces personnages aux livres est varié mais l'endroit permet de s'y poser un instant et ainsi que de voir éclore une affection réelle entre eux, tout comme déclencher quelques moments un peu plus mélodramatiques comme en réservent souvent la vie dans les endroits un peu reculés.
Antoine, résolument seul suite à une histoire d'amour dont le terme fut dramatique, entretient toutefois quelques liaisons sensuelles mais verra son quotidien bousculé par l'arrivée d'une ravissante jeune voisine blonde, une tornade prénommée Lorraine. Un rêve pour cet homme vieillissant qui connaîtra un moment la douce quiétude des amours partagées.
On glisse dans ce roman un peu par hasard, comme si au détour d'un balade on tombait sur cette bouquinerie. On s'installe dans un vieux fauteuil accueillant et tranquille et on regarde vivre cette galerie de gens simples. Ca nous repose des bourgeois, des névrosés ou des trentenaires bobos. Eric Holder conte joliment cette histoire empreinte à la fois de nostalgie et d'humanité. Il en profite pour y glisser subrepticement quelques auteurs aimés, et déposer en filigrane un joli discours altermondialiste ou comment être heureux en vivant avec peu de choses mais de la fraternité et de la simplicité.
"La belle n'a pas sommeil" sent la résine et le café chaud, le papier et le feu de cheminée et, plus subtilement, le parfum d'un monde qui ose l'altérité et la générosité. Ce roman est une parenthèse ensoleillée, un roman qui, comme on dit aujourd'hui "fait du bien" mais tout en gardant une réelle qualité d'écriture et ayant surtout un vrai point de vue sur nos vies d'aujourd'hui. Un bon roman en somme qui prend un joli petit chemin au milieu des fougères et des ajoncs plutôt que les autoroutes de la banalité sucrée.
De plus en plus cette histoire me fait écho avec cette chanson d'Albin de la Simone:
RépondreSupprimer"Elle vivait dans la forêt
Un cabanon comme elle disait
Elle dormait quand elle voulait..."