dimanche 24 août 2014

L'audience d'Oriane Jeancourt Galignani


Un petit tour aux Etats Unis ça vous direz ? Et si on allait au Texas ? L'un des états les plus conservateurs, où le protestantisme évangélique veille sur la moralité de ses ouailles comme un taliban sur la virginité de sa fille. Un état qui a des velléités pour abolir le droit à l'avortement mais qui, tradition de cow boy oblige, adore l'auto défense en engrangeant un arsenal dans chaque maison. La promenade dans cet état au passé flamboyant ( meurtre de Kennedy à Dallas, un massacre à l'université d'Austin, ....) ne sera pas pourtant des plus bucolique. On vous enfermera dans un tribunal, genre hangar en tôle chauffé à blanc par un soleil d'été particulièrement ardent, et ce durant les trois jours d'un procès. Toutes les télévisions du coin sont là pour assister à ce qui pourrait être le crime de l'année. Crime, c'est vite dit, il n'y a pas de victimes. Deborah Aunus, petite trentaine est professeur de mathématiques dans le lycée d'une petite ville coincée entre deux bretelles d'autoroute, loin de tout, près de rien. Elle est jugée pour avoir eu des rapports sexuels avec des jeunes hommes de 19 ans, majeurs donc et consentants. Le hic, c'est qu'ils sont ses élèves !
"L'audience", roman basé sur une histoire vraie, est une infernale descente aux enfers, de ceux qui existent dans ce pays pourtant hautement civilisé en apparence. Cette femme verra sa vie, ses désirs, sa sexualité, déballés sans l'ombre d'une pudeur qui pourtant semble être le minimum demandé aux habitants de cet état. Au nom d'une moralité pudibonde, empreinte de religiosité dégoulinante, le procès se révélera quasi inique. Dans un pays où l'industrie porno est florissante ( mais l'argent est roi et permet ainsi d'acquérir l'absolution), on se permet de juger l'intimité d'une femme et sa liberté sexuelle qui en fait ne dérange personne. Parce que sous couvert du procès d'une professeure, de sa supposée immoralité, c'est toute une société corrompue de partout, en proie à des tourments intérieurs de toutes natures qui se sert d'elle pour camoufler toutes les vilaines choses inavouables que pourtant elle génère.
Oriane Jeancourt Galignani dresse un portrait sans concession d'une Amérique qui ne fait plus du tout rêver. Crûment, en ne négligeant aucun détail, presque à la manière d'une entomologiste, elle dépeint chaque personnage de ce procès avec une acuité réjouissante, évidemment dérangeante. Les enjeux de chacun sont parfaitement mis à jour, donnant au roman un côté polar haletant très réussi.
J'ai tourné les pages avec ferveur, fureur, été happé par l'histoire, l'écriture, précise et caustique,  eu aussi chaud que les protagonistes, grincé des dents, me suis énervé... J'étais dans le procès, dans la vie de Déborah, même si celle-ci n'est pas énormément sympathique ni toujours bien responsable. Bref, j'ai eu un formidable moment de lecture, un de ceux qui vous passionne et qui vous restera sûrement en mémoire, pas de la grande littérature mais assurément un excellent roman au projet bien mené et bien écrit. 

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