La couverture de ce best-seller en terre flamande donne le ton. Oui, le lecteur va être bousculé ! Notons que déjà, en librairie, j'ai entendu fuser des remarques du genre : " Quelle horreur cette petite fille qui fume, c'est un scandale, on ne devrait pas l'exposer ainsi !!! " ( en plus habillée façon Cyrillus!). Donc, en 2018, alors que des enfants font leur éducation sexuelle dès 8 ans sur Youporn et sont les victimes de l'hystérie libérale parentale qui les jette dans des officines éducatives mercantiles misant sur l'entre soi ( bénissons Ste Montessori et louons les sournoises écoles privées), on fait les gorges chaudes devant une photo, certes loin d'être innocente, car exprimant cette errance bien contemporaine face à ces chérubins à qui on transfère nos angoisses.
Les trois héros sont loin de fréquenter une école élitiste, se contentant de celle de leur village des Flandres. Eva, Pim et Laurens sont devenus inséparables car les seuls représentants d'une classe d'âge. Ils passent donc toute leur scolarité ensemble jusqu'à l'entrée au lycée et malgré leurs différences sociales, restent très soudés. Eva, fille d'un employé de banque suicidaire et d'une mère avalant autant de psychotropes que d'alcool, pourvue d'une soeur bourrée de T.O.C., traîne une image de pauvresse dans une commune où tout le monde s'épie. Pim, est fils d'agriculteur et a perdu accidentellement un frère. Laurens, fils d'un couple de bouchers/charcutiers, jouit d'une vie meilleure mais se révélera à l'entrée de l'adolescence un poil perturbé. Lors d'un été commun, entre ennui et montée de sève, ils vivront des moments qui devraient leur laisser des traces indélébiles. Nous retrouverons Eva, unique fille du trio, personnage principal de cette histoire, lors d'un retour dans ce village une bonne décennie plus tard...
Aucune amabilité dans ce roman qui cultive une verve hyperréaliste en égrenant un ( long) chapelet de souvenirs très naturalistes, formidablement bien écrits, respirant presque le vécu. Rien ne nous est épargné, du traitement anti poux à la mayonnaise jusqu'à la masturbation forcée avec des outils de jardinage. Cependant, malgré un montage alternant la journée d'Eva revenant dans son village et ce lourd passé, la sauce a du mal à prendre. Même si l'on sent que derrière toutes ces anecdotes vraiment noires s'en cachent d'autres, encore pires, leur accumulation sur trois cents pages n'apporte pas vraiment une réelle tension ni un supplément d'âme à cette sordide histoire. Il faudra attendre les 100 dernières pages pour que le rideau ...obscurcisse encore plus les âmes et nous prenne aux tripes....Mais là...quel final !
Roman des troubles adolescents, flingage en règle de la douce enfance, récit de la déshumanisation d'une société repliée sur elle-même, portrait également du rejet social, " Débâcle" porte bien son nom et plongera le lecteur dans une noirceur absolue... bien plus encore que cette couverture goguenarde veut bien le laisser penser. Oui, les âmes sensibles qui aiment le parfum des roses et les belles amours pourront éviter ce chemin ou alors chausseront de grandes bottes pour patauger dans le purin.
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