Apprécier un livre relève parfois d'une étrange alchimie. Bien sûr, les goûts profonds du lecteur vont l'amener vers un certain type d'ouvrages, mais le thème abordé, le style, les idées développées vont être parties intégrantes du plaisir éprouvé. Et puis, il y a deux facteurs plus ténus, difficilement conciliables pourtant, qui, étrangement quand ils arrivent à coïncider, peuvent être les vecteurs d'une jolie découverte : le hasard et le moment. C'est ce qui m'est arrivé avec ce roman d'Agnès Ledig que le hasard a mis sur ma route (merci à Laure Wachter).
Rien dans "Juste avant le bonheur" n'était fait pour m'attirer : un titre et une couverture un peu mièvres, une quatrième de couverture assez sirupeuse déclinant le thème passablement conte de fées, d'une jeune caissière, mère isolée, prise sous l'aile protectrice d'un cadre fortuné. Rien qui pouvait déclencher une irrésistible envie de lecture, tant cette historiette semblait flirtait avec le roman Harlequin. Et ce n'est pas la mention "coup de coeur des lectrices de femme actuelle" pour le précédent écrit de l'auteur qui allait émoustiller le bobo intello que je suis.
Et c'est là qu'intervient, en partie, le moment. Sortant de la lecture difficile et inintéressante du Joann Sfar et de la vision violente et artificiellement sophistiquée du film "Only god forgives", le calme et la tendresse du roman d'Agnès Ledig m'ont tout simplement fait oublier ces horreurs, me faisant passer un formidable moment.
Ce qui paraissait être une intrigue banale sur le registre de la bergère et du prince charmant (ici bien vieillissant), se révèle en fait le point de départ d'un récit bien moins linéaire et convenu qu'il n'y paraît. C'est avant tout un roman où tous les personnages sont bien réels, ancrés dans notre époque, avec leurs peines, leurs galères, leurs joies mais surtout leur tendresse. Car dans ce roman, avant de faire l'amour, on se fait, on se donne, de la tendresse, du bout des doigts, dans les bras, du regard, dans les mots. Elle suinte de partout mais sans jamais dégouliner, et ça fait du bien !
"Juste avant le bonheur" est un livre que l'on aime reprendre comme une cuillère de Nutella. Ce n'est pas de la grande littérature mais reconnaissons à Agnès Ledig le grand talent de savoir trousser une histoire simple sans grands rebondissements mais qui emballe le lecteur en alternant des dialogues vifs et piquants avec des moments sombres et émouvants. Toujours sur la corde raide, le récit ne bascule jamais dans la facilité, installant paisiblement une atmosphère mélancolique et douce (avec juste onze pages de trop, les dernières, mais ne boudons pas notre plaisir). Jouant dans la catégorie du"bon roman facile à lire", "Juste avant le bonheur" a la même grâce que "Les déferlantes" de Claudie Gallay ou que les premiers romans d'Anna Gavalda, voire ce petit côté tendresse légèrement acidulée que l'on trouve dans "la liste de mes envies" de Grégoire Delacourt. Je ne peux que lui souhaiter le même succès en librairie, en espérant que le prix des maisons de la presse 2013, qu'il vient d'obtenir, lui permettra de trouver de nombreux lecteurs. Il le mérite amplement!
En tout cas tu donnes envie de lire ce roman vers lequel moi non plus je ne me serais pas tournée spontanément :-) A retenir!
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