Ruth Ellis, l'héroïne de nouveau roman de Didier Decoin, a réellement existé. Elle a été pendue en juillet 1955 et son histoire a inspiré moultes livres ou films. Sa trajectoire est digne des biographies bien pensantes, de celles qui savent argumenter sans regarder sur les côtés, toutes à leur démonstration exemplaire ( inceste = prostitution = crime= peine de mort ). Après une enfance et une adolescence marquée par une relation incestueuse avec son père, elle deviendra après guerre, une sorte de demi mondaine, entraîneuse dans des clubs huppés où se mêleront prostitution et alcool. De mauvaise rencontre en mauvaise rencontre, elle finira par abattre son dernier amant en pleine rue et arrivera sur l'échafaud après un procès un peu tronqué.
Seulement le sort de cette jeune femme à la blondeur péroxydée émouvra l'opinion anglaise et sera le départ d'une vraie prise de conscience sur l'utilité de la peine de mort. C'est ce destin que l'auteur, membre du jury Goncourt, entend nous retracer. Mais en homme de lettres talentueux, il va relier son histoire avec celle de son exécuteur qui lui passera la corde au cou : Albert Pierrepoint.
Si les vies de ces deux personnages n'ont pas la même intensité romanesque, le livre lui l'est totalement. A Ruth les aventures, certes assez sordides, à Albert, les sentiments et la psychologie. Quand la jeune entraîneuse se débat dans la vie entre des amants violents et des hommes lubriques et/ou louches, Albert, lui, malgré la précision méticuleuse et professionnelle qu'il apporte à ses exécutions, sera petit à petit envahi par le doute et l'horreur de son métier. Si l'univers de Ruth est en apparence lumineux comme sa chevelure platine, gai comme une soirée bien arrosée dans un lupanar de luxe, brillant comme les strass qui rehaussent son décolleté, celui d'Albert est gris et froid. Gris comme sa vie de tenancier de pubs sombres et froid comme peuvent l'être ses nombreuses matinées à apporter un soin extrême à ôter le dernier souffle aux criminels qui lui sont confiés.
En très bon artisan du roman, Didier Decoin, nous passionne tout en nous faisant revivre le Londres de l'après-guerre avec brio et minutie. En nous conduisant dans les couloirs de la mort, nous partageons les destins assez exemplaires de ces deux êtres de chair et de sang avec comme point central de la réflexion : la peine de mort. Livre à la fois historique, totalement romanesque mais aussi profondément humaniste, "La pendue de Londres" est l'alliance réussie entre intelligence et plaisir de la lecture. De la belle ouvrage en somme...
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