"Synonymes" est-il, comme une presse en pâmoison le clame, un chef d'oeuvre, la naissance d'un Godart du 21ème siècle, un coup de pied dans le cinéma français, le grand film de ce début d'année ? Malgré un ours d'or à Berlin ( mais la concurrence était-elle rude ? ) le troisième long-métrage de Nadav Lapid n'enthousiasmera pas les foules, mais trouvera une poignée d'aficionados tant le film semble fabriqué pour plaire à une frange bien précise de spectateurs : les intellos qui aiment couper les cheveux en quatre ( dans le sens de la longueur).
"Synonymes" se présente grosso modo comme un film d'apprentissage ; un jeune israélien fuyant son pays qu'il exècre arrive en France, à Paris, symbole de paix et de liberté. Evidemment, une fois sur place, la réalité s'avérera différente et les portes pas faciles à entrouvrir pour se faire une petite place. On suivra donc Yoav dans sa découverte d'une France qu'il essaiera de s'approprier par la langue dont il apprendra les mots en étudiant un dictionnaire mais qu'il explorera aussi avec son corps de façon plus symbolique.
Pendant deux heures, nous suivrons Yoav, silhouette ou nue ou enveloppée dans un grand manteau d'un jaune presque moutarde ( LA couleur tendance du moment ) qui donne au film une identité tout de suite repérable. Dans ce vêtement en beau lainage, se trouve le corps d'un acteur à la présence indéniable : Tom Mercier. A la fois fou, fort et fragile, il porte le film de bout en bout. Il n'a pas de mal parce qu'en face de lui le pauvre Quentin Dolmaire a le regard vide de ceux qui ne comprenne pas une seconde ce qu'ils disent et Louise Chevillotte joue les utilités. Mais ces deux acteurs sont là pour nous rappeler que nous sommes dans un cinéma de créateur, propre à faire bander toute la rédaction des Cahiers du Cinéma ( gagné ! ils sont atteints de priapisme pour au moins un mois) puisque révélés par Desplechin et Garrel ! Et c'est donc sous ce compagnonnage que Nadav Lapid va promener sa caméra, offrant des plans sublimes, d'autres ingénieux, d'autres joliment cadrés mais dont on se demande s'ils servent réellement un propos, parfois obscur ( les rapports avec des réseaux vaguement fascistes) , parfois surprenant, parfois abstrait.
Dans cette pochette surprise à la cinéphilie assumée, on trouve de tout, de la danse, des coups de mitraillettes, deux apparitions de Léa Drucker épatante, une reprise d'une chanson gagnante à l'eurovision, de la rancoeur, de la noirceur et un regard très gay sur les rapports masculins. Le réalisateur semble très intéressé par la plastique assez ébouriffante de son acteur, très souvent entièrement nu ( fascination pour son gros sexe et ses grosses fesses rebondies ? ). Mais ce qui semble plus étrange, sont tous les face-à-face avec un autre personnage masculin, filmés comme une scène d'amour alors qu'au final, il ne couche qu'avec Louise Chevillotte ( qui, elle, garde ses sous-vêtements pour faire l'amour). Interrogation sur la virilité ? Homosexualité refoulée ? On ne sait...
"Synonymes" est assurément une geste cinématographique originale, créative, mystérieuse, intéressante. Dans un contexte de formalisme intense, on peut comprendre qu'elle puisse apparaître comme un petit chef d'oeuvre surtout que sa conception un peu éclatée permet de multiples interprétations. Cependant, on peut s'y ennuyer, être arrêté par certains propos obscurs ou agacé par son petit côté poseur. Reste que le film possède de sérieux atouts pour laisser quelques jolies impressions sur la rétine du spectateur et ça ce n'est pas souvent au cinéma ! Rien que pour cela et pour son acteur principal, "Synonymes" mérite votre curiosité.
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