dimanche 18 septembre 2016

Toril de Laurent Teyssier


C'est quoi le sud de la France si on s'en réfère au premier long-métrage de Laurent Teyssier ? C'est tout d'abord, Camargue oblige, des taureaux dans une arène qu'une certaine jeunesse va défier ou que de gros dealers utiliseront pour marquer de façon définitive leur territoire en éliminant quelques collègues de boulot mal intentionnés.
Le sud, c'est aussi des maraîchers dans la dèche qui voient leurs exploitations péricliter, ici à cause du gel mais très certainement par la très forte concurrence espagnole. Et qui dit dèche, dit débrouille. Pour les enfants de Jean-Jacques, c'est ne pas embrasser la profession du père. L'un ouvre un restaurant un peu trop haut de gamme et le deuxième, Philippe, vivote avec son petit trafic de cannabis. Mais quand le père, les huissiers à sa porte, se tire une balle dans la tête, heureusement déviée vers l'épaule, la situation s'assombrit. Pour lui venir en aide, Philippe va monter en gamme au niveau deal et va s'acoquiner avec un gros trafiquant de shit. Mais les codes de ce marché parallèle interdisent toute tendresse. Les couchers de soleil  au-dessus des marais salants, somptueux comme sur une carte postale d'Aigues-Mortes, n'inspirent pas à la poésie chez les bras armés du secteur, pensant plutôt à étaler du sang, histoire de s'assortir au décor.
Le sud dans "Toril" fait l'impasse sur les oliviers, les jolies plages et les cagoles pour foncer dans un cinéma de genre, le thriller, reprenant au passage quelques codes du western et mâtiné d'une chronique sociale. Assez court, il marie bien les deux genres même si l'aspect familial qui semble receler quelques vieilles histoires n'est pas tout à fait exploité. Le film, constamment sous tension, en partie dû à un filmage très serré de Vincent Rottiers au jeu très intérieur et intense, est prenant malgré quelques ralentis un peu cheap, lui donnant  un côté eighties inutile.
Le sud mis en images par Laurent Teyssier n'a rien d'aimable. Sous les coups de mistral, les hommes peinent, se débattent. La misère n'est guère plus belle sous le soleil ici bien voilé par des nuages nauséeux. En le voyant, j'ai repensé aux rencontres photographiques d'Arles qui, cet été, honoraient le western camarguais. Pile dans la thématique mais sorti trop tard, "Toril" aurait dynamité cette exposition dont le point d'orgue était l'inénarrable "D'où viens-tu Johnny ? ".Si vous avez une vague idée de cette bluette d'un autre âge, dites-vous que, même pas complètement réussi, le film de Laurent Teyssier sera à vos yeux un chef d'oeuvre et que, du coup, il rend un sacré bel hommage au sud de la France et à la Camargue en particulier.


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