Si j'étais un snob, intello, de peur de passer à côté d'un chef d'oeuvre qui a demandé de la part d'un grand cinéaste au moins cinq ans de tournage, je m'extasierais sans limite. Même si durant la projection, j'avais mâché force chewing-gum à la menthe extra-forte pour lutter contre le sommeil, je prendrais un ou deux concepts parmi les nombreux qui ne peuvent que traîner dans "The assassin", je tirerais dessus et cela donnerait à peu près ceci :
Totalement sidéré par la beauté plastique du film, cette plongée dans une histoire aux accents shakespeariens, troublante et magnifique sur la dualité intérieure d'êtres englués dans des pouvoirs insupportables, est un ravissement de tous les instants. Cette métaphore politique et cinématographique dont l'insoumission est le thème majeur allie autant esthétique que profondeur, Insoumission au commanditaire de la belle Nie Yin Niang ( l'assassin en noir) dont les élans du coeur l'emportent sur la violence, insoumission du metteur en scène qui subvertit le genre du film de sabre en le transformant en opéra visuel dont les enjeux véritables se situent toujours avant ou après ces combats, insoumission également de cette production toute métaphorique qui pointe du doigt l'emprise de la Chine sur Taïwan, et tout cela porté par une lumière sublime, des cadrages à couper le souffle et un sens du détail qui arrive à rendre un seul battement de cil aussi violent qu'un coup de couteau. Un chef d'oeuvre absolu, injustement boudé lors du dernier festival de Cannes (même s'il a obtenu un lot de consolation, le prix de la mise en scène).
Je ne suis pas snob et j'en ai rien à faire de passer pour un piètre spectateur, mais qu'est-ce que je me suis rasé lors de la projection de ce film ! (Je ne devais pas être le seul, nous partîmes 10 dans la salle, nous restâmes 4 !). Il est certain que l'on en prend plein les yeux tellement les plans sont sublimes, seulement le propos est tellement obscur, qu'il finit par rendre tous ces paysages de vallées montagneuses embrumées mais caressées par un soleil levant ou couchant, tous ces palais filmés au travers de tentures de fine soie frémissantes complètement irritants. C'est beau mais comme on ne comprend rien, entre cette femme habillée en noir, formée au combat et chargée de trucider je ne sais qui, enfin si, un gouverneur, et ces autres femmes en blanc ou masques dorés, qui se déplacent comme des automates, figées par des costumes empesés, et aux visages inexpressifs ( sauf si une légère ouverture de leur bouche carmin vous paraît être un summum d'action) . Les dialogues minimaux ne nous éclairent guère. L'action pas plus, scènes assez statiques dont on ne sait jamais où ça se passe, ni d'ailleurs l'intérêt que l'on à voir un enfant jouer de la balle, des chèvres mastiquer ou des cavaliers passer, ni pourquoi, soudain, la femme en noir se met à tournoyer durant quelques secondes pour une espèce de combat qui s'interrompt sans raison véritable.
Hou Hsiao Hsien est un grand metteur en scène qui doit imaginer longuement ses plans d'une beauté foudroyante mais ce n'est assurément pas un grand conteur, préférant sans doute l'obscurité d'un propos, réservé à quelques initiés ou adeptes du taoisme, que la limpidité d'une intrigue. On me dira que justement cette opacité est la porte ouverte aux sensations, aux interprétations, mais encore aurait-il fallu que cette mise en image magnifique soit portée par quelque chose où le spectateur puisse se raccrocher. Ici, je n'y ai vu que la suffisance d'un cinéma finalement ampoulé, trop nombriliste pour penser aux autres ( ou peut être aux spectateurs non asiatiques).
J'ai adoré ce film. D'abord l'histoire est plutôt simple et je ne comprends pas ceux qui disent qu'elle n'est pas compréhensible. Mais elle n'est pas essentielle. Je m'ennuie devant les films d'action (combien de courses poursuite ou de combats ai-je vu dans ma vie : des milliers?) et par contre je suis de plus en plus sensible à la beauté pour elle même. Ici j'ai été servi. J'ai été sidéré par la beauté de ce film. Je ne suis pas snob, je suis sincère. Mais certes personne n'est obligé de me croire. Disons que j'ai pris mon pied à voir un enfant jouer avec un papillon, un envol d'oiseaux au bord d'un lac à l'aube, les voiles du palais soulevés par le vent, etc. Je ne comprends pas pourquoi ça serait intello, prétentieux, élitiste d'être ému par la beauté pour elle même. Au contraire cette approche est la plus accessible qui soit. On ne ferait jamais ce reproche à un morceau musical alors que la musique n'a jamais rien raconté et qu'elle se suffit à elle-même.
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